La venue du Seigneur

Notes prises aux conférences de Lausanne – Juin 1878

ME 1879 page 126

 

Je n'ai pas la pensée d'étudier la seconde venue du Seigneur comme doctrine; tous les frères savent qu'elle fait partie intégrante du christianisme. A sa première venue, Christ a posé le fondement de tout; il a accompli l'oeuvre qui nous donne le droit d'être dans la gloire. Nous y introduire, c'est le but de sa seconde venue.

Dieu veut nous placer dans la même gloire que son Fils. Il nous a «prédestinés à être conformes à l'image de son Fils» (Romains 8: 29, 30); et, «comme nous avons porté l'image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l'image du céleste» (1 Corinthiens 15: 49). On ne peut laisser de côté ce point de connaissance; c'est, je le répète, une partie intégrante du christianisme. Si on l'abandonne, tout l'ensemble du christianisme manque, et la personne de Christ n'a pas sa place.

Le centre de tout, c'est la personne de Christ; pour le chrétien, ce qu'il attend, c'est son retour. On parle souvent d'entrer dans le ciel, d'aller au ciel, mais ces expressions ne se rencontrent jamais dans la Parole. On va vers Christ, et il est dans le ciel, ainsi il est très vrai que nous allons au ciel, mais les mots qui expriment ce fait ne sont pas dans l'Ecriture. On «a la vie éternelle», on «s'endort», on «est ressuscité», on est «absent du corps, présent avec le Seigneur»; le brigand est «aujourd'hui» avec Christ dans le paradis; mais il n'est pas question d'aller au ciel. Ce que le chrétien attend, c'est la venue du Seigneur pour être tel que Lui, dans la même gloire que Lui, toujours avec Lui. Si on ne pense qu'à aller au ciel, Christ perd son importance; il n'occupe plus dans l'âme la place prééminente qu'il doit y avoir.

Si on laisse de côté cette vérité, on perd de vue Christ, les desseins de Dieu, la vraie sainteté, toutes les vérités, et même la valeur de l'oeuvre de Christ. Etre pardonné se rapporte à l'état du pécheur; la piété devrait se rattacher à la position d'enfants, au fait d'être en Christ. En perdant le fait que, s'il vient, c'est pour me placer dans la même gloire que celle où il est, on perd la valeur de son oeuvre.

Toutes les relations chrétiennes se rattachent à la venue du Seigneur. En 1 Corinthiens 2: 7, nous lisons que la sagesse cachée avait été préordonnée avant les siècles pour notre gloire: voilà le but, mais quand sera-t-il atteint? A la venue du Seigneur.

Romains 8: 29, 30, nous montre que nous sommes prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, afin qu'il soit premier-né entre plusieurs frères; 1 Corinthiens 15, nous dit que tel qu'est le céleste, tels aussi sont les célestes, et que nous porterons l'image du céleste. Nous sommes donc identifiés avec le second homme, tout comme nous l'avons été avec le premier.

C'est bien plus que le pardon, et, devant un tel but proposé au chrétien, toute la doctrine d'une perfection à atteindre ici-bas, tombe, car l'unique but, le seul terme placé devant nous, est dans le ciel. Prédestinés à être conformes à l'image de son Fils; Lui être semblables quand il paraîtra, — voilà ce que nous attendons; aussi Paul dit: «Je ne pense pas moi-même avoir atteint le but; mais je fais une chose… je cours droit au but, pour le prix de l'appel céleste de Dieu dans le Christ Jésus» (Philippiens 3).

Si l'on s'arrête au pardon des péchés, comme on le fait en général dans le christianisme actuel, on réduit tout à ne pas faire de choses mauvaises, à se conduire honnêtement, tandis que, comme chrétiens, nous avons un but, savoir Christ dans la gloire; ici-bas, nous avons le Saint Esprit qui nous le montre là-haut, et nous attendons sa venue qui va nous y introduire. Le but qui nous est ainsi proposé devient en même temps pour le coeur un mobile puissant, qui nous pousse à poursuivre la route.

On cite quelquefois 1 Corinthiens 2: 9, pour prouver que ce sont des choses cachées, que l'on ne peut connaître, et pour cela on s'arrête aux mots: «ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment», mais on ne fait pas attention à ce qui est le point important: c'est que les paroles: «qui n'est pas monté au coeur de l'homme», n'expriment pas notre état, mais celui des saints de l'Ancien Testament, et que, par contraste, il est ajouté: «Dieu nous l'a révélée par son Esprit». Voilà notre part. «Nous avons reçu, non l'esprit du monde, mais l'Esprit qui est de Dieu, afin que nous connaissions les choses qui nous ont été données par Dieu». La «sagesse» de 1 Corinthiens 2, embrasse tout. C'est Christ, comme au chapitre 8 des Proverbes, où l'on voit la création poétiquement décrite, et Christ, comme sagesse, en rapport avec les hommes sur la terre. Lui-même est l'objet des délices de Dieu le Père, et il trouve ses délices dans les enfants des hommes. C'est ainsi qu'à la première venue de Christ, les anges disent: «Gloire à Dieu dans les lieux très hauts… bon plaisir dans les hommes». Mais, bien que nous trouvions, dans les Psaumes, Christ monté en haut (Psaumes 68), et Christ assis à la droite de Dieu (Psaumes 110), la gloire qui nous concerne et qui se rattache à sa seconde venue, n'est en rien révélée dans l'Ancien Testament.

On veut aujourd'hui limiter le christianisme à l'efficace de la première venue de Christ, — chose très précieuse assurément et fondement de tout, — puis, après avoir été pardonné ici-bas, on ira au ciel. Ce qui se rapporte au second homme, à Christ glorifié en haut, à la place où il veut nous introduire avec Lui, tout cela est mis de côté. En réalité, ce que l'on veut, c'est la restauration du premier homme. Comme le disent quelques-uns, l'homme était au commencement corps, esprit, et âme en bon état; par la chute, il est devenu en mauvais état; alors Christ vient et remet l'homme en bon état. Mais alors ce que l'on possède n'est pas la vie de Dieu, une vie divine; on a la vie du premier homme, et non celle du second, de laquelle il est dit: «Celui qui a le Fils a la vie; celui qui n'a pas le Fils de Dieu n'a pas la vie».

Dans ces doctrines, on perd aussi la substitution en la confondant avec la propitiation. La propitiation est pour tous en vue de Dieu. Le sang de Christ est devant Lui, et il est pleinement satisfait. Jésus Christ est la propitiation pour le monde entier, et c'est pourquoi l'évangile est proclamé à tous. Mais à côté de cela, il y a la substitution qui n'est que pour ceux qui croient. C'est cet aspect de l'oeuvre de Christ qui est présenté dans ces paroles: «Il a porté nos péchés en son corps sur le bois». Ces péchés ne peuvent m'être imputés; Christ les a portés pour moi sur la croix, il a été là mon substitut. Et c'est à cause de cela que l'on peut dire à tous ceux qui croient, qu'il est impossible que leurs péchés ne soient pas effacés. Mais on ne peut le dire qu'à ceux qui croient (Romains 3: 22). Nous avons ces deux aspects de la mort de Christ dans les deux boucs du jour des expiations. L'un était le lot pour l'Eternel; son sang était répandu, et il en était fait aspersion sur le propitiatoire et devant le propitiatoire. Dieu était satisfait. Sur la tête du second bouc étaient placés tous les péchés des enfants d'Israël, et il les emportait loin de la présence de Dieu; c'était la substitution. Or Christ, après avoir accompli cette oeuvre, est monté au ciel; en le contemplant là, j'ai la certitude que mes péchés sont effacés. Si donc quelqu'un croit en Jésus, je puis lui dire avec certitude qu'il n'est pas possible que Dieu lui impute un seul péché, puisque Christ les a tous portés sur la croix. Dieu sait bien d'avance quels sont ceux qui croiront, mais moi, qui ne le sais que quand quelqu'un croit effectivement, j'annonce l'évangile à tous en vertu de la propitiation.

«Nous présentons tout homme parfait en Christ» disait Paul. Il ne se bornait pas à un côté de la vérité; il ne laissait pas dans l'ombre ce qu'il y a d'essentiel; il voyait toute cette gloire de Christ, et voulait transporter cela dans la foi formative de tous les chrétiens. Il ne s'agissait donc pas d'éviter les péchés grossiers, de chercher une perfection sur la terre; la perfection se trouve en Christ dans la gloire, voilà ce qu'il faut réaliser. Si l'on perd de vue le but, nécessairement tout est imparfait.

Revenons plus directement à la venue du Seigneur. Comme nous l'avons dit, elle se rattache à toutes les relations où le chrétien se trouve. Elle est, pour ainsi dire, tissée dans le système chrétien tout entier. Si on l'ôte ou si on la néglige, tout est gâté et reste imparfait. Passons en revue quelques passages, où la venue du Seigneur est présentée en rapport avec les diverses positions du chrétien. 1 Thessaloniciens 1: 9, 10: «Car eux-mêmes racontent de nous quelle entrée nous avons eue auprès de vous, et comment vous vous êtes tournés des idoles vers Dieu… pour attendre des cieux son Fils qu'il a ressuscité d'entre les morts». L'attente du Seigneur est une partie de leur conversion; c'est dès le commencement de leur vie chrétienne, qu'ils attendent le retour de Jésus. On est converti pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils. Si donc on n'attend pas la venue de Jésus, la conversion est imparfaite quant à son but.

Matthieu 25: 1-13, nous présente les vierges sorties du judaïsme ou du paganisme, pour aller à la rencontre de l'époux. Cela est mis en oubli; les chrétiens s'endorment. Mais ils sont réveillés à l'heure de minuit par le cri: «Voici l'Epoux». Convertis d'abord pour sortir vers l'Epoux et l'attendre, le mauvais état de l'Eglise intervient, elle oublie; on se met à l'abri d'une ou d'autre façon, on s'endort; mais, maintenant comme au commencement, le cri est: «Sortez», on attend l'Epoux.

En 1 Thessaloniciens 2: 18, 19, le retour du Seigneur est envisagé en relation avec le ministère. Paul ne peut penser à son service, à ses fruits, à sa récompense, sans penser en même temps à l'avènement du Seigneur. Les Thessaloniciens sont sa gloire et sa joie devant le Seigneur Jésus, à sa venue.

Au chapitre 3: 12, 13, de la même épître, la sainteté est présentée en rapport avec la venue du Seigneur, mais ce n'est pas la sainteté ici-bas, dans la marche, c'est la sainteté devant Dieu quand le Seigneur viendra: c'est ce qui ne serait pas entré dans les pensées des hommes. On saura alors quelle est la sainteté qui convient à la nature de Dieu et à laquelle Jésus a amené les siens devant Dieu.

Au chapitre 4: 13, etc., c'est la venue du Seigneur en rapport avec la mort, c'est la suprême consolation. Ceux qui se sont endormis en Jésus reviendront avec Lui. «De même aussi, avec lui, Dieu amènera ceux qui se sont endormis par Jésus» ensuite l'apôtre montre de quelle manière cela aura lieu.

Au chapitre 5: 23, 24, il s'agit de la sanctification parfaite en la venue du Seigneur.

Dans la première épître a Timothée, chapitre 6: 13 et 14, Timothée est exhorté à être fidèle dans son ministère jusqu'à l'apparition du Seigneur.

En Jacques 5, la venue prochaine du Seigneur est le mobile donné à la patience dans la tribulation. Cette vérité devait agir sur le coeur et la conscience d'une manière présente.

Au chapitre 12 de Luc, l'attente du Seigneur est ce qui caractérise le chrétien. Remarquons ici que le Seigneur et les apôtres ne parlent jamais de la venue du Seigneur, comme devant être plus éloignée que la vie de ceux auxquels ils parlent ou dont ils parlent. Les vierges du commencement sont les vierges de la fin; les serviteurs qui reçoivent les talents sont ceux qui en rendent compte au retour du Maître. Le Seigneur ne veut pas que l'on puisse supposer le contraire. De même Paul dit: «Nous serons changés»; «nous, les vivants, qui demeurons». Voilà quelle était l'attente. Mais, dit-on, Paul s'est trompé. Non, si vous vivez de cette manière, comme ceux qui attendent leur Seigneur, vous en recueillerez le fruit quand il reviendra.

Nous voyons la même chose dans les sept églises d'Asie. On admet qu'elles sont l'histoire morale de l'Eglise jusqu'à la fin, mais l'on dit: Si elles représentent les états successifs de l'Eglise, dans sa responsabilité sur la terre, vous voyez bien qu'il fallait attendre une longue suite d'événements. Au contraire, car le Seigneur a pris sept églises qui existaient alors, de sorte que tout était là présent. Il pouvait dire «aux autres qui sont à Thyatire… ce que vous avez, tenez-le ferme jusqu'à ce que je vienne».

Si l'on regarde à ce qui a lieu maintenant autour de nous, on voit bien que beaucoup ne l'attendent pas; toutefois le cri s'est fait entendre: le Seigneur prend soin de réveiller les vierges avant qu'il arrive. Et c'est la pierre de touche de l'état moral du chrétien comme aussi du monde.

Ce retour de Jésus pour prendre les siens avec Lui est invisible au monde. Notre vie est cachée avec le Christ en Dieu, et quand il paraîtra, nous paraîtrons avec Lui en gloire (Colossiens 3: 3). Or c'est pour le monde qu'il apparaîtra. Et, à ce moment, quand notre manifestation glorieuse aura lieu, quand le monde connaîtra que nous avons été aimés du Père comme Jésus, nous serons déjà avec Lui. Quant à l'intervalle qui s'écoule entre le moment de sa venue pour les siens et son apparition au monde, rien ne nous en est dit. Il y aura au moins trois ans et demi, c'est tout ce que l'on peut dire. Il n'y a qu'une venue, mais ce sont deux actes ou deux pas de la même venue. Jésus vient d'abord prendre les siens et puis il apparaît avec eux en gloire; ils sont dans la même gloire que Lui.

On remarquera encore que, lorsqu'il s'agit de la responsabilité de l'homme, c'est toujours l'apparition de Christ qui est mentionnée. S'agit-il de L'Eglise, c'est sa venue pour ravir les siens et les avoir avec Lui. Or comme Paul est le seul qui parle de l'Eglise comme corps de Christ (le Seigneur même n'en parle pas), c'est aussi lui seul qui mentionne l'enlèvement des saints. Les autres parlent de la venue, de l'apparition de Christ.

1 Pierre 1: 10 et suivants, nous donne l'ordre des choses. Elles avaient été prophétisées à l'avance; elles sont annoncées maintenant par le Saint Esprit, et il faut attendre jusqu'à ce qu'elles arrivent, quand le Seigneur Jésus Christ sera révélé. Le salut dont il est question, et que nous ne posséderons pleinement que quand nous serons glorifiés, est un «salut d'âmes»; c'est son caractère, ce n'est pas une délivrance temporelle comme pour les Juifs. Ainsi le mot salut implique plus que le pardon, Nous trouvons constamment que ces deux expressions: le salut, la vie éternelle, s'emploient dans ces deux sens, c'est-à-dire qu'on les a déjà et qu'on ne les a pas encore. «Saisis la vie éternelle», dit Paul à Timothée (1 Timothée 6: 12), et cependant, «celui qui croit au Fils a la vie éternelle» (Jean 3: 36). «Pour un salut qui est prêt à être révélé au dernier temps», et cependant «vous êtes sauvés», et cela est actuellement. Mais tout cela s'explique très bien. Le salut plein, complet, que nous attendons à la révélation de Jésus Christ, c'est la gloire, c'est «l'adoption, la délivrance de notre corps» (Romains 8: 23). Aussi est-il dit que nous attendons le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur (Philippiens 3: 20), mais cela se rapporte au fait qu'il transformera alors le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire. Ainsi «nous avons été sauvés en espérance» (Romains 8: 24), toutefois nous avons la vie maintenant et la certitude du salut qui sera révélé, car nous avons «été scellés du Saint Esprit de la promesse, qui est les arrhes de notre héritage, pour la rédemption de la possession acquise» (Ephésiens 1: 14).

1 Jean 3: 3. «Quiconque a cette espérance en lui, se purifie comme lui est pur». Ici, le retour du Seigneur donne à la sanctification son caractère, en même temps qu'il en est l'énergie.

Ainsi, la venue du Seigneur entre dans toutes les parties du christianisme; c'en est le couronnement, de même que la croix en est le fondement. Perdre le retour du Seigneur, c'est avoir un christianisme défectueux dans toutes ses parties.

Le but vers lequel nous avons à tendre, c'est d'être tels que Christ est et non tels qu'il était. La position où il est actuellement, est ce qui agit sur toutes les affections. A mesure que l'on voit ce qu'il est, on s'attache à Lui, le coeur se purifie, on veut lui être semblable, et l'on s'approche toujours plus de Celui avec qui l'on sera bientôt a jamais. On tend continuellement vers ce moment où on le verra tel qu'il est, et où on Lui sera rendu semblable.

C'est ce que nous voyons chez Paul (Philippiens 3). Il avait vu Christ dans la gloire; ce qu'il veut maintenant, c'est Christ pour le posséder, Christ pour Lui être semblable, et pour cela la résurrection d'entre les morts. Voilà le but vers lequel il court tout droit, sans se laisser détourner; voilà l'unique chose qui l'occupe.