ME 1878 page 451
Il y a une personne qui occupe une place remarquable dans l'évangile, en rapport avec la vie et plus particulièrement avec la mort et le tombeau et la résurrection du Seigneur. Tous les quatre évangélistes font mention d'elle. Elle n'a accompli aucune délivrance pour Israël, comme fit Jaël; elle n'encouragea aucune armée par sa présence, au jour de la bataille, comme Débora; elle ne donna le jour à aucun fils comme Sara et Bath-Sébah; elle ne fonda aucun empire et ne régna sur aucun trône; elle ne bâtit aucune ville; elle ne fut la patronne d'aucune classe de gens, d'aucune étendue de pays. Et cependant elle a immortalisé la ville dont elle est sortie, car, quelque petite qu'elle fût, sa mémoire n'est jamais tombée dans l'oubli. Marie de Magdala, communément appelée «la Madeleine», est connue dans le monde entier; et à tort ou à raison, son souvenir y est souvent rappelé. Qu'est-ce donc qui a rendu son nom si célèbre? Qu'est-ce qui la distingue parmi les femmes de son temps?
Ce qui distingue Marie de Magdala, c'est simplement son vrai et vivant attachement au Seigneur Jésus. Elle suivit le Sauveur pendant sa vie, et nous apparaît comme étant d'une manière particulière en rapport avec Lui, lors de sa mort, de son ensevelissement, et de sa résurrection; et du moment que, le jour de celle-ci, elle a rapporté aux disciples le message que le Seigneur, dans sa grâce, lui a confié, elle disparaît pour nous de la scène. L'Ecriture dès lors ne fait plus mention d'elle. D'autres femmes, d'autres Marie, sont mentionnées (voyez Actes 12, Romains 16: 6); mais elle disparaît. Son attachement au Seigneur ne devait jamais être oublié; et bien des années après le jour où il sortit du tombeau, les différents évangélistes le rappellent et nous racontent les faits qui en témoignent. Servir le Seigneur, et le servir comme elle le fit, est une chose qui a du prix devant Dieu et que Lui n'oublie jamais.
De la naissance et de la famille de Marie de Magdala, nous ne savons rien. Marie était de Magdala, une ville située à l'extrémité sud-est de la plaine de Génézareth. Tous les évangélistes nous la présentent comme «Marie de Magdala», ou «la Madeleine»; mais la Parole à soin de laisser dans l'ombre qui elle était, et cela nous importe peu, car, qu'elle ait été de noble naissance ou d'origine plébéïenne, (quelle importance cela aurait-il maintenant pour elle?) elle était née d'eau et de l'Esprit, elle était une enfant de Dieu. Une haute naissance peut procurer sur la terre, au milieu des hommes, certains avantages à celui qui la possède; mais, outre qu'elle est une difficulté pour entrer dans le royaume de Dieu, et qu'elle impose une responsabilité de plus, elle s'évanouit avec cette vie. Qu'importe, quand nous avons quitté ce monde, le rang et le cercle de relations dans lequel nous pouvons être nés et avoir une fois vécu? La naissance qui, alors, a de la valeur, c'est la nouvelle naissance, la naissance d'eau et de l'Esprit. La relation de parenté dont le ciel s'enquiert, est la relation avec Dieu; à cette famille de Dieu, Marie de Magdala appartenait très certainement, et ainsi, très certainement, elle a sa place dans la maison du Père.
Quant à sa position, il semble qu'elle ait été une femme qui avait quelque bien; car nous lisons en Luc 8: 1-3, qu'elle suivait le Seigneur avec d'autres femmes qui l'assistaient de leurs biens, Lui et ses disciples. C'est bien à tort que quelques-uns l'ont confondue avec la pécheresse, dont Luc nous parle au chapitre 7 de son évangile. Tout ce que nous savons d'elle, de ses antécédents, avant qu'elle suivit le Seigneur et l'assistât, est renfermé dans les quelques mots qui l'introduisent sur la scène: «Marie, qu'on appelait Madeleine, de laquelle étaient sortis sept démons».
Nous apprenons ainsi dans quelle affreuse condition le Seigneur a dû trouver cette femme, condition qui n'est égalée, dans l'intensité de sa possession démoniaque, que par le «Gadarénien Légion». Cette condition a dû être bien connue; Marc aussi en parle au chapitre 16: 9. Dieu a soigneusement caché à la curiosité de l'homme comment Marie de Magdala était tombée dans cet état, ou combien de temps elle y avait vécu, mais l'évangéliste nous dit ce qu'il nous importe de savoir. La puissance divine a pu chasser, a chassé les démons dont elle était possédée; les compassions de Dieu se sont étendues sur elle. Elle a été un témoin vivant de la vérité, que Dieu est plus puissant que les démons, et que le Fils de Dieu avait été manifesté pour détruire les oeuvres du diable (1 Jean 3: 8). Mais qui aurait pensé à choisir cette femme pour porter aux disciples, lors du glorieux matin du premier jour de la semaine, le bienheureux message de Christ ressuscité, en leur annonçant qu'elle avait vu le Seigneur? (Jean 20: 17, 18).
Il fallait la grâce de Dieu pour choisir une personne comme Marie, et en faire une servante; car, délivrée de la présence intérieure et du pouvoir des démons qui la possédaient, Marie s'attacha ardemment à Celui qui l'avait délivrée, et elle le suivit et le confessa ouvertement dans un temps où tant d'autres étaient effrayés d'être associés à Lui.
Nous avons déjà vu que la première fois qu'il est fait mention de Marie de Magdala, nous la trouvons en Galilée (Luc 8), suivant le Seigneur avec plusieurs autres femmes qui l'assistaient de leurs biens, Lui et ses disciples. Nous la retrouvons plus tard dans le même chemin, à Jérusalem, à la dernière Pâque; elle avait servi Jésus en Galilée, elle le sert à Jérusalem. Luc nous parle du premier de ces services, Matthieu des derniers (Matthieu 27: 55). Avec quelle fidélité, quelle persévérance, quel entier dévouement, elle est occupée du Seigneur! Elle n'avait pas besoin qu'on la pressât quand elle devait agir; il n'était pas besoin qu'on lui suggérât ce qu'elle devait faire. Comme le Seigneur avait été assisté par elle pendant sa vie, il est encore l'objet de son service dans sa mort.
En effet, quand l'heure de la crucifixion est arrivée, Marie est à son poste. Après avoir suivi et assisté le Seigneur auparavant, sa place est maintenant au pied de la croix: nous la trouvons là, s'identifiant avec Celui qui y était cloué: «Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la soeur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala» (Jean 19: 25). Quelles pensées durent traverser l'âme de Marie, quand elle entendit et vit ce qui se passait! Elle fut témoin de la prière du Seigneur à son Père, de sa conversation avec le brigand repentant, de ses paroles à sa mère et à Jean. Cependant, quoique Marie se tint près de la croix, il ne nous est pas rapporté que le Seigneur lui ait rien dit. Cependant elle demeure près de Lui; elle est là pendant les heures de ténèbres, veillant, bien que, d'après le témoignage des trois évangélistes Matthieu, Marc et Luc, la petite troupe qui s'était rassemblée autour de la croix avant la fin de ces heures mystérieuses, se fût retirée à quelque distance, car, les ténèbres une fois passées, nous les trouvons «se tenant loin et regardant» (Matthieu 27: 55; Marc 15: 40; Luc 23: 49). Jean, semble-t-il décrit la position des femmes avant les ténèbres miraculeuses, les autres évangélistes après. Ni l'obscurité qui couvrait le pays, ni le tremblement de terre qui suivit, ne détacha Marie de ce voisinage. Elle se tint près du Seigneur quand il était sur la croix; elle le vit quand on l'en descendit, car, lorsque Joseph d'Arimathée et Nicodème l'eurent transporté dans le jardin et placé dans le sépulcre, elle était là assise vis-à-vis du sépulcre, regardant où on le mettait et comment son corps y avait été déposé. (Matthieu 27: 61; Marc 15: 47; Luc 23: 54, 55).
La pierre roulée devant le sépulcre cachait à ses yeux celui qui avait tant de prix pour elle. Elle ne pouvait plus le voir. Mais le Seigneur occupait profondément ses pensées. Elle quitte alors le jardin, car elle ne pouvait plus rien y faire, et s'en va pour servir encore son Seigneur en préparant les aromates et les parfums nécessaires pour son embaumement (Marc 16: 1; Luc 23: 56).
Mais ce n'est pas tout. Elle avait quitté le sépulcre la veille au soir, après qu'on y eut placé le Seigneur; maintenant elle y retourne pour la première fois avant de se reposer, car, nous lisons dans Matthieu: «Sur le tard, le jour du sabbat, au crépuscule du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent voir le sépulcre». Tout était tranquille, la pierre était à sa place, les soldats aussi, sans doute, étaient là, et aucun signe avant-coureur de ce qui allait arriver n'apparaissait.
Marie de Magdala et sa compagne rentrent chez elles pour attendre le lever du premier jour de la semaine, alors que, le repos du sabbat étant fini, elles pouvaient accomplir leur tâche et vaquer à l'embaumement du corps. Marie n'avait pas de repos, et avant que le lever du jour eût doré les sommets des collines à l'entour de Jérusalem, «elle vint au sépulcre comme il faisait encore nuit» (Jean 20: 1). Un grand changement s'était opéré depuis la veille au soir. Alors, tout était en sûreté, la pierre était scellée, la garde veillait: mais il s'était fait un grand tremblement de terre et un ange du Seigneur, descendant du ciel, avait roulé la pierre, et s'était assis dessus (Matthieu 28: 2-4). Ce que Marie cherchait, le corps de son Seigneur, n'était plus là.
Elle court chez Pierre et Jean (Jean 20: 2), et leur communique ce qui était arrivé: «On a enlevé du sépulcre le Seigneur, et nous ne savons où on l'a mis». Les deux disciples se lèvent ensemble et courent au sépulcre; pour la quatrième fois, nous retrouvons Marie dans le jardin, près du sépulcre jadis occupé, maintenant vide. Les disciples y entrent, ils voient et ils croient; mais Marie se tenait dehors, et pleurait. Elle cherchait ce que personne ne pouvait lui donner, — le corps de son Seigneur, et des anges attentifs sont témoins de sa tristesse. Marie pleure et le Seigneur la voit. Elle fait part aux anges de sa détresse, tandis que son Seigneur qui se tenait à côté d'elle l'entendait. Elle pleurait. Combien ces larmes durent être précieuses devant Dieu, car elles témoignaient d'une manière qui défiait l'imitation, de l'affection du coeur de Marie pour Celui qu'elle cherchait. Elle avait fait ce qu'elle avait pu; elle l'avait suivi et assisté de ses biens pendant qu'Il était vivant; elle s'était tenue près de sa croix, où Il avait été pendu; elle s'était assise vis-à-vis du sépulcre, quand on l'y avait placé; elle était venue au sépulcre la veille au soir; elle s'en était retournée pour acheter des aromates et tout ce qui était nécessaire pour l'embaumement; et, maintenant qu'elle ne pouvait le trouver, ses pleurs coulaient.
Le service de Marie paraissait terminé. Que pouvait-elle faire davantage? Mais voici, Jésus se montre à elle! La servante dévouée entend sa voix. Un seul mot le fait reconnaître: «Marie», dit-il. Elle répond: «Seigneur». La reconnaissance est complète, le deuil de Marie se change en joie. Instinctivement, elle eut voulu se jeter à ses pieds et s'attacher à Lui, mais le Seigneur le lui défend. Il était ressuscité, et elle l'avait retrouvé; mais Lui allait monter au ciel, là où elle ne pouvait pas le suivre maintenant. «Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père; mais va vers mes frères et dis-leur: Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu» (Jean 20: 11-17).
L'ascension du Seigneur est le sujet du message que Marie est chargée par Lui de porter à ses «frères». Jésus ne parlait pas de se présenter lui-même à Dieu, et de revenir ensuite pour être avec les siens. Il ne s'agit ici que de son ascension, sans aucune allusion à son retour. C'est de la position céleste qu'il allait prendre, que Marie devait porter le message au résidu.
Marie fut donc richement récompensée de tout son service et de toutes ses peines. La femme qui avait été la demeure de sept démons, est la messagère choisie du Seigneur pour porter ces bonnes nouvelles à ses frères. Le Psaume 22, verset 22 avait bien annoncé le message à l'avance; mais aurait-on pu imaginer à qui il serait confié par le Seigneur? La grâce avait délivré Marie de Magdala et se servait d'elle. La grâce l'avait délivrée et l'avait attachée à Jésus. D'autres avaient entendu les paroles du Seigneur et vu ses oeuvres; elle avait été délivrée par Lui, et sa grâce et sa puissance s'étaient magnifiées en elle, et l'avaient ainsi attachée à Christ.