Tissu de laine et de lin

ME 1874 page 153 - Bellett J.G.

 

«Tu ne te vêtiras point d'un drap tissu de diverses matières, c'est-à-dire de laine et de lin ensemble» (Deutéronome 22: 11).

 

Le sentier de l'Eglise de Dieu est un sentier tellement étroit que le simple sens moral s'y trompera toujours. Mais nous devrions nous en réjouir, puisque le Seigneur veut que nous soyons exercés, selon la vérité de ses voies, à désapprendre les notions humaines sur le bien et sur le mal pour être remplis de la pensée de Christ.

Le cas d'Elie exerçant le jugement contre les capitaines du roi d'Israël, et l'allusion qui y est faite dans les Evangiles, réveillent en nous ce courant d'idées (Luc 9: 52-56). Le Seigneur avait résolument dressé sa face pour aller à Jérusalem sous l'impression du sentiment que: «les jours de son assomption s'accomplissaient». Quelque chose de la gloire et du royaume occupait son âme. Je suppose que la conscience de sa dignité personnelle et de sa haute destinée, pour parler avec les hommes, remplissait son esprit au début de son voyage à Jérusalem: «Or il arriva, comme les jours de son assomption s'accomplissaient, qu'il dressa sa face résolument pour aller à Jérusalem; et il envoya devant sa face des messagers». La conscience qu'il avait de sa dignité ressort de ces mots et caractérise la scène entière; les disciples le sentent. Ils paraissent s'élever au ton de sa pensée, et en conséquence lorsque le premier village que doit traverser leur Seigneur, refuse de le recevoir, ils en sont outrés et voudraient, comme Elie en d'autres temps, faire descendre le feu du ciel sur les impies Samaritains.

Cela était selon la nature, et aussi selon un sentiment naturel du bien et du mal. Pourquoi donc le Seigneur fait-il entendre une répréhension? Ni la justice, ni l'affection n'étaient en défaut chez les disciples. Le jour viendra où les ennemis de Christ qui s'opposent à ce qu'Il règne sur eux seront mis à mort devant lui. Pourvu que nous songions un instant à la personne et aux droits de Celui qui était ainsi méconnu et injurié, nous comprenons aussitôt qu'il n'y avait rien d'injuste dans cette demande: «Veux-tu que nous disions que le feu descende du ciel et les consume, comme aussi fit Elie?» Il n'y avait, non plus, aucun égarement d'affection dans cet élan du coeur. Une sainte jalousie pour leur divin Maître l'avait produit: Ce mouvement pouvait être honoré, et le sens moral peut le justifier pleinement. Cependant, Christ le censure. «Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés», leur répond le Seigneur.

Je le demande donc encore, pourquoi ce reproche? Etait-ce parce qu'ils exigeaient plus que les droits de Celui dont ils cherchaient à venger la cause? Non, nous l'avons déjà dit: ces droits-là s'exerceront un jour; mais les disciples n'avaient pas l'intelligence spirituelle de la position du Seigneur dans ce moment-là. Ils n'avaient pas «la pensée de Christ»; ils n'étaient pas intelligents dans la connaissance des temps «pour savoir ce qu'Israël devait faire» (1 Chroniques 12: 32). Ils ne distinguaient pas les choses excellentes. Ils ne savaient pas découper justement la parole de la vérité. Voilà quelle était leur erreur: «Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés». Ce n'était pas un faux principe moral que le Seigneur découvrait dans leurs âmes; mais bien l'ignorance du caractère réel ou divin du moment qu'ils traversaient. Ils ne comprenaient pas ce que des milliers (disciples en ce temps-ci, comme eux l'étaient en ce temps-là) ne comprennent pas encore, savoir, que ce qui constitue le sentier de Christ vers la gloire, ce n'est pas le droit de juger le monde, mais le privilège de renoncer à ce droit; ce n'est pas la revendication de ses droits, mais le renoncement à Lui-même. Telle était leur erreur; c'est aussi ce que le Seigneur reprend chez eux. Ils pensaient tout naturellement que l'injure devait recevoir sa rétribution; et que, si la perspective de la gloire remplissait l'esprit de leur Maître, et s'ils allaient eux-mêmes dans l'esprit d'un pareil moment devant sa face pour préparer sa voie, tout obstacle qui se rencontrait sur le chemin devait sûrement en être écarté. C'est ainsi que jugeait la nature, et qu'aurait dû juger le sens moral de l'homme.

Toutefois, la pensée de Christ est différente; et, seule, elle peut guider le croyant d'une manière parfaite. Loin de pouvoir le guider, l'analogie elle-même doit être éprouvée et souvent condamnée par l'intelligence spirituelle. De nombreux et remarquables rapports existaient entre les circonstances d'Elie et celles du Seigneur. Elie n'était qu'à un pas ou deux de la gloire; il allait bientôt être enlevé lorsqu'il frappa, à diverses reprises, les capitaines et leurs cinquantaines, Il se trouvait sur une colline anticipant les plus brillantes perspectives: les chariots d'Israël et sa cavalerie, destinés à l'emporter au ciel, étaient à peine à quelques pas de lui, et pour ainsi dire, à la portée de sa vue. Pour les disciples, l'âme de leur Maître était en cette occasion intimement associée à celle d'Elie. Mais les analogies ne suffisaient pas ici; et même, leur emploi ne faisait que tout confondre, en sortant le Seigneur Jésus de son jour de grâce pour l'introduire en son jour de jugement; en l'invitant à agir dans l'esprit des temps d'Apocalypse 11, tandis qu'il en était à l'heure de Luc 4: 23-30. Les témoins d'Apocalypse 11 peuvent aller au ciel à travers la mort de leurs ennemis, faisant sortir du feu de leurs bouches, afin de consumer, comme l'avait fait Elie, tous ceux qui les outrageaient; mais des analogies ne sont pas la règle; il faut qu'elles subissent le crible de cette «pensée de Christ», qui distingue les choses qui diffèrent et qui enseigne, au moyen de la lumière de la Parole, que Jésus va au ciel par la voie du salut et non par celle de la destruction des hommes; en renonçant au monde, et non en le jugeant. Elie se vengea des capitaines qui l'insultaient, et fut ensuite enlevé au ciel. Les témoins monteront au ciel à la vue de leurs ennemis, mais Jésus prend la forme d'un serviteur obéissant jusqu'à la mort, après cela, il est hautement exalté par Dieu. Il en est de même de chaque saint individuellement et de l'Eglise entière: «Or, vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations. Et moi je vous confère un royaume comme mon père m'en a confère un».

L'erreur des disciples provenait donc de leur ignorance, et les animait d'un esprit qui n'était pas conforme à la pensée de Christ. L'analogie justifiait pleinement le mouvement de leurs coeurs. Le sens moral qui juge selon les pensées de l'homme et non selon la lumière des mystères de Dieu, le sanctionnait entièrement aussi. Mais Celui qui discerne les choses qui différent les censura fortement: «Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés». L'exécution des propositions des disciples aurait apporté un bouleversement complet dans le dessein de Dieu. Ils rappellent à notre souvenir les serviteurs, dans la parabole du champ et de l'ivraie. Les disciples avaient raison au point de vue de l'homme, et ces serviteurs aussi. N'est-il pas convenable de nettoyer le blé? L'ivraie n'est-elle pas nuisible, puisque, tout en profitant comme la bonne semence de la vigueur du terrain, elle n'est elle-même d'aucune utilité. Le sens commun de l'homme, son juste jugement moral eussent dit tout cela, mais la pensée de Christ dit précisément le contraire: «Laissez-les croître tous deux ensemble jusqu'à la moisson». Christ ne jugeait que d'après les mystères divins. Voilà ce qui formait la pensée du Maître, toute parfaite qu'elle était; et c'est aussi cela qui doit former la même pensée dans les saints. Dieu avait des intentions à l'égard du champ: une moisson devait se faire et des anges allaient être envoyés pour la récolter.

Après cela seulement, un feu devait être allumé pour consumer l'ivraie séparée du froment et liée en faisceaux; or, pour le moment, à l'heure de Matthieu 13, il n'y avait encore rien de tout cela; les anges n'étaient pas occupés à la moisson du champ, le feu n'était pas préparé pour consumer l'ivraie; la grâce patiente du Maître était encore tout. Le Seigneur veut que le champ reste pour le moment, sans être nettoyé; les mystères de Dieu, les pensées et les conseils du ciel, précieux et glorieux au delà de toute mesure, exigent qu'il en soit ainsi, et aucun chemin n'est le vrai, sauf celui que l'on prend à la lumière du Seigneur, dans la connaissance des mystères du royaume des cieux.

L'Eglise non plus n'a pas à se rendre au ciel à travers un monde purifié, mis en ordre, ou embelli; pas plus que Christ n'eût voulu s'y rendre à travers un monde jugé. C'est là une considération qu'il importe de peser attentivement, car que fait aujourd'hui la Chrétienté? Précisément le contraire de tout ceci: elle aspire à mettre en bon ordre le monde, à nettoyer le champ et à faire que le chemin vers le ciel et la gloire passe par un monde bien ordonné et bien orné. Elle a mis l'épée dans la main de ceux qui se disent disciples de Christ. Elle ne veut pas attendre le temps de la moisson ni laisser aller «dans une autre bourgade». Elle tire vengeance des injures au lieu de les souffrir; elle règle l'Eglise d'après les principes d'une nation bien organisée et non sur le modèle d'un Jésus rejeté de la terre. En un mot, elle est remplie des pensées les plus fausses, jugeant tout selon le sens moral de l'homme et non pas dans la lumière des mystères de Dieu — elle est sage à ses propres yeux.

Je sais fort bien qu'au milieu même de cet état de choses, des milliers de coeurs battent pour Jésus d'un amour sincère, mais ils ne savent pas de quel esprit ils sont animés. Je sais bien que le zèle, s'il est pour Christ, bien que mal dirigé est préférable de beaucoup à de la glace au coeur ou à l'indifférence à l'égard de ses droits ou de ses outrages. Et toutefois, le seul véritable sentier est celui qui est pris sous le regard du Seigneur et dans l'intelligence des mystères de Dieu, de son appel, et de la direction vers laquelle le Saint Esprit tourne son énergie, et non pas simplement d'après la coutume ou les prescriptions des pensées et de la morale humaines. Or l'appel de Dieu requiert que le champ ne soit pas maintenant purifié de l'ivraie, que l'injure faite par les Samaritains demeure encore impunie, que les ressources de la chair et du monde soient laissées de côté et non pas employées, et que l'Eglise arrive au ciel non pas en appelant le jugement sur le monde, mais en gardant son coeur dans une sainte séparation de tout ce qui caractérise le monde, et qu'elle fasse cela dans la compagnie d'un Maître rejeté.

«Celui qui n'assemble pas avec moi disperse» (Luc 11: 23): c'est-à-dire celui qui ne travaille pas selon la pensée de Christ contribue, de fait, aux progrès du mal. Ce n'est pas assez de travailler au nom de Christ: aucun saint ne voudrait se mettre à l'oeuvre sans cela; mais s'il ne travaille pas conformément au dessein de Christ, il disperse. Beaucoup sont occupés aujourd'hui à redresser et à embellir le monde; ils veulent faire de la chrétienté une maison balayée et ornée; mais, comme il n'entre pas dans les plans de Dieu qu'il en soit ainsi pour le moment, ces chrétiens ne font qu'aider au développement du mal. Christ n'a pas chassé du monde l'esprit impur; et sa pensée n'est pas pour le moment de le faire. L'ennemi peut changer de manière d'agir, mais il n'en est pas moins toujours «le dieu» et «le prince de ce monde». La maison lui appartient encore; comme nous le voyons dans la parabole de Luc 11: 24-26. L'esprit immonde en est sorti, mais c'est là tout; il n'en a pas encore été jeté dehors par un homme plus fort que lui; de sorte que son droit sur elle est manifeste; aussi voyons-nous qu'il y revient, et tout ce qu'il y trouve n'a servi qu'à la rendre plus propre à ses desseins. Il la trouve balayée et parée; tellement qu'il revient avec sept autres esprits de même nature et rend la dernière condition de la maison pire que la première.

Les erreurs que nous avons voulu signaler sont de très anciennes erreurs. David se trompait de la même manière, en projetant de bâtir une maison pour le Seigneur. C'était une erreur, bien qu'elle procédât d'un coeur droit et sincère. Le temps n'était pas venu de bâtir une maison à l'Eternel parce que l'Eternel n'avait pas encore bâti une maison à David. Le pays était encore souillé de sang et jusqu'à ce qu'il eût été purifié, il n'était pas possible que le Seigneur y trouvât du repos, ou qu'il y établit sort royaume. David errait donc grandement, non pas par duplicité de coeur, mais par ignorance: il pensait que le Seigneur pouvait avoir son trône sur la terre avant que la terre fût purifiée. De l'autre côté, les serviteurs de la parabole erraient aussi en croyant, que l'Eglise pouvait être l'instrument de la purification du monde. En me servant du langage de l'ordonnance lévitique inscrit en tête de ce travail, je pourrais dire que David pensait revêtir «un drap tissu de diverses matières», mais le Seigneur intervint pour l'en préserver. Le motif de son coeur, en tant que l'expression de ses sentiments, était acceptable devant le Seigneur et cependant son projet dut être abandonné. Cela ne nous dit-il pas combien le Seigneur est jaloux de voir ses principes observés et la position dans laquelle il a placé ses serviteurs maintenue? En outre, nous apprenons que le désir du saint, quelque plein de dévouement qu'il puisse être, n'amènera jamais le Seigneur à faire l'abandon de ses pensées et de ses conseils, bien qu'il puisse approuver le mobile de ce désir. S'il en était autrement tout ne serait que confusion. Les pensées de David, tout innocentes qu'elles fussent, auraient apporté le désordre partout; elles auraient eu pour résultat de placer le trône du Seigneur dans un royaume non purifié et de permettre à son serviteur de lui donner du repos avant qu'il eût donné lui du repos à son serviteur. Et quelle confusion n'eût-ce pas été! Quel triste témoignage eussent produit ces principes mélangés! Qui eût pu reconnaître dans ce qui en fût résulté quelque chose de la grâce ou de la gloire du Dieu d'Israël?

La répréhension adressée à Pierre à Antioche fût plus péremptoire; car Pierre était, non par ignorance comme David, mais à cause de la crainte qu'il avait occasionnellement de l'homme; crainte qui est «un piège» ainsi que nous l'enseigne l'Ecriture et que nous avons pu l'expérimenter. Or, c'était là plus que de la confusion; c'était une perversion. (En Deutéronome 20: 19, 20, nous avons un autre exemple de perversion ou de l'emploi de certaines choses à un mauvais usage). Lors même qu'il ne s'agirait que de confusion, par le fait d'un cher et bien-aimé serviteur de Dieu, cela ne saurait être toléré, comme l'a fait voir le cas de David, puis cet autre encore, lorsqu'il ramena l'arche de Kiriath-Jéharim. Sa consécration de coeur et sa joie ne rendirent pas excusable la confusion qu'il commettait en ceci: on ne pouvait admettre cette confusion, pas même pour un instant et par condescendance. Quelque acceptable que fût, aux yeux du Seigneur, le mouvement du coeur de David, ses voies devaient être blâmées, parce que les voies du Seigneur, ses desseins, ses conseils et ses pensées Lui sont précieux et doivent subsister à jamais. Ce n'est pas que David ou Pierre fussent des hommes à principes mélangés, comme s'exprime la Parole, ou qu'ils portassent des vêtements tissus de laine et de lin comme dit l'ordonnance; mais ces traits de leur histoire sont une illustration frappante d'une vérité solennelle, que nous devrions retenir soigneusement, savoir que le Seigneur fera prévaloir ses propres principes à l'encontre même de ses chers serviteurs; qu'il reprendra et qu'il doit reprendre les mouvements de leurs coeurs s'ils tendent à obscurcir ses conseils et son témoignage, alors même que ces mouvements sont produits par un sentiment qu'il peut approuver en lui-même et dans lequel il peut prendre plaisir.

Mais outre les cas de David, de Pierre et des disciples qui, en Luc 9, dans un zèle inintelligent pour le Seigneur, auraient voulu le venger, poussés qu'ils étaient par une sincère et juste affection, la Parole signale toute une classe de personnes qui se tiennent comme en dehors des voies de Dieu, à cause de l'incertitude de leurs pensées. La trace de cette génération peut se suivre d'un bout à l'autre des Ecritures; ce sont des gens à principes mélangés, qui portent des vêtements tissus de laine et de lin, en opposition avec l'appel de Dieu et avec les saintes ordonnances de sa maison. On peut, plus que beaucoup d'autres peut-être, trouver humiliant de rencontrer une telle génération; il y a cependant, en cela, du profit pour l'âme; et le moment actuel nous semble bien opportun pour nous en occuper. Lot était associé avec l'appel de Dieu. Comme Abraham, son oncle, il quitta la Mésopotamie; puis, après la mort de Taré, son grand-père, il vint avec Abraham au pays de Canaan; il était un homme juste; nulle tache manifeste ne se trouvait en lui. Abraham obéit plus d'une fois à la voix de la nature; aussi eut-il à se dégager, avec honte, de plus d'un piège de l'Egypte et encore d'Abimélec. Lot, lui, n'encourut aucun reproche semblable, pendant toute la durée de son séjour à Sodome; tout ce que nous lisons de lui, c'est qu'il tourmentait chaque jour son âme juste à cause de la conduite de ces abominables. Malgré tout cela, il appartenait, hélas, à la classe de personnes dont nous nous occupons. Si Abraham souilla plus d'une fois son vêtement, celui-ci n'était cependant point «tissu de diverses matières», tandis que le vêtement de Lot était: «de laine et de lin tissus ensemble». Il ne fut pas fidèle à l'appel de Dieu; il devint un citoyen là où il n'aurait dû être qu'un étranger. Il avait choisi les plaines bien arrosées et s'était établi dans une cité, tandis qu'Abraham, le témoin de Dieu, parcourait le pays, errant de tente en tente. Lot fut toute sa vie un homme de principes mélangés, tandis qu'Abraham fut toute la sienne fidèle à l'appel de Dieu. La conduite de Lot, toute imprégnée de faux principes, a pour résultat des afflictions qui font sa honte; or, c'est par les justes reproches de la conscience que l'affliction devient réellement amère. Lot fuit emmené en captivité alors qu'il habitait les plaines de Sodome; puis la destruction, faillit l'atteindre quand il fut venu se fixer dans la ville; de sorte qu'il a toujours été et qu'il est encore pour l'Eglise, un frappant exemple de quelqu'un qui, sauvé sans doute, ne l'est cependant que: «comme à travers le feu». Son âme n'était jamais heureuse et au large; il l'affligeait tous les jours. Il n'y a, dans un tel témoignage rien de brillant; quand il s'agit de Lot, aucune joie, aucune force, aucun triomphe d'esprit ne sont rapportés. Les anges étaient d'une grande réserve à son égard, tandis que le Seigneur des anges voulait bien converser dans l'intimité avec Abraham. Lot dut s'enfuir n'ayant que sa vie pour butin, tandis qu'Abraham, placé sur une hauteur, contemplait le jugement à distance. Ce qui nous frappe, c'est que, du moment où Lot eut choisi son propre chemin comme un homme de principes mélangés, il abandonna la voie où l'appel de Dieu l'aurait maintenu avec Abraham, et que dès lors il n'y eut plus de communion entre eux, Abraham vole bien à son secours au jour où ses principes le placent dans la difficulté et la détresse; mais il n'y a point de communion entre eux. Ils ne pouvaient se rencontrer en esprit. Tout enfant de Dieu reconnaîtra bien Lot comme son parent, il remplira bien à son égard le service que lui rendit Abraham; mais aucune communion n'existe plus entre eux. Or, cela n'est point rare de nos jours. Lot, au lieu d'affermir son appel et son élection, est au nombre de ceux que les enfants de Dieu reconnaissent comme frères sur le témoignage positif de la Parole, plutôt que sur la pleine et précieuse confiance en la certitude de la vocation de Dieu à son égard, ou comme l'un de ceux dont Paul pouvait dire: «Connaissant, frères bien-aimés, que votre élection est de Dieu».

La nature prévaut tristement et d'une manière variée dans tous les saints de Dieu dont les Ecritures nous parlent; chez les uns plus, chez les autres moins, précisément selon la mesure de l'abondance des fruits de l'Esprit en eux dans les affections et le service; ici trente, là soixante et ailleurs cent. Mais c'est là tout autre chose que d'être des gens de principes mélangés. C'est le cas de David. La nature eut parfois le dessus en lui, mais jamais il ne fut un homme de principes mélangés; jamais il n'entra de propos délibéré en association avec ce qui n'était pas en harmonie avec l'appel de Dieu, d'après lequel sa vie devait être réglée. Son caractère s'était formé sur cet appel, et ses voies y étaient conformes. Il n'en était pas de même de son ami Jonathan; la vie de celui-ci n'était pas réglée par l'appel de Dieu et par l'énergie de l'Esprit travaillant selon cet appel. Il se conduit parfois noblement et d'une manière pleine de grâce; mais il ne fut jamais un homme séparé de ce que Dieu avait rejeté. Il ne fut pas fidèle aux purs principes établis de Dieu en ces jours-là; il fût un homme de foi manifestant les affections spirituelles les plus tendres et s'acquérant, par cela même, une place précieuse et bien marquée dans le souvenir des saints; mais, avec tout cela, il n'occupa jamais la position où l'eût voulu l'appel de Dieu. La cour de Saül était alors un lieu de souillure et d'apostasie, et Dieu était avec David. La gloire était avec lui dans le désert, dans les cavernes et dans les trous de la terre. David avait avec lui l'éphod, le sacrificateur, l'épée de la force de Dieu, témoin de sa victoire. La fleur et la promesse du pays le suivaient aussi. Ceux de la caverne d'Hadullam et ceux du jour de la vengeance de Ziklag acquièrent un nom avec lui. Tous ces fils d'Israël, tous ceux qui resplendissent plus tard à la cour et au camp du royaume se trouvent avec David dans ce moment-là. Dieu alors appelait les siens à la compagnie du fils de Jessé dans les cavernes, et c'est là que l'énergie de l'Esprit opérait. Mais Jonathan n'était point là. Il ne se trouvait pas là où étaient la gloire, le sacrificateur, l'éphod et l'homme selon le coeur de Dieu, rejeté et méprisé, il est vrai, par les hommes; en un mot, il ne se trouvait pas là où se concentrait toute la promesse du royaume qui allait être introduit. Voilà le côté triste de son histoire. Personnellement, Jonathan était on ne peut plus aimable; il avait accompli quelques actes de vaillance, plusieurs de ses affections avaient un parfum céleste; jusqu'à la fin, nous pouvons en être assurés, David vécut dans son coeur. Il souffrit cruellement, nous n'en doutons pas, des caprices et de l'injustice de son père. Personnellement, il ne donna que de la joie à David, tandis que d'autres qui le suivaient furent, plus d'une fois, pour lui, une occasion de honte et de chagrin, jusque dans ses afflictions. Quoiqu'il en soit la position de Jonathan, en ces jours-là, n'était pas en accord avec l'appel de Dieu. Elle le tint séparé du témoignage de Dieu et de tout ce qui lui appartenait, bien qu'il possédât le Seigneur pour lui-même. Jusqu'au moment où il succombe sur la montagne de Guilboah il reste avec la cour et avec l'armée. Il périt avec elles dans la défaite et la honte, parce que depuis longtemps la gloire les avait quittées et que tout ce qui dans la nation était de Dieu s'était retiré d'avec elles. Jonathan est ainsi l'illustration d'un cas malheureusement très fréquent. Etait-ce, chez lui, ignorance de l'appel de Dieu ou incertitude de pensées? Nous ne trancherons pas la question; mais nous nous contenterons de faire remarquer que, de nos jours, plusieurs, pleins comme lui de grâces et de bonnes qualités personnelles, ont pris place en dehors du sentier où le Saint Esprit déploie son énergie conformément à la règle de la dispensation actuelle. Je dirai même, que cette classe forme le plus grand nombre. Individuellement, ils accomplissent des actes de dévouement et de valeur, mais le milieu dans lequel ils vivent tourne à leur confusion comme cela fut le cas pour Jonathan. Ils sont liés avec un monde sur lequel le jugement va fondre subitement; et ils se trouvent au milieu d'une cour et d'un camp qui succomberont bientôt sous l'épée des incirconcis. «Ne l'allez point dire dans Gath et n'en portez point les nouvelles dans les places d'Askélon». Jonathan est en cela l'illustration d'un fait qui, dès lors jusqu'à aujourd'hui, s'est reproduit sans interruption et d'une manière de plus en plus éclatante. Mais la présence de Jonathan ne peut sanctionner le lieu où il se trouve; la présence de Jonathan ne peut pas faire que le camp ou la cour de Saül soient autres que ce qu'ils sont. La seule impression que fait Lot dans Sodome est celle d'un Lot souillé et non d'une Sodome sanctionnée, purifiée. Tout cela est en harmonie avec cette parole d'Aggée (2: 12, 13): «Si quelqu'un porte au coin de son vêtement de la chair sanctifiée, et qu'il touche du coin de son vêtement du pain ou quelque chose de cuit, ou du vin, oui de l'huile, ou quelque viande que ce soit, cela en sera-t-il sanctifié? Et les sacrificateurs répondirent et dirent: Non. Mais si celui qui est souillé pour un mort touche toutes ces choses-là, ne seront-elles pas souillées? Et les sacrificateurs répondirent et dirent: Elles seront souillées».

Il y a cependant «des choses qui diffèrent» et l'âme exercée devant Dieu doit savoir les discerner. Il y a des vêtements souillés qui ne sont pas, en même temps, des vêtements mélangés., «tissus de diverses matières, c'est-à-dire «de laine et de lin ensemble». Notre devoir est de garder, par la puissance de l'Esprit, nos vêtements exempts de la plus légère souillure. Sans cela, une vie de communion avec le Seigneur est impossible. Et cependant un vêtement souillé n'est pas un vêtement de diverses matières. Nous ne devons pas confondre non plus un drap où se rencontrent çà et là quelques fils étrangers, avec celui qui est positivement et en principe «tissu de laine et de lin ensemble». Les Ecritures toujours si riches et si parfaites nous présentent des caractères formés par ce que l'on a nommé fort bien «principes mélangés»; et d'autres caractères qui parfois se laissent atteindre par la souillure de ces principes, sans être entièrement formés par eux. La vie de Lot toute entière était une vie de principes mélangés; il était un homme incertain dans ses pensées, «inconstant dans toutes ses voies» (Jacques 1: 8). Je n'oserais me prononcer d'une manière aussi positive à l'égard de Jonathan; cependant, du commencement à la fin, sa vie et celle de Lot sont souillées par le contact avec le mal; chaque fois, du moins, que la tentation se présente. Lot, bien que associé avec Abraham dans l'appel de Dieu, était un homme de la terre. Jonathan, quoiqu'il fût témoin des souffrances et des outrages endurés par David, n'en servit pas moins, jusqu'à la fin, les intérêts de son oppresseur. C'est ainsi que, d'un bout à l'autre, leur vie est caractérisée par des rapports qui ne pouvaient s'accorder ni avec les voies de Dieu ni avec la présence de la gloire. Le vêtement de l'un et de l'autre était tissu de diverses matières, de laine et de lin ensemble. En contraste avec cela, arrêtons nos regards sur Jacob, et nous trouverons qu'il appartient à une génération différente. C'était un homme habile et prévoyant, rempli de craintes, de plans et de calculs terrestres, qui obscurcissent singulièrement plusieurs pages de son histoire. La construction d'une maison à Succoth; l'achat d'une pièce de terre à Sichem; sont autant de choses qui ne peuvent convenir à la vie de pèlerin, à la vie de la tente à laquelle, comme fils d'Abraham, il était appelé. Toutefois Jacob ne peut être classé avec Lot: sa vie ne fut point formée par Succoth ou par Sichem, bien que nous l'y trouvions et qu'il y fût hors de sa place; de fait il était réellement étranger avec Dieu sur la terre. Et, dans les derniers jours de son pèlerinage, nous le voyons en Egypte, quoique au milieu de beaucoup de circonstances capables de porter atteinte à son caractère d'étranger et de pèlerin, donner des preuves assurées et précieuses d'un état d'âme restauré et prospère.

Les jours d'Achab, roi des dix tribus d'Israël, sont aussi féconds en exemples de ce genre. Nous y rencontrons un Elie, un Michée, un Josaphat, un Abdias, sans parler des sept mille qui n'avaient pas fléchi le genou devant l'image de Baal et tout ceci dans un temps des plus sombres; dans un temps d'abandon des voies de Dieu; aux jours de Jésabel et de ses abominations.

Il y a cependant des distinctions à faire, entre tous ceux que nous venons de nommer, et au point de vue des expressions: tissus «de laine et de lin» ou de «vêtements de diverses matières». Je puis affirmer sans contredit qu'il n'y a pas lieu de se méprendre quant au tissu du vêtement que portaient Elie et Michée. La ceinture de cuir de l'un, les liens de l'autre, nous disent quels sont ces hommes et parlent bien haut d'une séparation complète.

Nous ne pouvons rien dire des sept mille en particulier. Dieu ne nous les a fait connaître que comme un résidu selon l'élection de la grâce, gardé, dans un jour mauvais, de fléchir le genou devant l'image de Baal. Mais Abdias n'était pas Elie, et nous devons aussi le distinguer de Josaphat: telle est la variété morale que ces jours offrent à notre attention.

Josaphat, roi de Juda, de la maison et de la descendance de David, fut un homme séparé mais que nous rencontrons parfois, et cela trop souvent, dans des associations corruptrices. Il appartenait à la race de Jacob, bien qu'il ait été trouvé en défaut plus souvent que Jacob. La vanité le trahit mainte et mainte fois, comme la politique mondaine trahit le patriarche. Josaphat fit alliance avec Achab. Au jour de la bataille, il se revêtit du costume royal, vêtement hélas! tristement et honteusement tissu «de diverses matières», et qui faillit lui coûter la vie (comme le même vêtement avait fait courir à Lot le même danger dans la cité de Sodome). Dans cette circonstance, Josaphat manqua d'une manière déplorable à la sainteté et à la séparation qui convenaient à la maison de David. Malgré tout cela, je ne suis pas disposé à placer Josaphat en compagnie de Lot. Sa vie n'était pas une vie de principes mélangés; son vêtement, n'était pas, de propos délibéré, «tissu de laine et de lin ensemble», bien que tristement et honteusement en désaccord avec le témoignage qui convenait à un fils de David, à un roi de Jérusalem. Des actions louables et utiles s'accomplirent par ses mains; les plus tendres affections firent battre son coeur; enfin, le Dieu de son père le reconnut; mais de même que Jacob, et cela dans une mesure infiniment plus grande et plus affligeante, Josaphat fut trahi; il fut entraîné dans des relations qui firent de son témoignage une chose très mélangée et imparfaite. Ce n'était pas simplement la nature prenant parfois le dessus; cela, hélas, se voit chez tous; même chez ceux de la meilleure race comme, par exemple, Abraham et David. Le caractère de Josaphat n'était pas, non plus, un vêtement souillé oui dont la souillure fût très apparente, mais, un vêtement dont le tissu permettait à peine de discerner s'il était composé d'une seule matière ou si c'était le vêtement condamné comme tissu de laine et de lin, tant les diverses matières s'y montrent honteusement par places, mais non partout cependant.

Quant au vêtement d'Abdias, impossible de s'y méprendre. Un coup d'oeil suffit pour nous y faire discerner de la tête aux pieds «les diverses matières». Sa vie était de ce tissu-là. Il ne s'agit pas seulement de manquements ou de chutes dans sa vie, mais sa vie toute entière montre un homme de principes mélangés. C'était un homme pieux, mais dont les voies n'étaient pas en harmonie avec l'énergie de l'Esprit en ces jours-là. Il avait égard à l'affliction des prophètes, cela est vrai, puisqu'il les abritait de la persécution dans des cavernes et les y nourrissait; mais il continuait à être le conseiller, le compagnon et le ministre du roi Achab, dans le royaume duquel l'iniquité était pratiquée. «La laine et le lin» composaient, en entier, le vêtement qu'il portait chaque jour. Quelle différence avec la ceinture de cuir d'Elie! et cette différence ressort de la manière la plus évidente et la plus expressive lorsque ces deux hommes viennent en contact. Abdias s'efforce de se concilier l'esprit d'Elie. Il lui rappelle ce qu'il a fait pour les prophètes de l'Eternel au temps de leur détresse et il ajoute qu'il craint Dieu; mais Elie ne se dirige vers lui que lentement et avec froideur. Pénible chose entre deux croyants, chose bien fréquemment expérimentée, mais, il est vrai, plus habituellement sentie que reconnue (1 Rois 18).

Il ne pouvait point y avoir de communion d'esprit entre Abraham et Lot, après que Lot eut fait choix de ce qui plaisait à ses yeux et à son coeur et eut continué dans cette voie jusqu'à devenir un habitant de Sodome. L'histoire, il est vrai, ne nous a pas dit cela, mais elle ne nous rapporte, comme je l'ai déjà fait observer, aucune entrevue, aucun tête-à-tête entre ces deux personnages depuis leur séparation, et nous pouvons facilement en comprendre le pourquoi; de semblables choses se produisant encore aujourd'hui parmi nous. Les Abrahams et les Lots de maintenant ne se rencontrent pas, ou, s'il leur arrive de se rencontrer, ils n'ont aucune communion. Ils ne se réjouissent pas dans les entrailles de Christ. Abraham délivra Lot de la main du roi Kédor-Lahomer, mais ce n'était pas là une réunion; ils ne pouvaient pas s'unir. Et si les saints de Dieu ne peuvent se trouver ensemble dans ce caractère, il leur vaut mieux rester séparés. Ils le sont déjà en esprit. Elie et Abdias nous offrent, de ce fait, une illustration plus vivante encore. L'homme à la ceinture de cuir, l'étranger pour Dieu dans le pays aux jours d'Achab, ne pouvait se trouver souvent dans la compagnie du gouverneur de la maison d'Achab. Cependant ils se rencontrent en un mauvais jour; en un jour qui peut nous rappeler la vallée des puits de bitume, lors de la captivité de Lot. Achab avait partagé le pays avec Abdias son serviteur, afin d'y chercher de l'eau au jour de la sécheresse; tandis que l'Eternel, le Dieu d'Elie, avait étendu l'épée de son serviteur sur le pays, afin qu'il n'y eût ni rosée, ni pluie; c'est dans un tel moment, celui de la perplexité d'Abdias et de la mission d'Elie que leur rencontre a lieu.

Cette circonstance n'est pas sans importance et sans signification; elle a, pour nous, d'utiles enseignements.

Abdias fait des avances; il y a de la réserve du côté d'Elie. Ne faut-il pas nécessairement qu'il en soit ainsi? Abdias recherche l'intimité avec Elie; mais celui-ci la repousse. Abdias appelle Elie son seigneur, mais Elie lui rappelle qu'Achab est son maître. L'intimité, en effet, ne saurait exister. Nous ne pouvons pas servir le monde, chacun pour soi suivre son train, et puis prétendre lorsque nous nous trouvons ensemble que nous nous réunissons en notre qualité de saints. La tentation de réaliser une réunion sur un tel pied est vaine et infructueuse, quoique le désir en soit aussi naturel que fréquent de nos jours. Mais Elie garde son caractère; il est fidèle à l'égard de son frère maintenant, ainsi qu'il l'avait été précédemment à l'égard de son Seigneur: chose magnifique et qui devrait nous être précieuse toutes les fois que nous la rencontrons. Abdias avait marché avec le monde pendant l'absence d'Elie, et lorsqu'il le rencontre, celui-ci ne peut lui permettre de parler d'union. Abdias alors songe à se défendre: «Quel crime ai-je fait que…» Pourquoi dit-il cela? Elie ne l'avait accusé d'aucun péché. Pourquoi donc cette alarme et ce trouble d'esprit? Elie avait-il en rien compromis sa vie, sa sécurité ou même ses intérêts? Dérangeait-il quelque chose à ce qui le concernait? Non, certes. Pourquoi donc ces craintes, pourquoi chercher un refuge dans la pensée qu'il n'avait pas péché? C'est un pauvre état d'âme que celui d'un saint qui a seulement la conscience de ne pas avoir péché. Cela suffit-il pour jouir de la communion d'un Elie ou pour comprendre sa pensée? Abdias habitait le palais d'Achab, pendant qu'Elie se trouvait au torrent de Kérith. C'est la question et nullement s'il avait péché ou non. Abdias s'était-il trouvé avec lui auprès de la cruche de farine et de la fiole d'huile? Elie ne lui dit pas qu'il a péché; il n'avait donc nul besoin de se défendre ou de se justifier de la sorte. Mais il faut qu'Elie lui fasse connaître que leurs esprits ne s'harmonisent pas, parce qu'ils venaient de deux points opposés: «N'a-t-on point dit à mon seigneur ce que je fis quand Jésabel tuait les prophètes?» Quel rapport cela avait-il avec la question? Elie lui, ne s'était pas occupé de son histoire passée: il valait mieux qu'elle fût, pour la plus grande partie, passée sous silence. C'est toujours une misérable chose, de revenir de la sorte sur son caractère ou sur ses voies passées. Cela n'est pas un titre suffisant pour une communion présente avec les saints, et n'y a même aucun rapport.

Voilà quelles sont les pensées, les excuses d'Abdias et ses motifs de justification, quand il se trouve en présence d'un témoin fidèle de Christ. Il n'avait pas péché et dans les jours précédents il avait accompli un service. Quelle petite idée une âme se fait de l'appel du peuple de Dieu, lorsqu'elle se figure que nous y répondons de cette manière et que là est la base de notre rassemblement. Si nous servons le monde, bien que nous ne péchions pas, comme on dit communément, et bien que nous ayons montré du dévouement et de l'activité dans les jours passés, nous ne sommes pas, pour cela, propres à la communion les uns avec les autres en qualité de saints de Dieu.

Venons-nous du ciel ou de la cour d'Achab? Avons-nous fait provision pour la chair, ou avons-nous désiré les choses de Christ? Il y a quelque chose de plus que de dire que l'on n'a pas péché ou que de se prévaloir d'un caractère établi ou de services passés, et c'est, nous allons le voir, la seule chose qui nous rende réellement aptes à la vraie communion des saints. Abdias était gouverneur de la maison d'Achab; comment donc un Elie pouvait-il être à son aise avec lui? Elie se sentait retenu, et il le montra dans ses manières, si ce n'est dans ses paroles.

Abdias, en cette circonstance, est l'homme des paroles, et cela aussi est naturel; c'est habituellement le cas dans de telles entrevues entre les Elies et les Abdias de nos jours. En réalité, il n'existe pas de communion lorsqu'il y a avances et effort d'une part, réserve de l'autre. Ce n'est sûrement pas là la communion des saints. Tout cela a, pour nous, une voix, car la chose est fort commune en ces jours-ci. Elie et Abdias ne vivaient pas dans la compagnie l'un de l'autre: c'était le fait. Leurs esprits ne pouvaient être à l'unisson. Le vêtement tissu de diverses matières, de laine et de lin, que devait forcément revêtir un saint de Dieu habitant la cour d'Achab, contrastait d'une manière fâcheuse avec la ceinture de cuir d'un témoin de Christ, solitaire et souffrant. Abdias ne nous apparaît qu'une fois, et revêtu d'un costume mélangé. Mais quelle sainte et sérieuse signification cette voix n'a-t-elle pas pour nous? La pauvre veuve de Sarepta, qu'Elie venait de quitter, avait joui pleinement de toutes les sympathies d'Elie; sa demeure humble et solitaire, avec sa cruche de farine et sa fiole d'huile, avait été témoin d'une communion vivante entre des esprits de même nature et avait offert une scène dont Dieu était la vie et le rémunérateur. Ce n'était pas dans de tels rapports que se trouvaient Elie et Abdias. Elie est trop vrai pour laisser Abdias s'approcher de lui en esprit, ou pour répondre aux efforts qu'il fait pour se concilier les pensées d'Elie.

Tout ceci est caractéristique, j'en suis pleinement convaincu. Abraham et Lot, avons-nous dit, ne se rencontrèrent jamais en communion après que Lot eut levé les yeux sur les plaines bien arrosées de Sodome. La distance morale qui les séparait suffisait pour les tenir éloignés, bien que le chemin d'un sabbat eût pu les réunir. Chose profondément significative, en vérité! Et il en est de même pour Elie et Abdias: leur rencontre n'était pas une réunion. La délivrance de Lot des mains de Kédor-Lahomer par Abraham n'était pas davantage une réunion. Ce n'était point du tout la communion des saints, ni les affections cordiales dans le Seigneur. Mais hélas! quelle leçon fréquemment répétée se trouve en tout cela pour nos coeurs.

Hébed-Mélec aussi du temps d'un autre Elie, fut un homme de la race d'Abdias, mais cependant pas d'une manière aussi prononcée que son frère aîné. Comme lui, il aimait le prophète de Dieu à la face même d'une cour impie et injurieuse. Gêné par la politique craintive du roi il plaida néanmoins en faveur de Jérémie et le servit avec un dévouement personnel on ne peut plus touchant. Il n'était cependant pas un témoin comme l'était Jérémie. Il avait peur du Chaldéen (Jérémie 29: 17) — l'épée de la colère de l'Eternel; ce qui sûrement n'était pas la condition d'un témoin du Seigneur. Cependant sa faiblesse ne fut pas méprisée par la grâce souveraine de Dieu. Il reçut selon sa mesure; et au jour du jugement de l'Eternel, Hébed-Mélec eut sa vie pour butin, alors que Jérémie fut environné d'honneur. Hébed-Mélec fut sauvé, mais ce fut tout, le prophète reçut une récompense.

Nous avons donc rencontré en divers temps, une génération qui, tout en appartenant au peuple de Dieu, était à l'écart de la place où l'aurait voulue l'appel de Dieu. Tel fut Lot et tel fut Jonathan, tels furent aussi Abdias et Hébed-Mélec. Chez tous il y avait plus ou moins d'incertitude de pensées et l'amour du monde avait plus ou moins de puissance dans leur âme. Mais combien cette génération abonde aujourd'hui! Que de saints sont trouvés dans des positions ou des rapports d'où l'obéissance à l'appel de Dieu les éloignerait aussi sûrement qu'elle eût éloigné Lot de Sodome. Dans une foule de cas, ce mélange impur de motifs mondains ou charnels provient de l'ignorance ou de ce que les coeurs, n'ayant pas été rendus attentifs à la voix des mystères du royaume de Dieu, ont pris conseil de la chair et du sang. Ils n'ont pas discerné que la voix du Berger les appelait à sortir. Ils n'ont pas compris que l'Eglise était une étrangère céleste sur la terre et qu'avoir des relations — des relations religieuses — avec le monde, c'est la même chose que Lot dans Sodome, ou que l'Israélite portant un «vêtement tissu de diverses matières, de laine et de lin ensemble».

Le monde est scellé pour le jugement, plus sûrement encore que ne l'était Sodome. Dix justes auraient fait épargner les villes de la plaine; mais rien ne saurait détourner le jugement de «ce présent siècle mauvais».

Une remarque se présente cependant ici, sur la distinction qui doit être faite entre Lot et Jonathan; elle trouve, de nos jours, son application pour plus d'une âme. Lot n'avait aucun motif qui pût sanctionner sa présence dans Sodome. Tout ce qu'il savait appartenir à Dieu était en dehors; la nature elle-même n'avait aucun droit à faire valoir en faveur de Sodome. Abraham et Sara n'y étaient pas, eux, témoins de l'appel et de la présence de Dieu, aussi bien que parents de Lot, selon la chair. Tout ce que la religion ou la nature avaient de sacré, était en dehors. Les voies de la Providence plaidaient aussi pour l'en faire sortir, car les plaines de Sodome avaient déjà mis en péril sa vie aussi bien que sa liberté, et l'avertissaient ainsi d'éviter la ville. Le monde, et le monde seul, parlait au coeur de Lot en faveur de Sodome. Mais dans le cas de Jonathan la nature avait un prétexte. Tout ce qui était de Dieu se trouvait en ce jour-là, il est vrai, hors de la cour et du camp de Saül; mais les droits de la parenté, la voix de la nature, son autorité même étaient connus et éprouvés au-dedans. Le père et la famille étaient là, bien que Dieu et David n'y fussent point.

Aujourd'hui, il en est de même. Bien des choses font entendre intérieurement leurs voix. La nature, des considérations morales et religieuses; des occasions pour le service et pour le témoignage; l'obéissance à l'autorité; le maintien de l'ordre; les dangers et les maux qui menacent le bien-être social, la paix des familles; l'exemple pour les enfants et pour les serviteurs; voilà tout autant de choses qui plaident intérieurement pour faire valoir leurs droits divers en faveur du monde.

Toutefois ces motifs réunis ne s'adresseront jamais au coeur d'un saint, avec la même autorité que l'appel de Dieu. Si l'Eglise est une étrangère céleste sur la terre, toute alliance avec le monde la souille et la ruine en tant que témoignage de Dieu; or, la souiller ainsi, la séduire pour la faire sortir de sa position de témoignage, c'est ce que l'ennemi s'est proposé depuis le commencement et ce qu'il cherche encore à faire aujourd'hui. Le serpent ne chercha-t-il pas à séduire Adam afin de le faire sortir de la position où l'Eternel Dieu l'avait placé? Bien plus; ne nous est-il pas dit que, même avant cela, des anges avaient péché en ne gardant pas leur origine?

Il en fut de même pour Israël: «Vous êtes mes témoins» avait dit le Seigneur; mais l'ennemi gagna du terrain jusqu'à ce que le témoignage eût cessé: «Ma maison sera appelée une maison de prières, mais vous en avez fait une caverne de voleurs». Ce sont là tout autant d'efforts couronnés de succès, par lesquels l'ennemi a fait sortir les témoins de Dieu de la position qu'Il leur avait assignée. Il ne s'agit pas simplement d'une souillure, d'une tache, d'un ralentissement, mais bien d'une révolte, d'un éloignement et d'un abandon, de concessions faites à l'ennemi, en abandonnant le grand dessein de Dieu ou Sa pensée.

Quelqu'un a remarqué avec vérité qu'une tentative semblable faite auprès du Seigneur Jésus avait eu pour résultat un effet diamétralement contraire: «Si tu es Fils de Dieu», avait dit le tentateur, cherchant ainsi à lui faire quitter sa position d'entière et parfaite dépendance qui ne connaît que la volonté de Dieu. Mais tout était perfection et triomphe en Jésus et en Jésus seul; rien de pareil ne s'est vu ni avant ni après lui; et le témoignage de notre dispensation actuelle est aussi corrompu que tous les témoignages précédents. Celle qui devait être une étrangère céleste ici-bas et la compagne d'un Seigneur rejeté, s'est infidèlement alliée et mélangée avec le monde qui a crucifié «le Christ, le chef de l'assemblée, Lui, le sauveur du corps». Quelle ruine peut être plus complète que celle-là?

L'homme de Dieu qui fut trompé par le vieux prophète (1 Rois 13) eût trouvé sa sécurité dans les principes divins, s'ils avaient été vivants dans son âme. La parole reçue l'aurait très certainement garanti, puisqu'elle lui défendait expressément de manger ou de boire en ce lieu. Les principes divins aussi, l'eussent garanti. La parole qui lui avait été donnée au début de son voyage, était l'expression de ces principes, comme nous le découvrons aisément. Comment, en effet, le Seigneur aurait-il pu confier son témoignage à un vaisseau impur? Le vieux prophète avait été évidemment mis de côté comme impropre au service du Maître. Il habitait la ville même où le Seigneur avait un service à accomplir; mais il n'en fut point chargé. Le Seigneur était descendu vers Juda pour trouver un témoin contre l'autel de Béthel, bien qu'un de ses saints résidât sur les lieux mêmes. Comment «l'homme de Dieu» put-il se figurer un instant que le Seigneur aurait consenti à employer le prophète de Béthel comme son témoin? Il l'avait déjà mis de côté; Il l'avait traité comme impropre pour son service, ce qui était conforme aux principes de sa propre maison: qu'un vaisseau non purifié n'est pas propre au service du Maître (2 Timothée 2). Comment tout cela put-il rester inconnu à «l'homme de Dieu» de Juda? La parole qu'il avait reçue suffisait pour lui montrer combien la gloire de Dieu était, à ce moment-là, comme un principe vivant dans ses pensées, puisqu'il lui avait été défendu de manger ou de boire dans cette ville souillée. Il ne devait même pas retourner par le même chemin par lequel il était venu: tant la parole avait pris tous les soins possibles pour le tenir éloigné de toute communion avec quoi que ce fût des choses contre lesquelles le Seigneur l'envoyait rendre témoignage. Cependant «l'homme de Dieu» se laissa séduire, et reçut comme venant du Seigneur, un message que prétend lui transmettre un homme en contact et en communion avec le mal même, contre lequel le Seigneur l'avait amené comme témoin, en lui faisant entreprendre ce long voyage. Etrange oubli! Triste et honteuse insouciance à l'égard des principes de la maison de Dieu! Tout saint, tout serviteur qu'il fût, et fidèle aussi en face des offres d'un roi — son corps n'entrera point dans le sépulcre de ses pères.

Lorsque l'oeil est simple, tout le corps est éclairé. Il y a accord et harmonie dans l'action lorsque le principe moteur est conservé simple et sans mélange. L'action de Michée (2 Chroniques 18) est de cette nature; mais quant à Josaphat, son corps était tout autre chose qu'«éclairé». Qui aurait pu reconnaître en lui un saint de Dieu, en cette heure triste et solennelle où il laissait enfermer Michée dans la prison du roi d'Israël, pendant que lui-même accompagnait ce même roi d'Israël à la bataille? Où était alors: «le corps éclairé?» Un nuage épais recouvrait la lumière à laquelle cependant il avait réellement part. Il n'y avait pas d'harmonie, pas de pure et éclatante lumière de midi marquant le sentier de Josaphat; rien qui pût «affermir son appel et son élection», comme dit l'apôtre. Lorsque Michée fut enfermé dans la prison d'Achab pendant qu'ensemble, les rois de Juda et d'Israël montaient à la bataille d'Achab, tout le corps du fils de David n'était-il pas rempli de ténèbres (2 Chroniques 18)? Il est précieux de suivre ce cher Josaphat quelques pas plus loin (2 Chroniques 20); car, aux jours de Hammon, de Moab et de ceux du mont de Séhir, son corps est de nouveau «rempli de lumière»; il agit comme devait agir un vrai fils de David, il recherche l'Eternel, et l'Eternel seul; alors tout est foi, triomphe et bonheur.

Les captifs, après leur retour de Babylone au pays et à la ville de leurs pères, nous offrent également une leçon instructive sur le sujet important du «vêtement tissu de diverses matières»; leur histoire est, pour nous, à la fois un encouragement et un avertissement. Ils ne refusent pas d'accepter le châtiment infligé à la nation, à cause de son péché; en conséquence, ils prennent leur position sous la domination de la puissance gentile que Dieu avait établie sur eux, à cause de leurs péchés. Ils acceptent la faveur de Darius, de Cyrus et d'Artaxerxès, selon l'esprit de cette injonction: «l'honneur à qui l'honneur et la crainte à qui la crainte». lis disent, en parlant d'une puissance gentile: «le grand et glorieux Osnapar», et se montrent reconnaissants pour la bonté dont ces puissances, l'une après l'autre, usent envers eux; ils bénissent Dieu à cause d'elles; leur coeur est tout disposé, j'en suis convaincu, à prier pour la vie du roi et de ses fils. Tout cela ne les empêchait cependant pas d'être un peuple séparé. Leur refus de toute relation avec les Samaritains était aussi sincère, et aussi bien selon Dieu, que leur acceptation de la faveur des Gentils. Le zèle qu'ils apportèrent à se purifier de principes mélangés et de l'abomination d'introduire des Gentils dans le temple pour souiller ce lieu sacré, ce zèle simple et ferme rappelait les jours de Josué et de David. Ils refusèrent les vêtements tissus de diverses matières; s'ils avaient voulu porter cette livrée, que de fatigues elle leur eût évité dans la poursuite de l'oeuvre de leurs mains qui était aussi l'oeuvre du Seigneur! Or, ils ne le pouvaient ni ne le voulaient; une telle livrée était contraire à l'ordonnance et ils n'en voulaient pas.

Paul se fût épargné la prison en acceptant le témoignage d'une servante, à Philippes; mais c'était encore un secours samaritain ou quelque chose de pire. Paul ne pouvait l'accepter; et, à cause de sa fidélité en refusant le vêtement de laine et de lin, il eut ses pieds attachés au poteau et subit les liens de la prison. Mais qu'importe? A la fin tout finit bien pour lui, comme pour les captifs de retour de Babylone. Dieu, lui-même, prit leur cause en main.

D'autres considérations sérieuses et particulièrement instructives, sur la même matière se présentent ici; j'éprouve, en les abordant, le sentiment profond du besoin de m'en faire l'application à moi-même. La suite de l'histoire des captifs venus de Babylone nous présente à la fois un avertissement et un enseignement. Ils repoussèrent toute alliance étrangère, et se refusèrent à porter le vêtement tissu de matières diverses. Mais, hélas! ils portent le leur sans ceinture, — voilà la moralité de leur histoire. Ils se mettent à bâtir leurs propres maisons, dès que les Samaritains ont arrêté la construction de celle du Seigneur. Quel avertissement solennel pour nous, quelle confusion pour eux, lorsque l'Esprit du Seigneur se voit comme obligé de les réveiller de leur assoupissement et de leur sommeil. Ils sont occupés à se servir eux-mêmes, lorsque le service du Seigneur est interrompu. Les aises, le repos et la recherche de soi-même viennent occuper la place vacante. Aggée et Zacharie ont pour mission de les engager à ceindre leurs reins et à préparer leurs lampes. Remarquez-le, leurs conducteurs ne songent pas un instant à les renvoyer prendre des arrangements avec les Samaritains; ils ne leur disent point qu'ils ont erré en refusant le vêtement de matières mélangées; ils ne font que les inviter à ceindre les vêtements purs dont ils étaient revêtus — à faire l'oeuvre du Seigneur, selon la pensée du Seigneur, et en dépit de toute nouvelle opposition des Samaritains.

Tout ceci a une haute signification pour nous. Quelle que soit l'exigence du moment, le Saint Esprit ne peut tolérer pour un saint, le vêtement de «laine et de lin»; mais il exige la ceinture pour affermir le saint vêtement. Un vêtement lâche n'est pas selon sa pensée bien qu'il soit pur, et combien souvent, hélas! ne lui arrive-t-il pas de trouver que cela fait défaut comme aux jours d'Aggée et de Zacharie? Oui, voici pour nous un sujet de profonde humiliation: une position élevée et pure, maintenue avec si peu de grâce spirituelle.

Les captifs de retour à Jérusalem, étaient dans la vraie position. Leur place était bien meilleure que celle de leurs frères qui demeuraient dans les cités lointaines des incirconcis; ils avaient eu raison, comme je l'ai dit, de refuser toute alliance avec les Samaritains. L'accepter n'eût été autre chose que revêtir le drap tissu de matières diverses. Cela, Dieu en soit béni, ils ne le firent point; mais ceux qui soutinrent une telle épreuve allaient faillir, hélas! sous une autre. Ils refusèrent le tissu mélangé, cela est vrai; mais ils ne ceignirent point leur vêtement; et, ce qui est plus triste encore, ils le souillèrent et le tachèrent, tombant ainsi plus bas que leurs frères qui étaient restés dans les contrées des païens. Quel reproche pour les Juifs de la Terre Sainte, que la conduite de leurs frères restés parmi les Gentils. Les Juifs dispersés avaient racheté leurs frères des mains des païens auxquels ils avaient été vendus; et voilà que les captifs de retour à Jérusalem se vendaient entre eux pour cause de dettes (Néhémie 5). Quel spectacle humiliant! Et n'y a-t-il pas parmi nous bien de tristes analogies avec tout cela? C'est quelque chose comme «la forme de la piété mais en ayant renié la puissance». «Le royaume de Dieu n'est pas en paroles mais en puissance». Il se peut que la position que nous occupons soit selon Dieu, mais que notre mesure de grâce et de piété pratiques y soit bien minime. Si nous nous confions uniquement en la valeur d'une position pure et séparée, ou si nous en maintenons simplement la profession, sans veiller sur nos coeurs et sans les juger, il arrivera que les incirconcis eux-mêmes pourront nous reprendre. J'ai souvent remarqué beaucoup d'amour et de dévouement pratique chez ceux qui restent en deçà de la vraie position de l'Eglise, tandis que ceux qui vont au delà possèdent, trop souvent, peu de sainteté réelle et de vie céleste. En d'autres termes: il y a souvent moins de grâce et de puissance morale chez ceux qui occupent une position vraie et pure que chez d'autres qui restent dans une position douteuse. C'était le cas de Jonathan. David l'aimait tendrement; cependant il ne fut pas le compagnon de David, tandis que ceux qui suivirent ce dernier dans ses difficultés, furent souvent, pour lui, des occasions d'épreuves et de chagrins. N'est-ce pas parmi eux que se forma le projet de lapider David? tandis que Jonathan lui demeura toujours personnellement attaché. Quel contraste ici entre le dedans et le dehors! Et cependant, la place de réjection qu'occupait David était alors le lieu de la gloire, et la seule vraie position. Quels tableaux toutes ces choses déroulent devant nous; et des tableaux, hélas! constamment reproduits jusqu'à maintenant. Il n'est pas de leçon à laquelle je désire moi-même être rendu plus attentif; et je crois pouvoir dire que je l'apprécie sérieusement: Une position de séparation sans puissance; une vie pratiquement inférieure aux principes divins; une sainte jalousie pour l'orthodoxie, la vérité et les choses profondes de Dieu; tout cela, sans une communion personnelle et intime avec le Seigneur; voilà autant de choses dont Dieu veuille nous garder, en nous donnant de les juger dans nos coeurs et de les éviter.

L'énergie que possédait Ephèse pour une foule de bonnes choses; l'activité et le mouvement même d'une nature religieuse à Sardes, aussi bien que l'orthodoxie de Laodicée sont repris et désapprouvés par le Seigneur. Combien ne mériterions-nous pas une telle censure (Apocalypse 2, 3). Payer la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin; puis, laisser de côté le jugement et la miséricorde, ce sont là des choses que le Seigneur discerne et manifeste avec blâme. Par l'Esprit, le croyant est capable de juger de la même manière et de coopérer avec le Seigneur au même témoignage. «Ou faites l'arbre bon et son fruit bon, ou faites l'arbre mauvais et son fruit mauvais».

Si nous ne voulons pas d'une position sans puissance, nous blâmerions également des principes sans la pratique, ou la possession de la vérité, des mystères et de la connaissance, sans Christ Lui-même et sans communion personnelle avec Lui. La parole pure et parfaite de Dieu reconnaît et honore toutes ces choses, mais elle garde à chacune sa place et sa mesure; sans lesquelles rien n'est exactement d'accord avec la pensée de Dieu. Comme Il l'a dit Lui-même: «Il fallait faire ces choses-ci et ne pas laisser celles-là». Ici je sens le besoin de faire une courte digression afin de m'arrêter sur un sujet qui est un vrai soulagement pour les âmes: Connaître Dieu en grâce est, à la fois, sa gloire et notre joie. Instinctivement nous le considérons comme quelqu'un qui exige de nous l'obéissance et attend que nous le servions. Or, la foi discerne, en Lui, celui qui communique et qui donne; et cela nous parle de privilèges plutôt que de devoirs; d'amour, de liberté, et des bénédictions de notre relation avec Lui, plutôt que de ce que nous devons Lui apporter en retour. C'est là, bien-aimés, une vérité dont nous avons aussi besoin de nos jours, bien qu'elle paraisse en dehors du sujet qui m'occupe en ce moment.

L'appel de Dieu fait, de nous, des Nazaréens; mais nous avons besoin de son Esprit, pour nous maintenir dans cette position, selon Dieu et dans un esprit d'entière consécration. «Le sel est bon»; un principe divin est une bonne chose; mais le sel peut perdre sa saveur. Une position vraie, ou un principe divin peuvent être compris et proclamés, mais qu'est-ce que cela sans une puissance de vie?

Quelle variété infinie d'instruction morale les paroles du Seigneur fournissent ainsi à l'âme! Prêtons encore l'oreille pour apprendre autre chose; car la mine est inépuisable.

L'histoire des deux tribus et demie a pour nous un enseignement tout particulier (Nombres 32). Elles ne sont pas placées au même rang que le Lot des jours d'Abraham, bien que, sous certains rapports, elles nous le rappellent. Mais, comme nous avons eu occasion de le remarquer, une variété étonnante d'expériences chrétiennes et de dispositions morales s'offre à nous dans les différents récits que nous présentent les Ecritures; elles ne nous tracent pas seulement les traits principaux; elles peignent aussi les lumières, les ombres, et les plus légères nuances. Cela nous frappe dans l'histoire de cette partie du peuple. L'histoire des deux tribus et demie commence, ainsi que celle de Lot, par la convoitise des yeux. Ces Israélites promènent leurs regards sur les plaines bien arrosées propres à élever du bétail; ils n'ont pas encore traversé le Jourdain, que leurs pensées sont occupées de ce qui peut convenir à leurs troupeaux: Abraham, leur père, n'avait jamais habité ce côté-là du fleuve; Moïse ne leur avait pas parlé des plaines de Galaad, et sûrement en quittant l'Egypte, leur foi et leur espérance n'avaient pas embrassé moins que Canaan. Mais Ruben, Gad et Manassé avaient du bétail; ils désirèrent donc un héritage sur la rive orientale, préférant rester du côté du désert, parce que les pâturages y sont gras et abondants.

Ils n'avaient pas la moindre idée de révolte ou d'abandonner la portion d'Israël; ni de se séparer, eux et leurs intérêts, de la vocation de Dieu. Seulement, leur bétail pourrait prospérer en Galaad; c'est donc là qu'ils ont le désir de s'arrêter quoique, cela va sans dire, uniquement comme des Israélites fidèles à l'appel de Dieu. Comme c'est naturel et fréquent! Ils tiennent à l'espérance du peuple de Dieu, quoique ne marchant pas à la place qui convient à cette espérance. Quant à la puissance du caractère et de la conduite, ils ne sont pas des gens morts et ressuscités, mais ils sont unis par la foi à ceux qui sont tels. Ils tiennent à manifester leur parenté avec les tribus qui vont passer le Jourdain, bien que, pour leur propre compte, ils préfèrent rester du côté du désert. Ils n'étaient pas, comme Lot, des gens à principes mélangés qui, de propos délibéré, règlent leur vie sur quelque chose en opposition avec l'appel de Dieu. Mais, quoique reconnaissant cet appel, l'appréciant et en repoussant toute espérance qui ne s'y rattacherait pas, ils ne possèdent pas la puissance qui s'y maintient. Je le répète: ce cas est fréquent, c'est une génération bien nombreuse. Nous devrions nous connaître assez pour n'en pas être étonnés.

Moïse s'inquiète de ces dispositions; il exprime ses craintes avec décision et fermeté. Il dit à ce peuple que cette manière de faire rappelle à son souvenir la conduite des espions qu'il avait envoyés de Kadès-Barnéa pour reconnaître le pays, et qui avaient découragé leurs frères et occasionné quarante années de pèlerinage dans le désert. Moïse sent que s'arrêter en chemin, était entièrement contraire à l'appel que Dieu avait adressé au peuple pour le faire sortir d'Egypte et l'amener en Canaan. Il est toujours fâcheux qu'un saint, vivant dans la puissance de la résurrection de Christ, s'alarme comme Moïse, à la première nouvelle fâcheuse, relative à un de ses frères; et cependant, combien cela aussi est une chose commune. Ruben, Gad et la demi-tribu de Manassé doivent fournir leurs raisons et donner de nouvelles preuves qu'ils ne se séparent pas de la communion et des intérêts de leurs frères; ils se prêtent à cela avec autant de zèle que d'intégrité. En ceci, ils n'ont aucune ressemblance avec Lot. Ils auraient renoncé à Galaad plutôt que de compromettre leur identité avec ceux qui allaient s'établir dans la partie occidentale de Canaan.

Moïse, cependant, ne peut consentir à se séparer d'eux, comme Abraham s'était séparé de Lot. Ils ne doivent pas être traités de la même manière. Ils ne doivent pas, non plus, être visités par le jugement de Dieu, comme ce fut le cas pour les espions incrédules qui avaient fait un mauvais rapport concernant le pays. Cependant Moïse ne les perd pas de vue; son oeil les suit avec anxiété. Quelles nuances variées nous trouvons dans ces illustrations de caractères divers. Quels tissus différents nous offrent cette laine et ce lin. Que de classes nombreuses parmi les enfants de Dieu, et que de nuances dans ces classes elles-mêmes. Nous avons Abraham, Moïse et David; nous avons Lot, Jonathan et les tribus de Galaad; nous avons Josaphat et Abdias — et, cependant, tous font partie du peuple de Dieu. Sodome était la place de Lot; la cour de Saül, la place de Jonathan; le palais d'Achab celle d'Abdias; tandis qu'Abraham habitait sous une tente; David dans une caverne; Elie aux bords du torrent de Kérith où Dieu le nourrissait, ou bien dans la demeure de la veuve de Sarepta; tout autant de degrés variés de foi, de fidélité et de puissance, de vie et de communion. Nous pouvons en dire autant de Jonathan et des autres; car, à proprement parler, Jonathan n'était ni un Lot, ni un Abdias, bien que nous les classions généralement dans la même catégorie. Abdias aussi différait de Lot dans une certaine mesure. Les Rubénites, les Gadites et la demi-tribu de Manassé semblent trouver place entre Lot, Jonathan et Abdias d'un côté, et Moïse, Abraham et Elie de l'autre. Ils représentent une génération qui ne veut, en aucune manière, être séparée de l'appel de Dieu et de son peuple, mais qui, cependant, trahit dans son caractère moral, une étrange inconséquence par rapport à cet appel. Cette classe est, en vérité, bien commune — elle est même la plus nombreuse (voyez Nombres 32). Chacun de nous le sent très bien dans son coeur. Josué éprouvait, à l'égard de ce peuple, une anxiété craintive; précisément comme Moïse l'avait fait précédemment. Il les appelle et les fait venir auprès de lui, pour leur adresser en particulier un mot d'exhortation et d'avertissement au moment où va commencer l'action dans le camp de Dieu (Josué 1). Les moindres choses dans les Ecritures, sont souvent des plus significatives, comme c'est, je crois, le cas dans le premier chapitre de Josué. Quant aux tribus, en général, il suffit à Josué de leur dire: «Apprêtez-vous de la provision, car dans trois jours vous passerez ce Jourdain, pour aller posséder le pays que l'Eternel, votre Dieu, vous donne afin que vous le possédiez». Les tribus étaient libres de toute préoccupation et en bon ordre pour le voyage; elles n'avaient qu'à attendre le signal du départ. Noé aussi, était tout prêt pour le voyage vers un autre monde; il ne lui fallait que le temps d'entrer, lui et sa famille, dans le vaisseau. Les deux tribus et demie n'étaient pas aussi bien équipées; plusieurs choses les encombraient; aussi Josué, instinctivement pour ainsi dire, agit envers eux comme envers des gens embarrassés d'un nombreux et lourd bagage, au moment de décamper. Il eut à les sommer — il sentit du moins qu'il devait le faire — de se souvenir de leurs engagements vis-à-vis d'Israël, car, à ses yeux, ils n'étaient pas eux-mêmes comme liés et unis complètement avec Israël. Dans une certaine mesure, il est pour ces tribus ce que l'ange qui vint à Sodome fut pour Lot.

Considérez encore ce même peuple, en Josué 22.

L'arche était passée de l'autre côté du Jourdain, dont les eaux s'étaient séparées devant les pieds des sacrificateurs qui la portaient; l'arche avait donc traversé le fleuve dirigeant et garantissant l'Israël de Dieu. A la vérité, Ruben, Gad et Manassé étaient passés aussi. Néanmoins Israël et l'arche demeurent en Canaan, tandis que les deux tribus et demie s'en retournèrent s'établir, là où leurs frères avaient été errants et voyageurs; présentant ainsi aux yeux de tous, le spectacle étrange d'Israélites trouvant leur place et leurs intérêts en dehors des limites naturelles de l'héritage promis et cherchant un chez-soi, là où l'arche n'avait ni pu, ni dû séjourner.

Josué sent la chose, car avant leur retour, il leur adresse un avertissement spécial. Elles-mêmes paraissent avoir éprouvé quelque chose d'analogue, aussitôt qu'elles eurent mis le pied sur la terre de leur choix. Un certain malaise s'étant emparé de leurs âmes, elles élèvent un autel. Tout ceci a, pour nos coeurs, un langage qui devrait être compris des Israélites de nos jours qui habitent le pays de Galaad,

Josaphat avait été, de la même manière, gêné en se trouvant sur le trône avec Achab; sous le poids de ce malaise, qui toujours oppresse un véritable Israélite au milieu des incirconcis, Josaphat fit appeler un prophète de l'Eternel. C'est bien là le langage de l'esprit renouvelé qui se trouve sur une terre étrangère. Les deux tribus et demie élèvent un autel et lui donnent le nom de «Hed» Témoin (Josué 22: 34). C'était, un témoignage, que le Dieu d'Israël était leur Dieu et qu'elles avaient part aux espérances et à l'appel de l'Israël de Dieu. Mais pourquoi tout cela? Si elles eussent pris leur portion en Canaan rien de pareil n'eût été nécessaire; elles eussent eu l'original et non pas une ombre. Leurs âmes auraient possédé le véritable témoignage intérieur et n'auraient eu aucun besoin d'un «Hed» extérieur. Or ces tribus n'étaient pas en Canaan, mais en Galaad. Silo n'étant plus à leur portée, il leur fallait un mémorial pour soutenir et aider leur confiance, et pour témoigner, par un moyen de leur propre invention, qu'elles ne faisaient qu'un avec l'Israël de Dieu. Tout ceci est plein de signification, et se voit de tous côtés aujourd'hui. Notre âme, aussi bien que l'âme de ceux qui nous entourent, requiert un témoignage de ce que nous sommes, dès que nous nous trouvons ici-bas dans une position qui n'est pas en pleine harmonie avec l'appel de Dieu. On éprouve le besoin de quelque témoignage artificiel ou secondaire; l'approbation d'autrui; le fait qu'on nous reconnaît; l'examen de notre propre condition personnelle, joints à une incertitude d'esprit incessante; puis beaucoup de raisonnements avec nous-même sur tout cela, ou encore le souvenir de jours meilleurs rendent nécessaire quelque chose de secondaire, dans le genre de l'autel à «Hed». Tel est le cas, dès que l'âme n'est pas en tout, simple et fidèle. Nous connaissons tout cela, qui est représenté, me semble-t-il, par l'inscription tracée sur la colonne du pays de Galaad. La femme de Lot, ou la statue de sel, porte une sentence que notre divin maître lui-même a déchiffrée pour nous. Oh! puisse le monument érigé par les Israélites en dehors des limites du pays de la promesse, avertir nos âmes si elles recherchent la tranquillité, l'assurance du coeur et la paix profonde de la conscience, afin que nous n'allions pas nous établir là où l'Eglise de Dieu ne doit être qu'en pèlerinage. Sais-tu lire cette inscription, ô mon âme? Chaque coeur connaît ses propres sujets d'humiliation. Tous ces troubles de l'esprit, cette agitation de la pensée, la demande que fait Josaphat de voir un prophète de Jéhovah, l'autel de «Hed», sont autant de témoignages, à la fois pour et contre nous: ils trahissent un esprit renouvelé, mais ils le montrent au milieu de conditions et d'expériences qu'une plus grande simplicité de l'oeil, un coeur plus rempli d'amour pour Christ, lui eût toujours épargné.

Ruben, Gad et Manassé reçoivent un second avertissement. Josué et les tribus qui sont en Canaan leur parlent comme l'avait déjà fait Moïse. Leur autel en Galaad éveille des soupçons comme l'avait aussi fait leur désir de s'établir en Galaad. Tout ceci est fréquent et parfaitement naturel, mais, en même temps, significatif. Les saints de Galaad n'affermissent pas leur appel et leur élection dans le coeur de leurs frères, au moins pas sans quelque enquête préalable. Un grand mouvement se produit parmi les tribus qui étaient désormais en Canaan, et dans la possession consciente de Silo et du tabernacle de Dieu. Une ambassade est envoyée du milieu d'elles, pour s'enquérir de cette affaire. Quelque chose dont elles ne peuvent se rendre compte frappe leurs regards, comme étant en désaccord avec l'appel d'Israël; il faut donc que tout cela s'explique. Quel tableau vivant pour nous! Oh! sûrement nous sommes dans la chrétienté, sur une scène semblable; de pareilles circonstances nous sont familières. Je ne doute pas que l'apôtre, dans les épîtres aux Corinthiens, ne soit dans le Nouveau Testament ce qu'était dans l'Ancien Phinées, fils d'Eléazar le sacrificateur, lorsqu'il traversa le fleuve pour prendre des informations au sujet de l'autel dressé en Galaad. Il y avait à Corinthe des choses qui alarmaient Paul; qui, pour lui, étaient de pénibles symptômes de l'abandon de la position de saints célestes. Les Corinthiens paraissaient être parmi les princes de ce siècle, régnant comme des rois sur la terre. Le ministère de Paul, exerce dans la douceur et la débonnaireté de Christ, commençait à être méprisé, tandis que d'autres obtenaient l'estime et la confiance, à cause du rang et des avantages qu'ils possédaient dans le monde. Les écoles de l'homme et sa sagesse reprenaient leur autorité et les saints semblaient revenir se fixer là où l'Eglise ne devait être qu'une étrangère inconnue. Avec le zèle de Phinées, Paul traverse pour ainsi dire le Jourdain, et quelle que rassurante (2 Corinthiens 7: 11-13) qu'ait été sa découverte, ce ministère était pénible et sa nécessité un scandale dans l'histoire de l'Eglise. Les tribus de Galaad peuvent satisfaire Phinées et ses frères, mieux que les saints de Corinthe n'avaient satisfait l'apôtre; ce sont là tout autant de différences et de variétés, qui se reproduisent de nos jours, dans l'état moral du peuple de Dieu; voici hélas! notre sujet commun de tristesse et d'humiliation, c'est que l'appel et l'élection ne sont pas retenus fermement par nos coeurs, et que nous avons souvent à faire du chemin ou à en faire faire aux autres pour l'examen et l'inspection de nos voies, de notre Hed, de nos autels, de nos colonnes, et du bêlement de nos troupeaux dans les plaines de Galaad, au lieu de nous reposer et de nous nourrir ensemble en apprenant les secrets du tabernacle et de l'autel de Silo. Dans le Nouveau Testament, l'église de Corinthe rappelle l'Israélite en deçà du Jourdain du côté du désert. Les craintes de l'apôtre à leur sujet n'avaient pas trait aux influences du judaïsme; elles ne se rapportaient pas non plus aux spéculations incrédules de la pensée; tout au moins n'est-ce pas le cas dans la seconde épître; il ne s'agissait pas de la grâce tournée en dissolution.

Ces craintes-là occupent, il est vrai, la pensée de l'Esprit, lorsqu'il s'adresse à d'autres saints ou à d'autres églises mais, à Corinthe, c'est de la mondanité que l'Eglise était menacée. Un individu y avait, semble-t-il, captivé les saints; la nature et les circonstances l'avaient doué de tout ce qui est susceptible de gagner le coeur de l'homme du monde. Il était, je présume, ce que nous appellerions aujourd'hui un homme comme il faut; ses manières étaient élégantes, sa position aisée, et les Corinthiens avaient volontiers cédé à son influence; ils s'étaient, en quelque mesure, laissé ensorceler, tournant leurs regards vers les apparences, souffrant qu'un homme se vantât et qu'il prit occasion de ce qu'il tenait de la nature et des circonstances, pour se recommander à eux.

C'était à un aussi misérable état de choses que l'apôtre avait à s'opposer. Il s'était vu enlever une partie de l'affection et de la confiance de ses chers Corinthiens, parce qu'il ne pouvait pas se glorifier dans des avantages charnels qui commençaient à avoir du prix pour eux. Il n'avait sûrement jamais eu la pensée de se prévaloir en aucune manière de choses pareilles. Bien qu'il eût de nombreux sujets de se glorifier «dans la chair», Paul préférait néanmoins se glorifier dans ses infirmités. Il voulait être faible quant à lui-même. Il parle des avantages charnels que cet homme possédait et avait fait valoir au milieu des saints, dans un langage analogue à celui que Moïse aurait pu employer pour parler du «vêtement tissu de laine et de lin». «Ne vous mettez pas sous un joug mal assorti avec les infidèles», dit-il maintenant aux saints, de même que Moïse avait dit à Israël: «Tu ne laboureras point avec un âne et un boeuf accouplés ensemble; tu ne te vêtiras point d'un drap tissu de diverses matières, c'est-à-dire de laine et de lin ensemble». Mais Paul n'était pas lui-même ainsi associé ni ainsi vêtu. Il avait été un des premiers de l'avant-garde ou de la tribu de Juda, pour traverser le fleuve.

Toutes ces choses sont sûrement pour nous l'illustration de leçons importantes. Nous ne devons pas nous mêler avec ce dont l'appel de Dieu nous sépare; nous ne devons pas porter le vêtement de diverses matières. Mais si nous le repoussons, si nous revêtons uniquement le vêtement pur, si nous prenons la position et entrons dans les relations auxquelles conduit l'appel de Dieu, il faut que nous nous y trouvions avec un vêtement ceint aussi bien qu'avec un vêtement non mélangé; et aussi, que nous veillions à persister en ces choses. Christ ne nous appelle point à travailler à l'amélioration du monde, mais à prendre et à garder une position séparée du monde. Or, bien-aimés, si nous prenons en principe cette position de séparation, recherchons la grâce et la puissance qui, seules, peuvent orner et embellir ce témoignage selon le Seigneur.

Tel est le caractère de l'heure que nous traversons maintenant. Le dieu et prince de ce monde en laisse les citoyens balayer et orner sa maison; et cela les porte à l'admirer dans son nouvel état, et à se féliciter de l'avoir tellement transformée que ce n'est plus, pensent-ils, la même maison qu'autrefois. Leur erreur est grande et dangereuse; la maison de l'ennemi est plus que jamais, la demeure de l'esprit impur; et même elle est d'autant plus propre à ses desseins, qu'elle est mieux balayée et ornée. Bientôt il fera usage de tout ce travail de ses citoyens pour l'accomplissement de ses impies desseins. «Celui qui n'assemble pas avec moi disperse». Notre travail est-il conforme au dessein de Christ? Est-il accompli selon la règle de ses poids et de ses mesures? S'il n'en est pas ainsi, bien que nous travaillions peut-être en son nom, notre oeuvre ne fera que tourner bientôt à l'avantage de l'ennemi. Dans la parabole, le soin qu'on a pris de balayer et d'orner la maison se trouve, à la fin, avoir été complètement pour le profit de l'esprit immonde qui n'avait pas cessé d'en être le maître bien qu'il l'eût quittée pour un temps. Tout ce qui est fait en vue de l'embellissement de la maison est pour son maître. Or, Satan est le dieu de ce monde autant qu'il l'a jamais été; il continuera de l'être jusqu'à ce que le jugement tombe sur lui de la part de Celui qui est assis sur le cheval blanc. La paix dont les nations de l'Europe ont longtemps joui jusqu'à ces dernières années, a fourni des occasions nombreuses de balayer et d'orner la maison. A la façon de l'homme, l'épée était changée en charrue; la terre et ses ressources, l'homme et ses facultés, ont été cultivés au-delà de tout ce qui avait été fait jusqu'ici; la maison paraît donc toute différente de ce qu'elle a été, depuis que les serviteurs sont parvenus, par leurs efforts, à la nettoyer et à l'orner. Les progrès littéraires, moraux, artistiques et religieux, sont immenses. Les sociétés de la paix, celles de tempérance, le goût pour la littérature et la musique, les congrès de différentes nations, proclament la chose aussi haut que les orgueilleuses prétentions qui se font jouir de toutes parts. Toute cette diligence est selon la pensée du maître de la maison ou du dieu de ce monde. C'est là une vérité bien sérieuse! «Celui qui n'assemble pas avec moi disperse». Quelle parole solennelle! «Ne vous mettez pas sous un joug mal assorti avec les infidèles». C'est là de la confusion. C'est le tissu défendu de laine et de lin ensemble. Tandis que nos lèvres prononcent ces paroles, nos coeurs confessent humblement, que plus d'un cher serviteur de Christ plein de droiture et de sincérité, travaillant avec affection, zèle et simplicité, mais se trompant quant à l'objet qu'il poursuit, c'est-à-dire ne travaillant pas selon les poids et les mesures du sanctuaire, se trouve, quant à la pratique, de beaucoup en avant de plusieurs d'entre nous, qui ont nettement discerné son erreur.

Je redoute l'indifférence, plus encore que le mélange. Je crains Laodicée bien davantage que Sardes. Puissions-nous recevoir une leçon de l'une et de l'autre; apprendre à éviter l'activité religieuse de Sardes, qui a le nom de vivre, aussi bien que le formalisme froid et égoïste de Laodicée. Soyons diligents; mais dans un service vrai; utilisons nos talents; mais utilisons-les pour servir un Maître rejeté, n'attendant rien du monde qui l'a repoussé, mais comptant, en toutes choses, sur sa présence dont nous allons jouir bientôt.