L'affranchissement

Notes prises aux conférences de Lausanne – Juin 1878

ME 1879 page 10

 

L'affranchissement 1

1. 1

2.  La liberté et sa réalisation. 9

3.  Le désert 16

 

1.

On a souvent, mais à tort, confondu l'affranchissement avec le pardon des péchés.

Pour bien saisir ce qu'est l'affranchissement, remarquons qu'il y a deux positions de Christ qui se lient l'une à l'autre, bien qu'elles soient distinctes, et qu'elles doivent être considérées ainsi. L'une est la résurrection, et l'autre, la position actuelle de gloire du Seigneur Jésus.

Voici en quoi consiste la différence.

Dans la résurrection, nous voyons l'homme dans une toute nouvelle position où Adam innocent n'était pas, et qui comprend deux choses: premièrement, l'acceptation manifeste de Celui qui, pour nos péchés, est descendu dans la mort; en second lieu, la vie selon la puissance de la résurrection, au delà de la mort, du jugement, du péché, et de la puissance de Satan. L'homme (le Christ) est ainsi dans une position toute nouvelle, agréé de Dieu, ressuscité et entré, quant à l'humanité, dans une position nouvelle de cette vie divine, et nous avons part à cela en Lui.

La seconde position est celle-ci: L'homme agréé de Dieu, qui a glorifié Dieu dans sa mort, a été glorifié Lui-même (Jean 13), et a acquis pour l'homme la gloire de Dieu, autant du moins que cela est possible. «Nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire de Dieu» (Romains 5: 2).

C'est là que le christianisme commence, après la croix, au delà de la mort, à Christ glorifié en haut. Etre avec lui et tel que lui dans la gloire, voilà ce que nous espérons; quant à la vie, nous l'avons déjà. Aussitôt que Christ homme a été glorifié, l'Esprit Saint descend; c'est la position chrétienne. Ainsi ce qui répond en nous au fait qu'il est glorifié, c'est la présence du Saint Esprit en nous ici-bas, et nous attendons le retour de Christ pour nous introduire dans la même gloire que Lui.

Ce que nous venons de dire est important, car on prétend, de nos jours, que Christ s'est uni à nous dans l'incarnation, idée totalement erronée et qui fausse entièrement le christianisme et se lie à une foule d'erreurs. «A moins que le grain de blé, tombant en terre, ne meure», dit Jésus, «il demeure seul, mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit» (Jean 12: 24). Christ était oint, il était scellé du Saint Esprit; mais jusque-là il était seul, non uni à l'humanité déchue. Dans l'opinion erronée que je signale, on veut qu'il y ait dans l'homme une certaine vie divine qui a été en progressant, vie manifestée plus pleinement dans les prophètes et dans sa perfection en Christ. Cela ne va à rien moins qu'à annuler la rédemption.

Mais non; l'homme dans son état naturel est condamné; — un autre homme, Christ, a glorifié Dieu, dans la mort même, et la mort de la croix. Son oeuvre accomplie a été agréée de Dieu; lui-même a été glorifié; il nous a acquis la gloire, et le christianisme commence avec Christ glorifié. Le Saint Esprit vient en nous quand l'oeuvre de la rédemption est accomplie; c'est alors seulement que l'évangile (tel que nous l'avons) commence.

L'évangile, en effet, n'est pas une promesse, mais c'est un témoignage rendu à un fait accompli. Le Saint Esprit rend témoignage à l'oeuvre que Christ a faite, il met l'âme au clair quant au salut, et il est les arrhes de la gloire que nous allons posséder. Il y a, sans doute, une oeuvre qui se fait en nous, mais je parle de la chose objectivement.

Ainsi nos relations avec Christ et avec Dieu viennent après la glorification de Christ, et c'est là un principe fondamental.

Subjectivement, quant à nous, le Saint Esprit agit en nous pour nous convaincre de péché. En premier lieu, il nous montre nos péchés, et nous trouvons le pardon dans le sang précieux du Sauveur. C'est la propitiation. Dans le fait que Christ lui-même a porté nos péchés en son corps sur le bois (1 Pierre 2), nous avons le pardon, la justification.

Mais alors se présente une autre chose. La joie du pardon n'est pas l'affranchissement. Il y a une découverte à faire: c'est que non seulement les fruits sont mauvais, mais que l'arbre lui-même ne vaut rien; il faut apprendre ce que nous sommes en tant que dans la chair. Il y a alors un exercice qui nous fait sentir, non la culpabilité, mais notre incapacité pour plaire à Dieu, notre faiblesse, notre impuissance quant au bien. Quand, par une expérience réelle, nous avons reconnu que la chair est mauvaise irrémédiablement, et que nous apprenons, non que Christ est mort pour nos péchés, mais que nous sommes morts avec Christ, alors nous sommes délivrés, et c'est l'affranchissement. Christ est notre vie; nous appartenons à la nouvelle création, nous tenons la chair pour morte, nous sommes morts au péché. Alors aussi on a la conscience d'être fils, — on crie Abba, Père, par l'Esprit d'adoption (Romains 8, Galates 4); on sait que l'on est héritier de Dieu, cohéritier de Christ dans la gloire où Il est. Le Saint Esprit nous fait sentir en même temps ce qu'est le monde où nous sommes.

Toute cette dernière partie, quand le pardon est connu, est affaire d'expérience. Il n'y a point d'expériences dans la première partie de l'épître aux Romains; au contraire, tout est expérience dans la seconde. Aussi nous y trouvons le Saint Esprit, par lequel nous avons conscience de la faveur de Dieu, et qui est les arrhes de la gloire.

Cette expérience qui se lie à la résurrection est triple quant au degré.

  1.  Nous sommes morts au péché, à cette mauvaise nature, la chair, qui est en nous, et nous avons la vie en Christ. Nous sommes crucifiés avec Christ, et Christ vit en nous (Galates 2). Le vieil homme a été crucifié avec Christ.
  2.  Nous avons la conscience d'être ressuscités avec Christ. C'est un effet de la puissance du Saint Esprit. Ces deux choses, celle-ci et ce qui précède, vont ensemble. Mais ici il y a un pas en avant; comme ressuscité, j'en ai fini avec le monde, bien que j'y sois encore. Je suis donc mort et ressuscité comme Christ, qui bien qu'étant, après sa résurrection, dans ce monde, n'appartenait cependant plus à ce monde.
  3.  La troisième chose, réalisée par la présence du Saint Esprit en moi, c'est que je suis assis dans les lieux célestes en Jésus Christ. Cette dernière expérience est basée sur une intelligence plus réelle et plus profonde de ce qu'est l'homme naturel.

J'ai vu et saisi que j'étais mort dans mes fautes et dans mes péchés, et non pas vivant dans mes péchés, ce qui est autre chose. Maintenant j'appartiens à une nouvelle création où Christ se trouve. Non seulement Christ vit en moi, mais je suis dans une position toute nouvelle, où Adam innocent n'était pas.

Après le pardon des péchés, tout cela est une expérience, fondée, il est vrai, sur ce qui est accompli pour le pardon, mais c'est une expérience: il faut y entrer. Ces trois pas après le pardon, se trouvent du reste dans les trois épîtres aux Romains, aux Colossiens et aux Ephésiens. On ne trouve cela nulle part en Pierre, ni en Jean.

Dans les Romains, c'est la délivrance; nous sommes morts au péché, Christ étant notre vie.

Dans les Colossiens, nous sommes ressuscités avec Lui, ce qui ne se trouve pas dans les Romains. Dans l'épître aux Colossiens, Paul dit aussi que nous étions morts dans nos péchés et que nous avons été vivifiés. La doctrine ne va pas plus loin que notre résurrection.

Dans l'épître aux Ephésiens, où nous avons les conseils de Dieu, l'homme est envisagé comme mort dans ses péchés. Alors est introduite une nouvelle création; nous sommes créés dans le Christ Jésus et la chose est poursuivie jusqu'à ce que nous soyons vus assis dans les lieux célestes en Christ, et non pas encore avec Lui.

La position céleste ne se trouve pas dans les Colossiens; l'homme y est vu ressuscité, mais sur la terre, et il s'affectionne aux choses qui sont en haut. Nous n'y trouvons pas le Saint Esprit qui nous unit avec Christ glorifié, mais la vie cachée avec Christ en Dieu.

Quant au troisième degré, on n'en connaît rien non plus jusqu'à ce que l'on en ait fait l'expérience. Enfin, nous pouvons remarquer que, dans les trois épîtres, les exhortations répondent à la position dans laquelle le chrétien y est envisagé.

Ainsi, dans l'épître aux Romains, nous sommes regardés comme vivants dans ce monde: l'apôtre nous exhorte à offrir nos corps en sacrifice vivant; à nous donner à Dieu comme hommes vivants ici-bas.

Dans les Colossiens, où nous sommes ressuscités avec Christ, il faut chercher les choses qui sont en haut. L'espérance est dans les cieux (1: 5). Nous n'y sommes pas encore, mais nous devons y avoir nos affections, parce que nous y appartenons.

En Ephésiens, le chrétien est assis en esprit dans les lieux célestes. Il sort donc de la présence de Dieu pour manifester ce caractère céleste dans ce monde. Les exhortations ont un tout autre caractère.

L'épître aux Romains se divise, quant à la doctrine, en deux parties, dont la première va jusqu'au verset 11 du chapitre 5. Les chapitres qui suivent traitent de la seconde partie du salut; en d'autres termes, de l'affranchissement, et c'est ici que nous trouvons l'expérience.

En effet, dans le pardon, je trouve que toutes mes dettes sont payées; c'est un fait, et l'on en est heureux. Ce n'est pas une expérience. Mais si quelqu'un vient dire à celui qui est ainsi pardonné: «Tu es mort au péché»; «non, dira-t-il, car l'impatience, la colère, etc., s'est montrée chez moi aujourd'hui». Ainsi être mort au péché, c'est affaire d'expérience.

Cette seconde partie du salut n'est donc pas seulement que Christ a été crucifié pour mes péchés, — là se trouve le pardon, — mais que nous sommes crucifiés avec Lui et voilà l'affranchissement. On a confondu les deux choses, le pardon et l'affranchissement de la puissance du péché; or c'est ce qui constitue la différence entre les deux parties de l'épître aux Romains.

Or ce qui est affaire d'expérience, se fait par expérience. Et on fait l'expérience de deux et même de trois choses. En premier lieu, je vois qu'en moi, en ma chair, il n'y a pas de bien; ce n'est pas la conscience, mais l'intelligence qui me le fait connaître. Il ne s'agit pas ici des choses mauvaises que j'ai faites; car, dans ce cas, c'est la conscience qui agit pour me le montrer. La chair ne se soumet pas à la loi de Dieu; je vois, j'éprouve, je sens cela.

Secondement, je n'ai pas de force en moi pour faire mieux. Alors se pose la question d'affranchissement. Je voudrais rompre les liens sous lesquels je suis captif, mais je ne puis pas. «Le vouloir est avec moi, mais accomplir le bien, je ne le trouve pas. Car le bien que je veux, je ne le pratique pas, mais le mal que je ne veux pas, je le fais». C'est encore expérience.

Alors vient cette troisième chose, comme une lumière jetée par l'Esprit de Dieu; c'est que ce n'est pas moi qui accomplis ce que je ne veux pas, mais c'est «le péché qui habite en moi». Cela ne rompt pas les liens, ce n'est pas l'affranchissement, mais c'est un soulagement.

Ayant découvert cela, que le péché, ces liens qui me tiennent, ce n'est pas moi, j'acquiers la connaissance d'une autre chose, c'est que je suis mort au péché, et je rends grâces à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur.

Alors vient l'expérience de Romains 8: 1: «Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus», ce qui n'est nullement le pardon, mais la position nouvelle dans laquelle je me trouve «dans le Christ Jésus». «Car la loi de l'Esprit de vie dans le Christ Jésus, m'a affranchi de la loi du péché et de la mort»; voilà l'affranchissement. La loi ne pouvait atteindre le but, elle ne pouvait produire la justice à cause de la faiblesse provenant de la chair; mais Dieu a envoyé son Fils en forme de chair de péché, et il a condamné le péché dans la chair. Ce péché, que je trouve en moi, a été condamné à la croix. La mort est venue, mais ce n'est pas moi qui l'ai subie; c'est Christ fait péché pour moi, et étant en Lui, me voilà mort au péché dont maintenant je suis quitte tout autant que Christ.

Ainsi la base est autre. S'il s'agit du pardon, nous sommes pardonnés quant à ce que nous avons fait; mais on est délivré de ce que l'on est. Et quand je dis que c'est affaire d'expérience, c'est en ce sens que cela provient d'expériences et produit des expériences.

Remarquons encore que quand Paul parle des pêchés, il s'agit de ceux que chacun a commis, Juifs ou gentils. Quand il parle du péché en nous, il dit: «Par la désobéissance d'un seul, plusieurs ont été constitués pécheurs». Il s'agit de la condition, de la nature de l'homme, et la délivrance se trouve dans le second Adam. On a voulu sauter cette expérience pratique, mais c'était par ignorance de ce que l'on est. Quand on a vu réellement que l'on était mort dans ses fautes et dans ses péchés, on voit aussi qu'on appartient à la position de gloire où Christ se trouve. Morts et ressuscités avec Lui, c'est une nouvelle création à laquelle nous appartenons.

Nous trouvons, dans les trois grandes fêtes juives mentionnées au chapitre 16 du Deutéronome, des types ou figures remarquables de ce dont nous venons de parler.

Dans la PAQUE, qui rappelait la délivrance de l'esclavage d'Egypte, et le fait aussi que, par le sang, on avait échappé au jugement, il n'y avait pas de joie, pas de communion. Ainsi, après le pardon, on n'a pas de doute que Christ ne soit mort et que l'on ait été pardonné; mais on fait l'expérience amère du péché: c'est de la conscience qu'il s'agit.

La PENTECOTE, nous le savons, a son antitype dans la descente du Saint Esprit. Là nous trouvons l'offrande volontaire d'un coeur heureux et affranchi. «En présentant l'offrande volontaire de ta main… et tu te réjouiras en la présence de l'Eternel». Il y a de la joie et la grâce répandue dans le coeur veut faire jouir aussi les autres; en même temps, il y a la vigilance et l'obéissance, fruits de la présence du Saint Esprit, et le souvenir de ce que l'on a éprouvé quand on était esclave, agit sur la vie.

La fête des TABERNACLES n'a pas encore eu son antitype. Il ne sera que quand Israël jouira pleinement de l'effet de la promesse de Dieu, après que la moisson et la vendange seront terminées. Mais nous en jouissons maintenant par anticipation comme étant dans le ciel. Il y a une joie continuelle et complète: «Et tu seras dans la joie». La bénédiction est entière, parfaite; on est dans le repos.

Ainsi dans la Pâque, on était délivré; à Pentecôte, on se réjouissait selon que l'Eternel avait béni; aux Tabernacles, on se réjouissait parce que l'Eternel avait béni.

Je reviens maintenant à l'affranchissement et je répète: L'affranchissement est, non pas quand on a saisi le pardon, quelque précieux et béni que ce soit, mais quand, par le Saint Esprit qui est donné à la suite, on a compris et fait l'expérience que la chair est tenue pour morte et que Christ est notre vie. Il s'agit non de ce que nous avons fait, mais de ce que nous sommes. «Vous n'êtes pas dans la chair, mais dans l'Esprit, si du moins l'Esprit de Dieu habite en vous». L'homme converti, l'homme pardonné, ne sont pas par là affranchis; mais quand je suis entré dans cette expérience que Christ est mort et moi aussi; ayant lutté, mais découvert que je suis captif, alors je suis affranchi. Je ne crois pas que l'on soit affranchi, jusqu'à ce que l'on ait fait connaissance avec soi-même.

Ainsi, quand par l'Esprit on a vu que l'on ne peut sortir de son état (Romains 7: 19-21), mais que, par Christ, on est mort, alors on n'est plus captif. La chair est encore là qui convoite contre l'Esprit (Galates 5), mais ce n'est pas l'expérience de Romains 7, où il n'y a pas l'Esprit. Mais tout cela doit être connu dans le for intérieur, et ne pas être affaire d'intelligence. Un Moïse, fidèle cependant, a la chair en lui: il va, quoique fidèle et loué de Dieu, mais il va dans sa force naturelle et tue l'Egyptien. Qu'en résulte-t-il? Il doit s'enfuir. Après quarante ans, la chair se montre autrement, par un semblant d'humilité, mais qui ne se soumet pas à Dieu. Il semble qu'il ignore encore la puissance de Dieu: «Qui a fait la bouche de l'homme?… N'est-ce pas moi, l'Eternel?»

Le point de départ, c'est donc maintenant Christ glorifié. Pour la justification, nous avons Christ ressuscité; mais le plein évangile, l'évangile complet, c'est Christ dans la gloire. On n'est pas seulement pardonné; l'homme nouveau glorifié est substitué à l'homme méchant dans la chair.

Il y a deux caractères dans l'affranchissement, et la différence pratique est très importante: Premièrement, on est dans une parfaite liberté devant Dieu (Romains 5: 1-3). Je suis justifié, j'ai la paix avec Dieu. Quand on a le pardon, on a la paix; on est introduit dans ce sentiment de la faveur de Dieu. Mais dans la justification, on voit Dieu comme Juge, et l'on apprend que, devant ce Juge, on est justifié à cause de l'oeuvre que Christ a accomplie. Mais, il y a une seconde chose, c'est le sentiment de l'amour de Dieu. «L'amour de Dieu est versé dans nos coeurs par le Saint Esprit qui nous a été donné». On a accès auprès de Dieu dans cet amour; on va à Lui avec confiance.

C'est cette dernière chose qui manquait à la Réformation. On regardait l'oeuvre de Christ comme réconciliant Dieu avec nous, ce qui n'est pas scripturaire (voir 2 Corinthiens 5: 18, 19), et l'on n'avait pas saisi ce grand fait de l'amour de Dieu qui a donné son Fils. Les Israélites qui savaient que le sang était sur leurs portes, savaient que le Juge était là dehors, mais qu'il n'entrerait pas. Sous ce rapport, il y avait sécurité. Il en est ainsi de celui qui croit à la rémission des péchés par le sang de Jésus, mais qui ne voit en Dieu qu'un Juge qui, à cause de ce sang, l'épargne. En Egypte, en effet, pour le peuple d'Israël, le Juge était là, mais à cause du sang, il passait. — A la mer Rouge, la parole est: «Tenez-vous tranquilles, et vous verrez la délivrance de l'Eternel». Ici l'Eternel est un libérateur pour son peuple; il n'est un juge que pour les Egyptiens.

Il y a entre ces deux choses une immense différence. Nombre d'âmes de nos jours croient que Dieu est amour. Où trouve-t-on cet amour? On dit: «Dieu a tant aimé le monde qu'il adonné son Fils unique». On parle beaucoup de l'amour de Dieu et on lâche la propitiation. On oublie cette autre parole: «Il faut que le Fils de l'homme soit élevé». C'est un danger, et c'est le caractère de l'oeuvre de Moody. On a peu le sentiment de ce qu'est Dieu, tout en croyant à son amour.

On voit aussi des âmes qui passent alternativement d'un état à un autre; il est nécessaire pour elles de bien saisir cette double face, ou plutôt ce complet aspect du salut que nous trouvons en Jean 3: 14-16, comme nous venons de le toucher. «Il faut que le Fils de l'homme soit élevé» c'est une nécessité absolue, parce que l'homme a péché. Mais d'où vient l'accomplissement de cette oeuvre, quelle en est la source? C'est l'amour de Dieu qui a opéré l'oeuvre par laquelle sa justice est satisfaite. Et par cette oeuvre aussi, je suis affranchi de la puissance du péché et mis en liberté. On connaît donc l'amour et la délivrance.

Revenons encore un moment à l'épître aux Romains. J'y trouve que je suis affranchi, de sorte que le péché n'a plus de domination sur moi. On s'est écrié: «Qui me délivrera?» et l'on a trouvé qu'en Christ, on est affranchi, libre devant Dieu. On n'est plus sous la loi du péché. Il est dit: «Le péché ne dominera plus sur vous, parce que vous n'êtes pas sous la loi, mais sous la grâce». Le péché ne règne pas, et si je commets un acte de péché, c'est qu'on a laissé dominer le péché. Si l'on était avec Dieu, l'on ne pécherait pas. Je n'admets pas le moins du monde la perfection comme plusieurs l'entendent, mais il n'y a jamais nécessité de pécher. Quant au 7e aux Romains, les uns ont voulu sauter par-dessus l'expérience qu'elle présente; mais, si pénible qu'elle soit, pour être affranchi, il faut y passer. D'autres ont dit qu'il faut rester toujours dans cette expérience. C'est aussi inexact. On passe par là pour être chrétien, mais ce n'est pas l'état chrétien. Les méthodistes et d'autres disent que ce chapitre 7 représente l'état naturel de l'homme; c'est encore une erreur. Ce chapitre présente l'état d'une âme convertie, mais sous le premier mari. C'est où en sont quantité de personnes converties.

Nous avons dans l'histoire de l'enfant prodigue une image frappante de ce qui se passe et doit se passer en réalité. Quand il a vu qu'il périssait, il est converti; il se met en route, mais ses pensées sont toutes tournées vers lui-même: «Je m'en irai, je dirai» etc. Peut-il entrer dans la maison? Non; il est là dans l'expérience de Romains 7. Mais une fois le père là, il n'est plus question des sentiments et des résolutions du fils; il n'est parlé que du père et des sentiments du père, et tel est l'état où l'on devrait être. Le fils ne dit rien; on ne dit pas s'il était heureux, mais le père l'était. L'amour du père se montrait, quand il était sur le cou de son fils et qu'il le baisait avant même que celui-ci eût des vêtements propres, quoiqu'il fût vrai qu'il ne pouvait pas l'introduire dans la maison avant qu'il fût revêtu de la plus belle robe, digne de son père. Ainsi, quand l'on est arrivé à la pleine confiance, dans la jouissance de l'amour parfait qui chasse toute crainte, on a l'assurance que «comme il est, lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde» (1 Jean 4: 17, 18), dans la position du second homme. Nous expérimentons ce qu'est la chair, mais je ne suis plus là du tout: je suis en Christ.

Comme pierre de touche, que l'on pose cette question: Devant le tribunal de Christ, êtes-vous à votre aise? Si l'on hésite, si l'on ne peut pas dire: Oui, car ce n'est pas moi, c'est Christ; alors c'est qu'on n'est pas au clair quant au fait d'avoir revêtu la plus belle robe, d'être la justice de Dieu en Christ, car dans ce cas le jugement ne fait pas trembler. Bien des âmes sont très joyeuses à cause du pardon, mais ne sont pas entrées dans la joie de la fête des Tabernacles. La joie est très vraie, mais il manque la conscience de la vie dans la nouvelle position où l'on est, et ce n'est pas seulement la position, mais la relation avec Dieu dans cette position.

Le côté très important est l'état pratique de l'âme dans cette position. Trois passages sont la base de cet état pratique.

En Colossiens 2 on est mort avec Christ, crucifié avec Lui; c'est le premier principe de tout, et la foi prend cela pour point de départ. — Ensuite, je me tiens pour mort au péché (Romains 6), et enfin, comme Paul, au chapitre 4 de la seconde épître aux Corinthiens, je le réalise. «Portant toujours, partout, dans le corps la mort de Jésus», voilà la réalisation. Si cela n'a pas lieu, les choses extérieures neutralisent l'action de cette vérité; on parle de la pluie, du beau temps, de politique, etc., on ne porte pas la mort, et la vie de Jésus ne se manifeste pas. Il faut être caché en Dieu, sans cela tout tend à nous distraire, même l'amabilité de l'homme, ce qui peut sembler bon aux hommes.

Il faut se connaître, sans doute; la grande affaire pour marcher chrétiennement est de connaître sa faiblesse; mais il faut reconnaître aussi que maintenant la seule chose que Dieu accepte, c'est Christ glorifié. Le but à atteindre, c'est de lui être parfaitement semblable. La position dans laquelle nous sommes placés en lui, Homme glorifié, nous a délivrés de la chair, du monde, de tout, pour être dans le ciel; et, par la puissance du Saint Esprit, on poursuit la course, cherchant à Lui être semblables le plus possible, mais on n'atteint le but que dans le ciel.

Quant au fait actuel, Christ glorifié montre l'accomplissement de l'oeuvre qui a glorifié Dieu, et nous savons que quand il sera manifesté, nous lui serons semblables. Et quiconque a cette espérance en lui, se purifie, comme lui est pur (1 Jean 3).

La gloire où est Christ est donc la base de la position et en même temps le but que nous avons à atteindre. C'est toujours Christ; s'il est mort, je me tiens pour mort; s'il est ressuscité, je le suis avec Lui; s'il est assis dans le ciel, moi, assis en Lui, mais non avec Lui. Mort avec Christ, je me tiens pour mort quand la chair veut agir; ressuscité avec Christ, je m'affectionne aux choses du ciel où il est et je les cherche; Christ est glorifié, en Lui je suis assis dans les lieux célestes, et la gloire où est Christ, est le but que je poursuis.

Remarquez encore avec cela que Christ glorifié a reçu le Saint Esprit de nouveau, non pour lui, mais pour le répandre (Actes des Apôtres 2: 33). Cela montre comment le Saint Esprit nous lie avec Lui dans cette nouvelle position: lui a été scellé ici-bas quand le Saint Esprit vint sur lui; nous le sommes quand il a pris sa place en haut.

Dieu n'a pas rétabli le premier homme, il l'a mis de côté et a établi le second homme (Hébreux 9: 26). On commence par le péché de la position où nous nous trouvons comme enfants d'Adam. La culpabilité vient à la suite de ce que j'ai fait dans cette position, et dans cet état je suis perdu. Il n'y a pas lieu de réparer, ni de rétablir, mais il faut être placé dans le second homme, en Christ. Voilà la nouvelle position.

Ainsi, en résumé, coupables quant à ce que l'on a fait; perdus quant à ce que l'on est; mais il y a le pardon pour la première chose, et la délivrance pour la seconde, par la position où l'on est placé en Christ.

2.  La liberté et sa réalisation

Il y a une importante différence entre la liberté dans laquelle nous sommes placés, — notre affranchissement en Christ, et sa réalisation. Il y a sans doute quelque chose d'initial, — l'intelligence qu'on peut en avoir au début, mais il faut qu'ensuite la pratique le réalise tout le long de la course. Et alors ce n'est pas une affaire d'intelligence, mais de réalisation et d'expérience.

On ne peut être affranchi avant d'avoir senti le joug du péché; le 7e aux Romains, où il s'agit de loi toute pure, l'expérience qu'il renferme, doit précéder l'état que nous présente le 8e.

On prêche maintenant très positivement le pardon; mais on peut avoir saisi d'un côté seulement le pardon, comme résultat de l'amour, sans que la conscience ait été réellement ou plutôt suffisamment exercée, car il faut pourtant, pour être sauvé, qu'elle l'ait été en quelque mesure. Souvent cela s'en va comme une rosée, mais on peut avoir saisi réellement le pardon, croire à l'efficace de l'oeuvre de Christ, sans que le travail d'âme ait été profond, sans que l'on ait appris à se connaître soi-même, et il faut passer par le 7e aux Romains.

Il est vrai que, dans ce cas, l'expérience prend une forme un peu différente de celle qu'elle a chez une personne qui a d'abord été profondément travaillée. On juge alors de sa relation avec Dieu d'après l'état où l'on est, et l'on est troublé, en reconnaissant que le péché est là.

Mais de quelque manière que se fasse l'expérience contenue dans ce chapitre, on y est encore sous la loi. Or la loi, en Romains 7, ne touche pas la question des péchés; elle s'occupe du péché. «Je n'eusse pas connu le péché», y est-il dit. La loi prend toutes les relations avec Dieu et avec l'homme, et dit ce qu'il ne faut pas faire dans ces relations, mais, en outre, elle ajoute un mot: «Tu ne convoiteras pas», et le péché qui est en moi se trouve révélé; elle s'adresse ainsi, non à la racine même, mais au premier germe de la racine du mal. Il ne s'agit point ici d'une relation extérieure et d'un devoir à accomplir; il ne s'agit pas non plus de la racine, mais du germe. La loi prend l'homme comme placé sous sa propre responsabilité; elle ne dit pas: «Tu es perdu», mais: «Tu ne convoiteras pas»; alors l'âme convertie découvre qu'elle ne peut pas s'empêcher de convoiter, et d'où vient cela? Du péché. Jacques dit que la convoitise enfante le péché, mais, comme il est aisé de le voir, il s'agit du péché extérieur, tandis que le 7e aux Romains dit que la convoitise vient de la nature pécheresse (*).

(*) On voit par là l'erreur de ceux qui disent que la convoitise n'est pas péché, à moins que la nature n'y consente.

Nous voyons ainsi la sagesse de Dieu dans la loi. D'abord vient tout ce qui concerne les diverses relations dans lesquelles Dieu nous a placés, et sous ce rapport, la loi produit des violations, des péchés; puis vient ce qui découvre le germe du mal en nous. Elle pousse ainsi la responsabilité jusqu'à découvrir, non pas seulement ce que nous avons fait, mais ce que nous sommes.

Or, quand cela est manifesté, quand la volonté de bien faire est là, la force manque: nous ne pouvons assujettir la chair. Or cela va plus loin que l'intelligence; c'est une expérience que l'on fait là. Et remarquons que c'est une expérience personnelle. Paul change «nous» en «je». «Nous savons», dit-il, «que la loi est spirituelle», voilà l'intelligence; «mais moi, je suis charnel, vendu au péché», voilà l'expérience.

Il n'y a pas d'intelligence de l'affranchissement qui ne procède de l'expérience. Il faut y avoir passé pour que la chose soit réelle. On ne meurt pas par l'intelligence. Quand on meurt, on sent que la force s'en va, que nous n'en avons point. Quand, ne pouvant vaincre le péché, j'ai compris, par grâce, que je suis mort avec Christ, alors je sais aussi que je suis mort au péché. On s'est écrié: «Misérable homme que je suis, qui me délivrera?» Mais on a saisi que l'on est mort avec Christ, mort au péché, et l'on dit: «Je rends grâces à Dieu» la délivrance est là. Tout cela est expérience.

Mais il faut mourir; c'est le seul moyen d'en avoir fini avec le péché. La conséquence en est que lorsqu'on peut dire réellement: «Je suis mort», on n'a pas seulement le pardon, — ce qui est une chose hors de nous, dont nous jouissons cependant, mais on a quelque chose qui est réalisé en nous. On pourrait posséder toute la doctrine et toute l'intelligence possible, mais ce n'est pas là pouvoir dire: «Je suis mort». Le 7e chapitre aux Romains n'est qu'une longue expérience de mon impuissance pour obtenir la victoire, mais une fois affranchi, je n'y suis plus. Ce chapitre ne fait que me découvrir que je ne puis pas; il est cependant d'une nécessité absolue, car on n'arrive à être affranchi que par l'expérience qu'on ne l'est pas.

Maintenant, étant convaincu de la réalité de ce qui est dans ce chapitre, et ayant trouvé la délivrance, vient la question: Est-ce que je suis fidèle dans l'emploi des moyens pour réaliser les fruits de cette position (bien qu'il puisse y avoir négligence)?

Avons-nous pris franchement notre parti de reconnaître (ce qui est une réalité) qu'il n'y a pas de bien en nous? Aucun bien. On se laisse aller,aisément à argumenter là-dessus. On voudrait trouver un peu de bien, fût-il négatif, ce qui, en définitive, tend toujours à affaiblir la grâce. Ne pouvant reconnaître aucun bien positif, pour sauver au moins un point, on voudra que la conscience en nous soit une chose bonne; seulement on ne réfléchit pas à ceci: c'est que la conscience n'est pas une qualité bonne ou mauvaise, c'est une faculté acquise par la chute, pouvant d'ailleurs être endurcie ou fourvoyée.

Ainsi après le chapitre 7 aux Romains, la question posée est celle-ci: Est-ce que je suis pratiquement délivré? Est-ce que je réalise que je suis délivré? Bien des chrétiens en restent à l'expérience de ce chapitre et disent qu'il faut y rester. Mais il ne présente pas l'état chrétien, car on n'y a pas l'Esprit de Dieu. Il n'y a point de changement complet, celui où l'on a passé de l'esclavage sous le joug, à la pleine délivrance.

Il ne s'agit pas non plus d'être quelque chose, de savoir ce que je suis pour Dieu quant à mon acceptation, mais de savoir ce que Dieu est pour moi. Ce qui arrive souvent, c'est que l'on ne distingue pas ces deux choses, et que l'on confond la sanctification avec la justification. On dit: «N'est-il pas écrit: Poursuivez la sainteté sans laquelle nul ne verra le Seigneur?» (Hébreux 12: 14), et l'on pense: Si le péché est là, je ne puis donc être agréé de Dieu. Mais prenez garde que si vous faites de votre état la mesure de votre acceptation, c'est la justification et non la sanctification que vous recherchez. Si l'on recherche la sanctification, on déteste une chose parce qu'elle est mauvaise, et non parce qu'elle empêche d'être agréé de Dieu; mais si l'on a besoin de justification, on déteste la chose, parce qu'à cause d'elle on ne peut être agréé de Dieu. Si votre acceptation dépend de ce que vous êtes pour Dieu, vous resterez dehors, vous ne pouvez approcher de Lui. Quand il s'agit d'être agréé, c'est la justification qu'il faut. Mais s'il est question de sainteté, le péché est une chose sale, détestable et détestée. S'il se présente, on dit: Comment ai-je pu me laisser occuper par une telle chose? Ainsi l'acceptation devant Dieu doit d'abord être une question bien résolue; ensuite vient la sanctification, mais il ne faut pas confondre les deux.

Remarquons encore qu'il n'y a de vie sainte possible que lorsqu'on est né de Dieu, et qu'il ne peut y avoir de vraie sainteté, des affections saintes réelles, jusqu'à ce que la question de l'acceptation soit pleinement et clairement résolue. Les personnes qui ne sont pas au clair à ce sujet ne sont pas vraiment affranchies.

Je suis responsable devant Dieu, je dois en tenir compte; mais quand j'ai compris que Christ a pris cette place des péchés et du péché, et que je suis en Lui, j'ai la certitude d'être accepté, aussi agréable à Dieu que Christ lui-même; car mes péchés sont effacés parce que je suis en Christ, et que Christ, en montant au ciel, n'a pas porté mes péchés devant Dieu. Je vais plus loin; je suis en Christ, et Dieu m'aime comme il aime Christ: «Que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux». «Afin que nous ayons toute assurance au jour du jugement — c'est que comme il est, lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde». La question est ainsi pleinement résolue. Il n'y a pas d'autre acceptation que Christ dans la lumière, devant Dieu. Alors, me trouvant dans la lumière, je marche dans la lumière, j'ai horreur de tout ce qui n'est pas selon Lui, et voilà la sanctification.

On est sanctifié par l'Esprit au début (1 Pierre 1: 2), il nous place sous l'efficace du sang (*); — puis il y a une sanctification progressive par l'action du Saint Esprit. La sanctification précède donc la justification (1 Corinthiens 6: 11), en ce sens que l'Esprit met à part pour nous placer dans la justification sous l'aspersion du sang de Christ, et je suis acheté à grand prix selon la valeur de ce sang. Mais ensuite je suis transformé en la même image de Christ, de gloire en gloire, et c'est encore l'oeuvre du Saint Esprit.

(*) Dans l'épître aux Hébreux, il n'est jamais question du Saint Esprit, en rapport avec la sanctification: on est sanctifié par l'offrande du corps de Jésus Christ.

Réaliser que l'on est mort au péché, et marcher dans cette réalisation, c'est la sanctification pratique selon l'Esprit de Dieu. Mais aussi longtemps que l'on n'est pas au clair quant à l'acceptation, aussi longtemps que l'on n'a pas saisi que l'on est accepté de Dieu comme Christ lui-même, on s'occupe nécessairement de cette acceptation. Nous sommes aimés comme Lui (Jean 17). Comme il est (non comme il était), tels nous sommes en ce monde (1 Jean 4). Cela une fois saisi, c'est la mesure de notre état pratique; je ne puis être satisfait jusqu'à ce que je sois en réalité tel qu'il est, pur comme Lui est pur. Il y a donc nécessairement progrès. On voit toujours plus clair dans la gloire de Christ, et l'on discerne mieux aussi ce qui n'est pas selon cette gloire.

Comme Paul le dit en 2 Corinthiens 4, on est «portant, toujours, partout en son corps la mort de Christ».

De tout cela, nous trouvons dans l'Ancien Testament une figure. C'est le lépreux qui, après avoir été lavé, reçoit sur l'oreille droite, la main droite et le pied droit, le sang de l'offrande pour le délit; symbole qui montre qu'il ne faut rien dans les pensées, les actions et la marche du chrétien qui ne convienne au sang de Christ, qui l'a lavé de ses péchés, et à cette mort qui juge le péché.

Voilà ce que Paul cherchait à réaliser dans sa marche. En effet, si Christ est en nous, ce n'est pas la chair; le corps est bien mort à cause du péché, mais l'Esprit est vie à cause de la justice. Comme nous l'avons vu, Paul dans l'épître aux Colossiens va plus loin; Christ est ressuscité, on est ressuscité avec Lui, et l'on est mort aux éléments du monde. Dans l'épître aux Romains, l'exhortation est: «Livrez-vous à Dieu comme d'entre les morts étant faits vivants». Dans l'épître aux Corinthiens, on est comme un cadavre, quant à soi et aux choses extérieures, et on vit de la vie de Christ en réalité. C'est beaucoup dire, et c'est ce que l'apôtre faisait: il portait toujours, partout, en son corps la mort de Jésus. La mort était appliquée à tout, et rien que la vie de Jésus n'agissait en lui. Le mal en effet est toujours en nous, sans quoi la mort n'aurait pas à opérer toujours.

Pour bien saisir ce dont nous parlons, il faut comparer 2 Corinthiens 1 et 4. On voit que quand la mort se présente pour Paul, elle n'a pas de prise sur lui, pour ainsi dire, parce qu'il est déjà mort. Et Dieu fait passer Paul par la mort, pour voir si en effet la mort se réalise en lui. Il permet l'épreuve pour montrer ce qui en est de son serviteur (chapitre 1), et nous en avons l'histoire morale au chapitre 4. Il portait en lui la sentence de mort, et rien autre que la vie de Jésus ne se manifestait. A l'égard de ce qui l'assaillait de dehors, c'était la mort qui opérait; dans ses relations avec les Corinthiens, c'était la vie de Jésus. C'est que, pour Paul, le christianisme était une réalité; il ne regardait pas aux choses qui se voient, mais à celles qui sont invisibles et éternelles. Il ne connaissait plus personne selon la chair; même le Christ, connu selon la chair, ayant été rejeté, crucifié, il ne le connaît pas; il connaît Christ glorifié (*).

 (*) Actes des Apôtres 23: 3, semble en contradiction avec ce qui est dit ici. Ce que je vois dans cette position de Paul, en cette occasion, c'est la vérité, la justice pratique, mais non pas la puissance de l'Esprit de Dieu.

Comme moyens pratiques pour marcher dans la liberté où Christ nous a placés en nous affranchissant, on a la prière et la Parole: être beaucoup avec Dieu, voir comme Lui; mais la première chose, c'est d'avoir bien saisi la mesure suivant laquelle il faut marcher. Avez-vous pris votre parti d'être mort? C'est par là qu'il faut commencer; c'est le principe nécessaire pour la réalisation. Christ doit être TOUT et en tous. Plus on réalise Christ, plus tout le reste disparaît.

Voyez 1 Corinthiens 15: 19: Paul était cruellement éprouvé, sans cesse maltraité, fouetté, persécuté; il n'y avait pas d'homme aussi misérable que lui, s'il s'agissait de cette vie; mais il souffrait tout pour l'amour de Christ, et l'épreuve montrait qu'il était mort. Pour nous, hélas! nous sommes trop souvent éprouvés, et Dieu nous exerce parce que nous ne sommes pas morts. Veut-on autre chose que Christ? Recherche-t-on ses aises, de l'argent, une position? Tient-on à l'honneur? On conçoit qu'alors on répugne à la mort. Mais il faut porter toujours, partout, dans le corps la mort de Jésus. Quantité de petites choses cessent de nous affecter quand nous nous disons: «Tu es mort». Christ est alors tout, comme objet, et en tous comme vie pour jouir de Lui. N'y a-t-il que Christ qui vous satisfasse? Au moins on devrait chercher cela.

Nous avons donc à réaliser ce double fait que nous sommes morts et ressuscités. Morts pour ne plus être affectés par ce qui touche l'homme naturel, la chair; ressuscités pour montrer la vie de Christ. «Par la loi», dit Paul (Galates 2), «je suis mort à la loi». La loi l'a tué dans sa conscience; la loi l'aurait condamné, s'il n'était pas mort. Mais il ajoute: «Je suis crucifié avec Christ», c'est là maintenant sa POSITION; «mais Christ vit en moi, et ce que je vis maintenant, je le vis dans la foi du Fils de Dieu», voilà la chose pratique où Christ est tout. Il a pris sur la croix la condamnation et moi je ne l'ai plus; j'ai la mort. La condamnation est passée et la mort est venue pour mon «moi». «Je ne vis plus moi», Christ vit en moi. Il est tout pour moi, mon seul objet.

J'ajoute maintenant un mot sur le Saint Esprit dans le croyant. Après la conversion, le Saint Esprit vient pour sceller celui qui a cru; au moins il devrait en être ainsi. Maintenant on cherche si l'on a le Saint Esprit; on demande le Saint Esprit. Mais aussitôt que l'on peut crier du coeur: «Abba, père», c'est que l'Esprit d'adoption est là. Il faut d'abord être fils pour recevoir l'Esprit d'adoption (Galates 4: 6). Toutefois distinguons bien entre la jouissance de la liberté et de l'adoption comme fils, et le compte rendu de la chose.

En effet, beaucoup de personnes se trouvent dans l'état décrit en Romains 7, par suite d'un mauvais enseignement, quoiqu'en réalité elles disent: «Abba, père». Ecoutez deux personnes prier; l'une dit: «O mon Père, quelle grâce tu m'as accordée, etc.», et l'autre: «Aie pitié, de moi!» On juge ainsi de leur état réel. Mais on a tellement abaissé le christianisme, que l'on ne veut pas sortir de Romains 7. Pour dire «Père», il faut que l'Esprit soit là. Remarquons encore que Dieu ne peut sceller un homme inconverti; ce serait mettre le sceau sur le péché; mais il peut le vivifier par son Esprit. Bâtir la maison n'est pas y demeurer. L'action du Saint Esprit convainc d'abord un homme de péché (voyez Actes des Apôtres 2), puis la parole est: «Que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ, en rémission des péchés; et vous recevrez le don du Saint Esprit. De même, en Actes 10, on voit qu'il faut croire à l'efficace du sang de Christ aussi bien qu'à sa personne. «Quiconque croit en lui, reçoit la rémission des péchés. Comme Pierre prononçait encore ces mots, l'Esprit Saint tomba sur tous ceux qui entendaient la parole».

L'onction et le sceau sont une même chose. Christ a été oint et scellé, mais ce n'étaient pas deux choses différentes. En Lui, c'est sa perfection qui a été scellée; en nous, c'est l'efficace de son sang. On a de cela une figure dans le lépreux qui était d'abord lavé dans l'eau, puis aspergé de sang et enfin oint d'huile. Avant la Pentecôte, les disciples avaient bien cru, mais ils n'étaient pas scellés. L'Esprit amène à la foi, révèle Christ à l'âme, puis on est scellé. Des âmes ont cru, ont été converties, mais ne jouissent pas de leur position devant Dieu, parce qu'elles ne croient pas à toute la plénitude du salut par l'effusion du sang de Christ. Peut-on dire qu'elles sont scellées? Non, et il n'est pas possible qu'une âme croie pleinement à l'effusion du sang et ne soit pas scellée du Saint Esprit. On espère être sauvé, mais on ne connaît pas la position que le sang de Christ nous assure devant Dieu. A ceux qui ne sont pas sûrs d'être enfants de Dieu, je dirai: Pourquoi appelez-vous Dieu votre Père? Si vous n'avez pas l'assurance d'être ses enfants, il vaudrait mieux ne pas lui donner ce nom. Il faut cependant remarquer qu'il y a des âmes qui jouissent de Dieu comme Père et de leur position devant Lui, sans s'en rendre compte. L'important c'est qu'elles possèdent la chose.

Mais le mal est que dans la chrétienté on ne croit pas à la présence personnelle du Saint Esprit descendu d'auprès du Père, quand le Fils est remonté en haut. On confond son action avec sa présence. Il est certain que dans tout ce qui a été fait et créé, le Saint Esprit a été l'agent immédiat, de même que pour tout ce qui se fait de bien, mais sa descente ici-bas pour demeurer en nous est une tout autre chose. Dans un sens, il en est de même du Fils. Toutes choses avaient été créées par lui et pour lui, mais il n'est venu, et n'a habité parmi nous que lors de l'incarnation; ainsi le Saint Esprit a aussi agi dans tous les temps, mais il n'est descendu ici-bas qu'à la Pentecôte.

Pour prévenir une objection, remarquons que le souffle du Seigneur sur ses disciples (Jean 20: 22) n'est pas l'accomplissement de la promesse que le Saint Esprit viendrait. Ce n'est pas le Saint Esprit envoyé du ciel suivant ce que le Seigneur leur dit: «Vous recevrez de la puissance, le Saint Esprit venant sur vous» (Actes des Apôtres 1: 8). C'est lui-même, et non une puissance seulement, selon cette autre parole: «Je vous l'enverrai» (Jean 16). Le souffle du Seigneur, quand il dit: «Recevez le Saint Esprit» (Jean 20), c'est la puissance de vie en résurrection, c'est la vie en abondance. C'est quelque chose d'analogue à ce qui eut lieu pour Adam quand Dieu souffla en lui après l'avoir formé (Genèse 2) L'oeuvre de Christ était déjà acceptée; Dieu l'avait montré en le ressuscitant d'entre les morts, mais il n'était pas encore glorifié dans le ciel. Ressuscités avec Christ, nous sommes introduits dans cette position vis-à-vis de Dieu; quant à notre relation, nous sommes acceptés de Dieu et introduits dans cette vie de résurrection. Mais de plus, Christ a mérité la gloire; il est monté en haut et a répandu le Saint Esprit qu'il avait reçu du Père. L'Esprit de vie qui est en Jésus Christ, est celui qui m'a affranchi de la loi du péché et de la mort; et si le Saint Esprit est en moi, c'est dans cette vie de résurrection où je me trouve. Nous trouvons encore que «l'esprit est vie à cause de la justice» (Romains 8: 10). Il s'agit encore ici de l'état produit par l'Esprit; au verset 11, les deux, l'Esprit et l'état qu'il produit, sont encore unis; plus loin nous les trouvons séparés: «L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit» (verset 16). Personnellement nos corps sont les temples du Saint Esprit; mais ce n'est pas ma vie. Il agit en nous dans la vie qu'il nous a communiquée. Sans cela, ce serait une incarnation du Saint Esprit.

Il est dit: «L'Esprit de vie dans le Christ Jésus m'a affranchi»; nous sommes en Christ, et nous n'avons pas seulement la vie, mais aussitôt que nous sommes en Christ, le Saint Esprit nous est donné.

Au 7e chapitre des Romains, on voit que l'âme se trouve d'abord dans le premier mari. La loi est bonne, j'y consens, j'y prends plaisir, mais je suis misérable. De Christ et du Saint Esprit, il n'est pas question. Il y a là un homme renouvelé, vivant, mais sous le premier mari. Mais quand je puis dire «m'a affranchi», je me trouve dans la mort et la résurrection de Christ, et le Saint Esprit est aussi là.

C'est le sceau du Saint Esprit qui donne l'affranchissement: «Où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté»; bien que la base soit toujours l'oeuvre de Christ. Puis le Saint Esprit fait réaliser la position. Dans l'épître aux Romains, l'Esprit trouve l'homme vivant sur la terre, comme de fait nous sommes tous; mais par la foi et le Saint Esprit, nous pouvons nous tenir pour morts, quoique de fait nous ne le soyons pas. Par la foi je dis: «Je suis mort au péché», pas au monde, cela ne se trouve pas en Romains.

Pendant quarante jours le Seigneur resta sur la terre après sa résurrection; il était là comme un homme ressuscité; tels aussi nous sommes, ressuscités avec Christ, bien qu'encore sur la terre, et, comme tels, morts aux éléments du monde; c'est l'enseignement de l'épître aux Colossiens. Ressuscité ainsi, je m'affectionne aux choses qui sont en haut.

En Romains, on comprend la rédemption; non seulement en ce que le sang est là devant Dieu dans toute sa valeur pour m'abriter, mais on a traversé la mer Rouge; on est en Christ, identifié avec lui dans sa mort et sa résurrection; ainsi on est délivré. C'est le Saint Esprit qui rend tout cela réel pour nos âmes. Mais il faut aller plus loin, jusqu'au Jourdain, et le traverser. Trouver que l'on est mort avec Christ, ressuscité avec Lui, et de plus assis en Lui dans les lieux célestes. C'est l'enseignement de l'épître aux Ephésiens.

3.  Le désert

Le désert ne fait pas partie des conseils de Dieu, bien qu'il puisse avoir et qu'il ait sa place dans ses voies envers son peuple. Nous le voyons pour Israël, dans les chapitres 3, 6 et 15 de l'Exode.

3: 8: «Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et pour le faire remonter de ce pays-là en un pays bon et spacieux…» (voyez aussi versets 16, 17).

6: 6-8: «Je vous retirerai de dessous les charges des Egyptiens, je vous délivrerai de leur servitude… et je vous ferai entrer au pays».

15: 13: «Tu l'as conduit, par ta force, à la demeure de ta sainteté…» Dieu a amené d'abord le peuple à Lui-même, puis au verset 17: «Tu les introduiras…» etc. Nulle part dans ce chapitre, dans ce chant de délivrance, le désert n'est supposé.

Nous avons un exemple de ce qui n'était là qu'en figure, dans le cas du brigand sur la croix. Il est amené directement jusqu'à Dieu lui-même: «Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis». Il n'a point à faire les expériences du désert.

Ainsi, ce qui est dans les conseils de Dieu, c'est la rédemption, puis la gloire. Entre deux, c'est le Saint Esprit habitant dans le chrétien. Le chrétien en est le temple. Dans le cas du brigand, nous avons la chose d'une manière absolue. Il était propre pour le ciel dès qu'il crut, c'est-à-dire que le désert n'est pas nécessaire. Ainsi encore, nous lisons en Colossiens 1: 12: «Qui nous a rendus capables de participer au lot des saints dans la lumière», nous sommes tels, «capables»; le désert n'entre donc pas dans les conseils de Dieu; ce sont ses voies. On peut remarquer, en passant, que les Israélites étaient dans le désert par châtiment; ils n'avaient pas voulu monter en Canaan (Nombres 13; 14). Le désert commence à Sinaï et se termine à la mort d'Aaron. Ayant Sinaï, c'était la grâce souveraine qui agissait envers le peuple. Nous trouvons le but que Dieu se proposait, en faisant traverser le désert, au chapitre 8: 2, du Deutéronome; au verset 3, nous voyons que l'homme y est éprouvé; le verset 4 nous présente les soins de Dieu durant ce temps; le verset 15 rappelle quelle était la puissance de l'ennemi; en un mot, ce chapitre nous montre les voies de Dieu envers un peuple racheté. Elles sont aussi pour nous, grâces lui en soient rendues.

Mais, je le rappelle encore, il faut d'abord être délivré. Quand il s'agit du sang et de son application, Dieu est Juge; quand il s'agit de la mort et de la résurrection de Christ, Dieu est Libérateur: c'est la Mer Rouge: «Tu verras la délivrance». Mais faisons bien attention, car il y a des personnes qui se croient délivrées et disent qu'elles sont mortes et ressuscitées avec Christ, et qui, de fait, ne sont pas affranchies. Affranchi, l'homme est placé dans une toute nouvelle position, selon que Dieu, dans ses conseils, voulait l'avoir après cette merveilleuse délivrance. Je suis mort, en sorte que le péché n'a point de domination sur moi; je suis en Christ, et Il est ma vie. Je suis non seulement pardonné, mais en Christ devant Dieu; et Christ est en moi. Le Saint Esprit est aussi en moi, mon corps est son temple. Le sceau est mis sur le sang, comme nous le rencontrons plus d'une fois en type: l'eau qui purifie vient d'abord, ensuite le sang qui expie; puis enfin l'huile de l'onction, représentant le Saint Esprit qui scelle. Or quand le Saint Esprit est là, il produit les expériences d'un homme libre, tandis qu'au chapitre 7 des Romains, ce sont les expériences de quelqu'un qui n'est pas délivré.

Déjà, dans le chapitre 5 des Romains, nous trouvons le Saint Esprit qui nous est donné. Ce chapitre, jusqu'au verset 12, va ainsi plus loin que ce qui suit; il finit pour ainsi dire l'épître. Pourquoi cela? C'est qu'il considère le côté de Dieu, et arrive immédiatement au bout de tout, à la fin que Dieu se propose. Comme les Israélites, au chapitre 15 de l'Exode, on est amené à Dieu et c'est le tout. C'est ce qui est en Dieu, c'est Dieu lui-même; un connaît son coeur, on jouit de Lui.

Au chapitre 8 des Romains, et, en général, dans la seconde partie de l'épître, il s'agit plutôt de nous. Il est parlé de notre position, de nos privilèges: «Il n'y a point de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus», c'est ma position; ce n'est pas ce que Dieu est pour moi. Il nous faut les deux choses, savoir ce que nous sommes pour Dieu et ce que Dieu est pour nous. Quand je parle de ce qui s'est passé dans le coeur de Dieu à mon égard, je puis dire: Il a vu et ouï; il est descendu et nous a délivrés (Exode 3: 7, 8).

Il y a tout un système où l'on trouve toujours «je» ou «moi», au commencement de la phrase, et non pas Dieu; par suite, il n'y a pas de profondeur. Le fils prodigue faisait ainsi au commencement; il ne parlait que de lui-même. «Je meurs», «je me lèverai», «j'irai…» mais quand il a rencontré son père, le «moi» disparaît; il n'est plus question que du père, de ce qu'il dit et fait. Le fils a dû alors être bien plus heureux, quand il n'entend et ne voit que l'amour, la grâce et la joie du père: «Il fallait se réjouir».

Nous voyons ces deux choses dans l'Ancien Testament. En Deutéronome 9: 7, c'est le côté de l'homme, ce qui s'est manifesté dans la traversée du désert; c'est l'expérience. Mais au chapitre 23 des Nombres, c'est le côté de Dieu, Il ne voit pas d'iniquité en Israël.

Au chapitre 5 des Romains, «l'amour de Dieu est versé dans nos coeurs par le Saint Esprit qui nous a été donné». C'est toujours le sceau; et ainsi notre corps est le temple du Saint Esprit. Mais allez dire aux chrétiens de nos jours qu'ils sont les temples du Saint Esprit, la plupart en seront scandalisés et comme épouvantés. Seulement faisons attention à ceci. Si le Saint Esprit est dans une personne, il y aura des fruits qui le manifesteront, sans doute; mais elle ne pourra peut-être pas en rendre compte. Elle connaîtra Dieu comme Père et en jouira. Elle sera comme un petit enfant à qui l'on demanderait: Qu'est-ce que c'est qu'un père? «C'est mon papa», répondrait-il, sans savoir l'expliquer. Elle dira de même Abba, père, sans savoir davantage, et comptera sur Lui pour toutes choses.

Il y a maintenant une chose fort importante, c'est le jugement constant de soi-même, sans cela on n'est pas libre et heureux devant le tribunal de Christ. Plus d'une âme se sent mal à l'aise en lisant 2 Corinthiens 5. Et quand on en vient au lit de mort, il y a souvent du trouble. Cela peut provenir de deux causes: l'une, que l'on n'a pas bien compris l'évangile; l'autre, que l'on a donné occasion à l'ennemi. On ne s'est pas jugé pleinement, et quand la mort est là, il faut tout régler.

«Manifesté devant le tribunal de Christ»; plus d'un, je le répète, est mal à l'aise à cette pensée. Paul, lui, ne craint pas, bien qu'il craignit pour les autres. Il s'applique à être agréable au Seigneur, et sachant combien le Seigneur doit être craint, sans trembler pour lui-même, il va solliciter les inconvertis qui sont perdus.

«Nous avons été manifestés à Dieu», c'est là l'état normal du chrétien; de plus «il faut que nous soyons tous manifestés devant le tribunal du Christ»; le chrétien marche donc toujours dans son état normal, comme si le tribunal était là. Sa conscience est toujours devant Dieu. Si, de cette manière, nous nous jugeons constamment nous-mêmes, nous ne serons pas jugés par le Seigneur.

C'est là la vie chrétienne; tout se règle à mesure; tout est vidé dans la lumière. La première chose, c'est le tribunal où nous serons tous manifestés, «il n'y a rien de secret qui ne sera connu»; c'est la vérité, la doctrine; la conséquence pratique est que je suis manifesté maintenant devant Dieu. Dans cette liberté où l'on se trouve ainsi placé, on persuade les hommes, l'amour de Christ étreint le coeur, on annonce l'évangile. — Tout sera manifesté, sans doute, mais cela pousse à être toujours devant Dieu. Il ne s'agit pas seulement de juger ce que l'on a fait, de confesser, d'être restauré; mais de rester devant Dieu, de garder la communion avec Lui.

Si le coeur n'est pas au clair quant à sa position devant Dieu, la pensée du tribunal inquiète; on a peur de ces paroles: «recevoir ce que l'on a fait». Si l'on était sûr de recevoir une belle récompense, on n'aurait aucune crainte. Sommes-nous heureux à la pensée de comparaître là? Si je sais qu'alors je serai comme Lui, parfaitement semblable au Juge, je ne puis qu'être heureux.

Il y a bien des âmes qui comprennent qu'il n'y a pas de condamnation pour ceux qui sont en Christ, mais leur conscience n'est pas en exercice. Or si l'on a une mauvaise conscience, quand même on aurait compris l'affranchissement, on n'est pas à son aise; en réalité, on n'est pas libre. Quand il s'agit du tribunal, il est question aussi de la conscience. Une âme qui lutte contre le mal, scrupuleuse, exercée, est tout à fait à l'aise devant le tribunal. Ce que je viens de dire fait comprendre comment il peut arriver que des âmes qui ont tremblé toute leur vie, sont heureuses à l'heure de la mort, tandis que d'autres qui ont vécu sans grandes luttes, sont troublées à ce moment.

«Je mortifie mon corps», dit Paul (1 Corinthiens 9: 27); il faut faire comme lui, si l'on veut que la communion ne soit pas interrompue. Si l'on ne se donne pas de bons coups de poing, la conscience n'est pas bonne; si je me bats, c'est pour ne pas donner lieu à la chair. Si nous nous jugeons nous-mêmes, nous ne subissons pas le jugement de la part de Dieu, car il ne prend pas plaisir à nous châtier. Mais il ne s'agit pas seulement de juger ce que l'on a fait, il faut aller jusqu'à la racine, voir ce qui a produit le mal. «M'aimes-tu plus que ne font ceux-ci?» dit Jésus à Pierre; il le sonde jusqu'au fond, et l'amène à voir cette racine qui avait produit son reniement. Si l'on ne se sonde ainsi, si la racine n'est pas jugée, elle produira toujours les mêmes fruits.

«Je cours droit au but», dit encore l'apôtre; il faut traverser le désert pour entrer en Canaan. D'un côté, s'il est question du salut, il est parfaitement accompli; j'ai la paix, je suis en Christ, Christ est en moi; en Christ tout est certain. Mais je suis en route, et s'il s'agit de la course, il faut aller jusqu'au bout; de là les «si» que nous trouvons dans la parole, comme en Colossiens 1: 23; Hébreux 3: 6, etc., bien que nous ayons la promesse que Dieu nous garde jusqu'à la fin, et que nous puissions marcher avec la confiance que sa fidélité ne se démentira point. Nous sommes «gardés par sa puissance», parce que nous sommes toujours en danger. Personne ne ravira les brebis de la main de Christ, et cependant, en tant qu'il s'agit de la responsabilité de l'homme, le loup vient, ravit les brebis et les disperse; mais non de la main de Christ. La responsabilité est donc toujours là, et à ce point de vue, je suis toujours en danger. Mais les soins de Dieu demeurent, sa fidélité ne manque pas, et j'ai la certitude que j'arriverai où il veut m'avoir. C'est là ce qui produit une dépendance du Seigneur incessante et complète. Sa fidélité est immuable; même s'il châtie, il ne retire pas ses yeux de dessus les justes. Job était content de lui-même; cela ne pouvait aller aux yeux de Dieu; toutefois Dieu ne retire pas ses yeux de dessus lui, et après l'avoir justifié quant aux accusations de Satan, il l'amène à être brisé, à avoir horreur de lui-même, et finalement à être pleinement béni.

Quant à la sacrificature dont il est parlé dans l'épître aux Hébreux, elle est aussi pour le chemin. Mais elle n'est pas établie pour le cas où le chrétien a manqué, pour cela nous avons un avocat auprès du Père (1 Jean 2); or «le Père» ne se trouve pas dans l'épître aux Hébreux. La sacrificature s'exerce pour notre faiblesse, afin d'obtenir la grâce nécessaire pour ne pas manquer. Le sacrificateur n'est pas pour le péché, sauf à la croix, mais là, l'oeuvre est finie. Le sacrificateur est dans les cieux, pour nous maintenir dans la jouissance de la présence de Dieu, en relation avec Lui, capables toujours d'entrer dans le lieu saint. (Jean 13). Aussi la sacrificature n'est-elle pas en rapport avec le Père, mais pour l'homme en tant que responsable envers Dieu. La grâce m'est nécessaire pour que je ne pèche pas. Mais nous avons toujours besoin de miséricorde, comme faibles créatures. Aussi, quand les apôtres écrivent aux individus, ils ajoutent la miséricorde à la salutation, mais pas aux églises. La miséricorde, c'est la faveur de Dieu envers de faibles créatures, comme telles, elle nous est constamment nécessaire (Jérémie 9; Jude 21).

Mais si l'on manque, on en a sans doute encore besoin, seulement ce n'est pas ce dont parle l'épître aux Hébreux. Nous avons alors un avocat auprès du Père. Ainsi Christ avait prié pour Pierre, non pour qu'il ne manquât point, mais pour que sa foi ne défaillit pas. Le résultat en est que Pierre, bien que profondément attristé et pleurant amèrement, ne désespère pas et ne va pas se pendre comme Judas.