ME 1879 page 28
Cher frère,
Le passage dont je désire m'occuper ici pour aider aux
progrès de vos lecteurs, est le chapitre 7 de l'épître aux Romains. Il en a été
question souvent; mais on y revient continuellement, ce qui n'est pas étonnant,
vu que la plupart des âmes converties se trouvent dans l'état qui y est décrit:
elles sont malheureuses; et plus elles sont sincères et sérieuses, plus elles
sont malheureuses, comme le passage lui-même le dit: «Misérable homme que je
suis, qui me délivrera?» De fait, c'est ici qu'est le point où l'âme passe de
l'esclavage à la vraie liberté chrétienne. Son cri, après l'expérience qu'elle
a faite d'elle-même, est: «Qui me délivrera?» — et, immédiatement après,
l'homme dit: «Je rends grâces à Dieu par Jésus Christ, notre Seigneur». L'homme
n'était donc pas affranchi auparavant; mais maintenant il a acquis la liberté.
L'âme ne dit plus: «Je vois dans mes membres une autre loi qui combat contre la
loi de mon entendement et qui me rend captif de la loi du péché qui existe dans
mes membres»; mais: «La loi de l'Esprit de vie dans le Christ Jésus, m'a
affranchi de la loi du péché et de la mort». Elle ne dit pas: je n'ai plus à
combattre; au contraire, elle sait: que selon la chair elle sert le péché mais
elle n'est plus esclave, elle est affranchie elle n'est plus sous une loi qui
la tient captive sous la loi du péché, elle est libre.
Pour bien comprendre cette précieuse délivrance de
l'esclavage du péché, comme nous l'enseigne le Saint Esprit, il faut un peu
examiner l'ordre des pensées de l'apôtre dans l'épître aux Romains.
Quand une âme est convertie, elle désire la sainteté; et il
ne peut en être autrement, puisque Dieu a opéré dans cette âme. La vie de Dieu
dans l'âme s'exprime dans les besoins du coeur et de la conscience: le coeur
désire la sainteté, un état qui convienne à la présence de Dieu, dans
laquelle elle se trouve maintenant; la conscience réveillée, sentant sa
culpabilité, a besoin du pardon et de la paix avec Dieu; attirée vers Dieu,
l'âme sent qu'elle ne peut subsister dans sa présence, à cause du péché, ni
répondre, au jour du jugement. Dieu est amour, et il est lumière. Il s'est
pleinement révélé en Christ, — la lumière et l'amour manifestés dans le monde.
L'amour attire l'âme vers Dieu et produit la confiance, mais il inspire
l'horreur du péché; et la conscience, entrée dans la lumière, dit: «Dieu ne
peut pas admettre le péché dans sa sainte présence, et moi, j'ai péché. Le
sentiment de l'amour accroît l'horreur du péché.
Certains hommes sont attirés plutôt par l'amour, d'autres
sont plutôt sous l'empire de la conscience et pleins de la crainte du juste
jugement de Dieu; mais, comme Dieu est amour et lumière, les deux principes
agissent dans l'âme et produisent leur effet naturel. Néanmoins le coeur n'est
pas libre dans son amour, ni pour aimer, ni pour avoir entière confiance dans
l'amour de Dieu, aussi longtemps que la conscience n'a pas été purifiée et
rendue parfaite devant Dieu. Ce n'est qu'après avoir dit: «Comme il est, Lui,
nous sommes nous aussi dans ce monde», que l'apôtre dit (la crainte ayant été
ôtée): «nous l'aimons, parce que Lui nous a aimés le premier» (1 Jean 4:
17-19); et bien que cela soit vrai, il ne dit pas cependant que nous «devrions»
l'aimer, mais que «nous l'aimons»; parce que le sentiment profond de l'amour
d'un autre dans notre coeur, est la vérité d'aimer. Si un enfant dit: Oh! si tu
connaissais ma mère, quelle bonté, quelle patience, quelle tendresse se
trouvent en elle; comme elle me supporte quand je suis méchant! — je dis: voilà
un enfant qui aime sa mère, parce que l'amour de sa mère est fort dans son
coeur.
J'ai dit ce peu de mots sur l'état de l'âme réveillée, afin
qu'on comprenne que, quand nous parlons de la délivrance d'une âme, nous
pensons à une âme qui désire ardemment être affranchie du joug du péché, et qui
cherche la liberté pour marcher avec Dieu. Mais le premier besoin d'une âme
vraiment convaincue de péché, est le pardon. On confond souvent le pardon et la
victoire sur le péché; on dit: j'ai besoin de sainteté pour être avec Dieu. Mais
au fond, ce qu'une telle âme cherche, ce n'est pas la sainteté, bien qu'elle la
désire, mais c'est la justice qu'elle voudrait, l'appelant sainteté, parce que
cette âme cherche la sainteté pour être acceptée par Dieu. C'est donc la
justice devant Lui qu'elle cherche, et c'est (sans qu'elle s'en doute) la
propre justice, puisqu'elle cherche à être acceptée en vertu d'un état dans
lequel elle se trouverait. Une âme comme celle-là est sincère, et le Saint
Esprit opère en elle, et certainement elle trouvera tout; mais elle a encore
besoin d'être humiliée et d'apprendre à entrer dans la présence de Dieu, telle
qu'elle est, se jetant dans les bras de la miséricorde de Dieu comme une pauvre
pécheresse, et acceptant tout de Lui par Christ comme grâce, parce qu'elle est
indigne de tout. L'âme vraiment convaincue de péché et humiliée cherche le
pardon de ses péchés et la justification devant Dieu: c'est un premier besoin.
L'épître aux Romains traite ce point jusqu'au verset 11 du
chapitre 5, montrant que tous les hommes sont coupables, et que le pardon et la
justification se trouvent dans le sang et dans la résurrection de Christ, livré
pour nos fautes et ressuscité pour notre justification. C'est une vérité d'un
prix infini: la grâce s'y montre si glorieuse et si précieuse pour nous, qui,
pardonnés et placés dans la jouissance de la faveur de Dieu, nous glorifions
même en Dieu! (Romains 5: 1-11). Mais jusque-là il s'agit de péchés, de choses
faites par nous, contraires à la volonté de Dieu, des mauvais fruits actuellement
produits par notre chair, non pas de l'arbre lui-même; des actions, et non de
l'état de l'homme en chute. Depuis le douzième verset seulement, l'apôtre
aborde le sujet que nous traitons dans ce moment, et commence à parler de cet
état, de la position des enfants d'Adam, non plus des choses qu'ils ont faites.
Il remonte jusqu'aux deux chefs, Adam et Christ, originateurs du vieil et du
nouvel homme. La grâce, montre-t-il, ne peut pas se limiter à ceux-là seulement
qui étaient sous la loi, mais elle s'adresse à tous les hommes et s'effectue,
par l'obéissance de Christ, en tous ceux qui croient. Par la désobéissance d'un
seul homme, plusieurs ont été constitués pécheurs, ainsi aussi par l'obéissance
d'un seul, plusieurs seront constitués justes (5: 19).
Si on parle des péchés commis, de la faute et de là
culpabilité qui s'y rattache, chacun est responsable pour ses péchés,
individuellement, et tout homme qui n'est pas lavé dans le sang de Christ sera
jugé selon ses oeuvres et selon la lumière qu'il a eue. Mais, par la
désobéissance d'Adam, nous nous trouvons tous ensemble dans le même état de
ruine, éloignés de Dieu, dans la chair; et la pensée de la chair est «inimitié
contre Dieu». Il faut que nous sortions de cet état: c'est le point que
l'apôtre traite depuis le verset 12 du chapitre 5, jusqu'à la fin du chapitre
8.
Ce qui précède explique comment il se fait que nous avons
dans cette épître deux chapitres qui décrivent la bénédiction chrétienne. Au
chapitre 5: 1-11, nous avons la grâce, la faveur de Dieu envers les pécheurs,
et ce que Dieu est, dans cette immense grâce, jusqu'à la gloire; dans le
chapitre 8, nous avons le nouvel état de l'homme en Christ devant Dieu, et la
fidélité de Dieu envers l'homme dans cet état, avec aussi les conseils de Dieu
à l'égard de ses élus individuellement.
L'homme n'est pas affranchi par le pardon, ni par la
justification, par laquelle ses péchés sont ôtés. La liberté lui appartient,
mais il ne l'a pas encore acquise. Il lui faut pour cela la intuition d'une
autre vérité, — une autre oeuvre que l'apôtre présente au chapitre 6. Puis,
dans le chapitre 7, il considère l'effet de la loi sur l'homme régénéré; et
ensuite, dans le huitième, il développe l'état de l'homme affranchi, et les
conséquences bénies de son affranchissement. L'affranchissement est le
passage de l'homme régénéré, de l'état de fils d'Adam (et spécialement de cet
homme sous la loi) dans le nouvel état d'homme en Christ ressuscité, sa
rédemption étant effectuée.
Pour que nous comprenions cet affranchissement, l'apôtre
décrit l'état de l'homme sous la loi, sans parler du pardon, qui peut, non pas
libérer, mais modifier l'état des sentiments de l'homme non encore affranchi.
Sous la loi, l'homme est complètement esclave; avec le pardon, il est bien
encore esclave non affranchi, mais il croit, et, néanmoins, il craint de s'être
trompé, plutôt que de sentir l'horreur de l'attente du juste jugement de Dieu.
Je n'entre pas ici dans cette modification particulière du sentiment qu'il a de
son état, voulant seulement suivre l'apôtre dans ses raisonnements.
Le sujet se présente ainsi à lui: Celui qui ne veut pas la
pure grâce, — l'homme juste à ses propres yeux, ou l'incrédule, — s'oppose à
cette doctrine, que nous sommes constitués justes par l'obéissance d'un autre,
disant que, s'il en était ainsi, nous pouvons continuer à vivre dans le péché.
L'apôtre ne répond pas en replaçant de nouveau l'homme sous la loi pour
produire par elle de bons fruits, dans une chair qui ne peut ni ne veut se
soumettre à elle. Il n'est pas si fou; il sait ce qu'est la chair, ce que nos
docteurs en loi ne savent pas; et il dit que nous avons part à cette justice
dont il parle, parce que nous avons part à la mort. Notre profession publique,
comme chrétiens, est d'avoir part à la mort de Christ; et si nous sommes entrés
par la mort pour avoir part à la justice, nous ne pouvons continuer à vivre
dans le péché; cela est évident (Romains 5: 1-11).
Telle est la doctrine qui est la racine de
l'affranchissement: non seulement nous avons reçu une vie nouvelle, mais le
vieil homme est mort, crucifié avec Christ. Le remède pour le mauvais arbre, —
la chair, — n'est pas que Christ a porté nos péchés et est mort pour nos
péchés; mais que nous sommes morts avec Christ. On ne peut accuser un homme
mort de mauvaise volonté et de mauvaise convoitise; et c'est d'elles qu'il
s'agit quand on parle de la chair et du vieil homme.
Si je veux avoir de bons fruits d'un pommier sauvage, je ne
me mets pas à l'émonder et à fumer et travailler le terrain; mais je coupe
l'arbre par le tronc, et j'y ente un bon pommier; et quand il a cru je ne dis
pourtant pas: voici un bon pommier et un mauvais tronc, bien que cela soit
vrai; mais je dis: voici un pommier excellent; l'arbre est estimé ce que vaut
la greffe. «Par la loi je suis mort à la loi», dit l'apôtre (Galates 2). Si
cette loi nous eût été directement appliquée, nous n'aurions pas seulement été
morts, mais nous nous serions trouvés aussi condamnés. Mais, ajoute l'apôtre,
«je suis crucifié avec Christ, et je ne vis plus moi, mais Christ vit en moi».
Voilà l'arbre greffé, et de plus le vieil homme crucifié avec Christ. La
signification du baptême est que nous entrions dans la mort de Christ pour être
ressuscités avec Lui; mais, dans cette épître aux Romains, ce n'est que de la
mort avec Lui qu'il est question, la destruction du vieil homme étant ce qui
occupe l'apôtre ici. Dieu nous tient pour morts, dit-il aux Colossiens: «Vous
êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu» (Colossiens 3: 3).
«Notre vieil homme a donc été crucifié avec Lui» (Romains 6:
6). Nous ne sommes pas réellement morts; mais Dieu ne nous a pas seulement
justifiés, par la mort de Christ, Christ ayant porté tous nos péchés; mais il
nous a appliqué la mort de Christ, nous donnant la foi en Lui, en sorte que
Dieu nous tient pour morts, puisque Christ, qui est notre vie, est vraiment
mort; comme il est dit dans ce chapitre: «Car en ce qu'il est mort, il est mort
une fois pour toutes au péché, mais en ce qu'il vit, il vit à Dieu. De même,
vous aussi, tenez-vous, vous-mêmes, pour morts au péché (*), mais pour
vivants à Dieu dans le Christ Jésus» (6: 10, 11). «Tenez-vous pour
morts», dit la Parole; nous ne sommes donc pas morts, autrement il ne serait
pas nécessaire de nous tenir pour morts; mais la foi nous regarde comme
morts et estime que nous le sommes. Et puis l'apôtre ajoute: «Que le péché donc
ne règne point dans votre corps mortel, pour que vous obéissiez aux convoitises
de celui-ci. «Le péché y est donc toujours; mais je me tiens, je me regarde
comme mort.
(*) Dans Colossiens 3, nous trouvons la déclaration de
Dieu qui nous tient pour morts; ici, dans le 6e aux Romains, c'est la foi du
chrétien qui fait qu'il se regarde comme mort, selon la déclaration de Dieu.
Dans 2 Corinthiens 4, nous avons l'accomplissement pratique de cette précieuse
vérité.
Ainsi, ce n'est pas le tout d'être pardonné, pour ce qui est
des fruits de la chair: nous sommes de plus (étant morts quant à la chair, et
vivants non de la vie d'Adam, de la vie de la chair, mais en Christ) dans une
position totalement nouvelle. Non seulement je suis né de Dieu, et la chair est
encore en moi; mais je suis mort au péché, et (après une rédemption parfaite,
accomplie, et par cette rédemption) ressuscité en Christ devant Dieu, dans une
nouvelle position, et, par la foi, sans la chair, — étant mort, — bien que la
chair soit toujours là. Je suis «en Christ», qui est ressuscité, après avoir
accompli devant Dieu l'oeuvre de la rédemption.
Cette doctrine, que nous venons d'exposer, est très claire
dans la Parole. Mais une difficulté surgit ici: mon expérience nie cette
vérité, et parce que je suis sincère et que je ne veux pas le péché, je dis:
comment est-il possible que je sois mort, quand je trouve le péché vivant et
opérant en moi. L'apôtre introduit donc la question des expériences, et il nous
montre que l'âme qui tient un tel langage n'est pas affranchie: bien qu'elle
soit sincère, elle ne connaît pas la puissance de la rédemption, ni la liberté
que donne le Saint Esprit, conséquence de la rédemption; l'âme est sous la loi.
Elle est sincère, elle réclame la sainteté; et Dieu veut la sainteté. Mais réclamer,
c'est la loi; la grâce donne. L'âme, en principe, dans son état, est sous la
loi, et elle cherche la paix pratique du coeur par la victoire sur le péché,
quand, tout au contraire, elle ne doit trouver la victoire que lorsqu'elle
possédera la paix et croira pleinement à la grâce, confessant qu'elle est
impuissante pour remporter la victoire. L'âme a besoin d'être humiliée,
d'apprendre à connaître sa faiblesse, d'être réduite à la conscience et à
l'aveu de son impuissance, reconnaissant qu'à cause de ce manque complet de
force, elle ne peut réussir à obtenir la victoire, ni à arriver à être
satisfaite d'elle-même. Le moi et sa prétention de vaincre, doivent être
écrasés. Il est beaucoup plus difficile de croire que nous n'avons pas de
force, que de croire que nous n'avons pas de justice; car, dès que l'âme est
réveillée, elle comprend qu'elle n'a pas de justice; mais n'étant pas
convaincue de sa propre faiblesse, elle est poussée par le sentiment du devoir
à vouloir marcher avec Dieu, et à satisfaire à ce que la conscience (si ce
n'est ouvertement la loi) réclame. Et si, par la grâce, je crois à la parole de
Dieu, je n'ai pas besoin de l'expérience. Par exemple, je crois que je suis
pardonné; pourquoi donc, quand Dieu me dit que je suis mort, ne veux-je pas le
croire? Parce que mon expérience contredit cette vérité. Sans doute, il faut la
sainteté pour être auprès de Dieu dans la joie; mais l'âme prétend acquérir
cette sainteté elle-même. Or cette prétention suppose que l'homme a la force,
et cela n'est pas vrai. L'homme se place ainsi sous la loi, qui exige, de fait,
la force en nous, comme chez le pauvre infirme du réservoir de Béthesda; mais
le péché nous a ôté la force de la même manière qu'il nous a rendus coupables
devant Dieu.
Telle est la leçon que nous apprenons dans le chapitre 7 de
l'épître aux Romains. Nous y voyons l'âme sous la loi; c'est sa vraie position
dans cet état. Ensuite, nous avons la délivrance fondée sur les principes
exposés ci-dessus.
Il faut absolument la sainteté, cela est certain; mais nous
ne l'avons pas comme nous le désirerions, et nous faisons l'expérience que nous
ne réussissons pas à remporter la victoire, ni par conséquent à satisfaire aux
exigences de notre conscience, qui réclame la sainteté de la part de Dieu, ni
aux désirs de notre coeur. Mais la loi a autorité sur un homme aussi
longtemps qu'il vit, et nous, nous sommes morts, déliés de la loi.
Cependant nous n'arrivons pas au sentiment d'être morts au péché, et d'être en
Christ, jusqu'à ce que nous soyons réduits d'abord à sentir l'impossibilité de
la réussite par nos propres efforts les plus sincères, quoique nous parlions de
l'aide de la grâce. Il faut que nous apprenions ce que nous sommes.
L'apôtre suppose ici une femme dans les liens du mariage.
Tant que le mari vit, elle est liée à son mari; elle ne peut être à un autre.
Mais si le mari meurt, elle est libre, et elle peut épouser un autre homme.
Cela étant établi, la figure est changée dans son application: nous
sommes morts, et non le mari (la loi); mais le lien qui nous liait à lui est
rompu. «Vous aussi vous êtes morts à la loi par le corps du Christ, pour être à
un autre, à Celui qui est ressuscité d'entre les morts… Mais maintenant nous
avons été déliés de la loi, étant morts dans ce en quoi nous étions tenus». Il
n'est pas possible d'avoir deux maris en même temps; mais étant, par la mort,
déliés du premier, nous pouvons être et nous sommes à un autre, à Christ
«ressuscité d'entre les morts afin que nous portions du fruit pour Dieu» (7:
4-6).
Voilà la doctrine. Dans les versets suivants, l'apôtre donne
l'expérience par laquelle nous arrivons à la délivrance. Il faut une
humiliation complète de soi. Nous désirons obéir, mais nous ne réussissons pas;
nous travaillons de toutes nos forces pour y arriver, nous ne réussissons pas;
et quand, par l'expérience, nous avons appris que nous ne pouvons pas réussir,
que la chair ne se soumet pas à la loi, et qu'elle ne peut pas; alors, ayant
appris la leçon voulue par Dieu, savoir que nous sommes, non seulement impies
par nature, mais sans force, que nous avons besoin, non d'aide, mais d'un libérateur,
nous trouvons que la chose est déjà toute faite; nous ne sommes en aucune
manière dans la chair, nous sommes morts en Christ, et nous appartenons à Celui
qui est ressuscité d'entre les morts; en un mot, nous sommes affranchis;
et la puissance du Saint Esprit opère en nous. C'est pourquoi il est écrit (7:
5): «Car quand nous étions dans la chair, les passions des péchés, lesquelles
sont par la loi, agissaient dans nos membres». On ne pourrait pas dire. «Quand
nous étions dans la chair», si nous y étions encore. Puis, chapitre 8:
9, nous lisons: «Or vous n'êtes pas dans la chair, mais dans l'Esprit, si du
moins l'Esprit de Dieu habite en vous». La chair est l'état du premier Adam,
mais nous, nous sommes «en Christ», le second Adam, ressuscité après
l'accomplissement de la rédemption. C'est pourquoi le verset 1 du chapitre 8 ne
dit pas: «Il n'y a donc maintenant aucune condamnation» pour ceux dont Christ a
porté les péchés, bien que cela soit vrai, mais «pour ceux qui sont dans le
Christ Jésus». Leur état est complètement changé et nouveau. Nous étions,
quant à l'état de notre conscience, sous le joug de la loi, sentant notre
responsabilité, ne pouvant réussir à faire ce que nous désirions. Maintenant
nous sommes «en Christ». Il est impossible de concilier les deux états.
Dans le chapitre 7: 23, nous étions menés captifs; mais maintenant «la loi de
l'Esprit de vie dans le Christ Jésus m'a affranchi de la loi du péché et de la
mort» (8: 2). Je ne puis être en même temps captif et affranchi; alors,
j'étais dans la chair, maintenant, je suis «dans l'Esprit» et non «dans
la chair» (7: 5; 8: 9).
Mais la lutte ne continuera-t-elle pas jusqu'à la fin? Oui,
mais pas sous la loi, pas selon le principe légal qui exige sans trouver jamais
satisfaction, mais en Christ, et selon la puissance de l'Esprit dans l'homme
affranchi par la rédemption de Christ. Dans une lutte, c'est une grande
différence d'avoir son adversaire sous les pieds, ou d'être sous les pieds de
son adversaire. La lutte existe toujours; mais la différence dans l'un et
l'autre cas est immense. La lutte est là, en Romains 7; mais elle a lieu sous
la loi; il y a lutte aussi dans le chapitre 5 de l'épître aux Galates, mais
selon l'Esprit. «La chair convoite contre l'Esprit et l'Esprit contre la chair;
et ces choses sont opposées l'une à l'autre, afin que vous ne pratiquiez pas
les choses que vous voudriez. Mais si vous êtes conduits par l'Esprit, vous
n'êtes pas sous la loi»; autrement dit: vous n'êtes pas dans le chapitre 7 de
l'épître aux Romains. La lutte, dans ce chapitre, s'accomplit sous la loi, et
la force pour vaincre ne se trouve pas en nous. C'est l'expérience d'un homme
sincère, renouvelé par la grâce, mais lié au premier mari, dont il est question
dans ce chapitre.
Les versets qui décrivent cette lutte montrent si on
l'entreprend sous la loi (le premier mari), ou sous Christ ressuscité. La
doctrine est que nous sommes morts à la loi, et unis à Christ ressuscité (7:
4). Or, dans les versets qui décrivent l'expérience, on ne trouve ni Christ, ni
le Saint Esprit, non pas même une seule fois, jusqu'à ce que l'âme s'écrie
qu'elle ne peut réussir dans la pratique du bien et demande qui la délivrera
(7: 24); alors, mais seulement alors, le libérateur, le second mari, est
révélé; puis, dans le chapitre 8, nous avons la description du nouvel état,
c'est-à-dire de l'état d'une âme en Christ. Jusque-là, au lieu de Christ, on a
la loi et le moi, le moi qui veut le bien et qui ne peut jamais
l'accomplir. Toujours «je» et le «moi», toujours la loi. «Car
nous savons que la loi est spirituelle, mais moi je suis charnel, vendu au
péché…; j'approuve la loi, reconnaissant qu'elle est bonne». «Je prends plaisir
à la loi de Dieu selon l'homme intérieur, mais je trouve une autre loi dans mes
membres, qui me rend captif de la loi du péché qui est dans mes membres». «Je
ne fais pas ce que je veux, mais ce que hais je le pratique». «Le vouloir est
avec moi, mais accomplir le bien, cela je ne le trouve pas». Le chrétien peut
tout en Celui qui le fortifie (Philippiens 4: 13); mais ici, en Romains 7, la
force manque.
L'apôtre parle du principe, la volonté étant toujours bonne,
mais le bien ne s'accomplissant jamais. Ce n'est, de fait, l'état d'aucun
homme; mais, étant affranchi, Paul décrit l'état de celui qui ne l'est pas.
Quelqu'un dira: Ne puis-je pas dire que je suis un misérable homme! Dans un
certain sens, oui; mais si je suis affranchi de la loi du péché, comme il est
écrit au chapitre 8: 2, je ne puis pas dire: «Qui me délivrera?» L'homme du
chapitre 7 ne demande pas d'être pardonné, ou comment il peut être
justifié, mais «qui me délivrera?» Il n'était donc pas encore affranchi
quand il parlait ainsi; et, remarquez bien ce point, il a renoncé à dire:
comment remporterai-je la victoire? comment deviendrai-je meilleur? Il sent
qu'il ne peut plus faire des efforts pour devenir meilleur; il a la volonté,
mais il n'a pas la force, et il demande qu'un autre vienne le délivrer,
parce qu'il ne peut le faire par lui-même.
Remarquons maintenant le progrès de cette expérience qui
nous occupe ici, dans une âme enseignée de Dieu. L'âme apprend trois choses: 1°
Qu'en elle, c'est-à-dire en sa chair, il n'habite point de bien; 2° Puisque je
veux le bien, et que je ne le pratique pas, ce n'est donc pas moi qui le fais,
mais le péché qui habite en moi: cela nous apprend la différence qu'il y a entre
la chair incorrigible et le «moi», leçon très importante, mais qui ne donne pas
la tranquillité, parce que le péché, auquel je suis assujetti, m'est odieux. 3°
Nous apprenons que si la chair n'est pas le «moi», elle est trop forte pour
moi, c'est-à-dire pour le moi qui veut le bien. Arrivé là, je suis à la fin de
la lutte, je n'en puis plus; et je m'écrie, afin qu'un autre me délivre. Ayant
appris ce qu'il était nécessaire que j'apprisse, savoir que la chair est
incorrigible, qu'elle n'est pas le «moi», mais que je ne puis pas la soumettre,
je trouve que, par la mort de Christ, je suis affranchi, que j'ai le droit et
la puissance de regarder et de tenir la chair pour déjà morte, bien qu'elle
soit encore là, parce que Christ est mort pour moi et que la chair est
condamnée, non pas en moi, ce qui serait ma condamnation, mais sur la croix; et
j'ai la force de Christ pour vivre selon l'Esprit. Je puis faillir mais j'ai la
force; la chair est en moi, mais je ne suis pas dans la chair: ce nouvel état
est décrit dans les trois premiers versets du chapitre 8: «Il n'y a donc
maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus…»
Tel est le nouvel état et la nouvelle position. Puis
viennent les caractères ou principes de cet état. «La loi de l'Esprit de vie
dans le Christ Jésus, m'a affranchi de la loi du péché et de la mort». Voilà la
vie de Christ et la force de l'Esprit au lieu de la loi et du «moi». Puis,
qu'est devenue la chair? Il ne pouvait pas pour elle, être question de pardon;
une nature ne se pardonne pas, mais des actes se pardonnent. Ce que la loi ne
pouvait faire, Dieu (au lieu de la volonté et de la force de l'homme),
ayant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché et pour le péché
(c'est-à-dire comme sacrifice pour le péché) a condamné — non pas
«condamnera» ni «condamne» — le péché dans la chair. La chose est faite; la
chair est condamnée; et là où elle a été condamnée (sur la croix) elle est
morte. Ce n'est pas, certes, que Christ eût cette mauvaise nature, mais il fut
fait péché, et il est mort au péché; le péché dans la chair est mort, pour la
foi, comme il est déjà condamné, et je vis de la vie de Christ, en présence
d'un adversaire condamné et jugé sur la croix; j'ai le droit et la puissance de
le tenir pour mort. Je suis affranchi, parce que, ayant appris ce que je suis
selon la chair, je me suis soumis à la vérité de l'oeuvre de la croix, par
laquelle le péché dans la chair est condamné; je suis mort avec Christ, et je
suis en Lui ressuscité, afin que je marche en nouveauté de vie et que je porte
du fruit pour Dieu.
Le point essentiel est celui-ci, que l'âme, pour marcher, ne
cherche pas d'aide (bien que sans Christ nous ne puissions rien), mais qu'elle
soit réduite à confesser par sa propre expérience, que la chair est mauvaise et
incorrigible, et que nous sommes sans force: nous avons besoin d'apprendre à
nous connaître nous-mêmes, et d'apprendre que nous sommes dénués de toute force
pour marcher comme il faut, que c'est de délivrance et non d'aide, que nous avons
besoin. C'est cette conviction de l'impossibilité de faire marcher la chair,
que Dieu veut. Si, avec l'aide de Dieu, sans nous tenir pour morts, nous
réussissions à remporter la victoire et à bien marcher, alors ce serait de nous
et non de Christ que nous serions contents; et ce n'est pas cela que Dieu vent.
Une fois que nous nous connaissons nous-mêmes, et que nous voyons qu'il n'y a
de délivrance que par la mort (par la foi), et non par l'aide de la grâce, nous
pouvons être libres, mais pas avant. Ce n'est pas par la victoire que nous
trouverons la tranquillité, mais la victoire par la tranquillité,
laquelle nous acquérons par la foi que nous sommes morts avec Christ quant à la
chair. Comment peut-on venir en aide à la chair? Et, si la chair n'est pas morte,
elle est encore une partie de nous-mêmes, mais une fois morte, la chair n'est
plus le «le moi», et je puis vaincre par la force de Christ, pour plaire à
Dieu, non pour être content de moi-même. Je ne vis que par Christ.
Ce n'est donc pas l'expérience chrétienne que cette
expérience du chapitre 7; mais c'est celle d'une âme née de Dieu, mais encore
sous la loi, et qui ne connaît point encore pleinement la rédemption.
Les dernières paroles du chapitre prouvent que, dans le chrétien, ni la nature du vieil homme, ni celle de l'homme nouveau, ne sont changées. Les natures sont les mêmes, mais c'est une chose, les ayant, que d'être sous la loi, qui est la puissance du péché, et une autre chose bien différente, d'avoir, étant mort avec Christ, la vie et l'Esprit de Christ qui est la puissance de la piété; c'est une chose, d'être mené captif par le pouvoir ou la loi du péché, tout en haïssant le péché, et c'en est une autre de se réjouir dans la liberté dans laquelle Christ nous a placés en nous affranchissant, liberté que l'apôtre développe au chapitre 8.