La pratique explique une vérité

 ME 1874 page 371

 

La différence entre la connaissance humaine et la connaissance divine est que la première ne nous apporte que de simples renseignements tandis que la seconde nous forme. La connaissance humaine ne me change pas, mais elle développe mon état naturel. La parole de Dieu me renouvelle; je suis régénéré par une semence incorruptible (1 Pierre 1: 23; Jacques 1: 18; Jean 3). Je vis d'une vie nouvelle, entièrement supérieure à l'ancienne, et qui ne reçoit de celle-ci ni aide, ni appui, mais qui est au contraire toujours contrariée et entravée par elle; et dès le premier pas, la nouvelle existence prend une marche tout à fait indépendante de l'ancienne et tire toute sa force de l'Esprit de Dieu. «Désirez ardemment, comme des enfants nouveau-nés, le lait spirituel et pur, afin que vous croissiez par lui à salut» (1 Pierre 2: 2). Ce n'est qu'autant que j'accepte pratiquement et que je vis dans ce que la Parole communique, que je puis connaître réellement ce qu'elle apporte de la part de Dieu, parce que je n'ai aucune idée de l'ordre ou de la nature de la nouvelle création, si ce n'est quand j'ai la conscience que je m'y trouve placé. J'ai des instincts naturels quant à ce à quoi je suis appelé et naturellement propre, soit qu'il s'agisse de marcher, ou de lire, ou de chanter, ou de faire quelqu'autre chose que ce soit. Pour faire ces choses, il faut une capacité de nature que l'enseignement ne peut pas donner, quoiqu'il puisse la cultiver, l'augmenter et la développer. Mais la parole de Dieu par l'Esprit forme une créature entièrement nouvelle et qui est aussi distincte de l'ancienne que le papillon diffère de la chenille. Dans la nouvelle création tout est donné selon la mesure de la grâce: c'est pourquoi aucune idée ne peut être comme qu'autant qu'une action est produite.

On ne peut pas communiquer à une personne née aveugle une idée de la nature de la lumière, parce qu'elle ne connaît pas le pouvoir de la vue; et aucun raisonnement, aucune description, ne peut lui expliquer ce qu'est celle-ci; mais du moment que la personne voit, tout le mystère est résolu, et la difficulté a disparu.

Il est inutile de raisonner avec une personne inconvertie. Tout lui semble une théorie impraticable, jusqu'à ce que la lumière ait lui dans son âme et qu'elle ait cru; alors elle comprend ce qui autrefois était entièrement au dessus de son intelligence. «La foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend est par la Parole de Dieu» (Romains 10: 17). La foi n'admet pas seulement la vérité, mais elle voit: — il y a une puissance pour produire une reconnaissance pratique de la vérité, et la foi est démontrée par cette reconnaissance. Dieu en grâce envoie la parole: du moment que par l'Esprit celle-ci est acceptée, il y a un acte — et l'acte de la foi rend simple et clair ce qui auparavant était incompréhensible. Quand vous agissez comme un homme qui croit réellement, non seulement vous «rendez parfaite» votre foi, comme fit Abraham quand il offrit Isaac (Jacques 2: 22), mais encore vous êtes fortifiés dans l'assurance de la simplicité et de la réalité de la vérité que vous avez crue, parce que c'est la vérité. La femme qui était une pécheresse, dans Luc 7, croit les choses qui étaient dites de Jésus (versets 16, 17), et en agissant selon sa foi, en suivant le Seigneur dans la maison du pharisien, elle comprend et saisit que Jésus est son Sauveur: la pratique qui suivit sa foi, lui fit comprendre et saisir la vérité et confirma la vérité à son âme. La foi sans les oeuvres est morte. La vraie cause de notre manque d'intelligence et de puissance, c'est que nous agissons si peu d'après notre foi. Si cette femme se fût contentée de croire que Jésus était le Sauveur, combien grande eût été sa perte, soit quant à la confirmation de la grâce pour elle, soit quant au témoignage du fait pour les autres. Sa hardiesse, qui lui fit braver les dédains du pharisien, non seulement lui procura une entrevue avec le Seigneur en qui elle croyait, mais encore elle entendit de la bouche de Jésus la confirmation de Sa grâce, tandis que la piété de ses actes affermissait dans son propre coeur la pleine confiance de la foi. Elle fut convaincue de la beauté et de la valeur de Celui en qui elle avait cru et elle devint un témoin de sa grâce.

De nos jours plusieurs croient que le sang de Christ, comme le sang sur les linteaux des portes en Egypte, est le seul abri contre le jugement de Dieu; mais il n'y a ni confirmation de cette vérité à leurs âmes, ni témoignage public à ce fait, parce qu'on ne se nourrit pas de l'Agneau, de Christ dans le secret, — et il n'y a pas des manières et une conduite qui rendent témoignage: on n'a pas les reins ceints, les souliers aux pieds, le bâton à la main, proclamant ainsi non seulement qu'on est délivré du lieu du jugement, mais qu'on le laisse sciemment derrière soi.

Le marin, quoique sauvé du navire naufragé et recueilli dans le bateau de sauvetage, soupire néanmoins après la terre, et soupire d'autant plus ardemment que sa position a été plus périlleuse et qu'il est plus attaché à cette terre qu'il a devant lui. Il n'est pas possible de faire sentir à une âme le bonheur qu'il y a à quitter le monde, avant que, ayant agi suivant sa foi, elle ait cherché le Seigneur dans son cabinet, les portes fermées, ayant franchement tout emballé, et s'étant préparée à tout quitter ici-bas pour être avec Lui. Qui pourrait expliquer à un autre ce que c'est que marcher sur les eaux, s'il n'a jamais essayé d'y marcher lui-même. Et même dans les choses naturelles il en est ainsi: nul ne peut nager qui ne s'aventure pas dans l'eau. Or si, dans l'état d'enfance de la vie nouvelle, la perte qu'on éprouve en n'agissant pas dans la foi, est si manifeste, combien la perte ne sera-t-elle pas encore plus sensible quand il s'agira de vérités plus élevées? La vraie cause du manque d'intelligence de la vérité et aussi de la fréquente opposition qui lui est faite, c'est que la vérité présentée n'a jamais été traduite en pratique. Quelquefois on a écouté la vérité, et on l'a écartée comme impraticable parce qu'elle n'a pas été soumise à l'épreuve de la pratique; et même quand la vérité est acceptée cette acceptation se réduit souvent à un simple acquiescement à une vérité comme telle, au lieu qu'elle soit une conviction que c'est une vérité qui doit affecter réellement l'état tout entier d'un homme; car si tel n'est pas le résultat, il y a de l'indifférence dans le coeur quant à cette vérité.

Il est à la fois triste et surprenant de voir la somme de vérité qui demeure inactive sans germer et sans s'épanouir dans nos coeurs, et cela même là où la vérité est admise, admirée et louée, parce qu'on n'a pas cherché à s'y conformer pour être façonné par elle. Voilà la vraie cause de la faiblesse dans les conversions de nos jours. Depuis le temps des apôtres, il n'y a jamais eu autant de vérité en circulation que maintenant, et cependant à aucune autre époque les conversions n'ont présenté un caractère aussi faible. Quand il y avait moins de vérité connue, chaque converti faisait une grande impression sur ses compagnons au moins par l'oeuvre profonde opérée dans son âme, par son éloignement des plaisirs mondains et par la stricte observation de ses devoirs; mais actuellement, avec une connaissance plus claire de la grâce, il semble qu'il n'y ait aucune idée de responsabilités plus élevées, et on pense que, comme tout est grâce, il n'y a pas besoin du tout qu'il y ait des oeuvres. On admet qu'on est délivré du jugement, mais on n'a pas le moindre sentiment qu'on a reçu une nature nouvelle pour remplir de plus hautes fonctions et manifester de plus nobles sentiments que ceux qui pouvaient être connus de la vieille nature; on se croit bien délivré de la mort comme peine, mais on semble ignorer complètement que le chrétien possède une vie nouvelle, et qu'il y a une plus grande différence entre cette vie et l'ancienne qu'il n'y en a entre la vie de la chenille et celle du papillon. Il est possible que les prédicateurs n'insistent pas assez fortement sur l'état de ruine déplorable et complète de la vieille nature, ni sur les qualités distinctives et merveilleuses de la nouvelle nature. Quoiqu'il en soit, il est évident que, bien que la foi puisse accepter les moyens de salut, il n'y a cependant pas de vraie et réelle connaissance de ce qu'est le salut jusqu'à ce qu'on ait fait un pas ou des pas qui confirment ou corroborent la foi. Ceux qui repoussent la vérité comme étant impossible à pratiquer ressemblent dans leur ignorante prudence à un homme qui refuserait d'entrer dans l'eau avant de savoir nager. Que le Seigneur, dans sa miséricorde, veuille donner à ceux qui sont dans ce cas, des oreilles pour entendre.

Prenons par exemple ceux qui ont accepté la vérité que «nous sommes assis dans les lieux célestes en Christ». Nous pouvons diviser ces hommes en quatre classes. Ceux de la première, les moins éclairés, vous disent: Nous voyons bien ce que l'Ecriture nous apprend, savoir que le ciel est notre portion présente; mais nous ne sentons pas, malgré tout le désir que nous en avons, que cela nous communique quoi que ce soit; au contraire, tout en admettant cette vérité, nous trouvons que nous pouvons jouir de la terre de bien des manières. Ceux qui appartiennent à cette classe montrent assez qu'ils ne sont jamais entrés par la foi sur ce nouveau terrain: ils ne sont jamais entrés et n'ont jamais posé le pied dans le pays qui leur a été donné. Leur foi est morte. La pratique aurait bientôt fait disparaître leur difficulté, et la jouissance de la possession les aurait promptement convaincus que la vérité céleste n'est pas impraticable; mais ils manquent de ce propos du coeur à mettre en pratique ce qu'ils savent bien, parce que leur coeur est tourné vers les choses de la terre.

La deuxième classe comprend ceux qui acceptent la vérité comme orthodoxe, et qui ne s'en détournent point par crainte d'abandonner les jouissances d'ici-bas. Au contraire, ils maintiennent avec une grande fidélité que toute vraie consolation doit venir du Seigneur; mais au lieu de prendre la vraie position de bourgeois du ciel, et de venir de là sur la terre, ils regardent seulement vers le ciel pour y trouver du secours pour leur marche sur la terre; leurs pensées et leurs travaux sont toujours déterminés ou influences par l'état de choses ici-bas, et au lieu de présenter avec puissance aux hommes la pensée du Seigneur, telle qu'on l'apprend dans le ciel, ils ne sont occupés que de la bénédiction de l'homme sur la terre. Il y a dans les personnes de cette classe, avec l'acceptation de la vérité céleste, un zèle sincère et un service dévoué pour la bénédiction de l'homme sur la terre; mais ce qui se recommande à l'homme est préféré à ce qui est céleste; on ne considère l'homme que comme un pèlerin qui marche vers les cieux, et la conscience pratique que nous sommes, comme des hommes célestes, actuellement chez nous dans le ciel, manque totalement. Dès lors «le témoignage du Seigneur et de moi (Paul) son prisonnier» est pratiquement négligé.

La troisième classe comprend ceux qui ont vu et admiré la vérité céleste, mais qui craignant le chemin étroit, et ayant peur de se trouver enfermés dans un champ de service et de communion dans le travail trop restreint, se sont engagés dans une autre voie où, pensent-ils, ils exerceront plus d'influence et auront plus de collaborateurs. Mais ils ne font jamais de progrès, et ils souffrent dans leurs âmes et sont des obstacles pour le témoignage.

La quatrième classe renferme ceux qui non seulement acceptent la vérité et y adhèrent, mais qui s'étudient à y être pratiquement; et en le faisant, ils voient les difficultés se résoudre et leur chemin, parce qu'il est divin, s'éclaircir chaque jour. Ils marchent de force en force.

Ceux qui forment la première classe ressemblent à un oiseau qui, dans son nid où il est placé pour grandir afin de s'envoler ensuite librement, en opposition avec sa propre nature, ne veut pas quitter son nid. Ceux de la seconde ressemblent à un oiseau qui ne fait jamais d'autre effort que celui de voler d'un barreau de sa cage à un autre, comme si sa seule mission était d'encourager par son chant les pauvres délaissés. Ceux de la troisième sont comme un oiseau qui a une aile cassée, et qui ne peut se mouvoir que sur terre. Seuls, ceux de la quatrième classe jouissent de l'étendue des merveilleux dons qui sont devenus leur part, et cela simplement parce qu'ils usent de la puissance qui leur a été conférée.

Ainsi la pratique explique à chacun pour lui-même, et aux autres en témoignage, la nature et les qualités de la puissance de la grâce, autrement inexplicable et toujours incomprise jusqu'à ce qu'on agisse comme on croit: et ceci est l'oeuvre de la foi en puissance; et ainsi, la foi est rendue parfaite (2 Thessaloniciens 1: 11, 12; Jacques 2: 22; lisez aussi 1: 22 et suivants).