Purification et délivrance

 ME 1875 page 81

 

A propos de perfection, ce sujet si difficile pour beaucoup d'âmes, on a voulu établir que, s'il est vrai que la chair ne change jamais, ce qui du reste est parfaitement exact, toutefois, à supposer que nous péchions, nous sommes toujours parfaitement purs en ayant recours au sang de Christ, puisque ce sang purifie. Mais le recours au sang ne répond pas à la difficulté qui est en question: le sang doit purifier parce que nous ne sommes pas purs. Ce qu'il faut ici, ce n'est pas tant d'être purifiés que de trouver de la puissance.

Or le sang de Christ, quoiqu'étant le fondement de toute bénédiction, est en rapport direct avec la conscience, avec l'imputation, non avec la puissance; et l'idée du sang soulève immédiatement la question de l'état de ma conscience et le sentiment que je suis impur. On me dit qu'il y a assez de puissance pour nous mettre en relation avec Dieu, et ensuite que là nous sommes purs: mais on confond deux choses très distinctes, savoir la délivrance de la puissance du péché, et la pureté. Pour y voir clair, et pour savoir distinguer entre ces choses, il faut une attention sérieuse et sincère, parce que, jusqu'à ce que nous soyons délivrés en vertu d'un juste sentiment de la rédemption, le sentiment de la présence du péché et du manque de parfaite pureté se lie à la conscience et à la question de mon acceptation devant Dieu. Si vous considérez l'état de la plupart des chrétiens, vous verrez qu'ils ont, sans aimer à le dire, une sorte de sentiment qu'il faut qu'ils pèchent.

Il est parfaitement vrai que «si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous»; et de fait, «nous manquons tous à plusieurs égards». Mais vous remarquerez que Jean, au chapitre 1 de sa 1re épître, quand il en vient à parler de «pécher», des actes, se sert du passé: «Si nous disons que nous n'avons pas péché, nous le faisons menteur, et sa parole n'est pas en nous». Il ne dit pas: «Si nous disons que nous ne péchons pas»; et on ne peut déduire de ses paroles aucune conséquence que nous devions pécher. Lorsque d'autre part il parle du «péché», il emploie le présent: «Si nous disons que nous n'avons pas de péché». Christ a dit: «Ma grâce te suffit, et ma puissance s'accomplit dans l'infirmité»; et ailleurs nous lisons: «Dieu est fidèle qui ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de ce que vous pouvez supporter»; et: «Je puis toutes choses en Celui qui me fortifie». (*)

(*) 2 Corinthiens 12: 9; 1 Corinthiens 10: 13; Philippiens 4: 13.

L'existence de la chair non plus ne donne pas une mauvaise conscience, autrement je n'aurais jamais une bonne conscience, parce que, tant que je suis sur la terre, la chair est toujours en moi; et ce qui est en question pour moi, n'est pas non plus, si Dieu peut m'imputer un péché comme croyant, car Christ a porté tous mes péchés; ou bien s'il s'agit de péchés passés, ou de péchés futurs, puisque pour nous, chrétiens de maintenant, Christ n'a jamais porté d'autres péchés que des péchés futurs, quoique les péchés passés soient nécessairement ce qui affecte la conscience. Ce qui est en question, c'est de savoir si cette sorte de puissance est introduite par laquelle je suis placé dans un état où le péché n'agit pas. Jamais je ne pourrais dire qu'il agit nécessairement, car Dieu est fidèle qui ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de ce que nous pouvons supporter; et si je porte toujours, partout, dans le corps la mort de Jésus, sa vie seulement opérera en moi, en sorte que si une pensée oiseuse entre dans mon esprit, je ne peux pas lui trouver une excuse. La grâce agit toujours dans l'intercession de Christ, notre avocat; mais je ne suis jamais excusable d'avoir permis à la chair d'agir en quelque occasion que ce soit. Si j'avais été fidèle à me tenir près de Christ, la chair n'eût pas agi; si j'avais été occupé de Lui, le mal n'aurait pas trouvé entrée dans mon esprit.

Voyez cette mère: on lui dit que son enfant a été renversé par un train de chemin de fer; elle se précipite… Fait-elle attention aux choses devant lesquelles elle passe? Non, elle court. Toutes ces choses qui auraient pu attirer son attention si elle eût été inoccupée, — une jolie toilette exposée dans la devanture d'un magasin, une gravure, un tableau, — rien ne la détourne maintenant, elle ne les voit pas. Ainsi, pour vous, sur cent choses qui sont une tentation, il y en a quatre-vingt-dix-neuf qui ne vous tenteraient jamais, si Christ occupait vos pensées. Si vous étiez pleins de Christ, il n'y aurait pas de place dans votre esprit pour les pensées oiseuses, au moyen desquelles Satan cherche à vous distraire par le monde qui vous entoure, s'il ne réussit pas à vous les faire rechercher positivement.

Or, si nous manquons, ce dont il s'agit, ce n'est pas d'ôter le péché, ni de sang, — mais d'eau, et de l'intercession de Christ comme avocat en notre faveur, pour la restauration de nos âmes. Au chapitre 13 de l'évangile de Jean, nous ne voyons pas que Christ ait mis du sang dans le bassin, mais il y mit de l'eau, et il lava les pieds de ses disciples. Si mes pieds ne s'étaient pas salis dans la boue, — ce qu'ils n'auraient pas dû faire, — ils n'auraient pas eu besoin de ce lavage; mais ils en ont besoin, et l'Esprit de Dieu applique l'eau de la Parole à ma conscience c'est là le sens du passage. J'ai souillé mes pieds, et c'est de l'eau que je reçois, et non du sang. L'eau, comme figure, nous présente toujours l'application de la Parole par la puissance du Saint Esprit. Christ nous a donné droit au ciel; mais pour notre relèvement et le rétablissement de notre communion avec Dieu, il opère en nous par la Parole lorsque cela est devenu nécessaire, — quoiqu'il faudrait que cela ne fût pas nécessaire.

Je le répète encore, l'existence de la chair n'interrompt pas ta communion, mais, si l'on permet à la chair d'agir alors la communion est interrompue: une seule pensée oiseuse l'interrompt. Elle cesse pour le moment absolument, car Dieu évidemment ne peut pas avoir communion avec le mal.

De plus, à propos de ce sujet, il importe de bien comprendre que Christ mourant pour nos péchés, et notre mort avec Christ, sont deux choses absolument distinctes. Nous sommes appelés à reconnaître que nous sommes morts avec Christ, et à vivre dans la puissance de cette vérité. Si nous sommes morts avec Christ, alors: «Tenez-vous vous-mêmes pour morts»; seulement, remarquez-le bien, ce n'est pas faire la découverte que je suis mort à un certain moment particulier, et introduit par la foi dans cet état (quoique toute vérité s'apprenne par la foi); mais la vérité apprise ici, c'est que je suis mort dans la mort de Christ. C'est ma profession chrétienne: étant baptisé pour Christ, je suis baptisé pour sa mort (*); et quand l'apôtre porte partout dans son corps, la mort du Seigneur Jésus, il est bien évident que ce n'est pas sa propre mort qu'il porte, mais, comme il le dit, la mort de Jésus. Ce que je veux dire, c'est que Christ est celui qui a porté mes péchés, et qu'ainsi je trouve le pardon de mes péchés; mais il n'y a pas de pardon pour la mauvaise nature. «Ce qui était impossible à la loi, en ce qu'elle était faible par la chair, Dieu ayant envoyé son propre Fils, en ressemblance de chair de péché et pour le péché, a condamné le péché dans la chair» (**). Mais quand Dieu fit cela, qu'arriva-t-il? Christ mourut; — donc, moi je suis mort. Si j'avais dû subir ce sort moi-même, personnellement sous la loi, j'aurais eu en partage la condamnation aussi bien que la mort; mais étant crucifié avec Christ, la condamnation est passée, et la mort est venue. Si je l'applique pratiquement, et que je dise sincèrement que je suis mort, comment Satan peut-il tenter un homme mort? Et comment pouvez-vous dire qu'un homme mort a des convoitises et une volonté méchante? — cela n'est pas vrai. Cependant la doctrine d'une pureté en nous-mêmes, à laquelle on atteint par la foi et à laquelle on parvient sans la connaissance de soi-même acquise par l'exercice de coeur sous la loi dépeint en Romains 7, se répand beaucoup autour de nous et gagne des âmes honnêtes et sincères, par leurs besoins mêmes et leur aspiration à une délivrance qu'elles n'ont pas trouvée.

(*) Romains 6: 3. (**) Romains 8: 3.

On dit qu'il y a une purification qui nous rend actuellement semblables à Christ ici-bas; mais cela est anti-scripturaire. On demande: «Quand vous avez été convertis, n'avez-vous pas désiré d'être rendus conformes à Christ?» On égare ainsi les âmes; car cela je le désire maintenant aussi. L'Ecriture enseigne que: «Lorsqu'il sera manifesté nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est. Et quiconque a cette espérance en Lui, se purifie comme Lui est pur» (*). C'est une chose bien différente! Si je suis déjà purifié, je n'ai pas besoin de me purifier. La conformité avec Christ que nous propose l'Ecriture est la conformité avec Christ dans la gloire. Christ était absolument sans péché ici-bas; tandis que moi, si je dis que je n'ai pas de péché, je me séduis moi-même. Je suis appelé à marcher comme Lui a marché, ne permettant pas au péché de se mouvoir en moi; — mais il est là dans la chair!

(*) 1 Jean 3: 2.

La pensée tout entière qu'on nous présente, a pour effet de rabaisser le caractère et la mesure de la vie chrétienne. Je suis appelé à être semblable à Christ dans la gloire, et je le serai; jusque-là, quoique la chair soit en moi, sa présence, en elle-même, n'interrompt pas ma communion; et je devrais certainement, comme chrétien, en ne contristant pas le Saint Esprit de Dieu, vivre constamment à la lumière de la clarté sans nuage de la faveur de Dieu.

J'ose affirmer qu'il y a au milieu de nous beaucoup de chrétiens qui n'ont jamais compris réellement ce que c'est que d'être mort et ressuscité avec Christ: ils ne savent pas, quant à leurs propres âmes, saisir cela; ils ne sont pas ce que l'Ecriture appelle des «parfaits» (*), ne comprenant pas que non seulement leurs péchés, les péchés du premier Adam, ont été pardonnés, mais que nous avons notre place dans le second Adam, et cela dans la puissance de la loi de l'Esprit de vie qui est dans le Christ-Jésus. Nous serons effectivement parfaits quand nous lui serons semblables dans la gloire, — jamais auparavant; parce que c'est là ce à quoi nous sommes appelés (**). Mais si j'ai réalisé que je suis en Lui, mort et ressuscité avec Lui, — comme Lui est, je suis moi aussi dans ce monde, d'abord pour ce qui est du jugement, et ensuite quant à la puissance de vie et à l'état devant Dieu, reconnaissant l'état de mort du vieil homme pour la foi, par la mort de Christ sur la croix.

(*) Philippiens 3: 15.  (**) Voyez Romains 8: 29; Philippiens 3; 1 Jean 3: 2, etc.

L'enseignement qu'on voudrait nous faire accepter, suppose qu'une personne peut, par la foi, passer dans un état de pureté, exactement comme, par la foi, elle connaît sa justification. Mais ceux qui avancent ces choses se séduisent eux-mêmes, et pour cette raison-ci: ils ne se connaissent pas encore eux-mêmes, et il faut cependant qu'ils y arrivent. Je répète ici, à ce propos, ce que j'ai dit ailleurs, c'est que pour sortir de Romains 7 d'une manière ou d'une autre, il faut y être entré d'abord, et avoir appris que vous n'êtes pas seulement coupable, que vous n'avez pas seulement une chair méchante, mais, ce qui est plus difficile et plus profondément humiliant, que vous n'avez point de force.

Supposez qu'une personne aie une dette et que je lui dise que toute sa dette est payée: si cette personne croit que je suis un homme de parole, elle n'a besoin d'aucune expérience, elle est satisfaite et très heureuse d'apprendre ce que je lui annonce. Mais supposez que je vous dise: «Vous êtes mort au péché»; c'est tout autre chose. Il ne s'agit pas ici du paiement d'une dette; c'est une définition absolue de votre condition. Vous objecterez peut-être: «A quoi bon me dire cela? — car je me suis mis en colère ce matin». Votre expérience me contredit, et vous ne pouvez pas sortir de la difficulté jusqu'à ce que vous soyez arrivé à la conviction personnelle, à la connaissance de vous-même, qui vous découvre que vous ne pouvez pas remporter la victoire sur le péché. C'est une découverte terrible à faire; mais c'est apprendre cette leçon que je n'ai point de force, non pas seulement que je suis coupable. «Le vouloir est avec moi, mais accomplir le bien, cela je ne le trouve pas»; et jusqu'à ce que vous soyez amené à vous écrier: «Misérable homme que je suis, qui me délivrera…?» — Je ne puis réussir; le péché est trop fort pour moi, — vous n'êtes pas arrivé là où il faut que vous soyez amené et où seulement vous trouverez la délivrance. Quand ce travail s'opère en moi, je puis savoir ou ne pas savoir que je suis pardonné, et la forme de l'expérience pourra en être modifiée, mais non la substance. Cette expérience s'acquiert toujours essentiellement sous la loi, c'est-à-dire en face d'une exigence qui veut que nous soyons dans un état donné. Mais vous dites: «Il faut que j'essaie, il faut que je fasse des efforts». Eh bien, «faites, faites des efforts». Et pourquoi? Parce qu'ainsi vous apprendrez que vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez, et qu'alors vous direz, non pas «Comment ferai-je mieux?» mais, «Qui me délivrera?» Vous vous sentirez dans une position telle qu'il faut que quelqu'un d'autre vous en délivre. Vous faites la découverte que vous n'êtes pas seulement impie, mais sans force; vous avez appris ce que vous êtes, non pas seulement ce que vous avez fait; et ensuite vous trouvez là Christ en puissance, et la loi de l'Esprit de vie dans le Christ Jésus vous affranchit de la loi du péché et de la mort. Il ne s'agit ici ni de non-imputation, ni de purification, mais de délivrance; et je trouve la question vidée et réglée quand j'en découvre la vérité et le fondement dans la croix de Christ, et non pas dans le fait que j'acquiers personnellement la pureté à un certain moment donné.

En terminant je voudrais vous adresser encore une question. Etes-vous heureux d'être mort et de n'avoir plus le moindre atome de volonté propre, ou de souhait ou de désir propre? N'y a-t-il rien dans votre coeur que vous voudriez réserver vis-à-vis de Dieu? C'est ici une pierre de touche pour nous. Avons-nous assez appris ce qu'est le principe de la volonté, on voudrions-nous en réserver une petite partie? — Notre état devrait être toujours un état de communion ininterrompue dans la puissance du Saint Esprit, sans aucun nuage sur nos esprits. Mais ce n'est pas là l'état réel des choses; et ainsi, c'est de puissance que nous avons besoin.