Trois lettres à une mère et à sa fille – (Darby J.N.)

ME 1873 page 472

 

Chère soeur,

Oui, sans doute, la perte de votre chère fille, sera un coup douloureux, une grande brèche dans votre famille; mais, je ne sais; depuis de longues années je me suis habitué à la mort en Christ; et pour les chrétiens elle me sourit. En elle-même, chose terrible, j'en conviens pleinement, mais maintenant un gain. Dieu nous veut dans la parfaite lumière. Pour Christ, à cause de nous, le chemin de la vie était à travers la mort; — pas nécessairement pour nous, car la mort est complètement vaincue; mais Christ qui a vaincu est là avec nous, s'il nous faut prendre cette route là pour sortir du mal et de la souillure, pour entrer dans la lumière et la parfaite joie de sa présence. S'il y a quelque chose qui ne soit pas vidé avec Dieu, il peut y avoir un moment pénible, car il faut que l'âme réponde à la joie qui nous est préparée; mais en elle-même la mort n'est que le dépouillement de ce qui est mortel, et le passage de l'âme dans la lumière, dans la présence de Jésus. On quitte ce qui est souillé et en désordre: quelle joie que celle-là! Plus tard le corps se retrouvera dans sa vigueur, et sa gloire incorruptible et immortelle: il nous faut attendre un peu. Saluez avec beaucoup d'affection tous vos enfants; je sens bien pour eux la perte qu'ils vont faire. Votre chère fille aurait été la joie de quelque famille que ce fût, dans laquelle elle se serait trouvée; elle va faire la joie de celle de Christ, car nous avons le droit de le dire. C'est une consolation pour ceux qui sont encore en route ici-bas. Dieu nous prépare pour le ciel, en coupant peu à peu les liens qui nous attachent, comme enfants d'Adam, encore à la terre. Christ remplace tout; et ainsi tout va bien et mieux. Que Dieu daigne bénir pour toute la famille cette peine de coeur si réelle, mais où Dieu toujours bon, a mêlé tant de ménagements et de grâce à l'amertume de la coupe. Je vous envoie une petite lettre pour votre fille, j'ai eu peur qu'elle ne soit trop longue, mais je suis sûr que par la bonté de Dieu elle jouira de ce petit mot en le lisant à son loisir et comme sa force le lui permettra. Elle pensera à Christ et sera rafraîchie. Que Dieu vous bénisse et vous lasse sentir sa bonté dans cette perte même.


Chère M.,

J'aurais beaucoup aimé vous voir une fois ici-bas, avant votre départ, mais Celui qui dirige tout avec un amour parfait, en a ordonné autrement. Vous allez dans le ciel avant moi. La mort n'est pas un accident qui arrive sans la volonté de Dieu: elle n'a plus d'empire sur nous; Celui qui est ressuscité en tient les clés. — Quel bonheur immense que de savoir qu'Il a remporté une victoire complète et finale sur la mort, et sur tout ce qui était contre nous, et qu'il y a délivrance entière! Nous sommes délivrés hors de la scène, — sauf quant au corps, — où le mal avait son empire, et transportés là, où la clarté de la face de Dieu luit toujours en amour, là où il n'y a que de la lumière et l'amour; là où Dieu remplit la scène selon la faveur qu'Il porte à Christ, comme à Celui qui l'a glorifié en accomplissant la rédemption; là où Dieu remplit la scène selon les perfections qui ont été mises en évidence par le moyen de cette oeuvre. Dieu a dû être manifesté dans ces perfections en réponse à l'oeuvre de Christ; il a dû répondre à l'oeuvre de Christ en amour, en gloire dans l'expression des délices qu'il y a trouvées; le nom de son Dieu et Père en amour s'est dévoilé dans toute sa splendeur: «Tu m'as exaucé des cornes des licornes». Il a été ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père. Or il déclare ce nom à ses frères, et Christ le loue au milieu de l'assemblée. C'est là que je voulais vous amener par ces remarques qui pourraient paraître un peu abstraites. Toute cette faveur luit sur vous: ce que Dieu a été pour Christ homme, parce que Christ a glorifié Dieu à l'égard du péché qui le déshonorait; ce que Dieu a été en introduisant Christ dans sa présence en gloire il l'est pour vous, fruit du travail de son âme. Pensez-y, chère soeur. Puis Christ nous est devenu infiniment cher à cause de ce qu'il a fait pour nous. Il s'est donné Lui-même, parce qu'il nous aimait sans bornes. Il n'y a rien en Christ qui ne soit à vous; il ne peut donner plus que Lui-même; et quel don! Je vous ai écrit dans le temps que c'est en pensant à Lui, à Lui-même, qu'on a de la joie. Vous n'êtes pas une chrétienne joyeuse,… je le comprends, je le sais; il y a discipline en cela! Christ n'a pas eu la place qu'il aurait dû avoir dans votre âme. — Vous voyez, je ne vous cache rien. Mais tout n'est pas là: vous n'avez pas assez de confiance dans sa grâce. Reconnaissez tout ce qui pourrait être nuage entre votre âme et son amour. — Vous le faites, je le sais: mais la grâce, l'amour profond, parfait, de Jésus, l'amour qui est au-dessus de toutes nos fautes, qui s'est donné pour tous nos péchés, l'amour qui a trouvé dans nos faiblesses l'occasion de montrer sa perfection, vous n'y pensez pas assez. Cet amour divin, mais aussi personnel du Sauveur, remplira votre coeur. Jésus le remplira, et vous serez, non seulement en paix, mais joyeuse. J'attache plus d'importance à la paix qu'à la joie. Je désirerais vous voir habituellement dans une joie plus profonde qu'éclatante: mais si Jésus est au fond de votre coeur, ce Jésus qui a effacé toute trace de mal en nous, en qui nous vivons devant Dieu, votre joie sera profonde. — Qu'il en soit ainsi! Oh! que votre coeur soit rempli de Jésus Lui-même, et de son amour, et du sentiment de sa grâce! Il vous a sauvée, il vous a lavée, il est devenu votre vie, afin que vous jouissiez de Dieu. Que voulez-vous de plus que Lui? Vous pouvez voir sa bonté, dans la paix qu'il vous donne, et dans la manière dont il vous entoure de ses soins et d'affections. Pour moi, ce n'est qu'un membre de la famille qui se transporte un peu d'avance là où toute la famille va demeurer. On n'est qu'en passage partout ailleurs. Bientôt tout sera fini pour nous. Quel bonheur quand toute trace de ce qui nous a tenus liés d'une manière ou d'une autre à ce monde de misère et de mal, a complètement disparu, et que nous nous trouvons dans la lumière où tout est parfait! Confiez-vous donc dans son amour. Je le répète, il a complètement vaincu tout ce qui est entre nous et la pure lumière comme il a parfaitement effacé en nous tout ce qui ne convenait pas à cette lumière. Qu'Il est bon! Quelle grâce! Et vous allez être avec Lui! Quel bonheur! Réjouissez-vous, chère soeur, bientôt nous serons tous là. Encore un peu de travail et ce sera fui, dans la pure gloire et dans l'amour. Vous nous devancez, et il vous faudra attendre dans le ciel, pendant que les autres attendent et accomplissent leur tâche sur la terre. Que Dieu soit avec vous. Que la présence de ce fidèle Jésus tout bon, vous soutienne et réjouisse votre coeur. J'espère qu'une si longue lettre ne vous aura pas fatiguée. Je pourrais vous dire encore bien des choses: bientôt vous les saurez mieux que moi; c'est un grand sujet de joie et quelle trace immense! Paix vous soit. Je demande à Dieu de vous bénir et cela fait du bien au coeur.


Chère soeur,

Ainsi votre chère fille est déjà dans le ciel. Je vous remercie, chère soeur de m'avoir donné ces détails. Non seulement, je l'aimais bien sincèrement, mais je vois le tableau si vrai, de l'oeuvre de l'Esprit en elle, en rapport avec toute sa vie. Quand je dis vrai, je veux dire que ce n'est pas seulement quelques sentiments, que des amis reproduisent pour faire valoir la piété d'un défunt, mais juste ce qui montre une véritable oeuvre de Dieu, telle que Lui en produit dans une âme, avec les expériences réelles de cette âme. Cela vaut beaucoup mieux que quelques fleurs artificielles qu'on jette sur la tombe. Je sens bien que la mort de votre chère fille fera une grande brèche dans sa famille, pour vous et pour tous: mais Dieu dispose de tout, et il fait tout bien. Et elle va être déposée, au moins sa dépouille mortelle, auprès de son père. Eh bien! ils ressusciteront ensemble. Nous ne nous devancerons pas beaucoup en quittant ce monde; nous serons tous ensemble, Dieu soit béni, quand nous nous relèverons de la poussière. Que j'ai de plaisir en pensant à ce cher frère, — qu'il se réveillera là où il n'y aura point de souci et de peine. Il sera auprès de son Sauveur, puis sa fille avec lui, et puis tous les autres, sur lesquels le tombeau s'est fermé et qui ont disparu de cette scène agitée. Il me semble qu'il y a un certain changement dans ma manière de sentir à l'égard de ceux qui meurent plus jeunes peut-être que moi. Il y avait un temps où je me disais: Pourtant mon tour devrait être là, si ceux-là s'en vont. Maintenant j'ai plus le sentiment d'être mort et de les voir défiler devant moi pour arriver auprès du Seigneur; vieux ou jeunes, qu'est-ce que cela fait? Et moi, je reste ici pour servir, peut-être jusqu'à ce que le Seigneur vienne; pauvre en service, j'en conviens bien, mais ayant cela pour ma vie, et cela seul. Immense privilège! — si l'on savait seulement le réaliser, — et qui nous rend étrangers partout, ce qui est un vrai gain d'ailleurs même pour le temps présent.