Le brigand sauvé

ME 1873 page 411 - Luc 23: 39-43

 

Nous ne voyons pas, excepté pendant les trois heures de ténèbres à la croix, qu'aucune peine, aucune fatigue, aucune épreuve ait jamais empêché le Seigneur de prendre part à la douleur des autres. Personne n'a pu le placer dans une position, — si ce n'est lorsqu'il accomplissait l'expiation, — où il ne sympathisât pas avec la souffrance humaine. Tel est l'infatigable amour que nous voyons en Christ. En même temps, il était lumière, et plus nous regardons de près dans son histoire, plus nous voyons l'affreuse perversité du coeur de l'homme se manifester. Cette méchanceté ne fut jamais manifestée jusqu'à ce moment-là. Il y a des natures aimables, et des natures peu aimables, mais nous n'apprenons jamais, jusqu'à ce moment-là, ce qu'est le coeur de l'homme réellement. Ce qui éprouve le coeur de l'homme, c'est: Quel est son objet? — non pas: Quelles sont ses qualités naturelles? «Il n'y a personne qui recherche Dieu». L'homme n'a vu aucune beauté en Christ; il n'y a rien dans son coeur qui lui fasse regarder vers le Seigneur pour lui faire trouver en Lui un objet et une joie. Il faut que la conscience soit atteinte, autrement il n'y a pas de racine. On peut être attiré vers Dieu; mais jusqu'à ce que la conscience soit amenée dans la présence et sous le regard de Dieu, rien n'est fait: Tout est comme la rosée du matin qui s'en va; «c'est celui qui entend la parole et qui la reçoit aussitôt avec joie, mais il n'a pas de racine en lui-même»… (Matthieu 13: 20, 21). Partout où Dieu atteint la conscience, il y a quelque sentiment de sa bonté. La crainte et la terreur peuvent prédominer, mais il y a quelque chose qui attire et que le coeur ne peut pas abandonner. Dieu est amour, et en même temps il atteint la conscience. Il y a ce qui atteint la conscience, et ce qui inspire la confiance, quand par la foi l'oeil est fixé sur Christ.

Sur l'autorité de Christ lui-même nous avons la certitude du salut, c'est-à-dire l'état chrétien; et nul autre ne convient au chrétien. C'est le seul vrai état chrétien que la parole de Dieu reconnaisse. La condition du chrétien est l'effet de l'oeuvre de Christ, non qu'il n'y ait pas de lutte, mais un autre a pris sur Lui ma responsabilité. Ma place devant Dieu n'est pas l'effet de ce que j'ai fait, moi, mais de ce que Christ a fait. Christ est le fondement sur lequel je suis placé devant Dieu. — S'il en est ainsi, qu'est-ce que Christ a fait pour nous? Il mourut pour nos péchés: ces péchés sont donc nécessairement ôtés. Il est le Juge; mais il ne peut pas juger ce qu'il a ôté. Dieu, afin que nous marchions devant Lui en paix, a envoyé Celui qui doit être le Juge, pour être le Sauveur d'abord. La confiance est liée à la justice maintenant.

L'histoire des malfaiteurs nous présente les deux côtés de la vérité. Dans le premier de ces hommes, qui injuriait Christ, nous voyons l'inimitié du coeur de l'homme contre Dieu: le premier homme et Satan aussi triomphaient pour un moment. Il est douloureux de penser à ce que sont nos coeurs quand ils sont abandonnés à eux-mêmes. Si on laisse libre carrière au coeur, où s'arrêtera-t-il? Satan domine sur nous. Nous voyons ici le triomphe de l'iniquité de l'homme sur la bonté de Dieu. Nous ne pouvons pas nous débarrasser encore de la puissance de Satan; nous pouvons la lier, en un sens. Le coeur de l'homme ne peut pas supporter la présence de Dieu. La moindre futilité, le plus vain objet de toilette, un peu d'or, a plus de puissance sur le coeur de l'homme que tout ce que Christ est, ou a fait. Vous n'avez jamais vu un homme jouissant de ce monde qui voulut entendre parler de Christ. Le monde n'a pas voulu de Lui quand il est venu en grâce, et il n'en voudrait pas maintenant; mais il faudra qu'il l'accepte, quand il viendra en jugement. Prenez la grande majorité des habitants d'une ville, et supposez qu'on les introduise dans le ciel: ils en sortiraient aussi vite qu'ils pourraient!

Dans le malfaiteur repentant, nous voyons la grâce. Il était pendu à une croix; mais qu'importe, à un gibet ou sans gibet, quand Dieu et l'âme se rencontrent, nous avons ce simple et immense fait que l'âme est amenée immédiatement dans la présence de Dieu. Quand Dieu a eu à faire avec notre conscience, nous ne faisons plus de promesses pour l'avenir. Au lieu de faire comme le méchant enfant qui dit: «Je serai meilleur demain», — l'âme confesse le péché, aujourd'hui. «Et tu ne crains pas Dieu, toi?» dit-elle, non pas: «N'as-tu pas honte d'être un voleur?»

Avez-vous jamais été amenés dans la présence de Dieu? «La crainte de Dieu est le commencement de la connaissance». Si vous n'avez pas été consciemment dans la présence de Dieu, la connaissance n'a pas commencé pour vous. Devant Christ, il faut que vous soyez; et il faut que vous soyez là en vérité. Il s'agit de savoir si vous êtes devant Lui dans la plénitude de sa grâce, ou devant Lui en jugement. Le malfaiteur dit: «Pour nous, nous y sommes justement». Il ne dit pas que le monde était coupable; mais il confesse qu'il est, lui, le coupable. Ce n'est pas seulement que le péché est péché, mais que moi, je suis un pécheur. Le sentiment du brigand, c'est que, lui, il est là justement. C'est quelque chose de personnel, non pas seulement que Dieu est saint, non pas seulement que le monde est coupable, mais que vous, vous êtes coupables.

«Mais celui-ci n'a rien fait qui ne se dût faire». Le malfaiteur se porterait garant de la vie toute entière de Christ; celle-ci, en sens inverse, était une révélation divine à son âme. Où est le chrétien qui ne donnerait pas sa vie pour cela? «Celui-ci n'a rien fait qui ne se dût faire». La perfection de la personne de Christ était révélée par Dieu à cette âme. Votre âme pourrait-elle répondre pour Christ de cette manière? Voici un homme qui fait ainsi quand tous ont abandonné Jésus. Il a une foi divine que Jésus est parfaitement sans péché; son oeil est ouvert pour le voir, son coeur en est assuré: Il n'a pas seulement la crainte de Dieu, mais il voit la perfection de Jésus. Le ciel s'ouvrit quand Christ vint pour commencer son ministère public. Il n'y eut jamais avant lui d'homme dont Dieu ait pu dire: «C'est ici tout ce dont j'ai besoin; j'ai trouvé en Lui tout mon plaisir». Votre coeur a-t-il répondu, et dit de même: «C'est ici tout ce dont j'ai besoin?» Nulle autre part le coeur ne peut ainsi se reposer, quand il voit le mal qui est autour de lui et les imperfections même des saints. L'âme du brigand ayant saisi Christ, trouve son repos en Lui. Tout autour de lui est une terre déserte, altérée; le coeur se lasserait, mais il se tourne vers Lui; et quel repos! Hors de là, les choses seraient insupportables; mais le coeur, quand il se tourne vers Lui, entre dans son sanctuaire.

«Souviens-toi de moi», disait le malfaiteur converti. Quel signe y avait-il que Jésus fût le Christ le Seigneur? Il n'y avait pas un seul nuage sur le coeur de cet homme à cet égard, parce qu'il était enseigné de Dieu. Un coeur reconnaît que Jésus est Seigneur, en dépit de tout. Pilate avait lavé ses mains devant tout le peuple et avait livré Jésus aux Juifs; l'un de ses disciples l'avait renié, l'autre l'avait livré: tout contredisait ce que le malfaiteur discernait. «Seigneur, souviens-toi de moi». dit-il; sans un signe qui montrât ce qu'était le Seigneur, il le reconnaît: quelle clarté pour la foi! Cet homme n'avait pas le temps de croître, ni de servir ou de marcher; mais il était foncièrement converti, plein de foi, reconnaissant ce que le Messie était, et croyant à sa venue dans son royaume, La foi, par elle-même, est toujours sûre. Elle peut nous amener à avoir des doutes au sujet d'autres choses, mais elle est toujours absolument sûre. Le croyant a mis son sceau que Dieu est vrai: il ne dit pas: «Peut-être, Dieu est vrai». Toutes les fois que je reçois la Parole comme la parole de Dieu, je la reçois avec une certitude absolue. S'il en est autrement, c'est que je ne la reçois pas comme la parole de Dieu du tout.

«Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume». Tout le souci du brigand, c'est que Christ se souvienne de lui. Nous voyons chez lui de la hardiesse vis-à-vis d'un pécheur audacieux, de l'humilité quant à lui-même, un sentiment de la perfection de Jésus, et la connaissance que Jésus viendrait dans son royaume. Heureux sommes-nous si nous sommes dans l'état de ce malfaiteur! Si vous passiez par la souffrance, par l'épreuve, est-ce la seule chose dont vous vous soucieriez, que Christ se souvint de vous?

Mais écoutez maintenant la réponse de Christ: «Aujourd'hui tu seras avec moi en paradis». Le caractère de l'Evangile de Luc, c'est d'introduire une bénédiction présente, avant que le royaume vint, le nouveau croyant s'en irait droit en paradis. La foi ne regarde jamais au dedans vers mon coeur, mais au dehors vers l'objet que Dieu révèle. Quand j'ai été amené au sentiment de ce que je suis, mon oeil se repose sur Christ lui-même. Quand le brigand regarde vers Christ, il reçoit la réponse de Christ: le repos qui est donné à nos âmes, est la réponse explicite de Dieu. Nous avons la déclaration expresse et formelle que ce malfaiteur, saisi pour ses crimes, était, ce jour-là, absolument propre pour le paradis, tant est parfaite l'oeuvre de Christ. Remarquez comment ce malfaiteur, et la femme qui était une pécheresse (Luc 7), comprennent Christ, parce qu'ils ont besoin d'un Sauveur. Quand je m'approche de Dieu avec Christ dans la main, comme Abel avec son agneau, Dieu me dit: «Tu es juste». Par la foi je vois que Jésus est assis à la droite de la majesté dans les hauts lieux. Quand est-il monté là? «Après qu'il a fait par Lui-même la purification de nos péchés». Ainsi je sais que mes péchés sont ôtés de devant Dieu. Il n'y a pas de progrès ici, rien qui ressemble à une préparation pour le ciel. Sans doute, nous devons croître, si Dieu nous laisse ici-bas: il doit y avoir du progrès dans notre ressemblance à Christ; mais ce progrès en nous n'est jamais rattaché, dans l'Ecriture, à l'idée de nous rendre propres pour le ciel. Christ est mon titre pour entrer dans le ciel. Il y a une croissance certainement; mais elle n'est jamais présentée comme ce qui nous met en état d'entrer là où Christ est. Ce malfaiteur était propre pour le paradis, immédiatement. Il alla dans le paradis, en tous cas, ce jour-là: Je suppose qu'il était, propre à y entrer, puisqu'il était propre à être avec Christ! Supposez que je fisse tous les progrès que le plus béni de tous les saints fit jamais, pourrais-je dire que je serais devenu ainsi propre pour Christ? A Dieu ne plaise! Cependant je suis propre pour Lui. La mort, pour le croyant, n'est pas autre chose que ceci, simplement, c'est qu'il en a fini avec tout ce qui est mortel et pécheur.

Combien peu le dehors est la vérité! Les Juifs envoyèrent des soldats pour briser les jambes aux crucifiés: combien peu ils pensaient qu'ils envoyaient le malfaiteur droit au ciel pour être le premier compagnon (il y avait les saints de l'ancien Testament, sans doute) qui suivait le Seigneur!

Ils serait bon pour nous que nous fussions aussi près de Christ que ce pauvre malfaiteur. Quand le voile fut déchiré, tout fut changé. L'ancien Testament était une déclaration que l'homme ne pouvait pas s'approcher de Dieu dans la lumière: Dieu ne sortait pas, et l'homme ne pouvait pas entrer. L'évangile dit que Dieu est venu, et que l'homme peut entrer: «Nous avons pleine liberté pour entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus…» (Hébreux 10). S'il y a du péché, comment puis-je entrer dans les lieux saints? — Je suis en Christ, non dans la chair. Christ a porté nos péchés, nous sommes morts avec Lui, et nous devrions entrer dans les lieux saints. Le chemin est ouvert, l'accès est libre, le voile étant déchiré; nous sommes agréables dans le Bien-aimé. Jusqu'à ce qu'il eût accompli l'oeuvre, Jésus ne remit pas son esprit. Maintenant, comme chose présente, nous avons pleine liberté pour entrer dans les lieux saints. Etes-vous là? Le voile est déchiré: vous ne pouvez pas avoir Dieu à distance. Il n'y a plus de voile; nous sommes devant la gloire de Dieu en la face de Jésus Christ, le témoin d'un salut accompli. La gloire est en la face de Celui qui porta mes péchés. Il faut que vous puissiez subsister et que vous ayez une place dans la présence de la lumière absolue et de la parfaite justice de Dieu, ou vous ne pouvez pas subsister du tout. Le monde peut aveugler vos yeux, mais il n'y a pas de voile sur la présence de Dieu.