Sur la connaissance de la volonté de Dieu, et les difficultés qu'on peut rencontrer à cet égard

ME 1874 page 241 - Extrait d'une lettre

 

Vous ne pouvez pas supposer qu'un enfant qui négligerait habituellement son père, et qui serait tout à fait indifférent à ses pensées et à son bon plaisir, saurait, quand une circonstance difficile se présenterait, ce qui plairait à son père. Il y a certaines choses que Dieu laisse intentionnellement dans les généralités, afin que l'état d'une âme soit mis à l'épreuve. Dans le cas que je viens de supposer relativement à un enfant, — si au lieu de l'enfant, la femme se trouvait là, il n'y aurait probablement pas d'hésitation dans l'esprit de celle-ci, et elle saurait immédiatement ce qui plairait à son mari, alors même que celui-ci n'aurait exprimé aucune volonté sur le point en question. Cette épreuve, vous ne pouvez pas l'éviter, et Dieu ne permet pas que ses enfants y échappent: «Si ton oeil est simple, ton corps tout entier sera plein de lumière» (Matthieu 6: 22); et cette manière facile et confortable de connaître la volonté de Dieu que quelques-uns voudraient trouver, comme s'il y avait une recette pour chaque cas particulier, cette manière de connaître la volonté de Dieu sans référence à notre propre état d'âme, elle n'existe pas.

Il y a autre chose. Très souvent nous sommes beaucoup trop importants à nos propres yeux, et nous nous imaginons, bien à tort, que Dieu a une volonté quelconque pour nous dans la circonstance dont il s'agit: Dieu n'a rien à nous dire au sujet de cette chose qui nous occupe; et toute l'agitation qu'elle provoque en nous, est le mal. La volonté de Dieu, c'est que nous sachions prendre tranquillement notre place insignifiante.

D'autres fois, nous cherchons à savoir comment Dieu veut que nous agissions dans certaines circonstances, quand sa seule volonté serait que nous ne nous y trouvions pas du tout, et quand la première chose à laquelle notre conscience nous amènerait, si elle était réellement réveillée, serait de nous faire sortir de là où nous sommes. Notre propre volonté nous a placés là, et nous aimerions bien être appuyés sur la main de Dieu, et être dirigés par lui dans le chemin de notre propre volonté. C'est ici un cas très commun.

Soyez sûr, que si nous nous tenons assez près de Dieu, il ne nous laissera pas dans l'ignorance de sa pensée. Dans une longue vie active, Dieu, dans son amour, peut nous faire sentir notre dépendance, quand il y a chez nous quelque tendance à agir selon notre propre volonté, en ne nous révélant pas la sienne immédiatement; mais le principe demeure, quoi qu'il en soit: «Si ton oeil est simple, ton corps tout entier sera plein de lumière.» D'où il résulte, comme une chose bien certaine, que si le corps tout entier n'est pas plein de lumière, l'oeil n'est pas simple. Pauvre consolation que celle-là, me direz-vous. Non, douce et précieuse consolation, pour ceux dont le propos est d'avoir l'oeil simple et de marcher avec Dieu, non pas seulement d'être délivrés, si je puis dire ainsi, par la connaissance de sa volonté, objectivement, mais de marcher avec Lui. «Si quelqu'un marche de jour, il ne bronche pas; car il voit la lumière de ce monde; mais si quelqu'un marche de nuit, il bronche, car la lumière n'est pas en lui» (Jean 11: 9, 10). C'est toujours le même principe. «Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie» (Jean 8: 12). Vous chercherez vainement à vous soustraire à cette loi morale du christianisme: la chose est impossible. «C'est pourquoi nous aussi, depuis le jour où nous en avons oui parler, nous ne cessons pas de prier et de demander pour vous, que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d'une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne oeuvre, et croissant par la connaissance de Dieu» (Colossiens 1: 9, 10). La liaison entre ces choses est d'un prix inappréciable pour l'âme. Nous avons besoin de connaître le Seigneur intimement pour marcher d'une manière digne de Lui; et nous croissons ainsi dans la connaissance de Dieu. Ainsi encore dans l'épître aux Philippiens: «Et je demande ceci dans mes prières, que votre amour abonde encore de plus en plus en connaissance et toute intelligence, pour que vous discerniez les choses excellentes, afin que vous soyez purs et que vous ne bronchiez pas jusqu'au jour de Christ» (Philippiens 1: 9, 10). Et puis, finalement «Celui qui est spirituel discerne toutes choses mais lui n'est discerné par personne» (1 Corinthiens 2: 15).

C'est donc la volonté de Dieu, et une volonté de grâce, que les hommes ne soient pas capables de discerner sa volonté autrement que selon leur propre état spirituel; et, en général, quand nous pensons que nous portons un jugement sur les circonstances, ou au sujet des circonstances, c'est Dieu qui nous juge, nous et notre état. Notre seule affaire, je le répète, c'est de nous tenir près de Dieu. Ce ne serait pas de l'amour en Dieu de nous laisser découvrir sa volonté, sans cela; ce serait ce qui pourrait convenir à un directeur de consciences. L'amour de Dieu ne peut pas nous laisser échapper à la découverte et à la correction de notre propre état moral. En sorte que si vous cherchez comment vous pouvez découvrir la volonté de Dieu dans les détails, en dehors de là, vous cherchez mal; et on le voit tous les jours. Vous trouverez un chrétien dans le doute et la perplexité, là où un autre, plus spirituel, y voit comme en plein jour, s'étonne de ce qui fait la difficulté, et reconnaît que c'est tout simplement, l'état du premier qui l'empêche de voir: «Celui en qui ces choses ne se trouvent pas, est aveugle, et ne voit pas loin» (2 Pierre 1: 9).

Pour ce qui est des circonstances, je pense que l'homme peut être conduit par elles; et l'Ecriture s'est prononcée sur ce point, quoique ce soit ce qu'elle appelle: «Etre tenu par un mors et un frein». «Je te rendrai avisé, je t'enseignerai le chemin dans lequel tu dois marcher, et je te guiderai de mon oeil» (Psaumes 32). Telle est la promesse et le privilège de la foi qui se tient assez près de Dieu pour saisir sa pensée dans son regard seulement, tandis que Lui reste fidèle pour la diriger ainsi et promet de le faire. Dieu nous exhorte ensuite à ne pas être comme le cheval ou comme le mulet, qui ne peuvent pas recevoir intelligemment de leur maître la communication de ses pensées et de ses désirs; ils ont besoin d'être tenus avec un mors et un frein: cela vaut mieux sans doute que de trébucher et de tomber ou d'échapper à son conducteur, — mais c'est, après tout, un triste état. Voilà ce que c'est que d'être conduit par les circonstances. Dieu est plein de bonté de s'occuper ainsi de nous, mais, en ce qui nous concerne, c'est une triste condition. Il faut ici que nous distinguions entre juger des circonstances en agissant au milieu d'elles, et être conduit par elles: celui qui est conduit par les circonstances, agit toujours aveuglément quant à la connaissance de la volonté de Dieu. Il n'y a rien de moral absolument dans une pareille direction; c'est une force venant du dehors qui exerce un contrôle sur nous. Mais il est parfaitement possible que je n'aie aucune idée préalable sur ce que je ferai, que je ne connaisse pas les circonstances dans lesquelles je vais me trouver, que je ne puisse, par conséquent, prendre aucune résolution à l'avance; et que pourtant, au moment où les circonstances se présenteront, je juge, avec le jugement divin le plus net, quel est le chemin de la volonté de Dieu, quelle est la pensée et la puissance de l'Esprit au milieu de ces circonstances. Ceci exige précisément le plus haut caractère de spiritualité: au lieu d'être conduit par les circonstances, on est conduit par Dieu au milieu d'elles, étant assez près de Lui pour juger de ce qui convient, au moment même où les circonstances se présentent. Des «impressions» ne sont pas tout. Dieu sans doute peut suggérer, et, par son Esprit, il suggère une chose à notre esprit; mais quand on perçoit cette chose, son caractère moral et sa convenance peuvent être aussi clairs que le jour. Dieu, en réponse à la prière, peut, en éloignant certaines influences charnelles, laisser toute leur puissance dans l'esprit à certains motifs spirituels, et faire ressortir un devoir tout à fait obscurci par la préoccupation de quelque objet désiré. On peut voir cela, même entre deux hommes: l'un peut ne pas avoir le discernement spirituel pour découvrir ce qui est bien, mais, si l'autre lui montre ce bien, le voir clairement lui-même. Tous ne sont pas des ingénieurs; mais un charretier sait bien ce que c'est qu'une bonne route, quand elle est faite. Ainsi, des impressions qui viennent de Dieu ne restent pas toujours à l'état d'impressions, mais sont ordinairement claires, toutes les fois qu'elles sont produites; toutefois je ne doute pas que, si nous marchons avec Lui, et si nous l'écoutons, Dieu ne les produise souvent dans l'âme.

Si Satan, comme vous dites, met des entraves, il n'est nullement démontré que ce ne sont pas des entraves, permises de Dieu, à un bon désir, par l'accumulation du mal dans les circonstances environnantes, par sa puissance sur d'autres personnes.

Supposer une personne agissant dans l'ignorance de la volonté de Dieu, c'est supposer ce qui ne devrait jamais être le cas. La seule règle qui puisse être donnée à cet égard, c'est de ne jamais agir là où l'on ne connaît pas la volonté de Dieu. Si vous agissez sans connaître la volonté de Dieu, vous serez à la merci des circonstances, Dieu toutefois dominant tout. Mais pourquoi agir en aucune manière si j'ignore la volonté de Dieu? Il n'est pas toujours si impérieusement nécessaire que nous agissions. Si j'agis en sachant que je fais la volonté de Dieu, il est clair qu'un obstacle n'est qu'une épreuve de la foi, et ne devrait par conséquent pas m'arrêter. Il m'arrêtera peut-être, parce que, si je ne marche pas assez près de Dieu, dans le sentiment de mon néant, je n'aurai peut-être pas la foi pour accomplir ce que j'eus assez de foi pour discerner.

Si nous faisons notre propre volonté, ou que nous soyons insouciants dans notre sentier, Dieu, dans sa grâce, peut nous avertir par un obstacle si nous y prenons garde, tandis que «le simple passe outre et est puni» (Proverbes 22: 3). Dieu peut permettre, là où il y a beaucoup d'activité et de travail, que Satan suscite des obstacles, afin que nous soyons tenus sous sa dépendance à Lui, mais jamais Dieu ne permet à Satan de faire autrement que d'agir sur la chair. Il fait le mal, si nous laissons la porte ouverte entre nous et lui, parce que nous nous sommes éloignés de Dieu; mais dans les autres cas, Dieu se sert de lui comme instrument, seulement pour nous éprouver, afin d'éloigner ou de corriger ce qui serait un danger ou un piège pour nous en nous portant à nous enorgueillir. Dieu permet à Satan de faire souffrir la chair et l'esprit extérieurement, afin que l'homme intérieur soit conservé sain et sauf. S'il s'agit d'autre chose que de cela, nous n'avons qu'à nous en prendre à nos propres «mais» ou aux effets de notre négligence, qui par ces «mais», a ouvert la porte à l'Ennemi pour nous troubler par des doutes ou des difficultés, comme si elles étaient entre nous et Dieu; — nous ne savons plus «voir loin», comme dit l'apôtre; nous avons oublié que «celui qui est né de Dieu se conserve lui-même, et le méchant ne le touche pas».

Finalement la question est morale. S'il s'élève une difficulté particulière que nous ne soyons pas capables de résoudre au premier moment, nous trouverons très souvent que la difficulté ne se serait pas présentée, si nous avions été dans une bonne position, si la spiritualité dans laquelle nous aurions dû marcher, au lieu de nous faire défaut, nous avait gardés jusque là. En pareil cas, nous n'avons qu'une chose à faire, c'est de nous humilier au sujet de tout ce dont il s'agit; et puis recherchons si l'Ecriture ne nous donne pas un principe pour nous conduire: et ici il est évident que la spiritualité fait tout. Là où il s'applique, le principe de regarder à ce que Jésus eût fait en pareil cas est excellent; mais combien souvent nous ne sommes pas dans les circonstances dans lesquelles Lui se serait trouvé.

Il est souvent utile aussi que nous nous demandions à nous-mêmes, d'où vient chez nous le désir ou la pensée de faire ceci ou cela; et j'ai trouvé qu'on arrive ainsi à décider de plus de la moitié des cas embarrassants dans lesquels les hommes peuvent se trouver. Les autres cas sont le résultat de précipitation, ou d'un mal précédent. Si la pensée est de Dieu, non de la chair, nous n'avons qu'à nous attendre à Dieu relativement à la manière et aux moyens, et nous serons bientôt dirigés. Il y a des cas aussi qui peuvent présenter de la difficulté et où nous avons toujours aussi besoin de direction, comme lorsque nous hésitons à faire une visite ou une autre. Une vie de charité plus ardente, ou une charité plus intelligemment en exercice, ou mise en activité par la communion avec Dieu, rendra tout à fait clairs les motifs de charité d'un côté ou de l'autre; et nous découvrirons peut-être que l'un des côtés n'était qu'égoïsme. Et si la charité, direz-vous, ou l'obéissance ne sont pas en question? — Eh bien! alors, c'est à vous d'abord de me donner une raison, un motif pour agir de quelque manière que ce soit. Si c'est votre propre volonté qui vous pousse, vous ne pouvez pas faire, de la sagesse de Dieu, la servante de votre volonté: c'est ici une autre classe nombreuse de difficultés que Dieu ne résoudra jamais. Il nous apprendra dans ces cas, en grâce, l'obéissance, et nous montrera combien de temps nous avons perdu dans notre activité.

Enfin, «Il fera marcher dans la droiture les débonnaires, et aux humbles il enseignera sa voie» (Psaumes 25: 9).

Je vous ai donné tout ce qui me vient à l'esprit pour le moment, et peu de satisfaction, je le crains. Mais souvenez-vous seulement que la sagesse de Dieu nous conduit dans le chemin de la volonté de Dieu. — Si votre propre volonté est en activité, Dieu ne peut pas en être le serviteur. C'est le premier point à découvrir. — C'est le secret de la vie de Christ. Je ne connais pas d'autre principe dont Dieu se serve, quoiqu'il pardonne, et qu'il domine tout. Vous m'avez parlé de direction: Dieu conduit le nouvel homme, qui n'a d'autre pensée que Christ, et qui mortifie le vieux; et Il nous purifie ainsi, pour nous faire porter du fruit. «Voici je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté»: — je trouve ma satisfaction à faire ta volonté. La place d'un portier peut être d'attendre, mais, en le faisant, il fait la volonté de son maître. Dieu, soyez-en bien persuadé, fait plus en nous, que nous pour Lui, — et pour Lui seulement pour autant que Lui a opéré en nous.