Fragments de lettres - Darby J.N.

Fragments de lettres - Darby J.N. 1

1. - 1 octobre 1849. 1

2.     - Montpellier, 29 mai 1849. 4

3. - 5 avril 1852. 11

4. - 16 juin 1852. 12

5. - Octobre 1852. 12

6. - 29 mars 1853. 13

7. [Conducteurs et clergé] - 27 mai 1854. 13

8. - 10 février 1855. 16

9. - 13 décembre 1855. 16

10. - Elberfeld. 17

11. - 12 février 1857. 17

12. - Rotterdam, 7 septembre 1857. 17

13. - 15 mars 1858. 18

14. - 18.. 19

15. - 10 février 1860. 20

16. [Sur le libre arbitre] - Elberfeld, 23 octobre 1861. 22

 

1. - 1 octobre 1849

Bien cher frère,

Vous commencez un peu, je le pense, cette période d'activité qui fait de la vie de réflexion une vie bien plus cachée qu'auparavant. C'est un progrès très réel dans la vie chrétienne. J'aimais la philosophie divine; elle est toujours de mon goût. Aussi longtemps que la vie extérieure se compose de cela, on a l'apparence d'être beaucoup plus spirituel et plus profond. C'est ainsi que la vapeur qui sort de la machine a l'air d'avoir beaucoup plus de force que ce qui traîne le lourd convoi; en apparence celui-ci ne fait qu'opposer de la résistance au mouvement qu'on veut lui imprimer; mais c'est lorsqu'elle est cachée pour le grand nombre, que la force agit réellement; de cette manière sa réalité est aussi mise à l'épreuve.

Et pourquoi dis-je que c'est un progrès réel? C'est qu'elle a moins d'apparence devant les hommes, qu'elle est plus entièrement devant Dieu, de l'approbation duquel il faut se contenter. Il faut se contenter de posséder la chose avec Lui; que dis-je? de la trouver en Lui, mais c'est la posséder réellement. C'est le principe de la perfection morale, de jouir des choses au lieu de s'en accréditer aux yeux d'autrui. La vie active chrétienne est une vie vulgaire de service, en contact avec les passions, les fautes humaines, les faiblesses; en un mot, en contact avec la chair. Mais pour y agir, pour y introduire Dieu, et c'est ce que Christ était, il faut la puissance; il faut vraiment, dans la communion avec Lui, en participant ainsi à cette nature que rien n'entame et qui brille de sa propre perfection au milieu de tout, être au-dessus de tout ce qu'on rencontre.

La philosophie divine, en la supposant réelle, et ne rencontrant point d'opposition lorsqu'on l'étale devant les autres, est une jouissance facile; et, comme je l'ai dit, on s'en revêt, on en fait montre aux yeux de ceux qui l'admirent. Pour marcher dans la vie chrétienne, il faut être ce qu'on admire; c'est une autre affaire. Il faut être divin dans le sens de la communion de Sa nature. Voilà aussi pourquoi Jésus était le plus isolé des hommes, et en même temps le plus accessible, le plus affable; — le plus isolé, parce qu'il vivait dans une communion absolue avec son Père, et qu'il ne trouvait aucun écho, aucune sympathie avec l'amour parfait qui était en Lui; — le plus accessible, le plus affable, parce qu'il était cet amour pour les autres. En parlant de l'oeuvre ineffable qui frayait un chemin à cet amour à travers tout ce péché, il dit: «J'ai à être baptisé d'un baptême; et combien suis-je à l'étroit jusqu'à ce qu'il soit accompli». Ce baptême d'amertume et de mort qui en finissait avec le péché, même dans sa dernière forteresse et dans ses derniers droits de ruine, par la justice de Dieu contre nous, laissait libre cours à cet amour dans ses desseins infinis de grâce, car l'amour est d'une invention infinie pour le bonheur de ce qui est aimé, et l'amour de Dieu se propose ce qui dépasse toutes nos pensées. C'est le ressort des pensées du Dieu infini. Et encore, lorsque vers la fin de sa carrière l'occasion s'en présente, au moment où l'incrédulité des siens lui fait dire: «Jusques à quand serai-je avec vous, et vous supporterai-je?» (car — et c'est là ce qu'il attend de nous dans ce pauvre monde — il n'y avait pas même chez les siens la foi, la capacité, d'employer les ressources de grâce et de puissance qui étaient en lui) il ajoute, sans même un instant d'intervalle: «Amène ici ton fils» (Luc 9: 41). La conscience d'être isolé dans son amour, en sorte que les autres ne comprenaient pas même comment en profiter, n'arrête pas un instant son énergie et son activité. La même phrase qui contient le «jusques à quand», dit aussi, «amène ici ton fils».

Quelle était donc la vie de ce Jésus, homme de douleurs et sachant bien ce que c'est que la langueur? Une vie d'activité dans l'obscurité, faisant pénétrer l'amour de Dieu dans les coins les plus reculés de la société, là où il y avait le plus de besoins, au milieu de personnes que l'orgueil humain repoussait afin de maintenir sa propre réputation, mais que l'amour de Dieu cherchait, parce qu'il n'avait pas besoin de se faire une réputation ou de la garder. Il était toujours le même, et plus il se compromettait en apparence, plus il se manifestait dans une perfection qui ne se démentait jamais. L'amour de Dieu n'avait pas besoin, comme la société humaine, de se garantir de ce qui le mettait trop à nu. Il était toujours lui-même. La vie laborieuse de Jésus se passait à la recherche des âmes, dans toutes les circonstances. Elle traversait tout ce qui pouvait la mettre à l'épreuve; mais on y voit une réalité divine qui ne faisait jamais défaut, puis, — devant la propre justice et l'orgueil, et la hardiesse tyrannique de la contradiction des pécheurs, ou aussi en faveur de quelque pauvre âme brisée, ou enfin, pour justifier les voies de Dieu en leur faveur — on y découvre de temps en temps un fond divin, des pensées touchantes, exquises, une profondeur de vérité qui trahissait sa perfection par sa simplicité, faisant voir une âme toujours nourrie de la communion la plus intime avec l'amour infini et avec la sainteté parfaite. Il était Celui qui pouvait dire: «Nous disons ce que nous savons et nous témoignons ce que nous avons vu», celui qui pesait le mal par la perfection du bien qui était en lui, et trouvait dans les découvertes affreuses (si l'on peut parler de découvertes là où tout était à nu) que faisait la sainteté de son âme, les occasions de manifester l'amour infini! Ou plutôt c'était l'amour d'un être saint qui faisait ces découvertes, amour qui revêtait la forme d'une grâce, qui, par sa propre humiliation, se mettait à la portée de tous les besoins du coeur, et qui, en même temps, devant l'orgueil de l'homme, se montrait à la hauteur de la dignité, de la majesté de Dieu.

Qu'il est beau de voir cette personne, ces qualités divines, percer à travers l'humiliation qui les mettait à la portée de ceux que le monde méprisait! Fatigué de son voyage, redevable d'un verre d'eau à une femme qui n'osait guère se montrer avec d'autres, il trouve de la viande à manger, dont le monde, dont même ses disciples ne savaient rien; et cette nourriture c'est la délivrance d'un pauvre coeur, écrasé par le poids d'une mauvaise conscience et le mépris de ses semblables, auquel il avait rendu (donné plutôt) le ressort de vie et de joie. Quelle perspective! combien cela ouvrait à son âme de bénédiction pour les pécheurs, car il ne dédaignait pas de pareilles consolations au milieu d'un monde qui le chassait de son sein. L'amour se console ainsi; le coeur qui aime le pécheur en a besoin dans un tel monde. Et où est-ce que cela se trouve? dans l'obscurité, dans les travaux d'une vie qui avait affaire aux besoins ordinaires des âmes, mais en demeurant dans la vérité, car cette vie ne s'abritait pas de la misère du monde pour se promener au milieu de ce qui n'a que l'apparence, mais elle y introduisait, précieuse grâce, l'amour de Dieu. Il était ce dont les autres pouvaient écrire. Que de besoins cachés dans les âmes même les plus dégradées, qui se confesseraient se feraient jour, si un amour, une bonté qui leur inspirerait la confiance, leur étaient présentés; mais pour cela il faut se contenter de se trouver souvent au milieu de cette dégradation, n'en étant garanti que par ce qui est intérieur, et c'était la vie du Seigneur. Que d'âmes qui s'étourdissent dans les plaisirs, pour faire taire des chagrins moraux qui les rongent. L'amour divin ne répond pas seulement aux besoins, il les fait parler. Il est délicieux de voir une âme s'ouvrir et de voir entrer en même temps l'intelligence spirituelle. On ne recherchera pas précisément la dégradation dont je parle, mais on trouve le monde, sachant que telle est la vérité de ce qui s'y trouve et ses formes extérieures ne rebutent pas l'âme. Mais c'est une vie de peine, de patience et de bonheur dont on ne trouve pas la pareille. Christ pouvait dire à travers tout: «Qu'ils aient ma joie accomplie en eux-mêmes». Sans doute il y a diversité de dons, mais lors même que Dieu nous ouvre dans sa grâce ce chemin, combien nous sommes lents pour marcher sur les traces de Celui qui nous y attire.

Courage, cher frère; la grâce est là sur le chemin qu'il nous a ouvert; on la trouve chaque jour en cheminant; et quelle gloire, lorsque tous les principes qui ont été formés dans le coeur par la foi, viennent à éclore dans le ciel, et se reproduisent dans la plénitude de leur résultat selon le coeur de Dieu. Il faut attendre en marchant par la foi. Mais je m'arrête…

2.    - Montpellier, 29 mai 1849

Cher frère,

J'ai lu en voyage, votre «Vie de Madame de Krudener», et je peux vous dire qu'elle m'a fait du bien. Une occupation sans relâche tend, si l'on n'est pas bien près du Seigneur, à ce que les affections les plus intimes se rouillent, et, lorsque les détails de l'oeuvre constituent la plus grande partie de cette occupation, ils tendent à rétrécir le coeur. Il n'en est pas ainsi dès qu'on est près de Lui; alors, au contraire, ces détails exercent les meilleures affections, et l'on se retrempe d'autant plus en lui. Il en était ainsi de Christ, parce que sa vie de détails découlait du fait qu'il vivait de son Père, et qu'elle n'était que la manifestation parfaite dans l'homme de ce qu'était le Père, le produit d'un coeur rempli d'un amour parfait, l'expression d'un amour infini.

La vie de Mme de Krudener, qui s'est passée en dehors de l'étroitesse des questions secondaires, m'a rappelé cet amour, car elle avait certainement un coeur qui aimait spirituellement le Seigneur, et, pour ma part, je juge sans difficulté les choses qui doivent être condamnées dans sa marche, en sorte que je n'ai pas besoin de m'y arrêter. Celui qui est constamment abeille ouvrière dans la ruche est libre de ne recueillir que du miel, lorsqu'il aborde les fleurs en plein air, quelles qu'elles soient. Mais je vous dirai aussi un mot de ce qui me frappe, quand je pense au mysticisme, tel qu'on le trouve sous ses plus belles formes chez Mme de Krudener et d'autres.

Le désir et l'amour se distinguent très nettement. Le désir suppose la capacité de goûter la chose qu'on désire, c'est-à-dire les affections spirituelles qui, quant au fond de la nature, ont Dieu pour objet; il suppose qu'on est né de Lui, quoique Satan imite souvent, d'une manière étonnante, ce genre de sentiments; mais cet état suppose aussi qu'on ne possède pas ce qu'on désire.

L'amour suppose qu'on possède pleinement l'objet de nos désirs. Ce n'est plus un besoin pour soi, mais c'est la jouissance, l'appréciation, en en faisant ses délices, de l'objet même.

Or le mysticisme, en se vantant beaucoup de ses sentiments, ne dépasse jamais le désir, tandis que le simple christianisme, en donnant la connaissance du salut, nous met en pleine possession de l'amour de Dieu. Je sais qu'il m'aime comme il aime Christ; cet amour m'a sauvé; c'est Lui qui m'a désiré. En amour, il avait besoin de moi, et cet amour est sa perfection en Christ. En paix je contemple cet amour et je l'adore en Christ; je demeure en lui et lui en moi.

Je n'ai jamais vu un mystique, dont l'idée de l'amour ne fût pas entièrement fautive dans sa nature même. C'était quelque chose dans l'homme qui avait besoin d'être satisfait, au lieu d'être quelque chose en Dieu, qui satisfaisait profondément, infiniment, parfaitement le coeur. De là des efforts inouïs pour s'abaisser, se dénigrer et dire du mal de soi, comme si un sauvé pouvait être quelque chose devant un Sauveur, au lieu d'être nul et de s'oublier en la présence et dans la jouissance de tant d'amour. Est-ce, lorsqu'on est vraiment ravi dans la présence de Dieu et qu'on contemple «sa beauté ravissante dans son temple», qu'on est occupé des hideuses figures qui se cachent dans le coeur de l'homme? Je ne le pense pas. On pense à lui; il nous en a donné le droit par une grâce qui a réellement mis de côté tout ce que nous étions comme vivant hors de Christ, comme dans la chair.

Est-ce donc qu'on ne fait pas une expérience humiliante de soi? Je ne le dis pas. Oui, il y a des moments où Dieu nous révèle les secrets épouvantables de ce coeur où il n'existe point de bien; mais on ne se vante pas, on n'en parle pas beaucoup, si l'on a vraiment vu Dieu. Si l'on veut trouver dans l'homme, dans son amour pour Dieu, quelque chose d'aussi bon que l'amour de Dieu pour nous, alors on en parle et on pense s'abaisser. Ce n'est que la vanité du coeur qui ne connaît pas Dieu et ne se connaît pas non plus; c'est le vrai caractère du mysticisme.

Mais cette vue de Dieu ne produit-elle pas une connaissance humiliante de soi? — Oui, — lorsque nous n'avons pas connu ce que nous sommes, ni l'évangile qui nous donne le droit de dire: «Ce n'est plus moi qui vis». C'était le cas de Job et de tant d'autres. Il avait pensé à lui-même, à la grâce en lui: alors il a dû faire connaissance de lui-même en présence de Dieu. Mais l'évangile est la réponse à toutes ces convulsions dans l'âme, par la révélation de ce que Dieu est, et de ce que Dieu a fait pour celui qu'il connaissait à fond, tel qu'il était, et qui a appris dans la croix de Jésus quel est l'amour de Dieu, lorsqu'il n'y avait que du péché, et le péché vu de Dieu comme nous ne saurions le voir, mais vu pour être l'occasion d'une oeuvre parfaite d'amour.

Dieu, sa sainteté, sa majesté, sa justice, son amour a trouvé son repos dans l'oeuvre et la personne de Christ; j'y ai trouvé le mien. Le mystique ne l'a jamais, parce qu'il cherche vainement dans l'homme ce qu'il devait chercher en Dieu, qui avait tout accompli avant qu'il y pensât. C'est pourquoi ils cherchent un amour désintéressé, mais où? Dans l'homme! Pauvres adorateurs de l'homme, déifié dans l'imagination; de l'homme qui ne se trouvera jamais! Ici, le péché est en lui; dans le ciel, il ne pensera qu'à Dieu. C'est pourquoi l'imagination joue un si grand rôle dans le mysticisme; et Satan peut y tromper si souvent, parce que l'imagination et le coeur de l'homme sont en jeu. Je ne dis pas que des affections spirituelles n'y soient jamais: loin de là; — ni que Dieu ne se révèle jamais à ces affections.

Je ne doute pas qu'il le fasse et qu'il rende la personne heureuse ainsi, mais vous la trouverez, après tout, occupée de ces affections et non pas de Lui. C'est là le défaut capital du mysticisme. En un mot, j'y vois un effort du coeur humain, cherchant à produire en soi-même quelque chose d'assez fort en fait d'affection, pour satisfaire un coeur réveillé par l'excellence de l'objet: car je suppose maintenant le vrai réveil du coeur.

Je vois en Christ un coeur divin, qui reflète la parfaite certitude d'un amour dont la perfection n'est nullement en question. C'est la paix. Or il nous dit: «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix». Quelle paix s'exprime dans ces mots: «Je sais que tu m'entends toujours, mais je l'ai dit à cause de la foule qui est autour de moi!» Cette paix est nôtre (1 Jean 5: 14, 15). Quelle paix, même dans ces paroles: «Je sais en qui j'ai cru», ainsi qu'en tant d'autres passages.

N'y a-t-il donc pas ces travaux du désir de l'âme devant Dieu? — Oui; mais ceci fait ressortir encore une différence capitale. Avant d'avoir compris la rédemption par la croix, et notre portion en Christ qui en est la suite, l'âme réveillée est exercée; elle cherche souvent dans un progrès spirituel, dans un amour pour Dieu, jamais trouvé, la paix et le repos: mais l'effet de tout ce travail sous la grâce est de mettre en jeu la conscience, et de produire la conviction que c'est inutile; qu'en nous, c'est-à-dire dans la chair, il n'existe point de bien. La conscience prend pleine connaissance de ce qui se passe dans le coeur et de ce que nous sommes, de manière qu'on est amené à renoncer à chercher la paix dans l'état de son âme. On a besoin d'être pardonné, sauvé; on se place au pied de la croix, mais non pour avoir des affections immuables. On a reconnu qu'on ne les a pas, et ce n'est pas seulement le coeur qui en est peiné, quoique cela ait lieu, mais la conscience sait qu'on est perdu, mort sous la condamnation. On voit les choses telles qu'elles sont en la présence de Dieu; on a besoin d'être sauvé. On ne cherche plus le bien en soi-même, sous la forme des affections divines, mais on le trouve en Dieu, dans sa bonté envers nous par Jésus Christ; on a la paix.

Est-ce que les affections profondes que m'inspirait la croix ont cessé, parce que ce n'est plus un besoin qui m'écrase? Non, la conscience est intervenue et m'a mis à ma place. Ce que Dieu a fait, ce qu'il est, m'a donné la paix; et maintenant j'ai un loisir divin (parce que rien n'est incertain dans mes relations), pour contempler ce qu'il y a de parfait dans l'objet de mes affections, sans m'occuper de moi-même.

Le mystique s'humilie, parce qu'il espère encore trouver du bien en soi, ou qu'il s'en occupe comme s'il pouvait y en avoir et ne trouve que du mal. Le chrétien est humble (et c'est bien autre chose), parce qu'il a renoncé à chercher du bien en soi, pour adorer Celui en qui il n'y a rien d'autre. Or ce n'est pas qu'il se trompe, mais que l'intervention de la conscience par la lumière de l'Esprit et de la vérité, l'a mis à sa place. Je crois, par exemple, que Mme de Krudener n'a trouvé pleinement cette position que dans sa dernière maladie. C'est ce qui arrive souvent. Les moraves, tout en jouissant doucement de Christ, souvent en restent toujours là. Elle était sous l'obligation de l'amour, chose vraie, mais elle ne le connaissait pas. Elle savait que Dieu était amour, mais elle a voulu l'être aussi, et cela tient de près à l'orgueil du coeur, jusqu'à ce que nous ayons pris notre place, comme morts dans nos fautes et dans nos péchés, et que nous ayons compris l'amour envers nous, en ce que Christ est mort, et que nous sommes morts et ressuscités en Lui.

Voici ce qui est vrai: les combats restent parce que la chair est en nous, et le Saint Esprit a besoin de nous occuper quelquefois de nous-mêmes et de nous humilier. Dieu étant infini et son oeuvre parfaite, il y a toujours en lui, lors même que notre paix est parfaite, ce qui réveille toute l'énergie d'une affection qui ne peut pas se contenter, quoique parfaitement assurée de l'amour de Celui qu'elle regarde. Cela convient aux relations d'une créature avec Dieu, et c'est un bonheur pour nous, et cela ne déroge pas à notre paix. C'est tout autre chose que ce besoin mystique d'aimer, qui est vrai, mais qui se rapporte au moi, parce qu'il ne connaît ni Dieu, ni soi-même. Cependant je trouve mon coeur si froid, que cela me fait quelquefois du bien, parce que je connais assez que j'étais perdu et que je suis sauvé, pour que cela ne se mêle pas avec ma connaissance d'un salut gratuit, accompli sans moi, et qui glorifie pleinement Dieu, et Dieu seul. Mais cela fait souvent du mal aux âmes qui n'ont pas été vidées devant Dieu, l'oeuvre ayant été transportée du coeur dans la conscience, en la présence de Dieu.

Il est étonnant de combien d'erreurs cela délivre sans mot dire. Mes affections humaines peuvent s'attacher à la Vierge, mais la conscience…? Y a-t-il du sang répandu là? La Vierge est nulle pour cela, comme le plus misérable pécheur; c'est une créature devant Dieu. Le purgatoire, la prétendue répétition du sacrifice, l'absolution, l'onction et tant d'autres choses, disparaissent sans controverse, comme des ombres, comme des frayeurs des ténèbres en face de la lumière, devant une conscience qui s'est déjà trouvée telle quelle dans la présence de Dieu et y a été parfaitement purifiée par la connaissance de son oeuvre en Christ.

Les besoins de la conscience peuvent jeter une âme sincère dans ces pratiques superstitieuses, mais, pour une conscience purifiée qui connaît Dieu, ce sont des nullités. C'est ce qui me donne tant d'horreur pour ce système, qui trafique avec les frayeurs de la conscience pour cacher l'amour de Dieu; oeuvre manifeste de l'ennemi.

Mais voyez, pour n'en plus rien dire, dans l'épître de Jean qui touche les bords du mysticisme, mais avec le doigt de Dieu, de quelle manière, à côté de l'élévation la plus haute de la communion avec lui, il replace toujours l'âme sur le terrain simple du salut, par la foi objective. Voilà ce qui corrige le coeur de l'homme avec ses ailes d'Icare (1 Jean 4: 7-10, et même tout le chapitre).

 

Maintenant, quelques mots sur votre ouvrage. Vous avec la conscience qu'il est un peu fait pour le monde, de sorte qu'il faut le considérer sous ce rapport. Une vie de Mme de Krudener nous transporte au milieu d'empereurs, de reines et de «de». J'en prends mon parti. On aime à voir la grâce partout, cette grâce qui ne méprise ni les grands, ni les petits. Les voies de Dieu sont autres, cependant, lorsqu'il agit dans la puissance qui lui est propre. Alors le monde est laissé à sa vraie place, et son Fils, et ses apôtres et ses serviteurs, sont traduits devant les grands siégeant en tribunal, et cela tourne en témoignage. C'est ainsi que Dieu fait pénétrer sa voix dans les endroits les plus éloignés de lui, en conservant dans sa perfection le caractère des siens et de ce qui lui appartient. J'admire sa grâce qui daigne agir autrement, mais j'admire sa perfection telle qu'il me l'a présentée lui-même.

J'ai dit que je prends, comme étant donnée, la forme mondaine du livre et qu'ainsi vous avez laissé à chacun le soin de se former un jugement sur la vie mondaine de Mme de Krudener (la grâce qui a tout pardonné étant le vrai contraste avec le mal), en passant légèrement et sans faire une remarque sur ses égarements. Il me semble, cependant, qu'en admettant le principe que c'est une vie et pas un sermon, le fait d'avoir quitté son mari une seconde fois, après sa grande indulgence envers elle, d'avoir eu des liaisons, comme on les appelle à Paris et j'insisterais même encore plus sur le premier pas), était un manque de conscience, de ressort moral, que le monde même aurait pu, aurait dû sentir. Il est vrai que son mari n'était pas un mari, quant aux liens intérieurs de son être moral, mais cette bonté qui la replaçait de nouveau dans une position morale, aurait dû en réveiller le sentiment, si elle en avait eu. Je crois que ceci s'est reproduit et se retrouve dans ses égarements spirituels, car les voies de Dieu sont justes.

J'ai encore une objection à vous faire: il me semble que votre désir de gagner le monde vous a trahi par une faute: l'introduction de la lettre de M. de Frégeville. Je n'admets pas que le monde même appelle ces choses «un hommage pur». Après ces remarques, que je fais en toute liberté, je vais considérer sa vie après sa conversion.

Son dévouement m'a inspiré le plus vif intérêt. Il est rafraîchissant, dans ce monde égoïste et esclave d'une cérémonie qui lui sert à se cacher, parce qu'on est trop laid pour se faire voir, et à conserver son égoïsme aussi intact que possible sans l'avouer, — monde sans indépendance, parce qu'il est sans coeur, — il est rafraîchissant, dis-je, de trouver quelque chose qui en franchit les barrières, et agit par des motifs qui montrent du coeur et de l'amour, — cet amour qui est la seule vraie liberté.

Ainsi le dévouement de Mme de Krudener m'a beaucoup intéressé, et aussi humilié. Le peu que j'en ai eu dans ma vie me fait goûter le sien, et il a été si peu, qu'il me fait admirer ce que je vois en elle. Mais ici aussi, je retrouve les voies de Dieu. Lorsque le dévouement partait directement de Lui, et se manifestait dans ses voies, l'énergie qui s'y trouvait se réalisait dans un résultat qui était tout de Lui et était garanti des égarements de l'ennemi. Or Dieu ne peut jamais abandonner ses voies. Si l'homme les abandonne, même en se dévouant, le complément est de l'ennemi, sous une forme ou sous une autre. On s'étonne quelquefois qu'une bonne partie de la vie d'une personne dévouée et spirituelle se passe en erreurs et en égarements; on se demande comment la présence de l'Esprit de Dieu, nécessaire pour produire cette vie, comporte ces erreurs. Je dis, au contraire, que, pour le gouvernement de Dieu, c'est une conséquence nécessaire. Est-ce que Dieu peut poser son imprimatur sur ce qui est contraire à ses pensées? Est-ce qu'il refusera de la bénédiction, comme réponse au dévouement réel, parce qu'il y a de l'erreur? Il ne peut sanctionner le premier, ni se refuser au dernier. Quelle en est la conséquence? La bénédiction s'y trouve, ainsi que ses tendres soins. Il garde le fond, même à travers les égarements, mais il abandonne à leurs conséquences naturelles le mal et la fausse confiance qui l'accompagnent; sans cela il justifierait le mal.

Si l'oeuvre de Mme de Krudener avait eu le caractère de celle de Paul, le sceau de Dieu aurait été sur ce qui était contraire à sa volonté. La miséricorde de Dieu ne permet pas cela. Une femme ardente, emportée, pleine d'imagination, agissant sous des impressions et des influences, subissant l'excitation des circonstances, voilà Mme de Krudener. Le principe, au fond, étant divin, cela se retrouve dans l'oeuvre. Satan s'en mêle; il se sert toujours de la chair quand on la laisse agir. C'est l'histoire de tous ces cas.

Si le monde se jugeait sainement, s'il était dans le vrai devant Dieu, il n'y aurait pas de difficulté à les démêler. Or Dieu n'explique pas ces choses à ceux qui ne les ont pas; ce serait encore sanctionner le mal, quoiqu'il puisse nous faire sortir de cet état par la grâce, et qu'il soit fidèle, pour ne pas permettre que nous soyons tentés au delà de nos forces. Si l'on s'attend à lui, il n'y a pas de danger. Si l'on se précipite, il faut qu'il en fasse voir les conséquences. Si le fond spirituel existe, il se retrouvera dans l'éternel bonheur; mais, dans le gouvernement de Dieu, chaque chose entraîne ses conséquences. Il peut se servir en grâce et en honorant l'instrument, d'une femme repentante et dévouée; il l'a fait dans sa grâce; mais une femme excitée, et, me semble-t-il, peu sensible à ce qu'elle avait été, n'est pas l'instrument parfait, selon les voies de Dieu, pour une oeuvre. On en voit les conséquences, afin que la perfection des voies de Dieu soit connue. Je crois même qu'un certain état de choses dans le royaume de Dieu, dans les chrétiens, ne comporte pas un instrument et une action parfaits selon les pensées de Dieu. Ce serait hors de place, cela ne ferait même pas son oeuvre. La chose peut paraître extraordinaire, mais je ne sais ce que ferait l'apôtre Paul (ou plutôt, Paul ne saurait que faire), dans l'état actuel des choses. Dieu sait toujours que faire, parce qu'il est au-dessus de tout. Il jugera à la fin; il fera éclater sa grâce en transportant dans la gloire ceux qui sont fidèles dans la confusion, mais les énergies créatrices d'un ordre parfait ne sont pas propres à la confusion et à la culpabilité morale qui résulte d'avoir gâté cet ordre. Ce serait déshonorer cette fraîche lumière d'une affection nouvelle, dont Christ est le centre et l'objet. Christ lui-même commence par: «Bienheureux, bienheureux;» il était naturel que cela sortit du coeur de Celui qui venait du ciel; mais il termine par: «Malheur à vous, malheur à vous». Sa grâce a-t-elle été diminuée? Non, certes, mais elle a été éprouvée, approuvée, plus glorieuse, sa fidélité immanquable plus assurée que jamais pour nos coeurs. Mais il ne pouvait pas être à la fin ce qu'il était au commencement. Il en est de même de l'oeuvre. Mais l'amour et le bonheur de celui qui comprend cette grâce sont plus grands qu'auparavant. Paul, dans l'épître aux Philippiens, est plus mûr, se connaît plus profondément en Christ, que dans toutes les énergies par lesquelles il confondait ses adversaires. Son expérience de Christ est plus complète et son coeur ainsi plus parfait dans ses sentiments. Elie peut se comparer à Moïse, car ils étaient ensemble les compagnons glorieux du Sauveur sur la montagne; mais Elie, en présence des veaux d'or, ne pouvait pas faire un tabernacle comme Moïse. Il était, par là même, un témoin plus frappant encore de la grâce de Dieu.

Encore une remarque sur Mme de Krudener, moins importante, sans doute, mais que je crois vraie. Il y avait chez elle manque d'originalité spirituelle, pas de sincérité; ce grave défaut se trahit aussi dans son oeuvre, et, entre autres choses, lui a donné son caractère. Elle recevait des impressions de Jung Stilling, d'Oberlin, de Tersteegen, de Maria Kummrin. Peut-être était-ce naturel à une femme, mais voilà pourquoi une femme ne peut être un agent principal dans l'oeuvre. C'est hors des voies de Dieu. Beaucoup aider, oui, mais non pas être agent principal; faire des choses que l'homme ne peut faire, mais non pas faire ce qu'il fait. Cela est vrai à un point de vue plus important. Elle ne pouvait pas recevoir directement de Christ des impulsions pour une position qu'il ne lui donnait pas. L'amour de Christ était là, l'impulsion provenait d'ailleurs. Or, lorsque c'est Christ lui-même qui met le coeur en mouvement, il agit sur l'homme nouveau, comme aussi il produit en nous cet homme nouveau que le malin ne touche pas. Sa présence agit sur la conscience, fait taire la chair, anéantit l'homme, sa vanité, son amour propre et sa bonne opinion de lui-même; tout l'homme est jugé dans sa présence, et l'oeuvre produite est de Christ lui-même, quel que soit le vase. S'il y a danger qu'il en soit autrement, une écharde dans la chair est envoyée.

Lorsqu'on reçoit ses impressions, ses impulsions de seconde main, la chair et le coeur ne sont pas jugés du tout, quoique l'amour de Christ soit en nous. La chair et le coeur se produisent de nouveau, et l'agent est exposé, par le fait même de son activité, à toutes sortes de pièges de l'ennemi, qui, de leur côté aussi, se reproduisent dans l'oeuvre. C'était le cas de Mme de Krudener; mais elle ne perdra certainement pas le fruit de son dévouement, dont je ne mets nullement, pour ma part, la sincérité en doute. Mais il y avait trop de l'homme chez elle, et l'homme est toujours faux. La chose est si vraie (il est important de le remarquer), que tout en goûtant l'amour de Christ, elle n'a jamais connu vraiment l'évangile que dans sa dernière maladie, comme étant elle-même en la présence de Dieu. Aussi a-t-elle alors reconnu tout de suite qu'elle avait pris souvent son imagination pour la voix de Dieu; car c'est là seulement que l'homme meurt, et que Dieu se fait voir seul, tel qu'il est. Or, tant que l'homme n'est pas mort, Satan peut toujours se servir de lui et le discernement spirituel manque. Le fait de l'accomplissement des visions ne prouve rien dans ces choses. Tout cela accompagne aussi la puissance de l'ennemi; mais l'homme spirituel étant humble, juge facilement ces choses lorsque Dieu le place devant elles, et qu'il prend la parole de Dieu comme guide absolu de son jugement.

Voilà, me direz-vous, des remarques sur Mme de Krudener et non pas sur mon ouvrage. Sauf quelques mots de blâme, vous n'en avez rien dit; c'est un pauvre compliment. Vous vous trompez. De compliments, il est vrai, je n'en fais point; mais la meilleure, la vraie louange d'un travail, c'est qu'il produit des pensées en celui qui le lit, et tel a été l'effet de votre ouvrage. Je vous ai fait remarquer le défaut qui m'a paru le gâter un peu, puis, au point de vue de l'écrit même, je le crois incorrigible, sauf la lettre de M. de Frégeville, car je ne crois pas que dans ce moment vous pourriez vous placer en présence de Christ pour raconter les choses et les présenter au point de vue ou vous l'avez fait dans cet ouvrage. Chaque position morale a son temps dans notre état d'imperfection, où, au lieu de partir, tout frais, de la perfection et des richesses de Christ, on agit ordinairement en s'épurant, et l'on se reproduit, hélas! dans son oeuvre, tout en croyant juger de tout.

Dans la vie de Mme de Krudener, il serait important de connaître ce qui faisait sa lecture habituelle. Cela se trahit quelquefois. Oberlin est connu. C'était un homme dévoué, mais à imagination effrénée, et un fameux hérétique, dont les écarts portent leurs fruits maintenant, quand ce que l'homme et même l'Eglise admirent est perdu et oublié, car le jugement de Dieu n'est pas celui de l'homme. Tersteegen aussi est connu. Je ne sais si l'on pourrait en retrouver davantage, mais ce serait un élément de ce qui formait le caractère public de Mme de Krudener. Il est bon, pour ne pas alimenter la vaine curiosité du public, que vos volumes contiennent si peu de ces vues qui ont si puissamment agi sur sa vie; mais, pour en juger sainement, il faudrait en savoir un peu plus…

3. - 5 avril 1852

Bien-aimé frère,

… Je ne doute pas que l'argent ne se trouve, non pas pour qu'il n'y ait plus de besoins, mais pour démontrer cette fidélité de Dieu qui pense à ceux qu'il envoie. Il ne veut pas nous sortir d'une position humble, ni détruire l'occasion, la nécessité (et que ce soit une nécessité pour le coeur!) de dépendre de lui. Je ne saurais désirer qu'il en fût autrement, mais il répondra à la foi sans nous sortir d'une position qui exige cette foi.

Je trouve que c'est une bonté de Dieu d'avoir retiré notre chère soeur G… Je tremblais toujours pour elle, et avec Jésus elle sera bien en sûreté et en bonheur aussi. Si nous portons sur nos coeurs bien des âmes, Lui sait les porter non seulement sur son coeur, mais aussi dans ses bras. Qu'on est heureux d'être l'objet de ses soins! Combien ils sont tendres et fidèles, et quelle sagesse! Il nous garde ici pour notre bonheur et notre joie; il nous prend auprès de lui pour une joie plus grande encore, lorsque ce monde ne convient pas pour nous. Puissions-nous seulement savoir vivre pour lui, entièrement pour lui; et de lui, afin que nous sachions vivre pour lui. C'est précisément quand on veut vivre pour lui, que l'on sent qu'on n'en a pas le pouvoir sans lui. Mais alors, comme il entretient la vie! de quelle manière précieuse nous apprenons sa fidélité! et combien même un peu de nourriture nous mène loin, parce que Christ nous y est offert d'une manière si large et si pleine! Oui, notre affaire c'est d'être avec lui et que notre vie soit lui. Les sources de la vie de l'âme sont alors profondes — profondes comme Dieu lui-même. Elle est nourrie de ce qui est pur, de ce qui la lie si directement à lui-même que tout acquiert une force qu'il est impossible d'avoir autrement. Une vie bien nourrie devient ainsi une vie bien remplie.


4. - 16 juin 1852

… Dernièrement J'ai souvent insisté sur le fait que toute sorte de choses sont rapportées dans l'Ecriture: les malices de Satan, les méprises et les mauvaises pensées des hommes, leurs péchés, du mal tout pur, un mélange de bien et de mal, des choses et des paroles où l'influence du Saint Esprit dans le coeur se fait jour à travers les préjugés et les pensées des hommes. Mais toutes ces choses nous sont données dans la Parole par inspiration, afin que nous connaissions l'homme et les voies de Dieu. En même temps nous sont aussi communiquées les propres pensées de Dieu, afin de nous rendre capables de juger de tout cela selon son jugement. Ainsi, nous comprenons d'une manière beaucoup plus vraie l'état de l'homme et tout ce qui tient à ses rapports avec Dieu.

Ce que je cherche dans un livre inspiré, c'est la communication parfaite des pensées de Dieu, telles qu'il daigne me les communiquer, et une histoire parfaite de l'homme, une histoire telle que, possédant les pensées de Dieu, je puisse juger parfaitement de ce qu'est l'homme, comme Dieu, le Dieu de vérité, me le montrerait: or, pour cela, il faut que je connaisse ses fautes, ses pensées, ce qu'il est sans loi, sous la loi, sous l'influence des affections que produit le Saint Esprit, soit que la chair soit entièrement mortifiée, soit qu'elle colore, dans ce qui sort du coeur, les affections produites, eu leur prêtant la forme de l'état d'esprit de l'individu.

Dans ce dernier cas, lorsqu'il s'agit de ce mélange, je ne prends pas le résultat comme l'expression propre des pensées de Dieu, ni comme des affections absolument approuvées de lui, telles au moins qu'elles sont exprimées. Mais j'accepte ce qui est dit, comme une révélation de la part de Dieu, qui me fait connaître l'homme dans cette phase-là. Car l'effet de l'oeuvre de Dieu dans l'homme ne sera parfait que lorsque, dans la gloire, nous refléterons ce qu'Il est, selon le modèle de Jésus, à l'image duquel nous serons conformes. Du moment qu'il s'agit des pensées de Dieu révélées directement, c'est autre chose; mais l'homme dépeint par Dieu, l'oeuvre de Satan, l'effet de l'oeuvre de Dieu dans l'homme, ne sont jamais cela. Il n'y a de difficulté que dans ce dernier cas, à cause du mélange. Pour ma part, je ne doute pas qu'un puissant effet de l'Esprit de Dieu ne soit souvent produit, là où la forme morale dont est revêtu ce qui produit, participe, avec un extrême mélange, à toutes les pensées de la classe d'individus qui en est le vase et le canal. Le Saint Esprit produit des affections, du zèle; la forme est souvent celle de l'éducation religieuse de l'individu ou même du peuple.

5. - Octobre 1852

… Là où est sa volonté, là est le bonheur et je suis entièrement heureux ici. Christ est mon bonheur, bien-aimé frère, mais c'est dans le chemin de sa volonté qu'on trouve la jouissance de son amour. En effet, tout faible que je sois, je trouve en lui une source de joie profonde et ineffable. Cette joie a un caractère de paix qui se lie à la révélation de lui-même à l'âme, et, lorsqu'il s'agit de lui, cela ne laisse pas lieu à l'idée de quelque chose qui change; non pas qu'on raisonne là-dessus, mais on sait en qui l'on a cru, et il gardera ce que nous lui avons confié jusqu'à ce jour-là. Au reste, notre trésor c'est lui-même. Paix vous soit, bien-aimé frère. Que Dieu nous garde près de lui. Ce n'est presque pas une conviction de foi qui me fait savoir que le bonheur, le seul bonheur est là. Quand on a trouvé, à travers tant d'imperfections, son amour toujours fidèle depuis de longues années, et qu'on jouit présentement de son amour, sans doute c'est la foi dans un sens, mais c'est plus que cela: on demeure en lui, quelle que soit notre faiblesse, et il demeure en nous, et on trouve son repos en lui-même. Tout le reste n'est qu'une folie qui passe avec le souffle de la vie qui s'en occupe (et souvent bien avant), et n'est que vanité pendant qu'on le possède. Dieu veut que nous marchions par la foi, mais celle-ci tourne en connaissance par la communion journalière.


6. - 29 mars 1853

… J'ai été frappé, ces temps-ci, en lisant les Actes, comment, quand la puissance de Dieu est là, tous les maux qui surgissent font que cette puissance se déploie, les tournant en bien — en un bien positif de témoignage et de développement. Ainsi en fut-il de l'opposition des sacrificateurs, du péché d'Ananias et de Sapphira, et des murmures des Hellénistes; tout cela donnant lieu à un développement de puissance spirituelle en dehors des apôtres, et frayant le chemin pour transporter le témoignage, selon la puissante liberté de l'Esprit, en dehors des Juifs. Mais il faut la puissance pour cela. Les frères y ont manqué, je n'en doute point mais notre Dieu ne se fatigue pas.


7. [Conducteurs et clergé] - 27 mai 1854

Le principe de Hébreux 12: 17, auquel j'ajouterai 1 Thessaloniciens 5: 12, 13; 1 Corinthiens 16: 15, 16, est plus important de nos jours que jamais, parce qu'une autorité régulière, établie par l'Apôtre et munie de sa sanction, n'existe plus. Il n'y a qu'une chose qui en modifie l'application, c'est que les soins dont il est question dans ces versets sont si étendus en général dans la pratique, qu'ils n'ont pas la même prise sur la conscience; puis, d'un autre côté, Dieu permet la jalousie du clergé, cette peste par excellence de l'Eglise, la grande barrière au progrès des âmes. Il s'oppose à un progrès nécessaire pour qu'elles soient délivrées des influences de ce présent siècle et des principes, qui entraînent l'Eglise extérieure dans la voie de la perdition qui s'accomplira aux derniers jours. En quelque cas que ce soit, examinez l'effet d'une position cléricale, et vous trouverez les âmes rabougries, presque point de développement spirituel, ni d'intelligence des voies de Dieu.

Je crois, quant à l'état moral des individus, qu'il consiste, en bien des cas, dans le mépris de l'influence que Dieu accorde aux services rendus à son Eglise par la puissance de l'Esprit. Mais aussitôt qu'on place cette influence entre l'action de la conscience et Dieu, le principe clérical est établi et la déchéance morale commence.

La relation de la conscience individuelle avec Dieu est le grand principe vrai du protestantisme, sans doute bien enseveli maintenant dans ce qui lui est arrivé. Ce n'est pas le droit de juger pour soi-même, ainsi qu'on le dit, mais la relation directe de la conscience avec Dieu. «Il faut obéir à Dieu plutôt qu'à l'homme».

L'homme n'a pas le droit de juger, mais il n'a pas non plus le droit d'intervenir entre Dieu et l'homme, de manière à intercepter l'action directe de Dieu sur la conscience. L'interprétation ordinaire de ce principe du protestantisme est la racine du rationalisme; la dénégation de ce même principe, en le prenant dans son vrai sens, c'est le papisme. Des rapports réels entre Dieu et l'âme garantissent le chrétien de chacun de ces égarements. Lorsqu'il n'y a que l'homme, il n'y a place que pour l'une ou pour l'autre de ces deux choses, il ne s'agit que de l'homme. Si Dieu entre en scène, il ne peut y avoir ni l'une ni l'autre, parce que Dieu est là. Mais, pour qu'il en soit ainsi en pratique, il faut qu'on se tienne devant lui.

Quand la conscience est devant Dieu, on est individuellement humble et, par là même, l'on reconnaît Dieu dans les autres. Quand la volonté agit, on rejette Dieu, en personne aussi bien que chez les autres, et c'est là ce qui est mauvais; c'est aussi ce que l'Apôtre avait en vue dans les exhortations ci-dessus. Quand l'influence du vrai ministère s'exerce (et elle est d'un grand prix), elle est douce comme la relation d'une nourrice avec son enfant, ainsi que le dit Paul; d'autant plus que la puissance spirituelle, agissant dans le dévouement personnel, n'est guère manifestée maintenant comme dans les cas indiqués par l'Apôtre. Aussi suppose-t-elle un ouvrier «manifesté à Dieu», et, par conséquent, manifesté aux consciences de ceux au milieu desquels il agit. Je n'ai jamais vu que, lorsqu'une telle personne agit et que son action découle de beaucoup de communion avec Dieu, cette influence, cette autorité morale n'aient pas été reconnues. De plus, un tel ouvrier n'est pas poussé dans ce cas-là au delà de ce qu'il a reçu de Dieu, de sorte que son ministère se trouve légitimé dans les coeurs sans aucune pression.

Il y a toutefois des cas où les choses vont mal et où l'ouvrier est mis à l'épreuve. En pareil cas, il doit se tenir devant Dieu et agir uniquement pour Lui: il doit être au service de Christ et lui remettre le résultat à lui seul. Le Seigneur gardera toujours la haute main, et, en définitive, si la patience a son oeuvre parfaite, la sagesse et la justesse du jugement de la personne qui a agi se fera jour. Sans qu'elle l'ait cherché, son autorité en sera même beaucoup augmentée, quoiqu'elle l'ait peut-être perdue tout entière en apparence. Mais pour cela il faut savoir agir avec Dieu. Je parle de ce qui arrive et des principes qui se rattachent à cette question.

Je trouve que, dans ces temps-ci, le principe de nos passages les rend d'un grand prix, parce qu'il s'agit d'un genre d'autorité qu'aucun état de l'Eglise ne peut affaiblir. Toute autre autorité serait perdue, et celle-ci n'en brillera que davantage. Elle s'exerce par l'action directe de l'Esprit de Dieu dans le service. Au reste, celui qui cherche cette autorité ne l'aura pas, tandis que celui qui, de coeur et par l'amour du Christ agissant en lui, se fait le serviteur de tous, comme Christ l'a fait, l'obtiendra. Etre serviteur de tous, c'est ce que Christ est essentiellement en grâce, c'est ce que l'amour est toujours.

Il y a un autre genre d'autorité. Christ élevé en haut peut établir des apôtres, pour le représenter officiellement; ceux-ci peuvent établir d'autres serviteurs pour exercer une autorité déléguée et subordonnée — chacun dans sa sphère. Cela a eu lieu. Dans les passages dont nous nous occupons, l'Apôtre parle d'un autre genre d'autorité. Il ne parle pas de celle qui représente Christ élevé sur le trône, réglant l'ordre officiel de sa maison, mais de celle qui représente Christ, serviteur en amour. Que ce soit ma portion!

Or, dans l'état actuel de ruine et de dispersion de l'Eglise, cette dernière autorité qui s'acquiert par le service dans l'amour, est d'un grand prix; mais il est évident qu'elle s'exerce dans des conditions de service dévoué, d'humilité, et d'une proximité de Christ, telle qu'elle exclut toutes les autres influences et nous fait agir uniquement de sa part. Quant à la mesure de la confiance accordée, il s'agit, comme en tout autre cas, de spiritualité. Par paresse, la chair se confie en la chair. L'âme n'est point alors devant Dieu. Marchant selon l'Esprit, je suis devant Dieu, et j'ai la conscience qu'il y a plus de spiritualité, plus de l'action de Dieu chez un autre, et je reconnais ces choses. Cela n'étouffe jamais la spiritualité en moi et ne peut l'étouffer, car c'est le même Esprit qui produit la spiritualité chez l'ouvrier et chez moi; seulement il augmente ma capacité spirituelle, quant au fait qui se réalise, et l'élève à la hauteur de celui qui en a davantage. Un degré inférieur d'intelligence et d'affection spirituelles chez un chrétien, peut discerner ce qui est plus excellent chez un autre et l'accepter, là ou la volonté n'agit pas, quoiqu'il n'eût pas pu faire lui-même la découverte de telle ou telle marche, proposée par une spiritualité plus grande et un amour plus grand que les siens. Comme je l'ai dit dans le temps à Genève: Les routiers connaissent si une route est bonne et bien tracée, et ils savent s'en servir; mais les ingénieurs seuls ont pu la tracer et l'établir. Or la présence de Dieu, dans l'Eglise, vient en aide et règle tout lorsque la difficulté ne s'aplanit pas sans cela. Dieu y est pour cela et il suffit pour le faire. Si l'assemblée est trop peu spirituelle, si la volonté agit avec une force telle qu'on ne puisse suivre ce que l'on sait, par l'intelligence divine, être la volonté de Dieu, on n'a qu'à remettre la chose à Dieu et à attendre qu'il manifeste sa volonté ou qu'il se manifeste lui-même pour mettre les autres dans la bonne voie.

Je ne parle pas de ce qui exige une séparation absolue. Lorsqu'une assemblée accepte positivement un mal que l'Esprit de Dieu ne saurait souffrir, Dieu fera valoir ses droits en faveur de ce qu'il a donné. Il faut s'en remettre à lui pour cela; je crois que la confiance d'une âme simple et sa soumission par conscience, non pas à l'homme comme homme, mais à la manifestation de Dieu dans l'homme, est une des choses les plus douces et les plus utiles possible.

La différence entre l'influence du vrai ministère et celle du clergé qui en a emprunté le nom, est aussi claire et simple que possible. Le ministère présente Dieu à l'âme et la place dans Sa présence. Il désire le faire, cherche à le faire, en s'effaçant lui-même pour y réussir. Le clergé se place entre Dieu et l'âme et cherche à garder sa position vis-à-vis des âmes. Toute âme spirituelle discernera clairement sa place. Elle trouve Dieu dans l'un des cas. Dans l'autre, elle le voit méprisé et renvoyé à distance pour que l'influence usurpée de l'homme puisse s'exercer.

8. - 10 février 1855

… Le temps à venir est le temps de la gloire et de la perfection de l'Eglise; le temps présent, celui de la fidélité et de la foi, mais d'une foi qui compte sur Dieu, pour que l'Eglise, par Sa puissance, manifeste Sa gloire dans ce monde même, par sa commune supériorité à tout ce qui le gouverne et à tout ce qui exerce une influence sur lui. L'Eglise est le siège de la force de Dieu dans le monde. Qu'en avons-nous fait? (Voyez Ephésiens 3: 20, 21). L'épître aux Ephésiens présente la perfection de la position de l'Eglise devant Dieu, celle aux Thessaloniciens nous donne, de la manière la plus intéressante et qui m'a édifié au plus haut degré, la perfection de la position du chrétien individuellement.


9. - 13 décembre 1855

Bien-aimé frère,

Je vous remercie de vos lettres qui m'intéressent toujours. Dieu est si fidèle envers les siens, que, s'il y a quelque disposition à l'élévation, Dieu les humilie, témoin l'assemblée de X. Il ne veut pas que nous soyons hors de la place de sûreté et de bénédiction. La discipline est plus difficile qu'on ne le pense, parce qu'on n'est pas assez humilié à la pensée du péché dans un frère. On ne sent pas assez ce qu'on est soi-même, ni l'amour, par conséquent, pour les autres.

J'ai été profondément intéressé et touché par la réciprocité d'intérêt entre le Père et le Fils dans leur amour pour nous (Jean 17). Ils communiquent entre eux, ou, au moins, par la bouche du Fils qui s'adresse au Père, et j'apprends de quelle manière ils partagent cet amour. Le Père nous a donnés au Fils; le Fils nous a manifesté le nom du Père. Il a gardé les disciples au nom du Père; maintenant le Père doit les garder. Le Père doit les bénir parce qu'ils sont siens, mais aussi parce que le Fils est glorifié en eux. Le Fils nous a aussi donné toutes les paroles que le Père lui a données pour sa propre joie. Quelle pensée, que le Père et le Fils pensent à nous ainsi!

En général, en Jean, c'est l'amour du Père et du Fils qui caractérise la grâce. Dieu est lumière, mais la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne la comprennent pas; mais, si personne n'a jamais vu Dieu, le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l'a révélé. Ainsi au chapitre 8, c'est sa parole; c'est: «Je suis». Aux chapitres 9 et 10, c'est la grâce, et: «Moi et le Père nous sommes un». Ils croiront rendre service à Dieu; c'est parce qu'ils n'ont connu ni le Père, ni moi.


10. - Elberfeld

… Il est bon, cher frère, que nous soyons amenés a penser à la mort. La venue du Seigneur est notre espérance; nous désirons que ce qui est mortel soit absorbé par la vie; mais il nous est bon de sentir que la mort est entrée dans cette scène-ci, que tout est passager, qu'avec notre dernier soupir tout est loin, sauf la responsabilité qui nous a accompagnés tout du long. Grâces à Dieu, quant à l'imputation du péché, la croix est la parfaite réponse à cette responsabilité, mais, à l'égard de cette dernière, il est bon que le coeur soit exercé, que tout soit en règle dans la présence de Dieu. C'est ainsi que l'Apôtre se servait du jugement même, non pour avoir peur en pensant à la responsabilité — il était poussé à persuader les autres — mais pour sa marche. Je suis, dit-il, manifesté à Dieu. Il s'appliquait par la foi, ce qui arrivera quand le jour sera là.


11. - 12 février 1857

… J'ai extrêmement joui, ces temps-ci, du commencement de la Genèse. Rien de plus beau que les communications de Dieu avec Abraham. Celui-ci connaît le Seigneur quand il le visite à Mamré, mais, en présence de tout le monde, tout en lui témoignant un respect particulier, il le laisse dans son incognito. Une fois les deux anges partis, et Abraham seul avec le Seigneur, il s'ouvre avec une parfaite intimité et avec une entière confiance. Tout ce chapitre est d'une beauté parfaite. L'homme spirituel doit garder les convenances. Il s'épanche, dans une confiance bénie, lorsqu'il est seul avec Dieu.

Je me suis occupé, dans les quelques moments que j'ai eus, de l'ordre selon lequel les événements se trouvent racontés dans les trois premiers évangiles et de la raison pour laquelle ils sont transposés. J'ai fait le tableau des trois et je me suis occupé de ce qu'il y a de particulier dans l'ordre de Matthieu. Cela jette aussi du jour sur le but de l'évangile et sur la manière dont il poursuit ce but.

12. - Rotterdam, 7 septembre 1857

… La chose importante et qui manque souvent, c'est que Christ soit tout; c'est de savoir que nous sommes de la nouvelle création qui est en lui, et même, que nous sommes les prémices de ses créatures; que nous avons à vivre, comme étant de la nouvelle dans ce monde qui n'est pas la nouvelle, mais la vieille création, longtemps mise à l'épreuve et jugée. Et quel bonheur, que d'être de la nouvelle, ou tout est de Dieu, où tout est parfait, et dans l'inaltérable fraîcheur de la pureté de sa source. C'est un infini bonheur, et le nôtre selon notre nature même; seulement il nous faut des objets. Plus je vais en avant, plus la délivrance des âmes de cette vieille création, de ce monde qui passe, est le désir de mon coeur — et que le dévouement de l'amour de Christ gouverne le coeur des frères.

… Quelques-uns n'ont pas craint de dire: «Nous sommes l'Eglise», et vraiment, on se donne de tels airs, et les faits y répondent si pitoyablement, qu'il n'y a rien de plus nuisible. On prétend recommencer l'Eglise ab ovo; on ne le fait pas. On sort d'un immense système de chute et de corruption pour retrouver ce qu'on peut, et, quand on prétend tout avoir, c'est que la conscience méconnaît notre véritable état. Dès lors il ne peut y avoir bénédiction solide et durable. Les fausses prétentions ne sont pas le chemin de la bénédiction.


13. - 15 mars 1858

… Personnellement, je suis heureux de savoir que ce cher ami D. a trouvé, je l'espère, un port. J'espère que notre bon Dieu et Père lui donnera de la tranquillité d'esprit. Il a de très belles qualités, s'il savait s'en servir dans cet esprit-là. Mais combien, chez nous tous, le «moi-même» du fond, se fait jour à travers certains côtés de notre caractère. Si c'est d'un côté désagréable ou ennuyeux, nous sommes tels pour les autres; si c'est d'un côté aimable, nous sommes aimables pour les autres; mais il n'y a pas de différence réellement; et l'on a de la peine à juger ce «moi» quand il se présente avec de certains caractères, sous de certains traits. En regardant à Christ, tout est en ordre, parce que le fond est atteint.

Que le christianisme est beau, beau en soi, beau dans sa parfaite adaptation à tout ce que nous sommes et dans un Christ qui a participé à tout, sauf le péché qui aurait tout gâté. Quel spectacle pour les anges, que de voir Dieu, un enfant dans une crèche, et pas de place pour lui dans l'auberge!

J'admire cet embrouillement inextricable, ces exercices du coeur de l'homme au milieu du bien et du mal, ne sachant ce qui est bon et ce qui est mauvais; le bien corrompu ou corrompant; le mal, le moyen du bien; le monde dans le coeur, pour savoir ce qu'il y a de bon sous le soleil! Qu'est-ce que la vérité, la fin de ces recherches? Une ardeur qui sonderait tout, lâchée dans l'infini sans pouvoir le comprendre; un être d'autant plus misérable, qu'il connaît le bien davantage; ses meilleures affections, la source de ses peines; le coeur gonflé contre Dieu et contre l'homme, égoïste, se jugeant et toutefois se haïssant; ni moyen d'en sortir, ni moyen d'y rester; une volonté qui monterait jusqu'à Dieu et qui est l'esclave du diable et du péché!

Le bien parfait paraît: il paraît sur la scène, dans les circonstances, dans la nature (mais sans péché) où cette lutte s'engage — où tous les éléments moraux d'une créature qui connaît le bien et le mal, sans être Dieu et loin de Dieu, se livrent le combat sans chef et sans centre! Aussitôt tout est lumière. Le mal se manifeste comme mal, parce que le bien est là. La volonté? Elle est mise à découvert, à nu; c'est le mal volontaire. S'agit-il de misère, de lutte? Réponse parfaite à tout: le bien dans cette misère, et d'autant plus le bien, qu'il est là; le bien en soi, mais la réponse parfaite à tout besoin, à toute misère, ce qui nous en fait sortir en nous donnant un bien parfait et en nous liant de coeur à Dieu.

Oui, plus la confusion est absolue et infinie, plus le Christ est Christ. Quelle puissance infinie, que celle qui, à l'instant, met tout à sa place, parce qu'il est le bien en soi et parfait. Il est la vérité; il dit tout de tout. Tout est connu, trouve sa place selon la vérité de ce qu'il est. Dieu soit béni, c'est la grâce — sans cela, même Dieu étant amour, ce ne pourrait être la vérité. Mais je me laisse entraîner.

Ce pauvre N…! Il est des moments où il faut que tout trouve son niveau. Ce sont des moments, à mon avis, pénibles, nécessaires, mais pas des moments de puissance. La puissance, l'énergie de l'Esprit, élève à un point où l'on ne se trouve pas réellement par la foi personnelle. Un moment arrive où chacun marche par la foi qui lui est propre, où les Lot (je ne veux pas dire que ce cher frère soit tel) s'en iront dans la plaine bien arrosée, dans ces scènes où l'apparence extérieure de la bénédiction, autant que la chair en peut juger, cache les éléments qui se préparent pour le jugement. La puissance de la grâce avait amené Lot avec Abraham. La plaine du Jourdain reçoit celui qui n'a pas, pour lui-même, saisi l'appel d'Abraham. C'était une âme juste. Je doute que notre cher frère N… puisse maintenant être heureux où il est allé. Il affligera son âme. Que Dieu lui donne de revenir par sa propre foi.

Regardez les chefs dissidents tout autour de vous. Où en reste-t-il un seul? Mais ce n'est pas une preuve de puissance, d'une puissance qui rassemble, et qui, dans une abondance d'eau, cache les bas fonds où le courant de la rivière de Dieu n'a pas sa course propre. Mais Dieu est plein de grâce. Sont-ce de nouvelles lumières qui les ont détachés des frères? Y a-t-il plus d'énergie, plus de grâce personnelle? Qu'est-ce qui a fait cela?…

14. - 18..

… Le prix de la révélation — de la Parole, augmente pour moi journellement d'une manière que je ne saurais exprimer. Quelle chose précieuse, que d'avoir Dieu révélé en Christ! Comme la personne de Christ ressort sur le fond du tableau de ce monde, seule, pour attirer nos regards et nous associer de coeur avec Dieu! Sous ce rapport, le commencement de l'évangile de Jean m'a fait un grand bien ces temps-ci. Christ y est dévoilé d'une manière si complète! Il rassemble autour de lui; il doit être Dieu — sinon il nous détournerait de Lui. Il dit: «Suis-moi;» il est l'homme qui fait le chemin, le seul chemin à travers le désert; car, pour l'homme, il n'y en a pas, puisqu'il est séparé de Dieu. Sur Christ homme le ciel est ouvert: il est, en tant qu'homme, l'objet du ciel et du service des anges de Dieu.

Jean (un bel exemple de l'absence de tout égoïsme et de tout amour-propre) reçoit un témoignage d'en haut, mais il parle de ce qui est terrestre. Or ce n'est qu'un témoignage; mais Celui qui est venu d'en haut rend témoignage de ce qu'il a vu, et en lui-même il révèle le ciel. Il donne — il est — la vie éternelle, afin que nous en jouissions. Quelle chose à dire, que le ciel, sa nature, ses joies, ce qu'il est, nous soit révélé par la parole et par la présence de Celui qui l'habite, qui en est le centre et la gloire! Maintenant, sans doute, l'homme est entré dans le ciel, mais il n'en est pas moins précieux que Dieu soit venu sur la terre. L'homme admis dans le ciel, c'est le sujet de Paul; Dieu et la vie manifestée sur la terre, celui de Jean. L'un est céleste quant à l'homme, l'autre divin, C'est pourquoi Jean a un tel attrait pour le coeur. Il n'y a rien comme Lui.

… Il y a deux classes de mouvements religieux dans ce moment. La première prend la Parole, voit l'homme, enfant d'Adam, mort par le péché, et ne veut que Christ, sa mort, sa résurrection, un état céleste. La seconde classe tient au monde, garde les relations mondaines comme système accepté, et ne considère pas le monde comme un système à traverser par des motifs qui sont en dehors du système. On veut avoir part au mouvement; il y a du zèle, mais on veut rester soi, non pas devenir Christ.


15. - 10 février 1860

Bien-aimé frère,

Je crois que la demande du Saint Esprit est une preuve que l'église professante se renie, et, plus que jamais maintenant, que Dieu a manifesté d'une manière remarquable la présence du Saint Esprit sur la terre. Il a agi d'une manière extraordinaire, s'est montré presque à l'oeil, pour ainsi dire. Je comprends parfaitement que nous sommes appelés à supporter des expressions qui trahissent l'ignorance, quand le désir du coeur est bon et selon Dieu, et que Dieu peut exaucer ces prières ignorantes selon sa propre sagesse. Je ne me formalise pas individuellement lorsqu'un chrétien demande que Dieu répande son Esprit sur l'Eglise, mais si l'église professante présente cette requête, c'est dire: Nous sommes incrédules à l'égard de la présence du Saint Esprit, de ce qui a fait de nous l'Eglise. Or maintenant que Dieu a manifesté sa présence par une action de son Esprit telle qu'on n'en a pas vu la pareille depuis le jour de Pentecôte, on ne reconnaît pas plus qu'auparavant, qu'il est présent par son Esprit. On demande qu'il l'envoie, qu'il le répande, mais on ne croit pas à sa présence dans l'Eglise. Déjà en Irlande le clergé presbytérien cherche à mettre fin aux prédications laïques, c'est-à-dire à cette liberté qui fut l'effet de la puissante action de l'Esprit de Dieu. On voit ces jeunes âmes placées sous la direction de soi-disant ministres non convertis, et sinon, sous la direction de ceux qui résistent à l'assurance du salut.

Je crois que l'on peut très bien demander que l'Esprit agisse plus puissamment en nous et dans l'Eglise. C'est une chose qui est bien à désirer.

On peut demander pour soi-même d'être rempli du Saint Esprit, et il convient toujours de chercher à prendre autant que possible du bon côté ce que le coeur d'un chrétien dit. Mais il n'en est pas moins vrai que la demande d'une plus grande mesure du Saint Esprit découle de ce qu'on ne croit pas à sa présence personnelle dans l'Eglise; et les fruits de cette incrédulité se retrouveront.

… Je crois qu'il faut prendre le passage que vous citez, avec son contexte: «Celui que Dieu envoie, parle les paroles de Dieu» (mauvais français, mais exact) «car Dieu ne donne pas son Esprit par mesure». L'application directe en est à Christ. Je crois le principe absolu. Quand il donne son Esprit, il ne le donne pas par mesure. Il l'a donné maintenant en vertu de l'ascension du Christ, et, l'ayant donné, son Esprit est ici. Il ne s'agit pas de mesure, mais de la présence d'une personne qui distribue, qui unit, qui conduit, qui rend témoignage, etc., et celui qui dit: «une mesure de l'Esprit» nie sa présence et son action personnelle; et c'est une très grave et sérieuse forme d'incrédulité pratique dans l'Eglise. Je supporterais l'ignorance, mais, si l'on repoussait formellement la vérité de la présence de l'Esprit envoyé sur la terre, j'aurais de la peine à m'associer avec cela.

… Il est clair pour moi, qu'un chrétien, libre de faire ce qu'il veut, ne pourrait jamais être soldat, à moins qu'il ne soit au plus bas de l'échelle et ignorant de la position chrétienne. C'est autre chose quand on est forcé. Ici, la question est celle-ci: La conscience est-elle si fortement engagée dans le côté négatif de la question, qu'on ne pourrait être soldat sans violer ce qui est pour la conscience la règle — la parole de Dieu? Dans ce cas, on subit les conséquences; il faut être fidèle.

Ce qui me fait de la peine, c'est la manière dont l'idée de la «patrie» s'est emparée du coeur de quelques frères. Je comprends très bien que le sentiment de la patrie soit fort dans le coeur d'un homme. Je ne crois pas que le coeur soit capable d'une affection à l'égard du monde tout entier. Au fond les affections humaines doivent avoir un centre qui est moi. Je peux dire: «ma patrie» et elle n'est pas celle d'un étranger. Je dis: «mes enfants, mon ami;» ce n'est pas un moi purement égoïste. On ferait le sacrifice de sa vie, de tout (pas de soi, de son honneur), pour sa patrie, pour son ami. Je ne peux dire: «mon monde». Il n'y a pas d'appropriation. On approprie quelque chose à soi pour que ce ne soit pas soi-même.

Mais Dieu nous délivre du moi: il fait de Dieu et de Dieu en Christ le centre de tout, et le chrétien, s'il est conséquent, déclare hautement qu'il cherche une patrie, une meilleure, c'est-à-dire une patrie céleste. Ses affections, ses liens, son droit de bourgeoisie, sont en haut. Il se retire dans l'ombre, dans ce monde, comme en dehors du tourbillon qui y tournoie pour tout envahir, tout emporter. Le Seigneur est un sanctuaire.

Qu'un chrétien hésite s'il doit obéir ou non, je le comprends; je respecte sa conscience; mais qu'il se laisse emporter par ce qu'on appelle le patriotisme, voilà ce qui n'est pas du ciel. Mon royaume, dit Jésus, n'est pas de ce monde; autrement mes serviteurs se battraient.

C'est l'esprit du monde, sous une forme honorable et attrayante, mais les guerres viennent des convoitises qui combattent dans nos membres.

Comme homme, je me serais battu obstinément pour la patrie et ne me serais jamais soumis, — Dieu le sait — mais, comme chrétien, je me crois et je me sens en dehors de tout. Ces choses ne me remuent plus. La main de Dieu y est; je la reconnais; il a tout ordonné d'avance. Je courbe la tête devant cette volonté. Si l'Angleterre était envahie demain, je me confierais en Lui. Ce serait un châtiment sur ce peuple qui n'a jamais vu la guerre, mais je me plierais devant Sa volonté.

Beaucoup de chrétiens travaillent sur le théâtre de la guerre. On leur a envoyé de grandes sommes d'argent. Tout cela ne m'attire pas. Dieu soit béni de ce que ces pauvres amis sont soulagés; mais j'aimerais mieux voir des frères pénétrer dans les ruelles de la Cité et chercher les pauvres, où ils se trouvent tous les jours. Il y a beaucoup plus d'abnégation de soi-même, plus de service caché, dans un pareil travail. Nous ne sommes pas de ce monde, mais les représentants de Christ au milieu du monde. Que Dieu daigne garder les siens.

16. [Sur le libre arbitre] - Elberfeld, 23 octobre 1861

Bien cher frère,

J'avais un peu perdu de vue, par la multitude de mes occupations, un sujet important de votre avant dernière lettre. Cette recrudescence de la doctrine du libre arbitre sert la doctrine de la prétention de l'homme naturel à ne pas être entièrement déchu, car c'est là ce qu'est cette doctrine. Tous les hommes qui n'ont jamais été profondément convaincus de péché, toutes les personnes chez lesquelles cette conviction se base sur des péchés grossiers et extérieurs, croient plus ou moins au libre arbitre. Vous savez que c'est le dogme des Wesleyens, de tous les raisonneurs, de tous les philosophes. Mais cette doctrine change complètement toute l'idée du christianisme, et le dénature entièrement.

Si Christ est venu sauver ce qui est perdu, le libre arbitre n'a plus de place. Non pas que Dieu empêche l'homme de recevoir le Christ; loin de là. Mais lors même que Dieu emploie tous les motifs possibles, tout ce qui est capable d'influer sur le coeur de l'homme, cela ne sert qu'à démontrer que l'homme n'en veut rien, que son coeur est tellement corrompu et sa volonté si décidée à ne pas se soumettre à Dieu (quoi qu'il en soit du diable qui l'encourage dans le péché), que rien ne peut l'engager à recevoir le Seigneur et à abandonner le péché. Si, par ces mots: liberté de l'homme, on veut dire que personne ne le force à rejeter le Seigneur, cette liberté existe en plein. Mais si l'on veut dire que — à cause de la domination du péché dont il est l'esclave, et volontairement l'esclave, il ne peut échapper à son état et choisir le bien — tout en reconnaissant que c'est le bien, et en l'approuvant — alors il n'a aucune liberté quelconque. Il n'est pas assujetti à la loi et même il ne peut pas l'être; de sorte que ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu.

Et voici où nous touchons de plus près au fond de la question. Est-ce le vieil homme qui est changé, enseigné et sanctifié, ou recevons-nous pour être sauvés une nouvelle nature? Le caractère universel de l'incrédulité de ces temps-ci est celui-ci — non pas de nier le christianisme formellement, comme autrefois, ou de rejeter le Christ ouvertement, mais de le recevoir comme une personne, on dira même divine, inspirée (mais comme une affaire de degré), qui rétablit l'homme dans sa position d'enfant de Dieu. Les Wesleyens, en tant qu'enseignés de Dieu, ne disent pas cela; la foi leur fait sentir que sans Christ ils sont perdus, et qu'il s'agit du salut. Seulement, leur frayeur à l'égard de la pure grâce, leur désir de gagner les hommes, mélange de charité et de l'esprit de l'homme; en un mot, leur confiance dans leurs propres forces, fait qu'ils ont un enseignement embrouillé et ne reconnaissent pas la chute totale de l'homme.

Pour moi, je vois dans la Parole et je reconnais en moi-même la ruine totale de l'homme. Je vois que la croix est la fin de tous les moyens que Dieu avait employés pour gagner le coeur de l'homme, et partant, démontre que la chose était impossible. Dieu a épuisé toutes ses ressources; l'homme a montré qu'il était méchant, sans remède; la croix de Christ condamne l'homme — le péché dans la chair. Mais cette condamnation ayant été manifestée en ce qu'un autre l'a subie, elle est le salut absolu de ceux qui croient, car la condamnation, le jugement du péché est derrière nous; la vie en est sortie dans la résurrection. Nous sommes morts au péché et vivants à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur. La rédemption, le mot lui-même, perd sa force quand on entretient ces idées du vieil homme. Elle devient une amélioration, une délivrance pratique d'un état moral, non un rachat par l'oeuvre accomplie d'une autre personne. Le christianisme enseigne la mort du vieil homme et sa juste condamnation, puis la rédemption accomplie par Christ, et une nouvelle vie, la vie éternelle, descendue du ciel dans sa personne, et qui nous est communiquée lorsque Christ entre en nous par la Parole. L'arminianisme, ou plutôt le pélagianisme, prétend que l'homme peut choisir, et qu'ainsi le vieil homme s'améliore par la chose qu'il a acceptée. — Le premier pas est fait sans la grâce, et c'est le premier pas qui coûte vraiment dans ce cas.

Je crois que nous devons nous tenir à la Parole; mais, philosophiquement et moralement parlant, le libre arbitre est une théorie fausse et absurde. Le libre arbitre est un état de péché. L'homme ne devrait pas avoir à choisir, comme étant en dehors du bien. Pourquoi est-il dans cet état? Il devait ne pas avoir une volonté, un choix quelconque à faire. Il devait obéir et jouir en paix. S'il doit choisir le bien, il ne l'a donc pas encore. Il est sans ce qui est bon en soi, de toute manière, puisqu'il ne s'est pas décidé. Mais de fait, l'homme est disposé à suivre ce qui est mauvais. Quelle cruauté de proposer un devoir à l'homme qui est déjà tourné vers le mal! De plus, philosophiquement parlant, pour choisir, il doit être indifférent, autrement il a déjà choisi quant à sa volonté — il doit être donc absolument indifférent. Or, s'il est absolument indifférent, qu'est-ce qui décidera son choix? Une créature doit avoir un motif, mais il n'en a point, puisqu'il est indifférent; s'il ne l'est pas, il a choisi. Au reste, il n'en est point ainsi: l'homme a une conscience; mais il a une volonté et des convoitises, et elles le mènent. L'homme était libre dans le paradis, mais alors il jouissait de ce qui est bon. Il s'est servi de son libre arbitre, et partant, il est pécheur. Le laisser à son libre arbitre, maintenant qu'il est disposé à faire le mal, serait une cruauté.

Dieu lui a présenté le choix; mais c'était pour convaincre la conscience du fait qu'en aucun cas l'homme ne voulait ni le bien ni Dieu. J'ai été un peu appesanti de sommeil en vous écrivant, mais je pense que vous me comprendrez. Qu'on croie que Dieu aime le monde, c'est très bien; mais qu'on ne croie pas que l'homme soit en lui-même méchant, sans remède (et nonobstant le remède), c'est très mauvais. On ne se connaît pas et on ne connaît pas Dieu.

… Le Seigneur vient, cher frère; le temps pour le monde s'en va. Quel bonheur! Que Dieu nous trouve veillant et ne pensant qu'à une chose — à Celui auquel Dieu pense, à Jésus notre précieux Sauveur.