Point de victoire, – point de témoignage

 ME 1872 page 468

 

Combien d'hommes qui admirent et qui recherchent la gloire et la distinction, et qui ne veulent pas commencer par le premier pas, et faire leur chemin patiemment, jusqu'à ce qu'ils atteignent le but.

L'honneur de la position les occupe, non pas ce qu'il faut pour être propre à l'occuper. Les fils de Zébédée désiraient vivement être assis l'un à la droite et l'autre à la gauche du Seigneur dans la gloire; ils voyaient l'honneur d'une telle position, et le Seigneur ne les décourage pas mais il leur dit: «Pouvez-vous boire la coupe que moi je bois, ou être baptisés du baptême dont moi je serai baptisé»? — c'est-à-dire: Pouvez-vous, voulez-vous marcher dans le chemin, et endurer les souffrances qui vous qualifieront pour une telle position?

Tout homme, par lui-même, est une partie du système de ce monde; et par conséquent s'il veut exercer une influence sur quelqu'un ou être supérieur à ce monde, il ne peut le faire véritablement que s'il a lui-même subi une influence, et s'il est lui-même supérieur à ce monde. L'étendue et la mesure de l'influence qu'il a subie lui-même, sont la vraie mesure et la puissance de l'effet qu'il peut produire sur d'autres. Si nous nous souvenons de l'éloignement de Dieu dans lequel est plongé le coeur naturel de l'homme, et si nous n'oublions pas qu'il n'y a aucune réconciliation si ce n'est par la croix, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître que nul ne peut être un témoin pour Dieu que pour autant qu'il est devenu maître, en lui-même, de l'inimitié qu'il reprend dans les autres. Il faut qu'il apprenne la puissance de la croix dans sa propre personne, avant de la proclamer et d'insister sur elle auprès d'autrui. Comment pourrait-il savoir ce sur quoi il doit insister ou ce qui fait la valeur ou l'importance de ce dont il parle, à moins qu'il n'en ait éprouvé la puissance en lui-même. Le service d'un chrétien n'est efficace que selon la nature de la discipline par laquelle Dieu l'a fait passer. J'admets parfaitement que la parole de Dieu a été bénie pour des âmes, alors même qu'elle était présentée par des hommes qui n'étaient pas des témoins, ni en aucune manière des modèles de la parole qu'ils annonçaient. Dieu est souverain dans la manière dont il emploie sa parole. Ceux qui sont bénis par de tels instruments, quoiqu'ils aient la vie, sont comme des orphelins qui n'ont personne pour les nourrir et les conduire. Mais le vrai serviteur est un représentant vivant, et un témoin de la vérité qu'il énonce; et pour qu'il soit cela, il faut qu'il ait d'abord été formé par cette vérité. Il montre ce que la vérité qu'il prêche ferait ou produirait dans un homme, et c'est là être un témoin; et pour être ainsi témoin, il faut qu'un homme ait d'abord surmonté l'action de la volonté en lui-même et qu'il puisse présenter aussi dans sa propre personne un exemple de la vérité qu'il proclame. Les oiseaux engagent, encouragent, et instruisent leurs petits à voler, en leur montrant comment ils volent eux-mêmes. Rien n'est plus fâcheux pour le témoignage, que la présentation de vérités qui sont restées sans effet sur celui qui les annonce. Dans les choses les plus ordinaires, il serait bien difficile de persuader à un homme qu'une certaine chose que j'ai en ma possession produirait un effet particulier sur lui et sur tout homme qui la posséderait, alors qu'il serait évident qu'elle n'a pas produit cet effet sur moi-même, il en est de même quand il s'agit de la grâce de Dieu. Et comment pourrai-je avec une bonne conscience insister sur une vérité, et la développer auprès d'autres personnes, quand elle serait restée sans effet sur moi-même? Ce n'est pas tout d'avoir lu quels sont les effets d'une vérité; si je n'ai pas connu les effets de cette vérité moi-même, je ne puis insister sur elle auprès des autres sans blesser et corrompre ma propre conscience, ou bien par la manière dont je la présenterai, je ne produirai rien de mieux que ce que je suis moi-même.

«J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé», c'est le seul vrai principe de témoignage. Quand j'ai éprouvé moi-même l'effet d'une vérité, je me sens poussé à en parler à d'autres et à insister sur elle auprès d'eux. Tout serviteur de Dieu commence par souffrir en lui-même avant qu'il soit témoin ou conducteur.

Moïse ne renonça pas seulement à la plus haute position et aux gloires de l'Egypte, mais il fut mis à l'épreuve dans le désert quant à la réalité de son renoncement, et passa par la discipline, quarante ans, avant d'être appelé à conduire les enfants d'Israël hors d'Egypte. Il avait rompu avec les délices de l'Egypte et avait séjourné dans un pays étranger; il avait enduré les souffrances et les fatigues du désert; et il était ainsi qualifié pour conduire le peuple hors d'Egypte et à travers le désert. Personne ne pouvait l'accuser de ne pas connaître ou de ne pas pratiquer les choses qu'il annonçait et sur lesquelles il insistait.

Josué rapporte les grappes d'Escol et souffre quarante ans au désert, avant qu'il introduise le peuple dans le pays. Il n'appela pas Israël à suivre un chemin qu'il ne connût pas lui-même. Le désert n'avait pas affaibli dans son âme le sentiment des richesses de Canaan; l'épreuve ne fit que manifester la réalité de sa foi; car le sentiment qui, malgré une épreuve prolongée et tout ce qui est fait pour décourager, tient ferme ce qui l'a produit, a réellement pris possession du coeur.

Moïse mène le peuple hors d'Egypte; Josué l'introduit dans le pays. Chacun de ces serviteurs avait été préparé par Dieu, dans les circonstances personnelles qu'il avait dû traverser, pour le service et le témoignage dont il s'acquitta. Chacun d'eux fut en lui-même le modèle et l'exemple de ce à quoi il appelait les autres, — le chef de file des autres.

David, après qu'il eut été oint roi, endure toutes sortes de souffrances; il est serré de toutes parts, «poursuivi comme une perdrix sur les montagnes»; et il monte sur le trône, ayant connu toutes les épreuves des faibles et des misérables.

Pierre apprend d'abord le néant de toutes choses dans la présence de Dieu (Luc 5) et, ensuite, sa faiblesse en présence de la puissance de l'homme (Luc 22), avant qu'il soit propre pour fortifier ses frères. Paul peut dire: «Soyez mes imitateurs». Rien de ce qu'il enseignait ne pouvait tracer aux autres plus clairement leur chemin que ce qu'ils pouvaient voir en lui. Il était à la fois Moïse et Josué, — si séparé et affranchi de la puissance du monde, et si rempli de la gloire de Christ, qu'il pouvait appeler les saints à regarder à lui comme à un exemple de la vérité qu'il proclamait: «Jusqu'à cette heure, nous souffrons et la faim et la soif, et nous sommes nus, et nous sommes sans demeure fixe, et nous prenons de la peine, travaillant de nos propres mains; injuriés, nous bénissons; persécutés, nous supportons; calomniés, nous supplions; nous sommes devenus comme les balayures du monde, et le rebut de tous, jusqu'à maintenant» (1 Corinthiens 4: 11-13).

Mais outre cela, si je n'ai pas soumis ou surmonté la chair en moi-même, je ne peux pas être supérieur à elle quand je suis en rapport avec les autres; et encore ici, il faut que je sois vainqueur avant de pouvoir être témoin. La chair, le principe mauvais de propre volonté, m'entoure de toutes parts; s'il n'est pas vaincu en moi-même, je ne puis combattre contre lui au dehors: je trouverais en moi-même ce qui tournerait contre moi, et coopérerait avec ceux auxquels je cherche à tenir tête et que je veux combattre. Je ne puis pas combattre contre les Cananéens, et en même temps être uni ou associé à eux. C'est là la vraie cause du manque de courage de tant de chrétiens à confesser Christ, aussi bien que du faible et chétif témoignage que nous rendons tous. Si un homme a été rendu capable de couper sa main droite, ou d'arracher son oeil droit, quand l'un ou l'autre était pour lui une occasion de chute ou une entrave, il est évident qu'il possède une nouvelle puissance, ou un nouveau principe d'existence: autrement, comme un royaume divisé contre lui-même, il ne pourra pas résister. La grande preuve qu'Israël serait capable de vaincre toutes les sept nations, c'est qu'il avait passé le Jourdain à la suite de l'arche: «Vous reconnaîtrez à ceci que le Dieu vivant est au milieu de vous, et qu'il chassera certainement de devant vous les Cananéens, les Héthiens, les Héviens, les Phérésiens, les Guirgasiens, les Amorrhéens et les Jébusiens», les sept nations tout entières (Josué 3: 10). Si j'ai appris quelle est la puissance de Dieu en moi-même, et pour moi-même, comme un homme mort dans ses fautes et ses péchés (Ephésiens 2), alors je puis user de cette puissance contre Satan et contre ses instruments (Ephésiens 6).

Il faut que j'aie souffert dans la chair (voyez 1 Pierre 4), — c'est là une chose personnelle, — avant que je puisse souffrir l'opprobre pour le nom de Christ. Il faut que je sois comme Christ, avant que je puisse souffrir pour lui; il faut que j'aie rompu avec le monde avant que je puisse être un témoin de Christ dans le monde.

Les captifs fidèles à Babylone refusèrent de manger de la viande du roi, et de boire du vin du roi; et ainsi, quand le moment vint, ils étaient préparés à endurer le feu du roi. Si je ne sais pas renier en moi-même les choses du monde qui flattent ma chair, je ne saurai pas endurer la persécution du monde. Si par l'Esprit je ne mortifie pas mes membres (Colossiens 3: 5), quand l'affliction ou la persécution s'élèveront à cause de la Parole, je serai aussitôt scandalisé. Je ne rendrai pas de témoignage, parce qu'il n'y a point de racine, pas de conscience de la puissance de Dieu surmontant les désirs de la chair et de l'esprit. Un soldat n'aura rien sur quoi il puisse s'appuyer en présence de l'ennemi s'il n'a pas été formé personnellement à l'école de la discipline; il faut qu'il ait passé lui-même par les fatigues et la peine de l'exercice journalier, pour qu'il ne soit pas maladroit, embarrassé et finalement battu quand il sera chargé par l'ennemi. Si on n'a pas appris à l'école de Dieu les ressources de la grâce, comment en serait-on le témoin en présence de l'ennemi et au milieu des difficultés. — La Sagesse dit: «Range ton ouvrage dehors et l'apporte au champ qui est à toi (c'est à dire en particulier); et puis bâtis ta maison (c'est à dire ce qui est visible à chacun)» (Proverbes 24: 27).