Le livre de l'expérience - Epître aux Philippiens

Darby J.N. - ME 1875 page 121

 

Le livre de l'expérience - Epître aux Philippiens. 1

Philippiens 1. 1

Philippiens 2. 5

Philippiens 3: 1-14. 12

Philippiens 3: 15-21; 4: 1-7. 20

Philippiens 4: 8-23. 27

 

Philippiens 1

Dans l'épître aux Ephésiens et même dans l'épître aux Colossiens, Dieu nous montre notre place avec Christ; mais dans celle aux Philippiens, nous voyons le croyant passant à travers ce monde, — y marchant comme chrétien. Il n'y a pas de doctrine dans l'épître aux Philippiens: le croyant y est vu courant vers le but, et cette course y est envisagée comme fournie dans la puissance de l'Esprit de Dieu, car ce qui caractérise le chrétien, c'est qu'il marche absolument dans cette puissance de l'Esprit. C'est pourquoi il n'est pas question du péché dans l'épître aux Philippiens (le mot même de péché ne s'y trouve pas), ni d'aucune lutte dans le sens propre du mot, non que celui qui court ait déjà reçu le prix, mais il ne fait jamais qu'une chose, il court par la puissance de l'Esprit de Dieu, cherchant à le saisir: il n'a pas saisi, mais il ne fait rien que courir pour atteindre; il est élevé au-dessus de tout ce qu'il y a en lui et dans le monde, élevé absolument au-dessus de toutes les circonstances.

L'épître aux Philippiens est l'épître de l'expérience, mais de l'expérience selon la puissance de l'Esprit de Dieu. Nous y apprenons cette leçon que, quoique nous puissions faillir, toutefois il est possible de marcher dans la puissance de l'Esprit de Dieu, — non que la chair soit changée, ou que la pensée soit admissible qu'on ait atteint le but, car il n'y a pas de perfection ici-bas; mais il est possible d'agir toujours d'une manière conséquente avec l'appel qui nous montre Christ dans la gloire comme but et prix de notre course. Il n'y est pas question d'atteindre certains degrés de progrès dans le monde; le chrétien y est considéré comme supérieur à toute espèce de circonstance, de contradiction, ou de difficulté, car son sentier est élevé, au-dessus de toutes ces choses.

Le fait que nous avons un chemin, montre que nous sommes sortis du lieu où Dieu avait placé l'homme, que nous ne sommes pas chez nous. C'est une grande grâce de la part de Dieu, que nous ayons un chemin dans le désert; et ce chemin, je n'ai pas besoin de le dire, c'est Christ. Adam n'avait pas besoin d'un chemin: il serait demeuré paisiblement dans le jardin, s'il était resté obéissant à Dieu. Mais nous, nous sommes d'Egypte et nous ne sommes pas en Canaan: nous courons vers le but. Une foule de choses se mettent en travers du chemin, mais la seule chose que nous ayons à faire, c'est de courir. A chaque pas, nous gagnons davantage de Christ: c'est comme la lumière d'une lampe au bout d'une allée; à mesure que nous avançons, nous en recevons davantage. Nous n'avons pas encore atteint la lampe elle-même, quoique la lumière qui en jaillit augmente à chaque pas que nous faisons en avant; mais nous sommes entièrement délivrés de l'esclavage du moi, et nous avons un mobile supérieur à toutes les circonstances, de sorte que quoique nous ne soyons pas insensibles à celles-ci, elles n'exercent aucune influence sur nous.

«Je rends grâce à mon Dieu, dit l'apôtre, pour tout le souvenir que j'ai de vous dans mes supplications, faisant toujours des supplications pour vous tous avec joie, à cause de la part que vous prenez à l'évangile depuis le premier jour jusqu'à maintenant». Les Philippiens avaient pris une part ardente à l'évangile et avaient montré un esprit d'amour, et l'apôtre faisait sans cesse des supplications pour eux tous. Chaque fois qu'il priait, il faisait mention d'eux. Il portait sur son coeur l'église de Dieu, et il en faisait de même pour les saints individuellement. Il pensait à tout le bien qu'il voyait en eux, et il rendait grâces à Dieu pour ce bien. Voyez le genre d'intérêt qu'il avait pour les saints: il pensait toujours à eux; — même aux Corinthiens, il dit: «Je rends toujours grâce à Dieu pour vous». Ce qui occupe Christ et ce à quoi il pense, c'est ce qui devrait nous occuper et c'est à quoi nous devrions penser. Si Christ est ma vie et par l'Esprit la source de mes pensées, j'aurai ses pensées en toute chose; car il y a ce qui est juste et bien selon Christ. Je dois être au milieu des circonstances dans lesquelles je me trouve, comme Christ y serait; et cela est la vie chrétienne. Il n'est jamais nécessaire que nous fassions quelque mal que ce soit, jamais nécessaire que nous agissions selon la chair. Bien qu'elle soit là, pourquoi faudrait-il que je pense par elle? Je ne le ferai pas si je suis plein de Christ, car c'est lui qui me suggère mes pensées.

Si j'entre dans le sentiment et les pensées de Christ, je ne pourrai supporter de voir du mal dans les saints: je désirerai de les voir semblables à Christ. Il opère maintenant dans le coeur des saints, comme nous lisons, Ephésiens 5: 26: «afin qu'il la sanctifiât en la purifiant par le lavage d'eau par la parole», et il faut que je marche avec Lui dans le même esprit; ce que je ne pourrai jamais faire, si je ne suis pas devant Dieu moi-même. Christ se livre d'abord lui-même pour les siens, et ensuite il s'occupe à les purifier et à les rendre tels qu'il veut les avoir: c'est aussi ce que nos coeurs devraient désirer de faire par l'intercession.

Il y a abondance de puissance pour un tel service, quoique nous ne sachions que bien misérablement en user. Le Seigneur peut déployer sa grâce maintenant, aussi bien qu'il le faisait dans les jours les plus glorieux de l'apôtre. Il y avait bien plus de quoi réjouir le coeur, quand David fuyait devant Saül, comme «une perdrix sur les montagnes», que dans toute la gloire de Salomon; car aux jours de la souffrance de David, il y avait la puissance de la foi. C'est avec tous les saints que nous devons «comprendre» (Ephésiens 3: 18), et nous diminuons notre bénédiction, si nous ne les embrassons pas tous. Il y a en Christ la capacité pour que nous le fassions, et si nous marchons dans un même esprit avec Lui, nous serons en repos à leur égard.

Prier pour les saints, donne à celui qui le fait la puissance de voir tout le bien qui est en eux. Les épîtres en rendent témoignage à la seule exception de celle aux Galates, où l'apôtre ne parle pas de ce qu'il pouvait louer, mais sans préambule, s'en prend au mal, car les Galates abandonnaient le fondement. Si nous priions davantage pour les saints, nous aurions plus de joie en eux, et plus de courage pour ce qui les concerne. C'est toujours un mal que de perdre courage au sujet des saints, quoique le cas puisse se présenter, où nous soyons comme Jérémie auquel Dieu dit: «Ne prie plus pour ce peuple». Le Seigneur est toujours présent et son amour ne peut pas faillir; ainsi, nous pouvons compter sur cet amour avec joie, avec consolation et encouragement. Même quand il avait dit aux Galates «Je suis en perplexité à votre sujet», l'apôtre, regardant aussitôt à Christ, ajoute: «J'ai confiance à votre égard par le Seigneur» (*). Il voyait les saints sous l'oeil de Christ pour y être bénis. Et nous, jusqu'à quel point voyons-nous tous les saints avec le coeur de Christ étant consolés et encouragés, parce que nous savons qu'il y a assez de grâce pour eux? «Etant assuré de cela même que Celui qui a commencé en vous une bonne oeuvre, l'achèvera jusqu'au jour de Jésus Christ»; et comme nous lisons encore, un peu plus loin: «Afin que vous soyez sans reproche et purs, des enfants de Dieu irréprochables…»

«Parce que vous m'avez dans votre coeur, et que dans mes liens, et dans la défense et la confirmation de l'évangile, vous avez tous été participants de la grâce avec moi» (verset 7). Nous sentons peu combien c'est une chose réelle que l'unité de l'Esprit; nous en avons grandement perdu la réalité, quoique nous reconnaissions le fait comme une vérité. Cette unité existe par une puissance vivante qui est dans chacun des saints, en sorte que «si un membre souffre», les autres, non pas doivent souffrir, mais «souffrent avec lui» nécessairement (**). Le corps peut être dans un état si faible, qu'il lui reste bien peu de sentiment; mais en supposant que l'Esprit agisse dans les Indes, pensez-vous que les saints, ici en Europe, n'en seraient pas ranimés? Ainsi, quand les saints priaient pour Paul et que Dieu fortifiait Paul, des actions de grâce étaient rendues à Dieu de la part d'eux tous (***). L'opération de l'Esprit de Dieu exerce son influence bénie sur tous ceux qui entendent. Mais quand l'apôtre dut dire: «Tous m'ont abandonné» (ils n'avaient pas abandonné Christ, mais ils n'avaient pas de courage pour affronter les dangers) lui, Paul poursuivit seul sa route. Nous savons bien que si nous souffrons d'une douleur dans notre corps, tous nos nerfs en sont attaqués; nous ne pouvons ni lire, ni travailler aussi bien que nous le ferions autrement: il se peut même que l'action morbide soit assez intense pour que les nerfs spirituels n'aient plus guère de sentiment; toutefois le sentiment ne peut être détruit.

(*) Voyez Galates 4: 20; 5: 10. - (**) 1 Corinthiens 12.— (***) Voyez 2 Corinthiens 1: 11.

Le ton de l'épître aux Philippiens se montre au verset 8. L'apôtre n'était pas un homme oublieux; il se rappelle chaque trait de bonté, le moindre témoignage d'amour envers lui, et il demande dans ses prières que ceux qui se souvenaient ainsi de lui abondassent encore de plus en plus en amour et en connaissance et toute intelligence spirituelle, afin qu'ils fissent les choses qu'il était convenable de faire, sachant discerner ce en quoi une chose diffère d'une autre, pour qu'ils fussent des connaisseurs dans le sentier chrétien, n'évitant pas seulement de tomber dans le péché, mais ayant l'intelligence de ce qu'il convenait exactement qu'ils fissent dans les circonstances dans lesquelles ils se trouvaient; car notre mesure c'est ce qui satisfait le coeur de Christ, non pas, «quel mal y a-t-il en ceci ou en cela?» L'apôtre désire que les Philippiens discernent les choses maintenant, comme elles seront mises en lumière au jour de Christ. C'est comme s'il disait: «Je désire que vous pensiez au Seigneur Jésus et que vous sachiez bien ce qui plaira à son coeur, pour jouir ainsi du bonheur de plaire à Christ et de la joie aussi que donne la chose qui lui plaît, par l'active énergie de l'Esprit de Dieu».

Voyez maintenant comment Paul s'élève au-dessus de toutes les épreuves de ces quatre années d'emprisonnement, deux à Césarée et deux à Rome. «Frères, je veux que vous sachiez que les circonstances par lesquelles je passe, sont arrivées pour l'avancement de l'évangile (verset 4). Il eût pu dire: Si je n'étais pas allé à Jérusalem, et si je n'avais pas prêté l'oreille à ces Juifs qui m'ont induit à faire telle et telle chose, je pourrais être libre encore et prêcher l'évangile. L'apôtre ne fait pas ainsi; et laissez-moi vous dire ici, chers amis, qu'il n'y a rien de plus fou que de regarder aux causes secondes. Nous n'avons peut-être pas été sages; — mais celui qui vit au-dessus des choses d'ici-bas, sait qu'elles travaillent toutes ensemble pour notre bien. «Je sais que ceci me tournera à salut, par vos supplications et par les secours de l'Esprit de Jésus Christ» (verset 19). Nous apprenons ici aussi qu'il y a l'activité toujours plus grande et l'énergie croissante de l'Esprit de Dieu, ce que l'apôtre appelle «les secours», de sorte que, quoique nous n'ayons pas à attendre une seconde venue de l'Esprit, car il est venu, nous pouvons et nous devons nous attendre aux «secours» de l'Esprit et à tout ce que sa grâce nous apporte par la Parole.

«Selon ma vive attente et mon espérance que je ne serai confus en rien; mais qu'avec toute hardiesse, maintenant encore comme toujours, Christ sera magnifié dans mon corps, soit par la vie, soit par la mort» (verset 20). Nous voyons ici que l'idée de perfection dans la chair n'est qu'une folie, car Paul attendait d'être semblable à Christ dans la gloire. Le coeur est toujours droit quand il dit: «Pour moi vivre c'est Christ». Paul n'avait pas d'autre objet que Christ, et il marchait jour après jour par Christ comme source, par Christ comme objet, par Christ comme caractère de vie: tout le long du chemin, Christ était sa vie par la puissance de l'Esprit de Dieu, de sorte que la haine de l'homme et de Satan n'avait point de pouvoir sur lui. Le moi avait pratiquement disparu. Quand il pensait à lui-même, il ne savait pas ce qu'il devait choisir; s'il devait s'en aller et se reposer auprès de Christ, ou demeurer et le servir. Etre avec lui était de beaucoup meilleur; mais s'il s'en allait à Christ, il ne pouvait plus servir Christ. Ainsi le moi avait disparu comme mobile, et Paul compte sur Christ pour l'Eglise; et aussitôt qu'il a reconnu qu'il est «plus nécessaire à cause de vous que je demeure dans la chair», il dit: «et ayant cette confiance, je sais que je demeurerai et que je resterai avec vous tous pour l'avancement et la joie de votre foi» (verset 25). Il juge son propre procès devant Néron. Quand il pensait à lui-même, il ne savait pas que choisir; mais quand il pense à ceux qui sont chers à Christ et qui ont besoin de sa présence, il dit: «Je sais que je demeurerai».

Que le Seigneur, frères bien-aimés, soit notre seul objet, et qu'il nous accorde que nous ne nous laissions pas distraire de lui, afin que nous puissions dire: «Je fais une chose»; qu'il nous accorde la grâce d'être les vraies épîtres de Christ jusqu'à ce qu'il vienne. Quel glorieux et bienheureux témoin serait alors l'Eglise de Dieu!

Si nous avons moins de combats et de craintes que Paul, c'est que nous avons moins d'énergie que lui.

Philippiens 2

Avant d'aller plus loin, je voudrais dire encore quelques mots sur les derniers versets du chapitre 1. L'apôtre dit: «N'étant en rien épouvantés par les adversaires, ce qui pour eux est une démonstration de perdition, mais de votre salut, et cela de la part de Dieu; parce qu'à vous il a été gratuitement donné par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui» (versets 28, 29). Il ne veut pas seulement mettre les Philippiens en garde contre ce danger, mais il leur montre que le combat est l'état naturel du chrétien. «Ayant à soutenir le Même combat que vous avez vu en moi et que vous apprenez être maintenant en moi» (verset 30). Les Philippiens étaient ici dans une tribulation positive; mais la vie chrétienne tout entière, est une vie de lutte avec Satan, non pas que nous devions y penser toujours, si nous avons revêtu l'armure complète de Dieu; mais si nous n'avons pas conscience de la victoire de Christ, nous courons risque d'être épouvantés; et quoique nous connaissions peu cette lutte, cependant en une petite mesure, nous la connaissons. Quand nous résistons à Satan, Christ est dans la lutte, et nous savons que Christ a lié Satan et l'a complètement vaincu; c'est pourquoi nous lisons dans Jacques: «Résistez au diable, et il s'enfuira de vous». Si nous marchons avec Christ, la puissance apparente paraît bien plus grande du côté de Satan et du monde que de notre côté, mais toute cette puissance n'est rien: nous nous laissons tromper quand nous sommes épouvantés par elle. Qu'importe que les villes soient grandes et murées jusqu'au ciel, si elles s'écroulent et que vous y entriez en les foulant sous vos pieds?

Vous voyez, bien chers amis, que ce ne sont pas ici, plus que pour Pierre marchant sur les eaux, les difficultés que nous pouvons rencontrer qui sont en question. Pierre marcha sur l'eau pour aller à Jésus; mais quand il vit que le vent était fort, il fut effrayé. Mais si la mer avait été calme comme un étang, il n'aurait pu davantage y marcher: vous n'avez jamais entendu parler d'un homme qui ait marché sur une eau quelconque. Pierre était complètement dans l'erreur en ce à quoi il regardait. Nous avons à nous rappeler que Christ a lié Satan, en sorte que maintenant il peut piller ses biens. Il permet peut-être que Satan en jette quelques-uns en prison pour qu'ils soient éprouvés, mais Satan n'y gagne rien: quand il se trouve devant une personne qui marche avec Christ, il n'a absolument aucune puissance contre elle. Nous pouvons avoir à souffrir, mais c'est là quelque chose qui nous est «gratuitement donné» de la part de Dieu, en sorte que Moïse a pu «estimer», — l'Ecriture ne dit pas l'opprobre, mais — «l'opprobre de Christ», un plus grand trésor que les richesses de l'Egypte (*). Que les eaux soient agitées, ou que les eaux soient calmes, il sera toujours vrai que nous y enfoncerons, si Christ n'y est pas avec nous, et que nous marcherons sur elles, s'Il est avec nous.

(*) Hébreux 11: 24-26.

Mais abordons maintenant le second chapitre. La grâce qui nous associe à Christ est merveilleuse: nous sommes appelés à avoir la même pensée qui a été en Lui (verset 5). L'Ecriture nous présente ici l'humilité de la vie chrétienne, comme dans le chapitre suivant elle nous montre l'énergie de cette vie. Ici, il s'agit de suivre le modèle que Christ nous a laissé, en marchant dans une humilité qui se montre dans l'estime qu'on a pour les autres, dans le vif intérêt qu'on leur porte, et dans la douceur et la grâce de toute la conduite en rapport avec les choses de la vie journalière. C'est pourquoi l'apôtre parle de garder Timothée auprès de lui, et de le renvoyer aux Philippiens aussitôt qu'il aurait vu la tournure que prendraient ses affaires, car il comptait sur le vrai intérêt qu'ils portaient à tout ce qui le concernait. D'un autre côté, il n'avait pas voulu retenir Epaphrodite, mais l'avait envoyé, parce qu'il avait été malade et que les Philippiens l'avaient entendu dire et étaient dans une grande anxiété à son sujet, comme dirait un enfant: ma mère va être bien tourmentée quand elle apprendra que je suis si malade: c'est pourquoi Paul avait voulu l'envoyer, afin que les Philippiens le revissent et en eussent de la joie, et lui moins de tristesse. On voit dans les petites choses, en Paul, cette considération et cette attention, cet intérêt profond et persévérant pour les autres; le monde même en discerne la beauté, son égoïsme en jouit.

Les Philippiens avaient montré ces choses dont l'apôtre parle au verset 1, dans leur préoccupation de Paul; toutefois ils n'étaient pas parfaitement unis en Christ. Mais l'apôtre ne veut pas leur faire un reproche en présence de tout leur amour pour lui. Il leur dit: Je vois avec quelle affection vous êtes occupés de moi; mais si vous voulez me rendre tout à fait heureux, ayez une même pensée, «rendez ma joie accomplie». Il avertit les Philippiens de la manière la plus délicate; mais ils avaient besoin de l'exhortation.

Nous voyons ensuite sur quel principe est fondée cette unité de sentiment: «Dans l'humilité, l'un estimant l'autre supérieur à lui-même» (verset 3). La recommandation de l'apôtre est une sorte d'impossibilité, à un certain point de vue. Si vous êtes meilleur que moi, il est évident que je ne puis pas être meilleur que vous. Mais quand un homme est parfaitement humble, marchant avec Christ, trouvant ses délices en Lui, il se voit une pauvre, faible créature qui n'a à se préoccuper que de la grâce de Christ, et qui ne voit jamais rien en elle-même que des défauts: toutes les grâces, il les voit en Christ; et voyant cette grâce, même s'il en use, il sent quel pauvre instrument il est, la chair entravant et dégradant le vase et ne laissant pas jaillir la lumière. Mais quand il regarde à son frère, il voit toute la grâce que Christ a répandue en lui. Le chrétien voit Christ dans son frère, et toutes les bonnes qualités en lui.

Paul pouvait dire, même aux Corinthiens qui marchaient d'une manière bien triste: «Je rends toujours grâce à mon Dieu pour vous, à cause de la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus» (*). Il commence par reconnaître tout ce qui est bon. L'amour reconnaissait tout le bien qu'il pouvait y avoir, et ainsi il amenait les coeurs à prêter attention aux répréhensions. Je découvre la grâce dans mon frère, et je ne vois pas le mal qui est à l'oeuvre dans son coeur; mais ce mal je le vois dans mon coeur. Quand Moïse descendit de la montagne pour la seconde fois, il ne savait pas que son visage était devenu resplendissant. Ce qui le faisait luire, ce n'était pas de considérer son propre visage (nous savons bien que cela, il ne pouvait pas le faire), mais de regarder à la gloire de Dieu; et elle luit par nous dans la mesure dans laquelle nous la contemplons, simplement et uniquement. Je vois dans mon frère toute la bonté, la grâce, le courage, la fidélité; et en moi, je vois tous les défauts. Comme je l'ai dit plus haut: sans doute, si vous êtes supérieur à moi, je ne puis être supérieur à vous; mais il s'agit ici de l'esprit dans lequel un chrétien marche. Tout esprit de parti, toute vaine gloire ont pris fin, et il ne peut en être autrement, si le coeur est occupé de Christ. Ce n'est pas là me donner une fausse idée de moi-même, mais quand je regarde à la grâce, c'est Christ. Sans doute il faut que je m'occupe parfois de moi-même et que je me juge moi-même; mais ce qui est le meilleur, c'est de ne pas avoir à m'occuper du tout de moi-même. «Que dans l'humilité l'un estime l'autre supérieur à lui-même, chacun ne regardant pas à ce qui est à lui» (versets 3, 4).

(*) 1 Corinthiens 1: 4.

Voici maintenant le principe sur lequel tout ceci repose. «Qu'il y ait en vous cette pensée qui a été aussi dans le Christ Jésus» (verset 15). Le sentier qui a amené Christ de la gloire de la déité à l'abaissement de la croix, est ici placé devant nous — Christ n'a jamais fait que descendre, — exactement l'opposé de ce que fit Adam. «Etant en forme de Dieu, il n'a pas regardé comme un objet à ravir d'être égal à Dieu»; et non seulement il supporta tout patiemment, mais en outre «il s'anéantit lui-même». Il laissa la forme de Dieu, et fut trouvé en figure comme un homme; et étant un homme, il s'abaissa lui-même, prenant la forme d'esclave. Sans doute, quand même il vint dans la forme d'homme, toute la gloire morale brillait en Lui, en parole, en oeuvre, en esprit et dans toutes ses voies; mais ayant laissé la gloire, il descendit, s'abaissant toujours davantage, jusqu'à ce qu'il n'y eut plus de place inférieure à la sienne. «Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, comment étant riche, il a vécu dans la pauvreté pour vous, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis» (*).

(*) 2 Corinthiens 8: 9.

Il y a deux pas dans l'humiliation du Seigneur: le premier, c'est qu'étant en forme de Dieu, il s'anéantit lui-même; le second, c'est qu'étant trouvé en figure comme un homme, il s'abaissa lui-même et devint obéissant (il n'y a rien d'aussi humble que l'obéissance, car celui qui obéit, n'a point de volonté du tout); et non seulement il fut obéissant, mais obéissant jusqu'à la mort (non seulement renonçant à sa volonté, mais se renonçant lui-même entièrement); et non seulement jusqu'à la mort, mais à la mort de la croix, supplice réservé alors pour les esclaves et les malfaiteurs seuls. De la forme de Dieu, il est descendu tout droit jusqu'à la mort, dans l'obéissance et l'humiliation tout le long de son chemin, en toutes choses l'opposé du premier Adam. Adam, en effet, n'était pas en forme de Dieu, et il s'éleva pour être comme Dieu, et fut désobéissant jusqu'à la mort, — exactement l'opposé de Christ dans l'esprit et le caractère de ses voies; et comme Dieu a dit: «Celui qui s'élève sera abaissé», Adam fut abaissé, parce qu'il s'était élevé. — Christ, au contraire, attendit que Dieu l'élevât, il s'abaissa lui-même, c'est pourquoi aussi, Dieu l'a haut élevé. Dieu l'a placé comme homme sur toutes les oeuvres de ses mains, c'est pourquoi nous lisons, «il y a un seul Dieu, le Père…, et un seul Seigneur Jésus Christ» (*). Il ne s'agit pas ici de la nature du Seigneur, mais de la place à laquelle il est élevé: Dieu a placé toutes choses ses pieds comme homme. Toutes choses ont été créées par Lui, et pour Lui; mais il les possédera toutes comme homme, et ainsi, il s'associe des cohéritiers. Il est héritier de toutes choses comme homme, et il a tous les croyants pour cohéritiers. L'épître aux Colossiens nous le présente comme Créateur, comme Fils de Dieu, comme Fils de l'homme, et comme Rédempteur, ce dernier titre nous disant son droit; — il est Rédempteur, — ce qui lui a donné droit à la possession de toutes choses. Toutes choses seront réconciliées par Lui, je ne dis pas justifiées, parce que les choses n'ont pas péché; mais elles ont toutes été souillées; et quand il les aura toutes réconciliées, nous les posséderons avec Lui comme ses cohéritiers, comme Eve n'était pas un de ces animaux auxquels Adam donna des noms, et n'était pas non plus seigneur comme Adam, ni ce sur quoi il était seigneur. Eve était pour Adam une aide ou une compagne pour dominer sur les choses. C'est sous son quatrième titre, celui de Rédempteur, quoique tous ces titres demeurent unis dans une seule personne, que Christ amène la création à une félicité pure. Les conseils de Dieu s'accompliront, et, nous, nous connaissons déjà la rédemption: «Il vous a réconciliés» (**), la rédemption est accomplie, quoique ses résultats ne soient pas encore produits, comme nous le dit ce passage: «afin que nous soyons une sorte de prémices de ses créatures» (***).

(*) 1 Corinthiens 8: 6. – (**) Colossiens 1: 21. — (***) Jacques 1: 18.

Nous devons avoir le même sentiment, la même pensée qui était dans le Christ. Dieu lui avait «préparé un corps», ou, comme il est dit ailleurs, il lui avait «creusé des oreilles». Il avait pris la forme d'un serviteur comme homme. Il vint, — la plénitude de la Déité — dans ce corps, et il y manifesta l'obéissance parfaite; et Dieu l'a haut élevé maintenant à sa droite. Il est entré là le premier; nous, nous n'y sommes pas encore: — nous sommes laissés sur la terre pour marcher ici-bas comme lui a marché. Quel privilège pour nous de voir la place qu'il a prise: son chemin le conduisait toujours plus bas; — et c'est là la pensée qui doit être en nous. C'est pourquoi aussi Dieu veut qu'au nom de Jésus se ploie tout genou des êtres célestes et terrestres et infernaux, ceux-ci même étant forcés de reconnaître ses droits à la gloire dans laquelle Dieu l'a élevé. Dans le caractère dans lequel il est exalté, il faudra qu'ils fléchissent les genoux devant Lui.

Le premier Adam n'est devenu chef de race qu'après qu'il a péché, et Christ non plus n'est pas devenu Chef d'une nouvelle race avant qu'il ait accompli la rédemption et fût Chef de justice. Comme l'homme fut placé dans le paradis, Lui entra dans le monde. Le premier homme et le second commencèrent chacun une course. L'un mit le comble à son péché, et finit ainsi sa course; l'autre accomplit la justice, et commença la sienne.

Quand nous parlons de nous abaisser, c'est d'être délivré de notre orgueil qu'il s'agit. C'est précisément ce que le chrétien apprend, et précisément ce que la chair n'aime pas. Moïse tua l'Egyptien par un reste d'orgueil de cour. Satan dit: je ne peux pas permettre cela; si tu ne prends pas la place complètement, tu ne peux pas l'avoir. Les armes du monde ne sont pas faites pour soutenir les batailles de Dieu; Moïse s'enfuit, et il demeure quarante ans au désert à garder des moutons au lieu de combattre. Alors, quand Dieu l'envoie, il n'a pas de force pour aller: il passe d'un extrême à l'autre. Notre part, dans les détails de la marche, est toujours d'attendre jusqu'à ce que Dieu nous élève, comme cet homme qui s'assied au bas de la table et auquel le Seigneur dit: «Ami, monte plus haut» (*). Si nous savons être contents de la dernière place, nous nous épargnons mille reproches et amertumes, que nous rencontrerons autrement.

(*) Luc 14: 7 et suivants.

Nous arrivons maintenant à un passage qui trouble souvent les âmes, mais bien à tort, comme nous le verrons. «Ainsi donc, mes bien-aimés, de même que vous avez toujours obéi…, travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement, car c'est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire selon son bon plaisir» (versets 12, 13).

L'erreur qu'on commet ici, c'est de mettre en contraste le travail de Dieu et notre travail, tandis que le contraste est entre Paul et les Philippiens. En perdant Paul, les Philippiens n'avaient pas perdu Dieu qui opérait. Paul dit: Maintenant que je suis absent, travaillez vous-mêmes à votre propre salut. Lui avait travaillé pour eux; il avait eu affaire avec les artifices de Satan pour eux, dans ses soins apostoliques; son esprit de sagesse les avait dirigés dans le chemin. Maintenant il dit: Mon absence n'altère pas la puissance présente de la grâce; Dieu opère en vous Lui-même. «Ainsi donc, mes bien-aimés, de même que vous avez toujours obéi, non seulement en ma présence, mais beaucoup plus maintenant en mon absence, travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement. Les Philippiens avaient maintenant à faire face à l'ennemi, sans avoir Paul au premier rang pour les conduire en avant; qu'importe, dit l'apôtre, «travaillez à votre propre salut». — Je m'abaisse toujours, Dieu opérant en moi.

Le chapitre 2 nous présente le caractère de la marche humble de Christ, s'anéantissant et s'abaissant toujours jusqu'à la fin; le chapitre 3, la puissance et l'énergie de la vie avec Christ et la gloire comme objet de cette vie, tout cela ayant pour effet de produire exactement le caractère de Christ: «Faites toutes choses sans murmure et sans raisonnement, afin que vous soyez sans reproche et purs, des enfants de Dieu irréprochables au milieu d'une génération tortue et perverse, parmi laquelle vous reluisez comme des luminaires dans le monde, présentant la parole de vie» (versets 14-16). Ces paroles nous dépeignent clairement Christ lui-même. Repassez l'une après l'autre chaque expression du passage, et vous verrez Christ lui-même. Il a été tout cela, et c'est ce que nous devons être, nous. Le moi est entièrement surmonté et disparaît, Dieu opérant en grâce dans nos âmes, et l'effet produit est exactement ce que Christ était, l'humiliation constante, — et ainsi, sans reproche et pur, le Fils de Dieu irréprochable, l'expression de la grâce divine, quand il n'y avait ni volonté, ni orgueil humain, mais tout le contraire. Quelle beauté parfaite, quelle perfection dans cette vie, dans le caractère de cette obéissance, car c'est de cela qu'il est question dans ce chapitre, et non de l'énergie de la foi comme dans le chapitre suivant. Partout où conduisait le sentier de l'obéissance, là Christ allait. Il avait pris la forme d'un serviteur, et sa perfection était d'obéir.

Voyez au contraire l'effet produit sur une créature qui fait sa propre volonté, comme Adam! Quel affreux spectacle pour les anges: Dieu déshonoré, sa gloire ravalée dans le monde! Mais quand Adam a détruit la gloire de Dieu, Christ vient, et Dieu devient redevable à l'homme de Sa gloire, — non pas à nous, je n'ai pas besoin de le dire, — exactement comme il avait été redevable à l'homme du déshonneur que celui-ci avait jeté sur Lui; car par la croix Dieu a été glorifié dans tout ce qu'il est. Christ vient, et nous voyons ce que le péché était, l'inimitié délibérée contre la bonté de Dieu; mais tout ce que Dieu est a été glorifié: sa majesté maintenue, toute sa vérité mise en évidence, sa justice contre le péché manifestée, son amour parfait constaté. L'expiation de nos péchés est une faible partie de la gloire de la croix: la croix est le fondement de la gloire et de la félicité éternelles.

Christ n'a pas seulement pris la forme d'un serviteur; il a pris cette place pour toujours. Comme il ne cessera jamais d'être l'homme, il n'abandonnera non plus jamais la vraie place de celui-ci devant Dieu. Christ a pris la forme d'homme et a accompli ses années de service sur la terre, selon la figure de l'esclave hébreu du chapitre 21 de l'Exode. Il aurait pu s'en aller libre comme homme, il aurait pu avoir douze légions d'anges pour le délivrer, mais il ne s'en prévalut pas, et il dit comme le serviteur hébreu: Je ne veux pas m'en aller et être libre, parce que j'aime mon maître, ma femme et mes enfants; ainsi son oreille fut percée, et il est devenu serviteur pour toujours: c'est là ce que Christ est. Quand le Seigneur, au chapitre 13 de l'évangile de Jean, allait passer de ce monde au Père et entrer dans la gloire, nous aurions pu penser qu'il cessait d'être serviteur, mais il n'en est pas ainsi: il se lève de là où il était assis au milieu d'eux, comme l'un d'eux, leur compagnon il se lève, et, se ceignant, il se met à laver leurs pieds. C'est là ce qu'il fait maintenant. Il dit: Je ne peux pas rester avec vous ici-bas, mais je ne veux pas vous abandonner; je veux que vous ayez une part avec moi, là où moi je vais; si je ne vous rends pas assez nets pour le ciel, vous ne pouvez pas avoir une part avec moi dans le ciel: c'est pourquoi il tient nos pieds nets.

Le chapitre 12 de l'évangile de Luc nous apprend que le Seigneur continue encore son service dans la gloire: «Il se ceindra et les fera mettre à table; et s'avançant, il les servira» (verset 37). Nous le voyons ici serviteur dans la gloire. C'est sa gloire en amour, quoique sous la forme de service. Non seulement la table du ciel sera pour nous, mais Christ lui-même sera Celui qui nous en fera jouir: il n'abandonne jamais sa place de serviteur. L'égoïsme aime à être servi, mais l'amour aime a servir. Ainsi Christ ne cesse jamais de servir parce qu'il ne cesse jamais d'aimer. C'est son amour s'exprimant dans son service envers nous qui rend tout doublement précieux pour nous.

Quand j'ai été amené à Dieu dans l'esprit de mon entendement, je peux m'abaisser comme Christ.

Quand l'apôtre parle de «travailler à notre propre salut avec crainte et tremblement», il n'a en vue ni la justification, ni notre place auprès de Dieu. Le salut, dans l'épître aux Philippiens, est toujours envisagé comme la fin de la course, comme son résultat final en gloire. Quel fut l'effet de la rédemption pour Israël? Ils entrèrent non dans Canaan, mais sur un sentier qui y conduisait à travers le désert. D'où seraient-ils nourris et qui les rendrait victorieux de leurs adversaires, car ils avaient des ennemis sur la route? Comme chrétien j'ai à poursuivre mon chemin en glorifiant le nom de Dieu et son caractère; le diable cherche à me détourner ou à m'arrêter: c'est pourquoi il y a la crainte et le tremblement. Un Israélite dans le désert ne mettait jamais en question s'il était en Egypte ou non. Un chrétien qui doute ne sait pas encore qu'il est racheté. L'Israélite pouvait ne pas recueillir de manne un jour, et ainsi ne pas avoir à manger ce jour-là; mais il n'avait nulle idée qu'il fût en Egypte. Il n'y avait que onze jours de l'Egypte jusqu'à Canaan, comme nous lisons au chapitre 1 du Deutéronome, mais les enfants d'Israël tournoyèrent quarante ans dans le désert avant d'atteindre les plaines de Moab, sauf l'année qu'ils passèrent près de la montagne de Sinaï, parce qu'ils n'avaient ni courage, ni foi pour «saisir».

Satan se met en travers de notre chemin encore maintenant. Vous ne pouvez pas faire deux pas après avoir entendu la parole de Dieu, sans que le diable ne cherche à vous ravir le fruit que vous pouvez en avoir retiré. Il fera son possible pour éveiller l'orgueil en vous, et pour vous empêcher ainsi de manifester ce caractère de Christ qui nous occupe ici. Si vous étiez bien convaincus que vous êtes chargés de manifester ce caractère de Christ tout le long de votre sentier à travers ce monde, et que Satan est là cherchant à vous en empêcher, vous estimeriez que c'est une chose très sérieuse, et vous comprendriez comment Pierre dit: «Si vous invoquez comme Père Celui qui, sans acception de personne, juge selon l'oeuvre de chacun, conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre séjour ici-bas» (*). Satan cherche à salir mes pieds pour me faire déshonorer Christ de la manière la plus affreuse. Je suis en lutte avec Satan, avec le monde et avec moi-même, mais je suis en parfaite paix avec Dieu. Travailler ainsi à notre salut est une chose tout à fait différente de notre relation avec Dieu, et il faut bien se garder de confondre l'une de ces choses avec l'autre. Ma relation est parfaitement et pour toujours établie, et ma confiance en Dieu me rend capable de travailler comme il m'y exhorte.

(*) 1 Pierre 1: 17.

Chers frères, jusqu'à quel point travaillons-nous ainsi. La rédemption est complète; mais jusqu'à quel point nos âmes ne tenant aucun compte d'elles-mêmes, cherchent-elles à manifester ce que Christ a été ici-bas? Cela s'accomplit naturellement si je suis plein de Christ. Je ne dis pas ici que nous devions faire ceci ou cela comme Christ, quoique parfois cela ait sa place aussi; mais je suis occupé de ce que dit l'apôtre: «Quiconque a cette espérance en Lui, se purifie comme Lui est pur» (1 Jean 3: 3).

Cet esprit de grâce, de dévouement, et de considération pour les autres, vous le trouverez tout le long de ce chapitre dans ses différents traits; il se manifeste partout d'une manière admirable.

Avant d'aller plus loin, je désire encore faire remarquer qu'il est infiniment précieux de voir cette marche se continuer, quand l'Eglise était déjà déchue et en ruine; «tous cherchent leurs propres intérêts» (verset 21), dit l'apôtre ici même, — alors déjà! Combien peu nous nous rendons compte du véritable état de l'Eglise primitive, quand nous parlons d'elle! Paul nous dit ici cet état: «Tous cherchent leurs propres intérêts»; et plus tard ce fut bien pis. J'attire l'attention sur ce point pour notre consolation, car l'apôtre exhorte les saints à poursuivre ce chemin de dévouement et de grâce dans le service en dépit de l'état de choses qui les entoure; comme ailleurs nous voyons Elie enlevé au ciel sans passer par la mort, dans un temps où il n'avait su trouver personne d'autre que lui qui n'eût pas fléchi le genou devant Baal, quoique Dieu en connût et s'en fût réservé sept mille. Nous trouvons également des choses plus glorieuses en David que nous n'en voyons jamais en Salomon, qui s'en va sacrifier à Gabaon où l'arche n'était pas, qui n'enseigna jamais à chanter auprès de l'arche en Sion, «sa bonté demeure à jamais»; qui n'eut jamais un coeur que Dieu pût faire vibrer pour en tirer les louanges du Christ comme Dieu le fit en David.

Ne nous laissons donc jamais décourager, réjouissons-nous de tout ce qui est bon; et si nous voyons que tous cherchent leurs propres intérêts, sentons-nous pressés seulement d'être d'autant plus semblables à Christ nous-mêmes. C'est une consolation et un encouragement que le Chef, la Tête, ne peut pas faillir quoique les membres faillissent. Je ne peux pas me trouver placé dans une position où Christ ne soit pas suffisant en plénitude de puissance et de grâce. Ce qu'il nous faut, c'est seulement de nous trouver humblement à ses pieds, aux pieds du conseiller de nos coeurs. Si nous sommes avec Dieu dans la lumière, nous connaissons notre néant; et si tous cherchent leurs propres intérêts, sa grâce et tout ce qu'il est apparaissent d'autant plus.

Que le Seigneur nous donne de regarder à Lui, comme à Celui qui est notre vie et notre force.

Philippiens 3: 1-14

Le chapitre précédent nous a montré l'apôtre, mettant nos coeurs en contact avec le Seigneur Jésus qui laisse la forme de Dieu et la gloire céleste pour prendre la forme d'un esclave et s'abaisser toujours, et qui ensuite, comme homme, est souverainement élevé; et nous avons vu que c'est ce chemin que nous sommes appelés à suivre, étant remplis de la même pensée qui était en Christ.

L'apôtre ayant ainsi terminé ce qui concerne l'état et la condition d'âme dans lesquels nous devons nous trouver, regarde maintenant en avant vers la gloire. Les choses qui sont devant préserveront l'âme d'être entravée; Christ placé devant elle, en prendra pleine possession. Il ne s'agit pas ici du caractère de la vie ici-bas, de la grâce, du dévouement, de la considération pour les autres, comme au chapitre précédent qui tournait nos yeux vers un Christ se dépouillant de la gloire et s'humiliant lui-même; mais l'Ecriture nous présente l'énergie de la vie divine qui tend avec effort vers le but. Nous voyons quelquefois un manque d'énergie là où il y a de la grâce et de l'humilité; d'autres fois, au contraire, nous voyons beaucoup d'énergie là où il y a manque de douceur et de considération pour les autres.

Mais dans les choses de Dieu, il ne faut pas seulement une partie, il faut le tout; autrement tout cloche. Satan imitera une partie, mais on ne trouvera jamais le tout dans ce qu'il imite. Là où il y a et la grâce et l'énergie de la vie, là où Christ est tout, l'âme est délivrée de l'égoïsme, et la vie se manifeste dans la recherche de l'intérêt des autres, mais elle ne cédera pas quand il s'agirait de laisser Christ, je ne veux pas dire pour le salut de l'âme, mais dans notre sentier ici-bas. C'est dans ce sens que Pierre dit: «Ajoutez à l'affection fraternelle l'amour»; car si Dieu n'est pas introduit, nous n'avons pas la puissance de marcher selon Lui en grâce. Christ est monté dans le ciel et est tout pour nous; il est devant nous comme objet, et nous ne pouvons pas l'abandonner pour plaire à la chair, mais nous pouvons regarder vers Lui pour avoir la puissance de poursuivre notre course.

«Au reste, mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur». C'est là que l'apôtre place le point de départ: «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; encore une fois, je vous le dirai, réjouissez-vous». L'effet d'en avoir fini avec moi-même, c'est que je me réjouis toujours; et si je me réjouis toujours, c'est dans le Seigneur que je me réjouis. Rien ne sépare de l'amour, nous le savons; mais quand nous jouissons de ce que Dieu nous a donné, nous sommes exposés au danger de nous reposer sur la bénédiction et de perdre le sentiment de notre dépendance de Celui qui bénit. David disait: «Je ne serai jamais ébranlé. Eternel, par ta faveur, tu avais fait que ma force se tenait en ma montagne. Tu as caché ta face, et j'en ai été tout effrayé» (*). Quand sa montagne avait disparu, il avait découvert qu'il s'était reposé en sa montagne et non dans le Seigneur. Quand il dit: «L'Eternel est mon berger» (**), il n'était pas ébranlé, parce qu'il se reposait dans le Seigneur lui-même. Quand le coeur est délivré du moi, il se repose dans le Seigneur; mais le coeur est si perfide, que celui qui passe comme chrétien par une grande joie, tombe souvent après dans une faute, parce qu'il n'est pas demeuré dans la dépendance. Dieu le restaure, nous le savons, comme dit le Psaume: «Il restaure mon âme».

(*) Psaumes 30: 6, 7. — (**) Psaumes 23.

Paul ici, allait subir un jugement où sa vie était en question. Il avait été en prison quatre ans, dont deux, enchaîné à des soldats païens; et il dit qu'il savait être abaissé et être dans l'abondance, être rassasié et avoir faim (4: 11-13). Souffrance et affliction, joie et consolation, il avait tout traversé, et il n'était pas découragé comme aurait pu l'être un homme qui était forcé de vivre avec des gens grossiers et brutaux, toujours lié par une chaîne à un soldat, et pendant quatre ans de prison. Et ce n'était pas tout: Paul aurait pu dire: Je suis en prison et je ne peux pas m'employer à l'oeuvre du Seigneur. Mais non, il est avec le Seigneur, et il dit: «Tout me tournera à salut»; si même Christ est prêché dans un esprit de contention: «En cela je me réjouis et aussi je me réjouirai». Quand nous sommes sevrés de tout, nous sommes rejetés sur le Seigneur, et nous pouvons nous réjouir dans le Seigneur; et cela a lieu quand c'est Lui qui nous conduit.

Quel objet que celui que Paul avait devant lui, dans le Seigneur! Quelle énergie il produit! Les yeux de Paul sont fixés sur tout ce qui est au-delà du désert: il est un voyageur qui le traverse; et sur sa route, il se réjouit toujours dans le Seigneur. Qu'il prêchât en public ou qu'il reçût paisiblement chez lui tous ceux qui venaient le voir, il se réjouissait. C'est s'oublier grandement soi-même que de se réjouir toujours dans le Seigneur. Paul avait espéré aller en Espagne après qu'il aurait un peu joui des saints (*); mais ici il n'est plus question de l'Espagne, ni de jouir de la société des saints, toutefois Paul se réjouit toujours. Vous ne pourrez jamais porter le trouble dans le lieu fort de celui qui se réjouit toujours dans le Seigneur. «Au contraire, dit-il, nous sommes plus que vainqueurs» (**). Toutes ces choses sont des créatures, — «anges, principautés, puissances»; mais Christ demeure en nous; il est près du coeur. C'est là le grand secret. Il est entre nous et les tribulations; nous comprenons comment l'incrédulité est une entrave; mais c'est ici le secret qui fait que toutes choses travaillent ensemble pour le bien. On compte sur l'amour de Dieu; son amour est versé dans le coeur. C'est là, je le répète, le grand point de départ: «Au reste, mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur».

(*) Voyez Romains 15: 23, 24. — (**) Romains 8: 37-39

Comme tout est simple aussi pour celui qui regarde vers Christ. La religion des pères, des ordonnances, et des oeuvres, — ces trois choses, dès qu'elles sont là, — font de l'homme, moralement parlant, un Juif. Cette religion est tout oeuvres, ordonnances et tradition. Je pourrais me glorifier de tout cela exactement de même, si Christ n'était pas venu. Mais comment l'apôtre juge-t-il tout cela? «Prenez garde aux chiens» (verset 2) — et sous ce nom de «chiens», il désigne quelque chose de méchant et d'éhonté.

Il faut que j'aie ma conscience devant Dieu, et Christ de la part de Dieu, autrement je n'ai rien. Un Juif pouvait courber sa tête comme un roseau, et tout faire, sans que son âme fût avec Dieu; c'est pourquoi Dieu méprise tout cela. Il dit: «Mon fils donne-moi ton coeur». «Toute bête de la forêt est à moi, toutes les bêtes aussi qui paissent en mille montagnes…; si j'avais faim, je ne t'en dirais rien». Qu'ai-je à faire de toutes tes offrandes, c'est toi que je veux, non pas tes offrandes. Caïn avait beaucoup plus de peine à labourer la terre qu'Abel n'en avait avec son agneau; mais la conscience de Caïn n'avait jamais été devant Dieu, ni n'avait jamais vu l'état de ruine que le péché avait apporté avec lui: nous voyons la dureté de son coeur relativement au péché et son ignorance pour ce qui est de la sainteté de Dieu il offre ce qui était le signe de la malédiction, ce qu'il avait gagné à la sueur de son visage. Abel offrit un agneau et il fut agréé. Si nous avons trouvé la vraie connaissance de l'oeuvre de l'expiation et de l'acceptation en Christ, nous sommes semblables à Abel. Le témoignage de justice se rapporte à la personne d'Abel; ce sur quoi il était fondé, c'était l'offrande d'Abel, qui était une figure de Christ. Dieu ne peut pas me repousser quand je lui présente Christ; je suis reçu auprès de Lui selon le passeport que je présente. Je sens toute l'impossibilité qu'il y a d'arriver à Lui par un travail quelconque de réhabilitation et de développement progressif. En venant à Dieu, il faut que je m'approche de Lui par son chemin, qui est Christ, et rien d'autre, et avec ma propre conscience, et non avec des ordonnances qui sont toutes des choses extérieures.

La manière dont l'apôtre traite ici ce sujet, est digne de remarque. Il ne parle pas d'une conscience chargée de son péché, mais de la vanité de toutes les ordonnances: c'est pourquoi il appelle le système tout entier d'un nom de mépris, «la concision» (verset 2). Que nos coeurs soient circoncis, c'est là la vraie ordonnance. «Nous sommes la circoncision, nous qui rendons culte par l'Esprit de Dieu», comme Jérémie dit: «Soyez circoncis…, et circoncisez vos coeurs». Il faut que la chair soit jugée et mise à sa place. La chair a une religion aussi bien que des convoitises mais il faut à la chair une religion qui ne tue pas la chair: «Satisfaire la chair en mortifiant le corps, — une dévotion volontaire et une fausse humilité qui n'épargnent pas le corps» (*), c'est là une oeuvre facile; mais ce n'est pas une oeuvre facile que d'en avoir fini avec la chair. Supposez que je puisse me dire, «hébreu des Hébreux», «quant à la justice qui est par la loi, étant sans reproche», un homme parfaitement religieux, — qui est-ce qui en recevrait de la gloire? Moi, — non pas Dieu ou Christ. Cette justice, pour Paul, n'a aucune valeur: elle accrédite le moi; c'est toujours «moi», et non pas Christ. C'est par là qu'elle se manifeste: la chair en reçoit de l'honneur; elle peut coûter beaucoup et être pénible à acquérir; elle peut consister en pratiques par lesquelles je me punis moi-même, mais elle est absolument sans valeur. J'ai vu une personne irritée au plus haut point parce qu'on lui avait dit que Paul ne faisait aucun cas d'une pareille justice.

(*) Colossiens 2: 23.

La manière dont Paul envisage ce sujet est digne de remarque. Il n'introduit pas la chair ici comme péché, mais comme justice, — la justice légale et la vraie religion telle que l'homme peut la voir, mais quelque chose qui est absolument sans valeur: «Les choses qui pour moi étaient un gain, je les ai regardées à cause de Christ comme une perte» (verset 7). Paul était hébreu des Hébreux, et, selon la secte la plus étroite du judaïsme, il vivait comme pharisien: c'était là un gain pour lui. Mais ensuite, il dit: «Je regarde toutes choses comme étant une perte, à cause de l'excellence de la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur, à cause duquel j'ai fait la perte de toutes, et je les estime comme des ordures afin que je gagne Christ» (verset 8). Il ne s'agit pas du péché ici: quand l'apôtre parle de justice, il n'en parle pas en rapport avec les péchés, mais en contraste avec la justice qui est selon la loi. Celle-ci nous pouvons toujours la découvrir: tout ce qu'elle fait, c'est de donner de l'honneur au moi; — c'est là le mal; car qui voudrait avoir de sales haillons (c'est ainsi que nos justices sont appelées) (*), quand il pourrait avoir Christ pour sa justice? Paul avait vu si clairement l'excellence de ce que Christ est aux yeux de Dieu, ce en quoi Dieu trouve ses délices, qu'il nous dit: Je ne vais pas garder cette misérable justice, ou l'ajouter à celle qui est de Dieu. Les convoitises trompeuses sont détestables, mais cette chair religieuse est plus mauvaise encore. Cette justice n'était pas une vraie justice; c'était la glorification du moi, non pas le «moi» jugé; c'était le moi nourri et orné. Mais maintenant Paul veut en avoir fini avec le moi, et avoir Christ à sa place.

(*) Esaïe 64: 6.

Voilà ce que Paul voulait, et il nous l'expose maintenant plus en détail. Remarquez qu'il ne dit pas: quand j'ai été converti, j'ai regardé toutes choses comme une perte. Quand une personne est convertie, Christ est tout pour elle; le monde n'est qu'une tromperie, vanité, néant; il s'est évanoui dans les pensées, et les choses qui ne se voient pas remplissent le coeur. Mais plus tard, à mesure que la personne avance dans son chemin, accomplissant ses devoirs et ayant des relations avec ses amis, bien que Christ demeure toujours précieux pour elle, elle ne continue pas à regarder toutes choses comme une perte; souvent c'est seulement qu'elle a estimé. Mais Paul dit: «Je regarde», non pas j'ai regardé. C'est un grand point que de pouvoir le dire. Christ devrait occuper toujours une place comme telle qu'il a fait quand le salut fut d'abord révélé à nos coeurs.

Permettez-moi d'ajouter ici une chose qui me vient à l'esprit. Sans doute, si un homme n'a pas Christ au fond de son coeur, il n'est pas chrétien du tout, mais même là où Christ est dans un homme, et que cet homme marche d'une manière irréprochable, vous ne trouverez peut-être pas, si vous lui parlez de Christ, de l'écho dans son coeur, quoique du reste il n'y ait rien à redire à sa conduite. Christ est au fond, et une marche chrétienne régulière par dessus, mais entre deux il y a mille et une choses avec lesquelles Christ n'a absolument rien à faire: pratiquement, la vie se passe sans Christ. Les choses ne peuvent aller bien de cette façon. L'affreuse légèreté du coeur seule peut nous laisser marcher ainsi sans Christ, jusqu'à ce qu'elle devienne le grand chemin de tout ce que le monde verse dans l'âme.

Paul nous dit maintenant quelle est la puissance par laquelle nous estimons toutes choses comme une perte. Il veut gagner Christ et il semble que ce soit un terrible sacrifice de faire abandon, de tout en vue de ce but. Mais il en est de cela comme d'un enfant qui tient un jouet entre ses mains: cherchez à le lui ôter, il le tiendra d'autant plus fortement; mais si vous lui en présentez un plus joli, il lâchera le premier. Paul estimait toutes choses comme une perte, comme des ordures; c'en était fait de ces choses pour lui. Je suis exposé à des tentations, je le sais, mais les neuf dixièmes des tentations qui harcèlent et entravent nos âmes, n'existeraient pas si Christ avait la place qu'il devrait avoir. L'or, l'argent, toutes les vanités d'ici-bas, ne nous tenteraient pas et ne nous obséderaient pas, si «l'excellence de la connaissance du Christ Jésus» avait sa place dans notre coeur: ce genre de lutte aurait pris fin. Nous aurions affaire alors avec les artifices de Satan, nous souffririons pour les autres; notre lutte ne serait pas celle d'un homme qui cherche à tenir sa tête hors de l'eau, mais nous serions occupés à empêcher d'autres âmes de se perdre.

Quand Christ a dans le coeur cette place qui lui appartient, les autres choses ont perdu leur valeur, l'oeil est simple et tout le corps est plein de lumière. Paul avait fait la perte de toutes choses; mais il dit: «Je les estime» comme des ordures. Il regardait vers Christ, comme vers un objet si précieux que pour Lui, il faisait abandon de tout. Et il gardait cette place à Christ, en sorte qu'il court pour gagner Christ. Il ne l'avait pas encore saisi, mais il avait été saisi par Lui; et il courait vers le but, les yeux fixés sur Christ, afin de le saisir. Qu'importe ce qu'est la route; — elle peut être rude, mais je regarde au but.

Deux choses sont ici devant l'esprit de l'apôtre (versets 8, 9): d'abord, «afin que je gagne Christ»; ensuite, «afin que je n'aie pas ma justice». Un homme portant un habit râpé, à qui on en donnerait un neuf, aurait honte du vieil habit: Ainsi en est-il de Paul quant au genre de justice qu'il avait autrefois. On ne peut pas posséder sa propre justice et celle de Dieu;et quand on connaît la justice de Dieu, on ne veut pas de sa propre justice, même si on pouvait l'avoir, selon cette belle expression du chapitre 1 de la première épître aux Corinthiens: «Or vous êtes de lui dans le Christ Jésus, qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice, et sainteté, et rédemption» (versets 30, 31). Ce que nous sommes en vie de Dieu, cela Christ l'est pour nous de la part de Dieu.

L'apôtre poursuit: «Pour le connaître Lui, et la puissance de sa résurrection». La première chose, c'était gagner Christ; la seconde, connaître Christ. Là est la victoire sur toute la puissance du mal, sur la mort et sur toutes choses. L'apôtre voulait le connaître Lui, — son amour parfait et sa vie; il voulait l'avoir comme objet, devant son âme, occupant son âme et sa pensée et son coeur, et ainsi croître jusqu'à Lui; et puis connaître la puissance de sa résurrection, car alors toute la puissance de Satan était annulée. Il avait parlé de la justice comme de ce qu'il cherchait en Christ et non en lui-même, ni dans la loi; maintenant il veut connaître la puissance de la vie exprimée dans la résurrection de Christ. Une fois qu'il a connu Christ comme une personne, et la victoire sur la mort, il peut entreprendre le service de l'amour comme Christ a fait, et il peut connaître «la communion de ses souffrances». Quelle immense différence d'avec l'état des apôtres tel qu'il nous est présenté au chapitre 10 de Marc, quand Jésus leur parle de sa mort: ils ne comprenaient rien aux choses qu'il leur disait: «ils étaient stupéfiés et remplis de crainte en le suivant», au lieu de se réjouir parce que la mort était devant eux. Mais celui qui connaît la puissance de la résurrection, a la mort derrière lui, et toute la puissance de la mort est brisée pour lui. Ainsi, quand Christ ressuscita, il dit: «Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre»; «allez par toute la création et prêchez l'Evangile». «Ne craignez pas ceux qui tuent le corps»; ils ont tué mon corps.

Quand j'ai trouvé la puissance de la résurrection, je puis servir en amour. Paul regardait la mort en face et ne parlait pas légèrement. Satan dit: Tu veux suivre Christ? — Oui. — Eh bien! la mort est sur ton chemin. — Que me fera la mort? Je ne serai que plus semblable à Christ en la traversant.

«Pour le connaître Lui et la puissance de sa résurrection», dit l'apôtre; et il ajoute: «et la communion de ses souffrances, étant rendu conforme à sa mort, si en quelque manière que ce soit je puis parvenir à la résurrection d'entre les morts» (verset 14). Paul entra si réellement dans ce chemin, qu'il se sert de paroles que Christ aurait pu dire: «J'endure tout pour l'amour des élus» (*). Tout était par la grâce, — une place tout à fait nouvelle; toute prétention à la justice avait disparu et aussi ce que Paul était comme homme. Christ lui était substitué comme justice. Christ était tout; et puis, il voulait «le connaître, Lui». C'est ainsi qu'on progresse; les affections sont maintenant engagées. En voyant les souffrances devant moi, je trouve la puissance de Sa résurrection, et ensuite le privilège de la communion de ses souffrances. Paul a eu une grande part ici; nous en avons une petite. «Si en quelque manière que ce soit, dit-il, je puis parvenir à la résurrection d'entre les morts», autrement dit, n'importe ce qu'il m'en coûtera, si même la mort est sur mon chemin, j'atteindrai ce que Lui atteignit, — la résurrection d'entre les morts.

(*) 2 Timothée 2: 10.

Cette expression de «la résurrection d'entre les morts» est ici, dans le texte original, un mot tout particulier, qu'on ne retrouve pas ailleurs dans le Nouveau Testament. Cette résurrection, la résurrection d'entre les morts, est une vérité d'une portée immense. Christ est «les prémices» (*), non des méchants qui sont morts, il n'y a pas besoin de le dire. Qu'est-ce qu'a été la résurrection de Christ? Dieu, — la gloire du Père, — l'a ressuscité d'entre les morts, parce qu'il trouvait toute sa satisfaction en Lui, à cause de sa justice parfaite, parce qu'il l'avait parfaitement glorifié; et ainsi pour nous aussi, la résurrection est l'expression du bon plaisir de Dieu en ceux qui sont ressuscités, elle est le sceau de Dieu sur l'oeuvre de Christ. Christ était le Fils en qui il trouvait sort plaisir; et maintenant il en est de même pour nous, à cause de Christ. Pour Christ, c'était sa propre perfection qui lui donnait cette place; nous l'avons à cause de Lui. Il intervient en puissance pour retirer les siens d'entre les morts, tandis que les autres morts restent en arrière. C'est la résurrection d'entre les morts.

 (*) Voyez 1 Corinthiens 15: 20-23.

 «La résurrection d'entre les morts»: c'est ce «d'entre» qui est la force de l'expression. Il nous fait comprendre ce que nous lisons au chapitre 9 de Marc, là où, après la transfiguration, comme il descendait de la montagne, le Seigneur enjoignit à ses disciples de ne raconter à personne ce qu'ils avaient vu, sinon lorsque le Fils de l'homme serait ressuscité «d'entre les morts» (verset 9): «Et ils gardèrent cette parole s'entre demandant ce que c'était que «ressusciter d'entre les morts». Qu'est-ce qui étonnait les disciples? C'était cette idée de ressusciter d'entre les morts. Quand Christ était dans le tombeau, Dieu est intervenu en puissance et l'a ressuscité et l'a fait asseoir à sa droite, et, quand le moment sera venu, il ressuscitera les saints pareillement. Cette résurrection d'entre les morts est un acte infiniment glorieux de puissance divine, car la justice divine est là: ce n'est point une résurrection générale, et tout le chapitre 15 de la 1re épître aux Corinthiens ne se rapporte qu'aux saints, car les méchants assurément ne sont pas ressuscités en gloire. Je ne connais rien qui ait fait plus de tort à l'Eglise que l'idée d'une résurrection commune et générale de tous les morts. Si tous les morts sont ressuscités ensemble, la question de la justice n'est pas vidée; mais la Parole nous dit: «Si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscite le Christ d'entre les morts, vivifiera vos corps mortels aussi, à cause de son Esprit qui habite en vous» (Romains 8: 11). Le caractère tout entier et la nature, et la signification, et le dessein de cette résurrection sont absolument particuliers et distincts; c'est la résurrection «d'entre les morts) (*). — Ce «d'entre», je le répète, est l'expression de la faveur divine qui repose sur celui qui est ressuscité, et c'est à cause d'elle que nous, chrétiens, nous sommes tous ressuscités, autrement l'expression de «parvenir», que nous trouvons ici dans les Philippiens, n'aurait pas de sens.

Paul dit: «Si en quelque manière», c'est-à-dire à quelque prix que ce soit. Qu'il m'en coûte la vie, n'importe, pourvu que j'atteigne le but.

«Afin que je gagne Christ» c'est la première chose; mais en courant pour remporter le prix au bout de la course, il y a aussi une autre chose, une chose présente «afin que je le connaisse Lui». On a demandé si ce «afin que je le connaisse», se rapporte à l'effet présent ou à la gloire à venir. Je réponds que c'est un effet présent par la gloire à venir.

«Frères, pour moi, je ne pense pas moi-même l'avoir saisi; mais je fais une chose: oubliant les choses qui sont derrière, et tendant avec effort vers celles qui sont devant, je cours droit au but, pour le prix de l'appel céleste de Dieu, dans le Christ Jésus» (versets 13, 14). L'appel céleste est l'appel «en haut». Nous voyons la liaison immédiate qu'il y a entre l'objet et l'effet présent. Paul désirait être semblable à Christ, maintenant, non pas seulement quand il serait mort dans son tombeau et que son esprit serait dans le paradis. S'il devait mourir, il savait qu'il serait semblable à Lui; mais ce n'est pas cela qu'il attendait, mais d'être rendu conforme à l'image du Fils de Dieu dans la gloire. Cela il le serait, mais il n'y parviendrait jamais avant que Christ vint et ressuscitât les morts. C'est là ce que j'attends. Si j'ai conscience que je n'atteins jamais, mais si j'attends de recevoir, je deviens chaque jour plus semblable à Lui, souffrant dans la puissance de l'amour dans lequel il servit le Père; et par le fait que mes regards sont fixés sur Christ dans la gloire, je suis transformé toujours plus à son image intérieurement. La seule chose qui me préoccupe c'est d'être semblable à Lui dans la gloire, et avec Lui, là où il est.

(*) Comparer Luc 20: 34-36; 14: 14; et aussi Jean 5: 28, 29; Apocalypse 20: 4-6, 11-15.

La vie tout entière de Paul en découlait et en était complètement formée Le Fils de Dieu formait sa vie jour après jour, et Paul poursuivait toujours sa course vers lui, ne faisant jamais rien d'autre que cela. Ce n'est pas seulement comme apôtre, mais comme chrétien que Paul entrait ainsi dans la communion des souffrances de Christ et dans la conformité à sa mort: tout chrétien devrait faire comme lui. Quelqu'un me dira peut-être qu'il a le pardon de ses péchés; mais je demande: Qu'est-ce qui gouverne votre coeur aujourd'hui? Votre oeil est-il fixé sur Christ dans la gloire? L'excellence de la connaissance du Christ Jésus est-elle devant votre âme, de telle façon qu'elle y gouverne tout et qu'elle vous fasse estimer comme une perte tout ce qui vous entraverait dans votre chemin? En êtes-vous là? Cette connaissance de l'excellence de Christ a-t-elle exclu de votre coeur toutes les autres choses, non seulement pour que vous ayez une vie extérieurement irréprochable et que vous puissiez dire que vous aimez Christ; mais la pensée de Christ dans la gloire remplit-elle votre coeur, je le répète, de manière à en exclure toutes les autres choses? S'il en était ainsi, vous ne seriez pas gouverné par les choses de néant de la vie de tous les jours.

Un ouvrier qui a une famille, n'oublie pas, à cause de son travail, l'affection qu'il porte à ses enfants; au contraire, quand il a fini son travail, il met de côté ses outils et retourne chez lui avec d'autant plus de joie qu'il en a été tenu éloigné son travail ne gênait ni n'affaiblissait les affections de son coeur.

Un autre danger contre lequel nous avons à veiller, pour nous trouver selon Christ dans nos occupations journalières, ce sont les distractions. Là où il n'y a pas d'autres objets, il peut y avoir des distractions. Il faut que nous veillions et que nous nous gardions de celles-ci aussi bien que des objets qui gouvernent le coeur, et que nous ayons des habitudes de jalousie de coeur pour Christ; autrement la faiblesse en sera le résultat immédiat, et quand nous entrerons dans la présence de Dieu, au lieu de nous réjouir dans le Seigneur, la conscience aura besoin d'être reprise. Il est réellement bien triste, de voir un chrétien marcher dans le monde de telle manière que, lorsqu'il revient à Christ, il découvre qu'il avait oublié Christ pendant qu'il y marchait.

Pourriez-vous dire comme Paul à Agrippa: «Plût à Dieu que non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m'entendent aujourd'hui, vous devinssiez de toutes manières tels que je suis?» Etes-vous assez heureux pour cela? Pouvez-vous dire, je me réjouis tant dans le Seigneur et je vois une telle excellence dans sa connaissance que je voudrais que vous fussiez comme moi? Ce que nous avons à chercher dans les coeurs, c'est non pas: «J'ai regardé», mais «je regarde». Je demande si vous en êtes là, que vos coeurs regardent, comme réalité actuelle, toute chose comme une perte, à cause de l'excellence de la connaissance du Christ Jésus? Quoiqu'il en soit, nous avons à veiller à ce que nous n'ayons jamais un autre objet que Christ, et puis à ce que, ce qui est un mal même plus subtil, nous ne nous laissions pas distraire. Que le Seigneur nous donne, au contraire, d'avoir nos yeux oints de telle manière que nous le voyions assez pour qu'il détache nos coeurs de toutes les autres choses, et que lui seul, à l'exclusion de tout autre objet, demeure devant nos yeux. Peut-être aurons-nous à charger la croix; mais, s'il en est ainsi, ce n'est pas seulement que nous souffrirons, ni toujours positivement que nous souffrirons pour Lui, mais nous souffrirons toujours avec Lui. Nous avons à traverser un monde qui ne se soucie pas de Christ, et nous avons besoin que le Seigneur nous donne d'avoir nos yeux fixés sur Lui pour qu'Il nous soit un sanctuaire et la puissance et l'énergie qui nous fassent surmonter toutes les difficultés que nous rencontrons dans notre course. Que le Seigneur nous donne, et il a dans son coeur de nous le donner, de dire: «Je fais une chose». Qu'il nous donne des coeurs vrais, et aussi des coeurs vigilants et diligents!

Philippiens 3: 15-21; 4: 1-7

Nous avons vu plus haut, frères bien-aimés, comment la vue de Christ produit une énergie qui pousse vers le but dans la gloire: Paul avait été saisi par Christ pour cela, et il cherchait à saisir Christ dans la gloire. Nous avons vu également que l'épître aux Philippiens envisage le chrétien comme marchant à travers le désert en vue du but où il possédera tout; mais n'oubliez pas qu'ayant la puissance de la résurrection de Christ en lui, il a déjà la puissance de la vie et veut la posséder dans la gloire; et l'effet pratique qui en résulte, c'est qu'il court droit au but comme quelqu'un qui n'a en vue que la gloire. Un seul objet est devant lui qui est de gagner Christ, et d'être ressuscité lui-même pour avoir part à la gloire.

C'est à cette fin que Dieu nous a prédestinés; savoir, «à être rendus conformes à l'image de son Fils» (*). — non pas pour que notre attente soit d'être semblables à Lui quand nos corps sont dans le tombeau et nous dans le paradis. Sans doute, «quand il sera manifesté, nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est» (1 Jean 3: 2); mais notre «bourgeoisie» ou «conversation», est maintenant «dans les cieux» (verset 20). Ni l'une ni l'autre de ces expressions ne rendent bien le sens de l'original; l'apôtre, dans le mot que nous rendons par «bourgeoisie», embrasse toutes nos vivantes et vraies relations, comme nous disons de quelqu'un qu'il est un Français ou un Anglais, quand nous voulons dire ce qui le distingue.

(*) Romains 8: 29.

Ce qui nous caractérise nous, c'est que nous sommes du ciel. C'est pourquoi Paul dit: «Je fais une chose», je cours, tendant avec effort vers le but; la place glorieuse sur laquelle mes yeux sont fixés, a déterminé ma vie tout entière. «Je cours droit au but pour le prix de l'appel céleste» (verset 14), c'est-à-dire de l'appel qui nous appelle en haut. Il n'y a pas d'autre perfection pour nous que celle dont nous jouirons là.

Quelle perfection! Mais du moment que nous avons discerné Christ s'anéantissant et se rendant obéissant pour nous jusqu'à la mort et à la mort de la croix, aucune gloire n'est trop grande comme réponse à ce qu'il a fait, car tout est le fruit du travail de son âme.

D'«arrhes de son amour», l'Ecriture ne sait rien, quoique les hommes puissent en dire: Les arrhes de la gloire, nous les avons; mais «l'amour de Dieu a été versé dans nos coeurs» (*). Paul éprouvait la puissance de la gloire sur son âme; et c'est ainsi que nous sommes appelés à «courir»; mais tous les chrétiens ne le savent pas. Si un homme est vraiment chrétien, il ne peut pas ne pas connaître la croix comme ce par quoi il a été racheté; mais il peut ne pas savoir qu'il va être avec Christ dans la gloire. Les «enfants» savent que leurs péchés leur sont pardonnés (**); c'est la commune part de tous de le savoir. Les «petits enfants» connaissent le Père, ils ont l'esprit d'adoption (***), mais les «parfaits» en Jésus Christ, comme l'apôtre les appelle ici (verset 15), connaissent beaucoup mieux la perversité de leur propre coeur, en même temps qu'ils discernent l'amour parfait de Dieu qui n'a pas épargné soit propre Fils, mais qui l'a livré, l'amenant à la croix pour nous, — l'amour étant descendu jusqu'au pécheur, là où il était dans ses péchés; ils savent que leurs péchés ne leur sont pas seulement pardonnés, mais que nous sommes tous perdus comme enfants d'Adam. Les «petits enfants» ne savent pas cela; ils ne savent pas que c'en est fait d'eux tous entièrement pour ce qui est de la nature qu'ils ont reçue d'Adam. Pour la foi, la vieille nature est chose morte, et «quand Christ qui est notre vie sera manifesté, nous serons manifestés avec Lui en gloire» (4*). «En ceci est consommé l'amour avec nous…, c'est que comme Il est Lui, nous sommes nous aussi dans ce monde» (5*). Voilà l'homme parfait.

(*) Romains 5: 5. – (**) 1 Jean 2: 12. — (***) 1 Jean 2: 13; Galates 4: 6; Romains 8: 15, 16. — (4*) Colossiens 3: 3, 4. — (5*) 1 Jean 4: 17.

Paul dit: «Nous tous donc qui sommes parfaits, ayons ce sentiment; et si en quelque chose vous avez un autre sentiment, cela aussi Dieu vous le révélera» (verset 15). L'un peut en être au premier pas, et vous, vous êtes peut-être plus avancé? Si vous êtes en effet plus avancé, vous n'avez qu'une chose à faire, c'est de montrer d'autant plus de grâce à celui qui l'est moins; car, quoiqu'il en soit, Christ l'a saisi et lui a pardonné ses péchés, et il apprendra encore une autre chose, c'est qu'il est mort avec Christ, — non pas seulement que ses péchés sont pardonnés, mais que, par la foi, le péché est ôté, le vieil homme, — ce moi qui troublait l'âme beaucoup plus que les péchés, — annulé. Nous devons tous avoir ce même sentiment, comme sachant que nous sommes associés au second Adam; et si tous ne sont pas encore arrivés là, nous devons cependant marcher ensemble dans le même sentier, et ce que les uns ne savent pas encore, Dieu aussi le leur révélera.

«Soyez tous ensemble mes imitateurs…», dit l'apôtre, se plaçant maintenant lui-même d'une manière remarquable devant les saints comme leur modèle. Il met en contraste ceux dont «la bourgeoisie (ou la conversation) est dans les cieux», et ceux dont «les pensées sont aux choses terrestres» (versets 17 et suivants). La fin de ceux-ci est la perdition; ils sont ennemis du christianisme. Ici, il ne s'agit pas de plus ou moins de lumière, mais de gens qui ont leurs pensées aux choses terrestres, non sur Christ dans la gloire. On ne peut pas avoir ses pensées aux choses terrestres et sur Christ en même temps; «l'amitié du monde», dit Jacques, «est inimitié contre Dieu». «Tout ce qui est dans le monde… n'est pas du Père, mais est du monde» (*). Les enfants sont «du Père». Lors de ma conversion, j'étais très étonné de trouver tant de choses sur le monde dans la parole de Dieu; mais je vis bientôt, quand j'eus à faire avec d'autres chrétiens, combien le monde les tirait toujours en arrière, sollicitant incessamment leurs coeurs.

(*) Jean 2: 16.

Ceux qui ont leurs pensées aux choses de la terre sont ennemis de la croix de Christ, l'apôtre le disait en pleurant. Qu'était la croix? Elle avait jugé toutes ces choses. Le Fils de Dieu, — la source, la racine, la plante du déploiement de toute gloire, Christ, n'a trouvé que la croix dans ce monde. Et qu'est-ce que le monde? Il n'a voulu Christ à aucun prix. C'est pourquoi, si je suis chrétien, j'en ai fini avec le monde. «Le monde ne me verra plus» (*). Le Saint Esprit n'est pas venu pour être vu; «le monde ne peut pas le recevoir, parce qu'il ne le connaît pas, mais vous, vous le connaissez parce qu'il demeure avec vous et qu'il sera en vous» (**) . C'est ici la manière dont nous connaissons le Saint Esprit.

(*) Jean 14: 19. — (*) Jean 14: 17.

Le bien et le mal se rencontrèrent à la croix. La question du bien et du mal fut vidée là; et maintenant toute la question pour chacun de nous se résume en ceci: Sommes-nous avec le monde qui rejeta Christ, ou avec Christ que le monde a rejeté? Il n'y a rien de comparable à la croix: elle est à la fois la justice de Dieu contre le péché, et la justice de Dieu dans le pardon du péché; elle est la fin du monde du jugement, et le commencement du monde de la vie; elle est l'oeuvre qui ôta le péché, et en même temps le plus grand péché qui fut jamais commis. Plus nos pensées se tournent vers elle, plus nous voyons qu'elle est le grand centre de tout.

Ainsi si quelqu'un s'associe au monde, il est un ennemi de la croix de Christ. Comme chrétiens, nous avons a bien considérer si toute cette belle apparence dont le monde se revêt ne jette pas un voile sur nos coeurs et ne nous empêche pas de voir. Si je recherche ou si j'accepte la gloire du monde qui a crucifié Christ, je me glorifie dans ce qui est ma honte. Où est-ce qu'un homme est chez lui? Dans la maison de son Père, — non pas dans le désert aride qu'il a à traverser pour arriver là. Au second chapitre nous avons vu l'humilité, la grâce de la marche; ici, nous voyons la puissance et l'énergie qui délivre du monde qui nous empêcherait d'être semblables à Christ.

«Notre bourgeoisie est dans les cieux d'où aussi nous attendons le Seigneur… qui transformera le corps de notre abaissement», — non pas notre corps vil, dans le sens moral. J'ai le corps d'Adam maintenant, j'aurai le corps de Christ alors; toutes nos vivantes relations sont là où Christ est. Il viendra comme Sauveur, et accomplira tout, en transformant notre corps en la conformité de son corps glorieux (versets 20, 21). Le prix de la rédemption a été payé; mais la délivrance finale pour laquelle le prix a été payé, n'est pas encore venue. «Celui qui nous a formés à cela même, c'est Dieu» (*), mais la chose elle-même, nous ne l'avons pas encore: nous attendons que Christ vienne, pour l'avoir.

(*) 2 Corinthiens 4: 5

Bien-aimés frères, si nos coeurs sentaient réellement que Dieu va nous rendre semblables à Christ et nous introduire là où il est comme ses frères, si nous croyions pratiquement qu'il va nous introduire dans sa présence avec Christ et semblables à Christ, combien nous aurions de tout autres pensées sur le monde: nous serions parfaits alors, tendant avec effort et courant droit vers le but.

Si toutefois je rencontre la mort sur mon chemin, j'ai toujours confiance. Il n'est pas nécessaire que je meure, «et nous ne mourrons pas tous»; et ce que je désire, ce n'est pas d'être dépouillé, mais d'être revêtu, afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie (*). Si la mort vient, elle n'ébranle pas ma confiance; car, pour moi, «être absent du corps, c'est être présent avec le Seigneur».

(*) 2 Corinthiens 5: 1 et suivants; 1 Corinthiens 15: 51-57.

Dans ce passage de sa seconde épître aux Corinthiens, l'apôtre parle d'abord de l'espérance, de ce que «nous désirons»; ensuite il porte ses regards sur les deux choses qui sont la portion de l'homme, la mort, puis le jugement, car «il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela le jugement» (*). Quant à la mort, elle est un gain pour moi; car être absent du corps, pour moi, c'est être présent avec le Seigneur. Quant au jugement, cette chose si solennelle, — il est la «frayeur du Seigneur»: il me fait penser aux pauvres pécheurs qui ne sont pas convertis, et «je persuade les hommes». Le tribunal porte les pensées de Paul, non sur lui-même, mais sur les autres hommes, quoiqu'il dise «il faut que nous soyons tous manifestés devant le tribunal de Christ». Nous persuadons les hommes, et nous sommes manifestés à Dieu. Le jour du jugement produisait son effet sur l'apôtre; il lui faisait sentir alors l'effet de la présence de Dieu, comme il la fera sentir au jour du jugement. La conscience est ainsi tenue éveillée et vivante, et le tribunal devient une puissance sanctifiante au lieu d'être une puissance terrifiante. La puissance divine nous saisira; et comme Dieu présenta Eve à Adam, Christ, qui est Dieu, se présentera son Eve, son Eglise, à Lui-même le second Adam.

(*) Hébreux 9: 27

On a demandé si, quand l'apôtre dit: «Pour le connaître Lui et la puissance de sa résurrection», il parle d'une chose présente ou à venir? Je réponds que c'est la puissance présente produite par le regard fixé sur Christ: «Celui qui a cette espérance en Lui, se purifie comme Lui est pur». C'est l'effet actuel de la contemplation de Christ glorieux et de son attente. La rédemption finale viendra, et accomplira pour le corps ce qui est vrai maintenant de l'âme: il nous rendra semblables à Lui-même dans la maison du Père, et, ce que je trouve si infiniment précieux, il veut que nous soyons là avec Lui, sans même le besoin d'une conscience.

Ici-bas, il faut que ma conscience soit toujours sur le qui-vive, autrement je deviens immédiatement la proie de quelque artifice de Satan; mais là-haut ce ne sera plus nécessaire, là où tout sera félicité. Nous aurons le Saint Esprit alors aussi, et toute sa puissance employée à nous faire jouir de la gloire maintenant «l'amour de Dieu est versé dans nos coeurs par l'Esprit saint qui nous a été donné», mais une grande partie de la puissance est dépensée à faire marcher le navire.

De fait nous avons, la plupart d'entre nous, des soucis, des épreuves, des tentations: — Dieu a pensé à tout; il a compté les cheveux même de nos têtes; et il nous a donné quelque chose qui nous sort de tout cela. Il s'occupe même du temps pour nous: «Priez que votre fuite n'ait pas lieu en hiver»; «un passereau même ne tombe pas à terre sans la volonté de votre Père». Dieu pense à tout, et s'occupe de tout, et nous rend supérieurs à tout.

Il est beau de voir comment l'apôtre passe des pensées les plus glorieuses de la révélation de Dieu aux choses les plus ordinaires à travers lesquelles le chrétien a à faire son chemin; des choses si hautes qui viennent de l'occuper, il passe à deux femmes qui ne vivaient pas en bonne harmonie. Il en est de même aujourd'hui. La grâce n'est pas oublieuse: elle nous élève au troisième ciel, mais elle descend aussi aux choses les plus petites, et s'occupera d'un pauvre esclave qui s'est enfui de chez son maître, avec une délicatesse qui a fait l'admiration de tous les âges. Quelle était la consolation de Christ sur la croix? Il ne pouvait pas dire au pauvre brigand qu'il allait être dans le paradis sans lui dire que Lui-même y allait aussi: «Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis». Ainsi Paul, en parlant des femmes qui travaillaient avec lui, dit: «Dont les noms sont dans le livre de vie» (4: 2, 3). Dieu étant là, il y avait des affections divines: nous sommes placés dans le lieu des affections divines.

Je n'ai rien de plus à coeur quand je vais faire une visite que le désir que Christ soit tellement présent que ce qui viendra en évidence soit ce qui aurait été manifesté par Christ lui-même, non pas mes propres pensées. Nous savons bien peu quel bonheur il y a à avoir la pensée de Christ; — mais la pensée de Christ était de s'abaisser jusqu'à la croix.

«Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur» (verset 4). Qui était l'homme qui était propre à parler ainsi de la part de Dieu? L'homme qui avait été dans le troisième ciel? Non; mais celui qui était prisonnier à Rome. C'était bien là se réjouir toujours, comme dit ailleurs le psalmiste: «Je bénirai l'Eternel en tout temps»: quand j'ai le Seigneur avec moi comme l'objet de mon coeur, il y a davantage du ciel dans la prison que hors de la prison. Ce ne sont pas les gras pâturages et les eaux paisibles qui réjouissent l'âme: sa joie, c'est: «Le Seigneur est mon berger», — non pas les gras pâturages, quoique ceux-ci soient très beaux; et si même elle s'en est écartée, c'est: «Il restaure mon âme»; et si la mort est sur le chemin: «Je ne crains pas, car Tu es avec moi»; et s'il y a de terribles adversaires, il y a une table dressée en leur présence. Et maintenant: «Ma coupe est comble»: le Seigneur, son berger la conduit à travers toutes les difficultés et les épreuves de sa faiblesse, et il lui fait dire: «Quoiqu'il en soit, les biens et la gratuité m'accompagneront tous les jours de ma vie, et mon habitation sera dans la maison de l'Eternel pour longtemps».

Pour celui qui se confiait dans le Seigneur, plus la tribulation dans laquelle il se trouvait était grande, plus il faisait l'expérience que tout était pour le mieux. Paul dit: Je connais le Seigneur, étant libre, et je le connais étant en prison; il m'a suffi quand j'étais dans le besoin, et il m'a suffi quand j'étais dans l'abondance. Ainsi, il peut dire: «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur».

Que pouvait-on faire a un pareil homme? Si on le tuait, on ne faisait que l'envoyer au ciel; si on le laissait libre, il se dépensait pour amener les hommes au Christ qu'on voulait détruire.

Il est plus difficile de se réjouir dans le Seigneur, en étant dans la prospérité que dans la tribulation, car la tribulation nous rejette sur le Seigneur. Le danger est plus grand pour nous quand nous ne sommes pas dans la tribulation. Mais nous réjouir dans le Seigneur, nous délivre entièrement de l'empire des choses présentes. Nous ne nous doutons pas, jusqu'à ce que Dieu ôte nos appuis, jusqu'à quel point les plus spirituels d'entre nous s'appuient sur eux, sur les choses qui nous entourent. Mais si nous nous réjouissons toujours dans le Seigneur, cette puissance ne peut jamais nous être ôtée, et nous n'en pouvons pas perdre non plus la joie.

«Que votre douceur soit connue de tous les hommes» (verset 5). Pensez-vous que les hommes croiront que votre conversation est dans les cieux, si vous mettez tant de zèle à la poursuite des choses de la terre? Ils n'auront cette pensée que s'ils voient que le coeur ne court pas après ses propres intérêts. «Le Seigneur est proche»: il va bientôt tout mettre en ordre. Combien votre coeur et vos affections seront gardés si vous passez au milieu des hommes en étant doux, débonnaire, et sans faire valoir vos droits; et quand les pensées et l'esprit ne sont pas tournés vers le monde, le monde le verra; c'est pourquoi l'apôtre dit: «Une lettre connue et lue de tous les hommes».

«Ne vous inquiétez de rien». Cette parole m'a apporté souvent une pleine consolation. Même s'il s'agit d'une grande tribulation: «Ne vous inquiétez de rien». Vous dites peut-être: Oh! il ne s'agit pas de mes petites affaires et de mes propres circonstances, il s'agit de l'état des saints qui marchent mal; — eh bien: «Ne vous inquiétez de rien!» Ce n'est pas que vous deviez être insouciant; mais vous voulez porter vous-même le fardeau, et ainsi vous accablez et vous torturez votre coeur. Combien souvent un fardeau possède l'âme d'une personne, et lorsqu'elle tente en vain de s'en décharger, le fardeau retombe sur elle et demeure son tourment. Mais cette parole: «Ne vous inquiétez de rien» est un commandement, et nous sommes bienheureux d'avoir un tel commandement.

Que faire donc, quand une chose vient m'inquiéter? Allez à Dieu. «En toutes choses exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces» (verset 6). Alors, au milieu de toutes vos inquiétudes, vous pourrez remercier et bénir. La merveilleuse grâce de Dieu se montre ici. Dieu ne dit pas que vous deviez attendre jusqu'à ce que vous ayez découvert si ce que vous désirez est bien sa volonté; non, mais il dit: «Exposez vos requêtes à Dieu». Avez-vous un fardeau sur le coeur? Allez à Dieu avec votre requête. Dieu ne dit pas qu'il vous donnera ce que vous demandez; comme Paul, quand il pria par trois fois le Seigneur de retirer l'écharde, reçut pour réponse: «Ma grâce te suffit» (*); mais la paix de Dieu gardera votre coeur et vos sentiments; — ce n'est pas vous qui garderez cette paix. Est-ce que Dieu est jamais troublé par les petites choses qui nous troublent, nous? Est-ce qu'elles ébranlent son trône? Dieu pense à nous, nous le savons, mais il n'est pas troublé; et la paix qui est dans le coeur de Dieu conservera le nôtre. Je vais à Dieu avec tout ce qui pèse sur mon coeur, et je le trouve, Lui, parfaitement tranquille au sujet de tout. Tout est sûr et certain. Dieu sait parfaitement bien ce qu'il va faire. J'ai placé le fardeau sur le trône qui n'est jamais ébranlé, avec la parfaite assurance que Dieu s'intéresse à moi; et la paix dans laquelle Il demeure lui-même, garde mon coeur, et je puis rendre grâces avant que ce qui pèse sur moi soit passé. Oui, Dieu en soit béni, Dieu s'intéresse à moi. C'est un bonheur pour moi de pouvoir jouir de cette paix, et d'aller ainsi à Dieu et de lui présenter ma requête, peut-être une requête très peu sage, de pouvoir être avec Dieu au sujet de mes peines au lieu de m'appesantir sur elles.

(*) 2 Corinthiens 12: 8, 9.

N'est-il pas infiniment précieux pour nous de savoir que, tandis que Dieu nous élève dans le ciel, il descend aussi jusqu'à nous et s'occupe de tout ce qui nous concerne ici-bas. Pendant que nos affections sont occupées de choses célestes, nous pouvons compter sur Dieu pour les choses de la terre. Il descend jusqu'à nous et prend connaissance de tout. Comme Paul l'exprime: «Au dehors des combats, au dedans des craintes, mais Dieu qui console ceux qui sont abaissés, nous a consolé…» Il valait la peine d'être ainsi abattu pour recevoir une consolation comme celle-là. Dieu serait-il un Dieu de loin et non pas un Dieu de près? Il ne permet pas que nous voyions devant nous, autrement nos coeurs ne seraient pas exercés; mais quoique nous ne voyions pas Dieu, Dieu nous voit, et, il s'abaisse jusqu'à nous pour nous donner toute cette consolation-là au milieu de notre tribulation.

Philippiens 4: 8-23

Les deux premiers de ces versets terminent l'exhortation dans cette épître.

Nous avons déjà vu comment le chrétien doit marcher dans une complète supériorité à toutes les circonstances. Ce caractère de la puissance de l'Esprit de Dieu apparaît tout le long de l'épître. Le verset 8 nous montre l'effet de ce dont nous avons parlé plus haut: «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur»: «Que votre douceur soit connue de tous les hommes»: «Ne vous inquiétez de rien, mais en toutes choses, exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications avec des actions de grâces; et la paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos sentiments dans le Christ Jésus». Le coeur est délivré, car la paix de Dieu qui est immuable garde le coeur et les sentiments. Il n'y a rien de nouveau ou d'inconnu pour Dieu. Il est toujours en paix, faisant toutes choses selon le conseil de sa volonté. C'est ainsi que le coeur doit demeurer tranquille, et alors il est libre pour être occupé de tout ce qui est aimable et excellent.

Il est très important pour le chrétien de vivre habituellement dans ce qui est bon dans ce monde, où nous avons nécessairement à faire avec ce qui est mauvais. Nous étions nous-mêmes autrefois méchants, et il n'y avait que mal dans le coeur, dans les pensées et dans l'esprit: et encore maintenant, il y a du mal, non seulement dans le monde, mais dans notre coeur et nous avons à le juger là où il a été laissé libre d'agir. Mais nous ne pouvons toujours rester occupés du mal; il nous souille même quand nous le jugeons. Nous voyons au chapitre 19 des Nombres qu'il en était ainsi pour l'homme qui avait à faire avec les cendres de la génisse rousse: il servait réellement en ramassant les cendres et en les portant hors du camp, en un lieu à part; cependant il était souillé jusqu'au soir, et il en était de même pour celui qui faisait aspersion de l'eau de purification. Même le jugement du mal est quelque chose qui souille nos esprits. Il y a dans certains coeurs une tendance à être occupés du mal, mais il n'est pas possible d'y vivre. En disant cela, je ne parle pas bien entendu de vivre dans le mal effectivement, mais de le juger, même en pensée.

C'est un point d'une grande importance que d'avoir le coeur accordé et formé de manière à prendre plaisir dans les choses dans lesquelles Dieu prend son plaisir. Même avec le sentiment qu'il juge le mal comme mal, le coeur n'est pas heureux. Nous sommes appelés à vivre maintenant comme avec Dieu dans le ciel. Est-ce que Dieu a à juger du mal dans le ciel? Nous savons que non; et il est très important pour nos âmes d'être avec le Seigneur dans le ciel, non seulement de faire les choses qui lui plaisent, mais d'être aussi dans un état d'âme qui puisse lui plaire. Repassez seulement une de vos journées, et demandez-vous si votre esprit y a vécu dans les choses qui sont «aimables» et «de bonne renommée». C'est de cela que l'apôtre parle ici. Est-ce l'habitude de votre esprit d'être occupé de ce qui est bon? Le mal nous enserre de tous côtés dans ces jours, mais on ne peut pas vivre en étant toujours occupé du mal. L'âme en est affaiblie; elle ne trouve aucune force dans une telle préoccupation. Le mal peut éveiller le dégoût, là où l'âme est dans un état spirituel; mais, même quand nous le jugeons, notre jugement sera toujours insuffisant, à moins que notre coeur ne soit occupé de ce qui est bon: nous serions capables de faire descendre le feu du ciel alors que Christ s'en irait seulement dans un autre village.

Christ a marché ici-bas dans la pleine puissance de la communion en ce qui était bon au milieu du mal, quoiqu'il eût à faire avec le mal. Il a dû dire: «Malheur à vous scribes et pharisiens». Nous aussi, nous pouvons avoir à faire avec le mal, mais nous n'agirons jamais comme il faut à son égard, à moins que nous ne vivions dans ce qui est bon: Nous ne serions jamais «doux» (je parle de la douceur de la grâce), non pas bien entendu de douceur envers le mal, car nous devons juger celui-ci péremptoirement. Paul eut à dire: «Je voudrais que ceux qui vous troublent se retranchassent même» (*). Il n'y a là aucune douceur, toutefois c'est dans l'amour que cette parole fut dite. Si le cas se présente que nous ayons à juger le mal, il faut que nous le fassions dans la puissance du bien qui est en nous. Le sentier dans lequel nos âmes sont appelées à marcher est ainsi tracé: «Au reste, frères, toutes les choses qui sont vraies, toutes les choses qui sont vénérables, toutes les choses qui sont justes, toutes les choses qui sont pures, toutes les choses qui sont aimables, toutes les choses qui sont de bonne renommée, — s'il y a quelque vertu et quelque louange, que ces choses occupent vos pensées» (verset 8). Que le Seigneur nous donne de nous souvenir de ces choses, frères bien-aimés. Dieu peut être obligé de juger, mais il demeure dans ce qui est bon.

(*) Galates 5: 12.

L'apôtre ajoute (et quelle bénédiction pour un homme quand il peut parler ainsi!): «Ce que vous avez et appris, et reçu, et entendu, et vu en moi, —  faites ces choses, et le Dieu de paix sera avec vous» (verset 9). C'est ainsi, remarquez-le, que le Dieu de paix sera avec nous. Quand nous rejetons nos soucis sur Dieu, il dit: «La paix de Dieu qui surpasse toute intelligence gardera vos coeurs et vos sentiments dans le Christ Jésus»; mais ce que nous avons ici va plus loin. Paul avait une place à lui; il était un vase d'élite rempli par l'Esprit de Dieu, quoiqu'il fût le premier des pécheurs; mais toutefois, «portant toujours partout dans le corps la mort de Jésus», «la mort», dit-il, «opère en nous, mais la vie en vous» (*). C'était beaucoup dire. Il a fallu qu'il eût une écharde dans la chair pour être propre pour un tel service, car sa chair n'était naturellement en aucune manière meilleure que la vôtre. Paul ne disait pas seulement: Je suis mort; mais il portait partout la mort dans la chair, en sorte que la chair ne remuait pas, (il était, nous le savons, un vase d'élite), et il le faisait par la grâce et la puissance de Christ, mais il le faisait. C'est pourquoi, comme nous l'avons remarqué au commencement de cette étude, il n'est jamais fait mention du péché dans l'épître aux Philippiens, parce que cette épître nous présente la vraie expérience de la vie chrétienne; et à peine aussi y est-il question de doctrine. Paul parle, d'un bout à l'autre, dans le sentiment de son expérience.

(*) 2 Corinthiens 3: 4, 7-12.

Si je cherche à marcher après Christ, il faut que je me tienne moi-même pour mort. Je ne dis jamais qu'il faut que je meure, ce qui supposerait que la chair est à l'oeuvre et en activité: la chair est là, sans doute; mais je dis: elle est morte. Je comprends parfaitement une personne passant par un état par lequel elle apprend ce qu'est la chair; et ce travail peut être plus ou moins long; mais quand une âme est foncièrement humiliée, pour dire: «En moi, c'est-à-dire en ma chair, il n'habite point de bien» (*); alors Dieu peut dire: «Tiens-toi toi-même pour mort», et ne permets pas au péché de dominer sur toi (**). Le principe qui est la source de toute puissance, c'est que nous sommes morts. C'est ici la vérité fondamentale pour l'affranchissement. L'affranchissement vient quand, par la puissance de l'Esprit de Dieu, nous nous tenons nous-mêmes pour morts. Il n'en est ainsi que pour la foi. Christ est là en puissance, et moi je me tiens pour mort, et ainsi je puis agir en puissance.

(*) Romains 7: 18. — (**) Voyez Romains 11.

 «C'est ici le témoignage, que Dieu nous a donné la vie éternelle; et cette vie est dans son Fils» (*). Mais n'y a-t-il pas autre chose? Assurément; car, en supposant que j'aie la vie et que la vieille nature soit toujours vivante, les deux natures se trouveront nécessairement en lutte continuelle l'une avec l'autre, et, à moins que je n'aie la puissance de l'Esprit de Dieu, il n'y aura point d'affranchissement du péché; et s'il y en a, la lutte cependant continue. Seulement si je dis que je suis mort réellement, ma délivrance de l'activité de la chair est pleinement réalisée. L'apôtre dit, dans la puissance et la possession de cette vie: «Je suis mort»; et quand il la réalise pratiquement, il dit: «Portant toujours partout dans le corps la mort de Jésus». J'ai reçu Christ comme justice devant Dieu, et comme vie en moi, et je tiens le vieil homme pour mort. Ce n'est pas seulement que j'ai la vie, mais je suis mort; de sorte qu'il y a autre chose qu'une égale chance à qui aura le dessus, du vieil homme ou du nouveau. Je suis toujours esclave, dans le sens pratique, jusqu'à ce que je sois amené à faire la découverte qu'il n'y a point de bien dans la chair, et que je suis mort en Christ: il faut que j'apprenne que je n'ai pas seulement fait des choses mauvaises, mais que le vieil homme tout entier, l'arbre lui-même, est mauvais, et que Christ qui est notre vie, est mort au péché aussi bien que pour les péchés (**); et quand je tiens le vieil homme pour mort, je trouve la liberté.

(*) 1 Jean 5: 11. -  (**) Voyez Romains 6: 10; 4: 5

Je ne dis pas ici que je trouve le pardon, mais l'affranchissement: «La loi de l'Esprit de vie dans le Christ Jésus m'a affranchi» (*). Sans doute je puis faillir, et je puis être amené sous la puissance du péché pour un moment, mais je ne suis plus son débiteur en aucune manière. Comment Dieu a-t-il condamné la chair? — Dans la mort. Ainsi, je suis libre, dans le fait de la vie traitant le vieil homme comme mort. Nous sommes appelés à manifester toujours cette vie de Jésus. En tenant ferme par la foi cette mort de Jésus, j'ai trouvé la croix pour la chair. L'apôtre dit: La mort de Christ opère en moi, le vieux Paul; et ainsi, il n'y a rien que la vie de Christ qui soit en activité pour vous; et il ajoute: Allez et faites comme moi; «ce que vous avez et appris, et reçu, et entendu, et vu en moi, faites ces choses, et le Dieu de paix sera avec vous»; Dieu lui-même sera alors présent avec vous.

(*) Romains 8: 2.

Quelle chose merveilleuse, frères bien-aimés, la vie de Christ donnée, — la chair tenue pour morte, et nous marchant en conséquence. Dieu se tiendrait-il loin de vous dans ce chemin? Non, «le Dieu de paix sera avec vous».

Il est remarquable de voir combien souvent Dieu est appelé le «Dieu de paix», tandis qu'il n'est jamais appelé «Dieu de joie». La joie est une chose inégale. La joie donne l'idée de l'ouïe de quelque bonne nouvelle, elle peut être mêlée en même temps à de l'affliction. Il y a vraiment de la joie dans le ciel pour un pécheur qui se repent, parce que cela est une bonne nouvelle dans le ciel; mais la joie n'est pas la nature de Dieu, comme la paix; elle est une émotion du coeur. L'homme est une pauvre, faible créature: il entend de bonnes nouvelles, et il en a de la joie; il entend de mauvaises nouvelles, et il en a de la tristesse. Ce sont les hauts et les bas de la nature de la créature. Mais Dieu est le «Dieu de paix»; la paix est quelque chose de plus profond que la joie. Regardez le monde et le coeur de l'homme; y voyez-vous jamais la paix? De la joie, nous en voyons dans une nature animale même, comme dans une bête qu'on met en liberté. Nous pouvons voir aussi dans le monde une sorte de joie, mais nous n'y trouverons point de paix: «Le coeur de l'homme est comme la mer qui est dans la tourmente quand elle ne peut s'apaiser» (*). On se harasse incessamment en courant après le plaisir, et on appelle cela de la joie. Le monde est un monde agité et sans repos; et s'il est sans repos dans la recherche de ce dont il a besoin, il l'est parce qu'il ne peut pas trouver ce qu'il cherche. Nous ne trouverons jamais la paix dans ce monde, à moins que Dieu ne la donne.

 (*) Esaïe 57: 20.

Si nous marchons dans la puissance de la vie de Christ, le Dieu de paix est avec nous; nous avons conscience de sa présence; notre coeur est en repos, nous ne courons plus après quelque chose que nous n'avons pas trouvé. Même au milieu des chrétiens nous voyons des personnes qui n'ont pas de paix, parce qu'elles courent après ce qu'elles n'ont pas trouvé: ce n'est pas là la paix; mais jouir de ce qui est en Lui, tout en cherchant certainement à le connaître mieux, est un bienheureux repos pour le coeur: c'est la paix. Et quelle bénédiction d'avoir un tel sanctuaire dans ce monde — «le Dieu de paix» avec nous!

Nous voyons maintenant comment Paul est supérieur à toutes les circonstances. Il avait été dans le besoin, quoique dans une espèce de prison libre, et son coeur le sentait. «Or, je me suis fort réjoui dans le Seigneur de ce que maintenant enfin vous avez fait revivre votre pensée pour moi» (verset 10). Il dit, «maintenant enfin», comme si les Philippiens avaient été quelque peu négligents à son égard; mais il parle avec une délicatesse pleine de grâce, retirant immédiatement en quelque sorte ce qu'il avait dit, en ajoutant: «Quoique vous y ayez bien pensé, mais l'occasion vous manquait». La supériorité du chrétien n'est jamais de l'insensibilité, autrement elle ne serait pas de la supériorité: dans toutes les circonstances son coeur est libre d'agir selon la grâce du Seigneur Jésus Christ, et Lui n'était jamais insensible. Nous nous raidissons contre les circonstances, nos pauvres coeurs égoïstes aiment a se soustraire aux souffrances, mais Lui était toujours Lui-même dans toutes les circonstances, en sorte qu'on a pu dire qu'il n'y avait pas de caractère en Christ. Il était simplement toujours lui-même, parfaitement sensible à toutes choses, mais jamais gouverné par elles, toujours au milieu d'elles dans la puissance de sa propre grâce. Nous ne le voyons jamais insensible. Quand il vit les foules, «il fut ému de compassion pour elles», et quand il vit la bière, dans laquelle on emportait le fils unique de la veuve, «il fut ému de compassion envers elle». Au tombeau de Lazare, «il frémit dans son esprit, et se troubla» (c'est une expression très forte); il se troubla intérieurement: la puissance de la mort sous laquelle il voyait ceux qui l'entouraient, pesait sur son esprit. Quelque part qu'il fût, il n'était jamais insensible, mais il était toujours lui-même en grâce; car de celle-ci, son coeur était toujours vibrant. Sur la croix, il sait la parole qu'il fallait pour le brigand. Même quand il est obligé de dire: «Jusques à quand serai-je avec vous et vous supporterai-je?» il ajoute immédiatement: «Amène ici ton fils» (*). Il était parfaitement sensible, comme nous ne le sommes pas; dans sa grâce toujours prêt à répondre à tout appel. Ce qui se manifeste en Christ, c'est ce que nous devons chercher à être, étant parfaitement sensibles à toutes les circonstances, mais de telle manière, qu'elles trouvent Christ en nous, afin qu'il soit manifesté.

 (*) Luc 9: 41

Nous avons vu comment Paul corrige ce qu'il avait dit: «Maintenant enfin vous avez fait revivre votre pensée pour moi», en ajoutant: «Quoique vous y ayez bien pensé, mais l'occasion vous manquait». Le Seigneur n'a jamais eu à se corriger lui-même. Paul était un homme «ayant les mêmes passions que nous». En Troade, il ne sut pas s'arrêter quoique une grande porte lui fût ouverte pour la prédication de l'évangile; il n'eut aucun repos dans son esprit, parce qu'il ne trouva pas Tite; en Macédoine également, sa chair n'eut aucun repos; et il nous dit de cette épître, dans laquelle il nous donne des directions inspirées pour l'assemblée, directions sans lesquelles nous ne saurions pas comment nous conduire, qu'il n'avait pas de regret de l'avoir écrite, et même il en avait eu du regret et cependant il avait été inspiré pour l'écrire: son coeur était tombé au-dessous de la position dans laquelle il se trouvait, à la pensée que tous les Corinthiens s'étaient tournés contre lui. Il est précieux pour nous en un sens de voir que, quoiqu'il fût un apôtre, il était si semblable à nous; mais il n'y a rien de semblable dans le Seigneur: Lui était parfaitement sensible à tout, et nous le voyons toujours parfait à tous égards dans cette sensibilité, tandis que nous voyons que l'apôtre était un homme, bien qu'il soit intéressant de le voir sentant comme il l'a fait.

Maintenant Paul nous montre comment il était supérieur à toutes les circonstances qu'il traversait: «Non que je parle ayant égard à des privations; car moi, j'ai appris à être content en moi-même dans les circonstances où je me trouve… Je puis toutes choses en Celui qui me fortifie» (versets 11-13). On entend dire que nous pouvons toutes choses par Christ, comme une sorte de vérité absolue. Mais je dis: Vous, pouvez-vous toutes choses? Non, vous ne le pouvez pas. Vous me direz qu'on peut, et c'est très vrai comme déclaration absolue, mais ce n'est pas ce que l'apôtre entendait; il voulait dire que lui pouvait toutes choses. Il l'avait appris; c'était un état réel pour lui, non une proposition abstraite. «Je suis enseigné aussi bien à être rassasié qu'à avoir faim». Si je suis rassasié, il me garde de l'insouciance, de l'indifférence, et de la satisfaction de moi-même; si j'ai faim, il me garde de l'abattement et du mécontentement. Pour Paul, ce n'était pas seulement on peut, mais moi j'ai trouvé Christ tellement suffisant à tout, en toutes circonstances, que je ne suis dominé par aucune. Paul avait été battu de verges, il avait reçu des Juifs, quarante coups moins un, il avait été lapidé, il avait traversé toutes sortes de circonstances, mais il avait trouvé Christ toujours suffisant dans toutes les circonstances.

Ne dites pas: oui, mais Paul était alors un chrétien arrivé à l'âge mûr, et on peut bien parler ainsi à la fin de sa vie. Si Paul n'avait pas trouvé Christ suffisant en toutes choses depuis le commencement jusqu'à la fin, il n'aurait pu parler comme il le fait à la fin de sa carrière. La foi compte sur Christ, depuis le point de départ de la vie chrétienne. C'est le principe que nous trouvons au Psaume 23. Quand le psalmiste avait tout traversé, il dit: «Quoiqu'il en soit, les biens et la gratuité m'accompagneront tous les jours de ma vie, et mon habitation sera dans la maison de l'Eternel pour longtemps». Dans l'abondance ou dans les privations, je trouverai toujours que Lui suffit; mais pour être capable de faire cette expérience à la fin de la course, il faut la faire le long de la route.

Ne dites pas: Paul était un apôtre, il était un homme extraordinaire, un vase d'élite élevé bien haut au-dessus du mal qui me tourmente. Non, Paul avait une écharde dans la chair pendant qu'il écrivait, et quoique l'écharde ne fût pas la puissance, elle le plaçait dans le sentiment de son néant, là où la puissance pouvait agir. Le Seigneur ne voulut pas ôter l'écharde, quand Paul l'en supplia; il lui répondit: «Ma grâce te suffit». L'écharde paraissait un obstacle, mais quand l'apôtre prêchait, on voyait la puissance de Christ, non celle de Paul. Je rappelle tout cela afin que vous ne me disiez pas que Paul n'était pas exposé aux difficultés et aux pièges de la chair. Dieu l'avait élevé au troisième ciel, et ce privilège extraordinaire dont il l'avait fait jouir l'exposait à s'élever outre mesure; c'est pourquoi Dieu lui envoie une écharde pour amener Paul au sentiment de son néant; et alors la puissance du Seigneur s'accomplit dans l'infirmité. La puissance divine ne peut pas être là où est la puissance humaine. Si c'eût été la puissance humaine, ceux qui auraient été convertis par le moyen de Paul n'eussent rien valu, mais ceux que Dieu convertissait étaient dignes de la vie éternelle. C'est un grand point que nous soyons réduits à rien; et si nous ne savons pas comment n'être rien, il faut que Dieu nous y amène; un homme humble n'a pas besoin d'être humilié.

Paul était dépendant de Christ, absolument dépendant de Lui, et nous voyons l'infaillible fidélité de Christ pour lui; mais, je le répète, Paul n'eût pas pu dire à la fin de sa course: «Je puis toutes choses par Celui qui me fortifie», s'il n'en avait pas fait l'expérience le long de sa route. C'est un glorieux témoignage. Christ est suffisant pour nous, là où nous sommes; mais il faut qu'il nous amène à être droits; il faut que notre âme soit dans la vérité de son état devant Dieu. Jusqu'à ce que ma conscience soit amenée là où je me trouve réellement, jusqu'à ce qu'elle arrive au sentiment de l'éloignement dans lequel je me trouve de Dieu et de mon infidélité envers Lui, ma conscience n'est pas droite, mais une fois qu'elle est arrivée là, Dieu dit: «Je t'ai amené où tu devais être; il n'y a plus de fraude, je puis te venir en aide». Job dit: «L'oreille qui m'entendait me disait bienheureux, et l'oeil qui me voyait déposait en ma faveur, car je délivrais l'affligé qui criait et l'orphelin qui n'avait personne pour le secourir» (*). C'était: Je fais ceci, je fais cela. Mais Dieu dit: Cela ne peut aller ainsi. C'est toujours moi, moi, moi; et Dieu livre Job entre les mains de Satan, jusqu'à ce Job maudisse le jour de sa naissance et jusqu'à ce qu'il dise: «Maintenant mon oeil t'a vu, c'est pourquoi j'ai horreur de moi» (**). — Tu en es venu maintenant où il te fallait venir, et maintenant je peux te bénir; et il le bénit.

(*) Job 29: 11, 12 – (**) Job 42: 5, 6.

Dieu ne veut pas que nous tenions seulement tout juste nos têtes hors de l'eau, mais il veut que nous marchions dans la puissance de sa grâce.

«Or, vous aussi Philippiens, vous savez qu'au commencement, quand je quittai la Macédoine, aucune assemblée ne me communiqua rien pour ce qui est de donner et de recevoir, excepté vous seuls; car même à Thessalonique, une fois et même deux fois, vous m'avez fait un envoi pour mes besoins» (versets 15 et suivants). L'amour n'est jamais oublieux, il attache du prix aux actes de service, et les enregistre. Ainsi l'apôtre garde précieusement la mémoire de tout ce par quoi on lui était venu en aide. Dieu prend plaisir dans le service rendu à ses saints; il prend plaisir aussi dans ce qui est fait envers le monde.

«Mais mon Dieu suppléera à tous vos besoins, selon ses richesses en gloire par le Christ Jésus» (verset 19). Remarquez l'intimité dont ce «mon Dieu» est l'expression. C'est une parole d'une grande portée; c'est comme si Paul disait: Je le connais, je peux répondre pour Lui; J'ai passé à travers toutes sortes de choses, et je puis garantir qu'il ne m'a jamais fait défaut; je sais la manière dont il agit, même dans les petites choses de la vie de tous les jours.

C'est un grand point d'avoir confiance en Dieu, journellement et à toute heure, non pas en pensant que nous pourrons nous tirer d'affaire nous-mêmes et nous mettre à l'abri de la puissance du mal, mais en nous confiant en Dieu, complètement. Quelle est la mesure de ce par quoi Dieu suppléera à nos besoins? Rien moins que «ses richesses en gloire par le Christ Jésus». Il faut qu'il se glorifie lui-même, même quand un passereau tombe en terre; car pour Dieu, il n'y a rien de grand ou de petit. Il pense à ceux en qui il faut que son amour soit glorifié.

«Mon Dieu suppléera à tous vos besoins». Comment Paul pouvait-il dire cela? Je le répète, il connaissait Celui qu'il appelle: «Mon Dieu». Ce n'est pas qu'il n'eût pas été dans la nécessité, dans des besoins; mais il avait senti le prix d'y rencontrer Dieu et ses soins pour lui. Les circonstances peuvent paraître très sombres, mais nous avons toujours trouvé que s'Il nous conduisait à travers le désert où il n'y avait point d'eau, il y faisait jaillir pour nous l'eau d'un rocher. Dieu exerce toujours la foi, mais il y répond toujours: «Vos pieds n'ont pas été foulés, vos vêtements ne se sont pas envieillis durant ces quarante ans». C'est un précieux résultat.

«Mon Dieu suppléera à tous nos besoins». L'apôtre comptait sur la bénédiction pour les autres. Quelle consolation! Au lieu de marcher par la vue, traverser ce monde dans le précieux sentiment de ce que Dieu est pour nous et ainsi pouvoir compter sur Lui pour d'autres. Nous craignons presque, quelquefois, de pousser des âmes dans le chemin de la foi, et nous ne devrions pas craindre, mais compter sur la grâce pour elles. La foi est toujours victorieuse.

Que le Seigneur nous donne de compter toujours sur Lui, et alors nous dirons: «Je puis toutes choses par Christ qui me fortifie».