Le prodigue auprès du Père

ME 1873 page 441 - Luc 15 - Darby J.N.

 

Je désire m'occuper de ce chapitre parce qu'on trouve parmi les croyants tant de personnes qui ne sont pas dans le second état de ce prodigue repentant, dont le Seigneur nous donne l'histoire; elles n'ont pas, quant à l'état de leurs âmes, la plus belle robe et le veau gras, ne se trouvant pas en rapport avec le Père, sur le terrain sur lequel le Père se révèle. C'est la pensée du Père qui est tout ici, ce que le Père a senti et a fait. Depuis le moment où le prodigue a confessé son péché, il ne s'agit que de la pensée du Père, et des voies du Père. Or il y a beaucoup de chrétiens qui ne sont pas sur ce terrain, qui ne sont pas consciemment dans cette position auprès du Père.

Nous voyons le prodigue dans deux états très distincts; et dans le second seulement, nous trouvons réellement les pensées et les sentiments du Père, — non ceux du prodigue, mais l'effet de ceux du Père sur lui. Il ne s'agit pas, dans cette portion de l'Evangile, du jugement, ou de la présentation du sang à Dieu comme satisfaction à ce jugement, mais de Dieu en grâce justifiante, et de la manière dont l'âme entre dans la jouissance de cette grâce. L'aspect sous lequel l'Evangile est présenté ici ne nous montre pas le jugement comme étant à la porte, et le sang sur le linteau des portes pour y répondre et y faire face, mais la joie de l'amour divin à bénir l'âme égarée, ramenée par la grâce.

Il ne faut pas confondre le gouvernement de Dieu, dans lequel Dieu peut avoir de la colère, même contre ses propres enfants, avec la nature de Dieu qui ne peut pas tolérer le péché, «car la colère de Dieu est révélée du ciel contre toute impiété et toute iniquité des hommes». A cause de Sa nature, Dieu, du moment qu'il est révélé, abhorre et rejette le péché, et, à cause de la sainteté de Sa nature, il le juge. Nous sommes appelés à marcher dans la lumière comme Dieu est dans la lumière. Dieu n'a pas de mesure quant au péché (il y a bien «plusieurs coups», et «peu de coups», Luc 12: 47, 48), mais sa nature rejette le péché. Adam retourne à la poussière dont il a été pris, — jugement présent qui témoignait du déplaisir de Dieu. Dieu peut châtier ses enfants, mais, ce qui est si terrible, c'est d'être exclu de la présence de Dieu pour toujours.

Il n'y a pas de voile sur la gloire de Dieu. Si vous avez à faire avec Dieu en quelque manière que ce soit, il faut que vous ayez à faire avec Lui, non pas comme sous la loi, alors qu'il y avait un voile et que Dieu était caché, mais maintenant que Dieu est venu et a été manifesté, et que la colère du ciel a été pleinement révélée. Ce n'est pas ce côté de la vérité qui nous est présenté ici, mais la grâce qui s'en va chercher ce qui est perdu.

Nous trouvons la Trinité dans ce chapitre, mais non pas comme une doctrine; nous y trouvons l'activité de Dieu en grâce dans le Seigneur et dans le Saint Esprit, et puis dans la manière dont l'âme est reçue. Le berger a perdu sa brebis, et il va après elle et la rapporte, la brebis ne posant jamais ses pieds sur le sol; ensuite nous voyons la pièce de monnaie dans laquelle il ne pouvait y avoir aucune activité; et enfin, Dieu soit béni, non pas un principe nouveau, mais un principe infiniment précieux, c'est que dans tout cela il ne s'agit pas de notre joie, mais de la joie de Dieu.

Un pharisien est un homme qui pense qu'il a une justice pour Dieu. Le frère aîné est la figure d'un tel homme. Voulez-vous être un juif, un pharisien? C'est la chose la plus haïssable qu'il y ait aux yeux de Dieu. Un pharisien n'a aucun sentiment du péché, aucun sentiment de la sainteté et de l'amour: rien n'est plus étranger que lui au coeur et à la pensée de Dieu: il est plein du plus entier égoïsme; il n'a pas l'idée d'autre chose. Les pharisiens avaient la loi, les prophètes, Christ comme venant en chair, la parole de Dieu; — ils possédaient tout cela, assez pour en tirer gloire, mais pas assez pour comprendre le coeur du Père. «Ton frère est venu»; cela aurait dû toucher le coeur de cet homme; mais il est insensible. Il n'y a dans le pharisien aucun sentiment de la justice ou de la sainteté: c'est un homme qui nettoie seulement le dehors de la coupe, comme si Dieu ne voyait pas le dedans.

Le Seigneur nous parle d'un homme, le prodigue, qui était tombé dans la plus extrême dégradation: la grâce l'atteint, et c'est la joie de Dieu. Du moment que l'âme a saisi ce que Dieu est, manger des gousses n'est pas ce qu'il y a de pis, pour ce qui regarde le coeur. Le mal était fait quand le jeune homme, tournant le dos à la maison paternelle, faisait le premier pas dans son propre chemin. Il était, au fond, tout autant un pécheur quand il franchissait le seuil de la maison de son père, que quand il mangeait des gousses dans le pays éloigné et, ce qui est plus, il était plus près du retour quand il mangeait des gousses: ses prétentions était tombées alors; il se sentait périr. Il y avait assez de péché pour atteindre la conscience. Nous disons tous: «Donne-moi la part du bien qui me revient»; nous aimons notre propre volonté; nous aimons à être loin de Dieu pour faire notre propre volonté. C'est là ce que vous êtes tous comme enfants d'Adam — vous avez tourné le dos à Dieu, et votre face vers les objets de vos propres plaisirs; et tant que vous n'avez pas confessé cela, il n'y a pas de retour vers Dieu. Un fils méchant et volontaire quitte la maison de son père; il n'est peut-être pas un voleur; il est un honnête employé; mais, quoi qu'il en soit, tout va mal jusqu'à ce qu'il revienne en arrière; toutefois le coeur de l'homme par lui-même ne retourne jamais à Dieu.

Il y a «une famine» dans le monde: quand on a perdu les choses naturelles, que reste-t-il au coeur? Plus d'un coeur a le sentiment qu'il y a une famine dans le monde, et le coeur n'y a rien pour satisfaire sa faim. On ne donne rien dans «ce pays-là», dans le pays du diable. Vous n'auriez pas tant à vous fatiguer pour vous rendre heureux, si vous étiez heureux. Toute l'activité de ces gens habiles à forger l'airain et le fer (comparez Genèse 4), n'est qu'un effort pour rendre agréable la ville, où nous sommes sans Dieu. Cette sorte de coeur ne se tourne jamais du coeur vers Dieu, mais vers les choses qui satisfont la chair. On ne donne rien là; on se vend! «Il se joignit à l'un des citoyens de ce pays-là, et celui-ci l'envoya dans ses champs pour paître des pourceaux».

Quand le jeune homme revient à lui-même, il y a un changement complet. La bonté de Dieu entre dans son coeur: «Combien de mercenaires de mon père ont du pain en abondance». Il ne dit pas: J'en aurai; — mais le sentiment de la bonté est éveillé dans son âme et ce sentiment produit un besoin d'un autre genre.

Partout où le Saint Esprit opère dans une âme, il y suscite des besoins d'une sorte ou d'une autre, on soupire après plus de sainteté; on voudrait être semblable à Christ. Partout où Dieu se révèle à un coeur, ce coeur a le sentiment de la bonté de Dieu. On dit peut-être: Si je dois périr, je périrai près de la croix; la conscience est réveillée; mais le coeur est attiré: «Je me lèverai et je m'en irai vers mon père». Ce n'est pas que le prodigue soit encore arrivé auprès de son père, mais sa face est tournée vers lui; c'est une grande bénédiction pour l'âme, mais il n'y a pas encore de paix. «Du pain en abondance»: dans la maison du père, là il y a de l'abondance. Le prodigue ne sait pas si le père le laissera entrer, mais il sait qu'il y a une abondance à laquelle on peut être admis. Il dit: «Je me lèverai et je m'en irai vers mon père»; dès qu'il en est ainsi, Dieu et l'âme se sont rencontrés. Le prodigue ne dit pas qu'il changera de conduite, mais: «Je m'en irai vers mon père». Le coeur a besoin de Dieu. «Je m'en irai vers mon père»; et puis, «je lui dirai: Père j'ai péché contre le ciel et devant toi; je ne suis plus digne d'être appelé ton fils». La première chose qui vient après c'est une franche confession. Il se passe souvent bien du temps avant que nous en venions là, reconnaissant que nous n'avons aucun droit à la bénédiction. «Il ne convient pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens». Mais la femme dit: «Oui Seigneur car même les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres» (Matthieu 15). Je suis précisément un de ces misérables chiens, mais il y a assez de bonté en Dieu pour ceux qui sont sans droit. Si vous cherchez dans la sainteté le fondement de votre acceptation devant Dieu, c'est une erreur; ce fondement est dans la justice. Le jeune homme, dont le Seigneur nous fait l'histoire, n'a jamais donné une pensée à la bénédiction jusqu'à ce qu'il eût tout dépensé.

Pouvez-vous vous tenir devant Dieu aujourd'hui? êtes-vous propres pour Dieu, aujourd'hui? Ce n'est pas ce qui est en Dieu qui répond à votre condition; ce qui est en vous, vous l'espérez, répondra à ce que Dieu est et peut exiger: mais tout cela est faux. Nous avons vu le coeur du jeune homme amené à Dieu en un sens: c'est très bien; mais il commence maintenant à se préoccuper de la manière dont il se conduira quand il le rencontrera. Qu'est-ce que cela prouve? C'est qu'il n'avait jamais rencontré Dieu! On parle d'une humble espérance de quelque petit coin dans le ciel; — mais la présence de Dieu est là. Etes-vous capable de subsister devant elle avec tous vos haillons sur vous? Il y avait une oeuvre de Dieu dans l'âme de cet homme, mais il avait encore cette pensée. Il n'a pas eu à traiter avec son père quand une fois il le rencontre. Il y a beaucoup d'âmes qui n'ont pas réellement rencontré Dieu pour faire la découverte de ce que sont Ses pensées, — tantôt espérant, tantôt craignant. Le prodigue ne jugeait pas d'après ce que Dieu était et avait été; il n'avait pas fait l'abandon de lui-même comme n'étant que péché, pour trouver ce que Dieu était pour ceux qui ne sont que péché. Quel a été l'effet de son retour vers la maison paternelle? Ça été de l'amener auprès de son père, avec toutes les traces du pays éloigné, absolument impropre pour être devant lui. Il retournait auprès de Dieu dans ses haillons (l'effet de l'expérience de l'oeuvre de Dieu dans nos coeurs, est de nous amener à Dieu dans nos péchés), exactement tel qu'il était sorti du pays éloigné. Jusqu'à ce que nous nous soumettions à cela, nous ne trouvons jamais de paix. Nous prenons souvent nos pensées et nos sentiments pour point de départ de nos raisonnements, pour en conclure ce qui sera; mais en faisant ainsi, nous donnons à Dieu le caractère de juge, et si Dieu a ce caractère de juge, nous ne pouvons attendre de lui que la perdition éternelle. Pourquoi ne pas confesser que vous ne vous êtes pas encore trouvé devant Lui? Je ne veux pas dire que Lui ne vous ait pas rencontré. Le père se jeta au cou du prodigue quand il était dans ses haillons et le couvrit de baisers. Dieu s'occupe de moi et entre en rapport avec moi tel que je suis, en grâce absolue, m'aimant quand je suis dans mes haillons, — dans un état absolument impropre pour sa maison. Le père agissait d'après ses propres pensées et ses propres sentiments, et le seul effet de la misère du fils, c'était d'attirer sur lui la compassion du père. L'essence même du christianisme, c'est que, parce que nous ne pouvions pas rencontrer Dieu comme juge, Dieu est venu à nous, en grâce, pour montrer qu'il est plus grand que nos péchés.

Le fondement de nos rapports avec Dieu, n'est pas ce que nous sommes pour Dieu (ceci a rapport à son gouvernement), mais ce que Dieu est pour nous. Dieu ne vient pas chercher la justice, il apporte la justice. Il ne s'agit pas de ce que Dieu trouve, mais de ce que Dieu donne.

Une fois que le père est à son cou, le prodigue ne dit jamais: «Traite-moi comme l'un de tes mercenaires». Il avait trouvé son père, et il connaissait par conséquent sa position auprès de son père: tout dépendait de ce que son père était pour lui.

Etes-vous content que votre position auprès de Dieu dépende de ce que Dieu est pour vous, non de ce que vous êtes pour Dieu? Le prodigue a appris ce qu'était le coeur du père à son égard; il connaît la place de fils, parce qu'il a trouvé le coeur de son père. La grâce est sortie, et la justice entre.

Le jeune homme avait eu la part de son bien, auparavant. La «plus belle robe» était ce dont son père le revêtait maintenant, afin qu'il devint pour toute la maison le témoin de ce qu'étaient les pensées de son père. Nous n'entrons pas seulement dépouillés de nos haillons, mais revêtus de Christ. Dieu nous amène dans sa propre présence selon son propre coeur.

Il n'est pas du tout maintenant question du fils. C'était la joie du père de l'avoir auprès de Lui et il le revêt de cette satisfaction, — il le revêt de Christ. Il s'agit d'expérience quand le fils est en chemin vers son père; mais des expériences ne sont pas la justice. L'expérience était là, mais l'expérience l'amenait en haillons dans la présence de son père. Dieu nous donne Christ pour notre justice. Alors l'âme s'assied, et jouit de tout ce que le père a à donner. Vous découvrirez que votre coeur a de la peine à se soumettre, à dépendre de ce que Dieu est pour vous. Il ne peut pas y avoir de vraie, réelle sainteté au point de vue pratique jusqu'à ce que nous ayons trouvé la certitude de notre salut. Comment un enfant peut-il avoir les affections qui conviennent, s'il n'a pas de père? Un orphelin est capable d'avoir ces affections, mais faute d'objet, elles n'existent pas chez lui.

Ne soyez pas satisfaits simplement d'être sauvés. Je crains, quand je vois une personne s'appesantir trop longtemps sur des contrastes. Je crois que nous aurons dans le ciel le souvenir du passé: «L'agneau… comme immolé» sera là devant nous. Ne dites pas toujours: Je m'égarais, et il m'a pris à Lui. N'avez-vous donc rien trouvé dans l'intérieur de la famille, rien dans «le premier-né entre plusieurs frères», sans que vous pensiez toujours à votre égarement passé? La marche est de la plus haute importance une fois que je suis enfant; et alors Dieu s'occupe de nous dans son gouvernement et nous tient près. Son nom en soit béni!

La place de votre coeur est-elle auprès du Père, votre coeur vivant là avec les affections qui appartiennent à cette place? Etes-vous content d'être redevable de toute votre condition et de toutes vos bénédictions à ce que le Père est pour vous?