La seule vraie communion et l'état d'âme qu'elle exige

ME 1876 page 381  -  Darby J.N.

 

San Francisco (Californie), août 1875

Cher frère,

Quoique je ne sois pas arrivé encore au terme de mon voyage et au moment, où, si le Seigneur m'épargne et me soutient, je reprendrai la route de l'Angleterre, ma pensée, cependant, se reporte vers cette contrée quand j'en aurai fini dans la partie du monde dans laquelle je me trouve actuellement.

Si j'étais jeune et si j'avais, en parlant au point de vue humain, une vie devant moi, il y aurait des motifs pour me faire rester ici, car l'oeuvre y commence. Elle se fait, à bien des égards, sur un principe nouveau. Partout la vraie position du chrétien et la marche qui lui convient sont un objet de préoccupation, et on discute les vérités de l'Ecriture qui s'y rattachent. Mais je ne suis pas jeune et je ne puis penser à entreprendre l'oeuvre moi-même; et Dieu, j'en ai la confiance, suscitera les instruments qu'il lui faudra, comme il l'a déjà fait pour quelques-uns. Je ne crois pas que ce soit sa pensée de tirer de la faiblesse, dans l'état où l'Eglise se trouve, il nous convient de prendre part à ses afflictions.

Quant à votre première question, je pense que, quand une personne rompt le pain, elle se trouve, avec ceux avec lesquels elle le rompt, dans la seule vraie communion que je connaisse, — celle de membres reconnus du corps de Christ. Admettre une autre pleine et complète communion, c'est fausser le principe tout entier sur lequel Dieu réunit les siens; c'est, sous le voile de pleine communion, faire de ceux qui viennent, des membres de votre assemblée. Il faut, je n'ai pas besoin de le dire, que l'assemblée soit satisfaite à l'égard des personnes qui se présentent; mais, quand on reçoit ainsi pour la fraction du pain, cela suppose que l'assemblée est satisfaite, pour ce qui est de la personne, soit d'après le témoignage de l'un ou de l'autre des saints, responsable envers l'assemblée à cet égard, soit sur le témoignage de deux on trois qui l'auraient visitée. Ce qui importe ici, c'est que, par l'un ou l'autre moyen, il y ait un témoignage suffisant pour que la conscience de l'assemblée soit satisfaite et à l'aise.

Au commencement il n'en était pas ainsi; il n'y avait pas d'examen de cette sorte; mais, aujourd'hui j'estime que le chapitre 2 de la seconde épître à Timothée nous en fait un devoir. Nul n'est admis que comme croyant; et ce principe, en lui-même, détruit l'idée qu'on devient membre d'une assemblée particulière. Il y a des difficultés pratiques, certainement, pour ce qui concerne les admissions, et chaque cas doit être examiné à part et en tenant compte de ses propres circonstances. Si quelqu'un vient seulement rompre le pain de temps à autre, c'est très bien qu'on en fasse mention, à moins que l'assemblée n'en ait déjà connaissance et ne soit satisfaite à cet égard; mais, dès qu'une personne rompt le pain, elle est sujette à la discipline comme si elle venait toujours, parce que c'est de l'Eglise de Dieu qu'il s'agit, bien qu'elle soit représentée seulement par deux ou trois: — Christ est là. Si quelqu'un ne vient que tout à fait occasionnellement, comme un étranger, et qu'il ne soit pas autrement connu, il est bon également que l'assemblée soit avertie.

Ce qui ne serait pas bien, dans des cas de ce genre, c'est d'abord que, tout en recevant la personne qui se présente, l'assemblée le fit comme s'il y avait une communion autre que celle de membres du corps de Christ, ce que je nie absolument; ensuite je craindrais aussi que ceux qui viennent se refusassent à prendre part sincèrement à l'opprobre de la position, de la vraie position séparée des saints, et qu'ils voulussent pouvoir dire à d'autres: «Je n'en suis pas, je n'y vais que comme croyant». Moi, je ne vais que comme croyant; mais j'accepte la position. En pareil cas, il est bon d'attendre que l'on soit au clair. Un vrai croyant a droit à la table; mais si ceux qui s'assemblent se réunissent comme membres du corps de Christ, ils sont tous un seul et même corps, car ils participent tous à un seul et même pain.

Je n'admettrais pas les personnes comme celles dont je viens de parler: je reconnais leur droit; je cherche à les éclairer; mais je ne voudrais pas leur permettre de me placer dans la position d'une secte (et ce qu'on appelle pleine communion signifie cela), tout en faisant la part de leur ignorance et cherchant à les en tirer. Ces personnes ne viennent pas réellement pour rompre le pain avec nous sur le pied de l'unité du corps, si elles pensent qu'elles ne sont pas un avec nous, quand elles viennent ainsi; car si notre position est vraie et scripturaire, elles ne sont pas un avec le corps de Christ, le seul et unique principe de rassemblement que je connaisse.

Dans l'état présent de l'Eglise, je crois, je le répète, qu'il nous faut user de beaucoup de patience à l'égard de telles personnes, parce que leurs pensées ont été formées dans les systèmes qui admettent qu'on est membre de telle ou telle église; mais il ne faut pas que nous faussions notre position, ni que nous donnions notre sanction à ce qu'un autre le fasse dans son esprit. Si la personne est connue de tous comme chrétienne, et qu'on sache qu'elle est là pour rompre le pain, il est inutile de l'annoncer: c'est un témoignage à l'unité du corps. Si c'est occasionnellement qu'elle vient, la personne qui l'introduit est responsable.

Je me souviens du bas d'un frère qui croissait dans la vérité, et qui venait parfois d'une grande distance, pour aider dans une école du dimanche. Il demanda aux frères s'il ne pourrait pas rompre le pain quand il était là avec eux; le temps même lui manquait pour s'en retourner d'assez bonne heure à son service baptiste, et il jouissait de la communion des saints. Les frères le reçurent avec joie; et, si mes souvenirs ne me trompent, son nom ne fut pas annoncé quand il revint plus tard. Bientôt il fut entièrement au milieu des frères, mais sa communion était aussi pleine et entière lorsqu'il ne venait que de temps en temps; et, s'il y avait donné lieu, il eût été alors exclu en discipline, exactement comme s'il avait été là tous les dimanches.

Votre seconde question est plus délicate pour moi, parce qu'elle concerne l'état de l'âme aussi bien que de l'Eglise, quand l'obscurité la couvre. Combien d'âmes disent: «Abba, Père», c'est-à-dire, ont l'esprit d'adoption, sans être au clair sur rien, si ce n'est qu'elles ne se reposent que sur Christ et sur son oeuvre; et comme dans l'Eglise on enseigne à douter et que les docteurs ignorent ou même rejettent le simple et plein évangile, les âmes subissent naturellement l'influence d'un semblable enseignement; aussi faut-il souvent de la spiritualité pour discerner quel est vraiment l'état d'une personne, — si elle est encore réellement dans la servitude, sous la loi, ou bien si elle a été rendue légale par la manière dont elle est enseignée. La froide et sèche connaissance de la doctrine, n'est pas ce que je cherche; et puis, il y a le danger de repousser une âme, précisément au moment où elle aurait besoin d'être encouragée. Lorsqu'une âme peut réellement dire: «Abba, Père», le fait que des doutes surgissent par la lutte n'est pas un motif pour rejeter la personne, quoiqu'il soit manifeste qu'elle n'est pas bien établie dans la vérité. D'autre part, une âme exercée, mais qui ne se repose pas encore en l'oeuvre de Christ, n'est pas dans l'état propre pour la communion. C'est pourquoi, quand il s'agit de jeunes convertis, il vaut beaucoup mieux pour eux qu'on attende qu'ils aient trouvé la paix, avant de les recevoir, en prenant bien soin, seulement, de leur montrer que ce n'est pas pour les repousser qu'on agit ainsi envers eux, mais pour leur propre bien. Je ne voudrais pas exiger que l'âme eût l'intelligence de la délivrance; mais je voudrais qu'elle fût personnellement capable de dire: «Abba, Père!» L'intelligence de la délivrance est la conséquence du fait d'être scellé. Mais, si une personne n'est pas scellée, elle n'est pas dans la position chrétienne: «Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, celui-là n'est point de lui» (Romains 8: 9). La paix, par le pardon des péchés, est, relativement à l'oeuvre de Christ, l'évidence de la foi en cette oeuvre, et le fait, que cette oeuvre est reçue par la foi, est ce en vertu de quoi Dieu scelle. Alors, quand une âme est ainsi scellée, elle est délivrée; mais l'intelligence de cette délivrance est autre chose. Israël, sorti d'Egypte, était amené à Dieu, — délivré; à travers le Jourdain ils entrèrent dans le pays de la promesse; ils furent circoncis, et mangèrent du blé du pays. Mais il n'y a qu'une personne scellée qui soit dans la vraie position chrétienne; et ce sceau est donné en vertu de l'aspersion du sang, c'est-à-dire de la foi en l'oeuvre de Christ par laquelle nous avons la rédemption, et non pas parce qu'une âme a l'intelligence de la délivrance. Cette intelligence n'en est que l'effet.