Contrains-les d'entrer

ME 1873 page 201 Lisez Luc 14: 15-24

 

On peut comparer la grâce de Dieu à un fleuve qui descend des montagnes et qui poursuit sa course en dépit des nombreux obstacles qu'il rencontre. La force du courant manifeste l'abondance et la richesse de la source. Le fleuve a de nombreux obstacles à surmonter; mais étant nourri, il acquiert de la force à mesure qu'il avance, et il laisse derrière lui ou surmonte tout obstacle, pour se répandre partout en rafraîchissant les contrées qu'il baigne, jusqu'à ce qu'il atteigne le lieu de rencontre d'autres fleuves semblables.

Le croyant regardant à Dieu Son Père, peut dire: «Toutes mes sources sont en toi». Le fleuve de grâce vivifiante qui a atteint son âme, descend du coeur même de Dieu, car «Dieu est amour»; et «là où le péché abondait, la grâce a surabondé» (1 Jean 4; Romains 5). De cette source éternelle, le fleuve de la grâce, qui apporte le salut, n'a pas cessé de couler à travers un monde de péché, de misère, depuis que l'homme éloigné de Dieu et perdu l'y fit descendre. La grâce était toujours là; le sang versé d'une victime innocente lui ouvrit le passage, pour qu'il pût couler justement: «afin que comme le péché a régné par la mort, la grâce aussi régnât par la justice pour la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur» (Romains 5: 21). L'oeil de la foi verra toujours la pure grâce de Dieu intimement associée au sang de Jésus.

Mais quelle opposition la grâce n'a-t-elle pas rencontrée de toutes parts! Combien souvent pour un moment son cours a-t-il été interrompu et violemment détourné dans un autre canal! La nature de la grâce de Dieu est absolument contraire à l'égoïsme de l'homme. L'homme s'irrite contre Dieu et hait son frère, parce que les faveurs les plus glorieuses du ciel sont prodiguées au plus indigne des fils des hommes. Ainsi Cam fut irrité et tua Abel, et le frère aîné dans l'histoire du prodigue fut irrité et ne voulut pas entrer dans la maison où la grâce régnait (Genèse 4; Luc 15). Il en a toujours été de même. Naturellement, l'homme n'aime pas cette grâce; il en médit, il cherche à la détourner et à s'en débarrasser comme Israël à Sinaï, ou bien, n'y réussissant pas, il cherche à corrompre la pureté du fleuve céleste en la mêlant avec ses propres sentiments et ses propres oeuvres. Dans tous les âges de ce monde, la grâce a rencontré de la part de tout coeur d'homme une opposition décidée; mais telle est la profondeur, la richesse et la force de l'amour de Dieu que rien ne peut en arrêter le cours. La source ne tarit jamais, et la grâce, la libre grâce, se répand en dépit de tout à travers le désert de ce monde, jusqu'à ce qu'elle ait visité, rafraîchi et béni les nations les plus éloignées.

Ces pensées m'ont été suggérées par les versets 15 à 24 du chapitre 14 de l'évangile de Luc, dans lesquels le Seigneur nous montre la grâce de Dieu qui se répand dans le monde, et la source d'où elle jaillit. En réponse à l'homme qui disait, pendant qu'il était à table avec Lui: «Bienheureux celui qui mangera du pain dans le royaume de Dieu», le Seigneur déclare immédiatement que le souper était tout prêt, que la grâce avait tout fourni et tout préparé, et que Dieu invitait l'homme à venir et à manger de ce pain du ciel. Et il lui dit: «Un homme fit un grand souper et y convia beaucoup de gens; et à l'heure du souper, il envoya son esclave dire aux conviés: Venez, car déjà tout est prêt». Ils avaient été conviés précédemment, mais maintenant Dieu les sollicite à entrer, car c'était «l'heure du souper», et déjà tout était prêt. Mais, hélas, «ils commencèrent tous unanimement à s'excuser. Nul d'entre eux ne dit expressément: «Je ne veux pas venir»; mais tous ils avançaient toutes sortes d'excuses. N'est-ce pas ainsi, encore maintenant que plusieurs reçoivent les invitations de la riche et libre grâce de Dieu? Peu de gens disent ouvertement: je ne veux rien avoir à faire avec Christ, ni avec son salut; mais combien qui les négligent et les méprisent l'un et l'autre pour les plaisirs ou les vanités de ce monde, pour la satisfaction d'eux-mêmes, pour des choses de néant! Depuis le commencement, Dieu avait agi en grâce dans ce monde et il avait sauvé ceux qui recevaient sa parole; mais la pleine révélation de sa grâce fut réservée jusqu'à la venue de Christ. Lui «habita au milieu de nous… plein de grâce et de vérité»; «la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ» (Jean 1: 16, 17). «Dieu était en Christ réconciliant le monde avec lui-même, ne leur imputant pas leurs fautes» (2 Corinthiens 5: 19). La grâce était venue et régnait. Nul n'était impropre ou dédaigné à cause de ses péchés; tout était grâce dans l'invitation, pure grâce, la grâce qui ne fait pas de reproches et qui, dans sa richesse, pardonnait au premier des pécheurs! L'homme que, selon le récit de Matthieu (chapitre 22), le roi fit jeter dehors, fut condamné non à cause de ce qu'il avait fait, mais à cause de ce qu'il avait refusé. La grâce avait tout préparé; mais l'homme méprisa la robe qui convenait à la fête, il rejeta la libre grâce de Dieu en Christ. «Et le roi étant entré pour voir ceux qui étaient à table, aperçut un homme qui n'était pas vêtu d'une robe de noces; et il lui dit: Ami, comment es-tu entré ici sans avoir une robe de noces? Et il eut la bouche fermée. Alors le roi dit aux serviteurs: Liez-le, pieds et mains, emportez-le, et jetez-le dans les ténèbres de dehors: là seront les pleurs et les grincements de dents».

L'Ecriture ici, remarquez-le, ne dit pas un mot de ce que nous pourrions appeler les péchés de cet homme en général; elle dit simplement qu'il était venu là sans être vêtu d'une robe de noces; ayant refusé la grâce de Dieu qui seule pouvait satisfaire à ses besoins, tous ses autres péchés de coeur ou de vie demeuraient et descendaient avec lui dans les ténèbres de dehors. Quelle chose solennelle! Le souvenir du motif de la condamnation devient un tourment dévorant dans les profondeurs de la misère éternelle.

Christ seul est le salut du pécheur. Lui seul répond à tous nos besoins. «Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils». Il faut donc nécessairement que nous recevions le Fils, autrement nous ne pourrions jamais recevoir la vie éternelle, car cette vie est en Lui. La seule question qui s'élève est donc celle-ci: Ai-je reçu le Fils comme ma vie éternelle, comme mon tout éternel? Quand nous recevons Christ par la foi, nous recevons toutes choses, la vie, la justice, le pardon, la paix, la faveur divine. Nous avons tout en lui. «Celui qui a le Fils, a la vie; celui qui n'a pas le Fils, n'a pas la vie» (1 Jean 5: 10, 11). Avant que nous recevions Christ, nous n'avons rien, rien que nos péchés et leur responsabilité rien que le poids terrible de péchés non pardonnés. Comment donc quelqu'un refuserait-il d'être sauvé, d'être revêtu de la robe de noces, paré d'un anneau au doigt, et rendu heureux pour toujours dans la faveur du roi? Pauvre pécheur, viens donc! Pauvre, misérable pécheur sans Christ, sans grâce, sans maison paternelle, viens! Ton Dieu t'appelle, le Sauveur t'invite, le Saint Esprit te sollicite, «car déjà tout est prêt». La maison du Père, une robe de noces, une fête, l'attendent. Pourquoi ne viendrais-tu pas? Pourquoi ne viendrais-tu pas aujourd'hui, maintenant? Rappelle-toi, rappelle-toi qu'avant longtemps, tu seras ou bien dans la salle des noces du Roi, ou bien dans le puits ténébreux, profond, de l'éternel désespoir.

Le Seigneur, dans la parabole qui nous occupe, fait allusion à trois classes de personnes, en rapport avec le fleuve de la grâce.

1.  Jésus parle d'abord de ceux qui étaient occupés de leurs propres intérêts terrestres et qui avaient peu de goût pour une fête céleste. Un champ, quelques couples de boeufs, une femme étaient plus pour eux que les richesses que la grâce avait préparées. Ces choses, quoique bonnes et légitimes en elles-mêmes, remplissaient leurs coeurs de manière à leur faire mépriser les choses célestes, et ainsi démontraient leur perdition éternelle. Le roi, à la fin, déclare de la manière la plus solennelle qu'aucun d'eux, «aucun de ces hommes qui ont été conviés, ne goûtera de mon souper». Ils ne furent pas condamnés, remarquez-le bien, pour avoir possédé ces choses ou s'en être occupés, mais parce que leurs coeurs étaient satisfaits de ces choses, ne se souciaient pas des richesses que la grâce avait préparées, et ainsi refusaient l'invitation au «grand souper». Mais la grâce, si elle est méprisée par ceux-ci, se répand sur d'autres.

2.  La seconde classe que le Seigneur convia, ce sont les pauvres et les estropiés dans les rues et dans les ruelles de la ville, des gens bien faits pour apprécier la bonté de la part des autres. Quand nous avons été amenés à voir et à sentir notre misère et notre complète incapacité, telles qu'elles sont placées ici en figure devant nous, la bonté qui offre de satisfaire à tous nos besoins, sera la bienvenue et sera appréciée par nous.

Mais quel tableau le Seigneur nous trace ici de l'état spirituel de l'homme, pauvre, estropié, boiteux, aveugle! Misérable, et sans mains pour travailler ou sans pieds pour marcher ou sans yeux pour voir! Quelle condition! Qu'est-ce qui peut répondre à un pareil état de choses, sinon la pure grâce de Dieu dans l'Evangile de son Fils? Ce n'est pas tout d'ouvrir un lieu de prédication dans un endroit ou dans un autre et de faire savoir que l'évangile sera prêché: Si la grâce agit, elle fera bien plus, car elle connaît les profonds besoins des âmes. Elle parcourt les environs, elle s'en va dans les rues et les ruelles de la ville afin de découvrir ceux qui sont spirituellement privés de tout; elle les invite et les supplie instamment, afin qu'ils viennent d'abord, peut-être, là où l'évangile est prêché, mais avec l'unique but de les voir venir à Christ, afin que bientôt ils remplissent la maison du Seigneur et demeurent avec Lui pour toujours.

«Va-t'en promptement dans les rues et dans les ruelles de la ville», — tel est le commandement pressant du Seigneur.

3.  La troisième classe est dispersée au loin; il faut la chercher dans les chemins et le long des haies. Les nations, les gentils, comparés avec la ville de Jérusalem, ce centre terrestre de toutes les voies de Dieu, sont les lieux éloignés de la terre. Mais la grâce coule, montant et croissant manifestement en énergie et en puissance, quoiqu'elle aie tout le vaste monde devant elle, et en dépit de toutes les oppositions qu'elle a rencontrés à chaque pas. Sa source est dans ce que Dieu est en lui-même.

Deux choses semblent caractériser la scène du travail de l'évangile avant que la salle des noces soit remplie et que la porte soit fermée.

1°  La longue patience du Seigneur et sa patiente persévérance dans l'activité de sa grâce. — A la première classe, il envoya son esclave, à l'heure du souper, afin de dire à ceux qui étaient conviés: «Venez, car déjà tout est prêt». A la seconde classe, il dit: «Va-t'en promptement et amène ici les pauvres». Mais, à la troisième classe, il dit: «Va dans les chemins… et contrains-les d'entrer».

2°  L'énergie du serviteur, car il a saisi l'esprit de son maître. Il peut revenir de sa tournée de prédication et dire: «Maître, il a été fait ainsi que tu as commandé, et il y a encore de la place», aussi libre et disposé que jamais de s'en aller de nouveau et de trouver encore quelques pécheurs qui viennent remplir la maison. Bienheureux le serviteur qui, dans quelque espèce de service rendu au Seigneur, entre dans l'esprit de son maître, et par dessus tout, certainement dans une sphère comme celle-ci.

Il me semble que je comprends maintenant le sens de ce texte: «Contrains-les d'entrer», me disait l'autre jour un zélé prédicateur; et il m'en donna l'explication suivante: Si je rencontre sur mon chemin un ami que je désire voir chez moi, je ne lui dis pas seulement: la porte est ouverte, viens, nous serons heureux de te voir. Non, je le prie, je le sollicite, je le prends par la main et je lui fais sentir ainsi le vif désir de mon coeur, en sorte qu'il est contraint d'entrer. Eh bien, c'est ainsi que nous devrions convaincre des pécheurs de notre amour pour leurs précieuses âmes, en sorte que nous les contraignions à venir à Celui qui les aime infiniment plus que nous ne le faisons. J'étais si convaincu que c'est là l'esprit de ce passage que dimanche dernier je me sentis poussé à entrer dans une voie nouvelle. J'étais pressé du désir d'amener des âmes à Christ, en leur annonçant le message de sa grâce, et quand j'eus fini, j'invitai ceux qui y seraient disposés, à demeurer là pour prier ou pour nous entretenir ensemble, selon que le Seigneur le donnerait. Un petit nombre seulement de mes auditeurs sortit et pour la première fois, au lieu de rester, comme je l'avais fait jusque là, à ma place, après avoir prêché jusqu'à ce que la salle fut vide, j'allai me placer au milieu de ceux qui se trouvaient là. Quelques-uns des frères prièrent avec beaucoup d'instance; moi, je parlai à plusieurs qui étaient là et qui étaient profondément exercés dans leurs âmes… plusieurs reçurent ainsi la paix. Un homme fut saisi si vivement dans son esprit qu'il se leva et que dans quelques simples paroles il déclara ce que Dieu avait fait pour son âme. Nous avons eu dès lors plusieurs réunions de prières pour demander que le Seigneur continue à bénir cette oeuvre, et tous les frères sont encouragés.

Ainsi coule le fleuve de la riche, pleine, infatigable, persévérante grâce de Dieu, et ainsi il faut qu'il coule, s'approfondissant, s'élargissant et se répandant jusqu'à ce qu'il ait atteint les extrêmes limites des conseils de l'amour divin et tiré d'entre les nations de la terre assez d'âmes pour remplir la maison qui est aussi grande que le coeur de Dieu. Que le Seigneur, le céleste Maître, enseigne, conduise et dirige tous ses chers serviteurs qu'il emploie maintenant dans le champ de l'évangile, de telle manière qu'il accomplisse en eux le vrai sens du passage qui nous occupe, par la puissance du Saint Esprit, en sorte que beaucoup des âmes qui nous entourent soient moralement contraintes d'entrer, et, que bientôt sa maison soit remplie!