Le trésor et le talent ou privilège et responsabilité

 ME 1874 page 415

 

Tout vrai chrétien se présente à nous sous un double aspect: comme un objet de la grâce ou un vase de miséricorde, et comme un saint ou un serviteur responsable; comme quelqu'un à qui, d'un côté, quelque chose a été donné, mais à qui aussi quelque chose a été confié.

«Nous sommes sauvés par la grâce, par la foi; cela ne vient pas de nous; c'est le don de Dieu». «Dieu qui est riche en miséricorde, à cause de son grand amour dont il nous a aimés, alors même que nous étions morts dans nos fautes, nous a vivifiés ensemble avec le Christ…; vous êtes sauvés par la grâce». Et: «Nous avons ce trésor dans des vases de terre, afin que l'excellence de la puissance soit de Dieu et non pas de nous» (Ephésiens 2: 1-10; 2 Corinthiens 4: 7). Tout cela est heureusement vrai pour le croyant, et une âme fatiguée et chargée, mais confiante, trouve du repos dans de telles paroles.

Mais il y a l'autre côté. Si ces trésors de Dieu sont placés dans des «vases de terre», les vases doivent par conséquent les conserver. Le vase de terre ne doit pas, comme s'il était fêlé, laisser s'écouler le trésor, mais le retenir; il ne doit pas le cacher, mais le mettre en évidence, et de plus, par le contraste même qu'il y a entre le vase et son contenu, l'excellence du trésor doit être manifestée.

Le trésor ou les privilèges que la grâce nous a conférés constituent notre bénédiction, mais ils constituent en même temps un talent qui nous est confié et dont nous sommes responsables. Le trésor et le talent viennent tous deux de la même source, car la grâce qui sauve est aussi celle qui enseigne; mais nous avons tous la tendance à accepter la bénédiction, sans accepter aussi comme il faudrait, la responsabilité. Le côté licencieux de notre coeur revendique la grâce aux dépens de la responsabilité, et, si Christ n'est pas connu, le côté légal fait de même pour la responsabilité aux dépens de la grâce. Mais là où Christ demeure dans le coeur par la foi, là, l'équilibre est maintenu. L'amour de Christ qui satisfait, étreint aussi; et il n'y a de place ni pour la licence ni pour la légalité; la responsabilité est sentie et exercée comme l'effet naturel et spontané de la grâce. Le talent est mis à profit dans le profond sentiment du prix infini du trésor possédé; et le fait que quelque chose nous a été confié, et cela par Dieu, augmente grandement le prix de ce que sa grâce nous a donné.

Pour une âme qui est dans un bon état, qui jouit vraiment de la grâce, qui est en communion avec le Dieu qui l'a si richement bénie et gratifiée de tout bien et de tout don parfait, il y a un désir ardent de conserver le dépôt qui lui a été confié, non pas dans un esprit légal, mais comme expression d'un service d'amour volontaire. Ainsi, «l'amour de Christ nous étreint». «Malheur à moi si je n'évangélise pas!» «Nous ne pouvons pas ne pas parler des choses que nous avons vues et entendues».

Il y a une jouissance positive dans la connaissance que Dieu a confié quelque chose qui touche à sa gloire à de pauvres êtres comme nous, dans un monde mauvais comme celui-ci; qu'il nous a non seulement confié un trésor pour nous-mêmes, mais aussi un talent à faire valoir pour Lui. «Je rends grâces au Christ Jésus, notre Seigneur, qui m'a fortifié, de ce qu'il m'a estimé fidèle, m'ayant établi dans le service».

Voilà l'exclamation de l'apôtre quant au glorieux évangile dont le dépôt lui avait été confié.

Dans une certaine mesure, la même chose est vraie de tout chrétien; car il est impossible d'être un vase de la grâce sans responsabilité, où de posséder le trésor sans le talent; et l'étendue de la responsabilité sera proportionnée au degré de la vraie connaissance que l'âme possède de la grâce. Si nous sommes en communion avec la grâce, si nous en jouissons, nous chercherons toujours à amener les autres à la connaissance des choses auxquelles nous sommes nous-mêmes parvenus. Là où le coeur est libre et heureux, ceci se fera naturellement et sans effort. L'âme que Dieu a bénie ne peut pas retenir la bénédiction pour elle seule; l'Esprit la fait déborder. Le premier mouvement peut être celui de ces hommes qui se partageaient le butin (2 Rois 7: 8); mais ensuite, ne disent-ils pas: «Nous ne faisons pas bien; ce jour est un jour de bonnes nouvelles, et nous ne disons mot?» (2 Rois 7: 9). Puis vient: «J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé». Mais ce que l'apôtre exprime en disant: «Grâces à Dieu qui nous mène toujours en triomphe dans le Christ et manifeste par nous l'odeur de sa connaissance en tout lieu; car nous sommes la bonne odeur de Christ pour Dieu», sera toujours le mobile le plus élevé et le plus parfait comme aussi l'expérience de celui qui, en toutes choses dans le service de Dieu, aura été conduit par l'Esprit. La bénédiction de nos semblables est, comme la gloire de Dieu, un mobile vrai aussi (quoique moins élevé). Nous commençons généralement par le mobile le moins élevé, mais si nous marchons par la foi nous ne nous arrêterons pas là; mais nous trouverons notre plus grande jouissance dans ce fait que nous sommes liés, associés à la gloire de Dieu et aux intérêts de Christ sur la terre, car tel est en effet la marche et la place d'un véritable serviteur de Dieu: son coeur sera plus occupé des intérêts et de l'approbation du Maître qu'il sert, que des intérêts et de l'approbation de ceux qu'il sert pour l'amour de son Maître; mais il n'ignore pas que c'est la joie de son Maître qu'ils soient bien servis.

Notre trésor donc, c'est Christ, maintenant connu par la foi, autrefois humilié ici-bas, crucifié pour nos péchés, mais ressuscité et maintenant glorifié à la droite de Dieu. Un précieux trésor, en vérité! «Un trésor dans le ciel où ni la teigne ni la rouille ne gâtent rien, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent». Si la pensée et le coeur sont là avec Lui, le talent sera bientôt mis en évidence sur la terre. Il n'y sera pas caché dans un linge ou dans quelque autre chose, ni lié à une charge permanente et ainsi incapable de répondre à l'appel inattendu du Maître; il sera au contraire placé à la banque «retourné» incessamment, rapportant son intérêt chaque jour, et toujours sous la main pour le moment où le Seigneur viendra régler compte avec ses serviteurs. Ce que la grâce nous a confié ici-bas n'est pas à nous, mais «à un autre» dans le sens le plus vrai; car si toutes choses sont bien «à nous»; toutefois «nous sommes à Christ, et Christ est à Dieu». Le Seigneur a dit: «Trafiquez jusqu'à ce que je vienne» (Luc 19), et il a laissé les siens ici-bas, durant la nuit de ce monde, pour apprendre à le connaître et pour le servir, tout ce qui lui est cher sur la terre leur étant confié, — son nom et le nom de son Père, sa vérité, sa parole, son église, comme aussi les âmes et les corps des pauvres pécheurs. Quel dépôt!

Veuille le Seigneur augmenter en tout croyant, le sentiment de ce que sa grâce nous a librement donné et confié aussi, notre trésor et notre talent, nos riches et glorieux privilèges et notre responsabilité.