Les souffrances de Christ - Darby J.N.

ME 1879 page 170

 

Les souffrances de Christ - Darby J.N. 1

1.  Diversité des souffrances de Christ 1

2.  Les souffrances expiatoires de Christ 8

 

Certaines idées qui ont cours aujourd'hui relativement aux souffrances de Christ, m'engagent à attirer l'attention des chrétiens sur ce sujet, et sur quelques distinctions simples mais importantes qu'il y a lieu de faire quant au caractère et à la nature de ces souffrances. Les sympathies de Christ sont si précieuses à l'âme de celui qui croit; il est à la fois si encourageant et si consolant pour nous que Jésus soit entré dans nos douleurs ici-bas, dans un monde de misère morale, que nous ne saurions trop chercher à réaliser dans nos coeurs tout ce que Christ a ainsi été pour nous, ni trop nous garder non plus de tout ce qui tient de l'erreur sous ce rapport. Le sujet dont je désire m'occuper puise plus d'importance encore dans le fait que le caractère des souffrances du Sauveur se lie plus ou moins à la personne même et à la nature de Jésus.

1.  Diversité des souffrances de Christ

Avant tout il faut distinguer les souffrances que Christ a endurées de la part des hommes, et celles qu'il a endurées de la part de Dieu: leur cause et leur résultat sont également différents.

Christ, nous le savons, a souffert de la part des hommes. Il fut méprisé et rejeté par les hommes, un homme de douleurs, sachant ce que c'est que la langueur; le monde le poursuivit de sa haine avant que de haïr ses disciples; le monde le haït, parce qu'il portait témoignage contre lui que ses oeuvres étaient mauvaises. Il était lumière, et celui qui fait des choses mauvaises hait la lumière et ne vient point à la lumière, parce que ses oeuvres sont mauvaises. Christ donc a souffert pour la justice; il en a été de lui comme d'Abel: Caïn s'éleva contre Abel et le tua, parce que ses oeuvres étaient mauvaises et que celles de son frère étaient justes. L'amour qui porta le Seigneur à servir les hommes dans le monde et à rendre témoignage de leur état de péché, ne fit qu'attirer plus de douleurs sur lui; en échange de son amour il trouva la haine, une haine qui ne faiblit pas jusqu'à la croix, alors que, dans la folie du triomphe de l'homme, ceux qui passaient s'écriaient: «ha! ha!» La justice et l'amour, et ce qui fut dans le fait la manifestation de la nature et des voies de Dieu sur la terre, firent paraître au dehors la haine implacable du coeur et de la volonté de l'homme. Christ souffrit de la part de l'homme pour la justice.

Mais Christ souffrit aussi de la part de Dieu sur la croix. Il plut à Jéhovah de le froisser; — il l'a mis en langueur. Quand il aura mis son âme en offrande pour le péché, il se verra de la postérité: — il a été fait péché pour nous, lui qui ne connut point de péché, et alors il a été blessé pour nos forfaits et froissé pour nos iniquités; — le châtiment qui nous apporte la paix a été sur lui; — alors il souffrit, lui juste, pour les injustes; il souffrit, non pas parce qu'il était juste, mais parce que nous étions pécheurs et qu'il portait nos péchés en son corps sur le bois. Quand Dieu l'abandonna, il a pu dire: Mon Dieu, mou Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? — car en lui-même il n'y avait rien qui motivât cet abandon; — mais nous, nous pouvons répondre à cette solennelle question et dire: en grâce, Christ a souffert, lui juste pour les injustes, il a été fait péché pour nous.

Ainsi, je le répète, Jésus souffrit pour la justice, comme un homme vivant, de la part des hommes; et comme un Sauveur mourant, il souffrit de la part de Dieu pour le péché. Les Psaumes vont nous présenter le résultat de ces deux genres de souffrances.

Dans les Psaumes 20 et 21, le Messie est considéré prophétiquement comme souffrant sur la terre de la part des hommes: c'est «le jour de la détresse»; ses ennemis ont machiné une entreprise dont ils ne pourront venir à bout. Mais lui demande la vie, et elle lui est donnée; un prolongement de jours pour toujours et à perpétuité, et il est revêtu de gloire et d'une grande majesté. Et quelles sont les conséquences pour l'homme de ce que Christ est ainsi glorifié par Jéhovah, en face du mépris et de la violence des iniques? — C'est le jugement, car sa main trouvera tous ses ennemis; il les a rendus comme un four de feu au jour de son courroux, selon ce qu'il a dit: Ceux-ci, mes ennemis, qui n'ont pas voulu que je régnasse sur eux, amenez-les-moi, et tuez-les devant moi. Les mêmes choses se retrouvent également au Psaume 69: 1-24. L'effet des souffrances de Christ de la part des méchants, c'est le propre jugement de ceux-ci.

Dans le Psaume 22, nous trouvons, à côté de toutes ces souffrances de la part des hommes et lorsqu'elles ont atteint leur point culminant (versets 1-21), les souffrances du Christ de la part de Dieu, alors que, sous le poids des premières, Dieu, son unique ressource, l'abandonne. Ici Christ porte le péché, ou, tout au moins, il est sous les conséquences du fait qu'il le porte: c'est le jugement, si je puis m'exprimer ainsi, la colère que nous avions méritée. Mais il vint pour abolir le péché par le sacrifice de lui-même; et à cause de cela, le résultat de ses souffrances n'est que grâce, grâce sans mélange, grâce parfaite, rien autre absolument. Où est le coupable à frapper, parce que Jésus a bu la coupe que le Père lui a donnée à boire? — Il est exaucé, et Dieu prend ce nouveau caractère de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts et qui lui a donné gloire, parce que Jésus l'a parfaitement glorifié au sujet du péché. Jésus est ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père; et ce nom de Dieu, son Dieu et son Père, il le déclare immédiatement à ses frères: «Je déclarerai ton nom à mes frères».

Ne me touche pas (*), dit-il à Marie, après qu'il est ressuscité, car je ne suis pas encore monté vers mon Père; mais va vers mes frères, et dis-leur: je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Le témoignage, maintenant, est grâce, et Jésus loue au milieu de l'assemblée et dirige les louanges de ses rachetés. Ensuite tout Israël aussi, la grande assemblée, loue Jéhovah, et puis tous les bouts de la terre se joignent à ces louanges; les gras de la terre mangent et adorent, tous ceux qui descendent vers le tombeau; et la génération qui naîtra, lorsque ce temps de paix sera venu, elle aussi entendra le merveilleux récit de ce que Christ a fait, de ces choses dans lesquelles les anges désirent voir jusqu'au fond. C'est un fleuve pur de grâce et de bénédiction, qui s'élargit jusqu'aux bouts de la terre et qui descend le cours des temps jusqu'à la génération qui naîtra. — Tels sont les effets de la croix: aucune parole de jugement ne suit les choses qu'elle raconte; les souffrances qu'elle a vues, c'était le jugement du péché, mais c'était aussi l'abolition du péché. Le jugement a été porté, mais il a passé avec son exécution sur la victime qui, en grâce, s'était substituée elle-même aux vrais coupables: et si, comme cela est vrai, nous avons à être manifestés devant le tribunal de Christ, Celui devant qui nous apparaîtrons, a lui-même ôté nos péchés; nous paraissons devant lui, parce que lui-même est venu nous chercher, afin que là où il est, nous y soyons avec lui. En un mot, Christ sur la croix a souffert de la part de Dieu; et souffrir de la part de Dieu, c'est souffrir pour le péché, non pas pour la justice; — l'effet de ces souffrances-là n'est que grâce, une grâce qui déborde maintenant librement: Christ a été baptisé du baptême dont il avait à être baptisé, et il n'est plus désormais gêné et resserré dans l'exercice et la proclamation de l'amour. Tout au contraire, et j'insiste sur ce point, quand Christ, au travers de tout son témoignage au milieu des hommes, jusque même sur la croix, a souffert de la part des hommes, il souffrait pour la justice, car lui, dans sa personne, n'avait point de péché pour lequel il eût à souffrir. Il n'était point aux yeux des hommes une victime substituée, et ce qu'il a ainsi souffert sous la puissance de l'homme, amène le jugement, un jugement qui sera accompli lors de son retour, — providentiellement, déjà maintenant par la destruction de Jérusalem, et pleinement, quand il reviendra.

(*) Car il ne venait pas maintenant pour être corporellement présent dans le Royaume.

Ici, j'attirerai l'attention du lecteur sur un autre contraste bien important pour nous: Christ a souffert pour le péché afin que nous ne souffrions jamais ainsi. Nous avons été guéris par ses meurtrissures, nous n'en avons pas été participants. La colère que Christ a soufferte dans l'abandon de Dieu, il la porta lui seul, et dans ce but précisément, quant à nous, que nous n'eussions jamais à goûter de cette coupe d'amertume et d'épouvantement impossible à toucher pour nous, — car si nous l'eussions goûtée, c'eût été comme des pécheurs condamnés. Mais, dans les souffrances de Christ pour la justice, dans ce qu'il eut à souffrir pendant le cours de son oeuvre d'amour, nous pouvons avoir notre part, quelque faible et misérable que soit notre foi — et nous y sommes appelés. Il nous est donné, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour son nom; si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui; si nous souffrons pour la justice, nous sommes bienheureux, et plus bénis encore si nous souffrons pour son nom; l'Esprit de gloire et de Dieu repose sur nous. Nous pouvons nous réjouir de ce que nous participons aux souffrances de Christ, car lorsque sa gloire sera révélée, nous nous réjouirons d'une joie inexprimable. J'ajouterai en passant que ces souffrances pour la justice et pour Christ sont distinguées les unes d'avec les autres par le Seigneur lui-même (Matthieu 5: 10, 11), et puis par Pierre (1 Pierre 2: 20; 3: 17; 4: 14).

Le principe de ces deux genres de souffrances dont nous venons de parler, est le même, en tant que mis en contraste avec les souffrances pour le péché ou le mal; et ce contraste entre souffrir pour le bien, et souffrir pour le mal, est présenté par Pierre d'une manière touchante, en même temps que les souffrances pour le bien, et celles pour le mal, sont également attribuées à Christ, et que nous, nous sommes exhortés à éviter les dernières. Pierre, dans sa première épître (chapitre 2: 19-23), présente Christ souffrant comme un exemple, et dans le verset 23, il fait allusion aux outrages et à la violence des hommes; au verset 24, il ajoute que «Lui-même a porté nos péchés», montrant que Christ a ainsi souffert afin que nous fussions morts aux péchés et que nous ne souffrions pas pour le péché. Mais, comme je viens de le dire, ces choses sont présentées d'une manière touchante au chapitre 3 de la même épître de Pierre, dans les versets 17-18 que j'interprète ainsi: l'apôtre avait parlé au verset 14 de souffrir pour la justice, et puis il ajoute qu'il est meilleur, si telle est la volonté de Dieu, que nous souffrions pour avoir bien fait que pour avoir mal fait, car Christ, dit-il, a souffert une fois pour les péchés: ceci n'est pas votre part aux souffrances, Lui a souffert ainsi une fois pour toutes; vous, vous pourrez être jugés dignes de souffrir pour la justice, mais souffrir pour le péché est la part de Christ seul.

J'ai à signaler maintenant deux autres caractères des souffrances de notre Seigneur; d'abord, son coeur qui était amour, a dû grandement souffrir de l'incrédulité de l'homme dans sa misère, et de sa propre réjection par le peuple juif. La Parole fait mention de ses soupirs, quand il ouvre les oreilles du sourd et qu'il délie la langue du muet (Marc 7: 34); elle parle de ses soupirs profonds lorsque les Pharisiens demandent un signe (Marc 8: 19). Ainsi encore, à la tombe de Lazare (Jean 11), nous voyons Jésus pleurer et frémir en lui-même à la vue de la puissance de la mort sur les esprits des hommes, et de leur incapacité à se délivrer eux-mêmes. Il a pleuré aussi sur Jérusalem, quand il a vu la cité bien-aimée sur le point de le rejeter au temps même de sa visitation (Luc 19: 41). Tout cela, c'était la souffrance d'un amour parfait, traversant une scène de misère et de ruine, au milieu de laquelle la volonté propre et l'insensibilité des coeurs s'élevaient de toute part contre cet amour et tout son travail. Avec des heures bénies où l'âme du Sauveur, heureuse dans l'exercice même de son amour, contemplait pour un moment les campagnes blanches pour la moisson, il y avait là une source constante de douleurs; — et ces douleurs, et cette joie qui les éclaire, Dieu en soit béni, il nous est donné dans notre petite mesure de les partager. Ce sont les souffrances de l'amour lui-même.

Mais un fardeau d'un caractère différent s'appesantissait souvent, je n'en doute point, sur l'âme du Seigneur pendant son séjour ici-bas: il en a été ainsi, et il a dû en être ainsi, bien que tout, encore ici, ne soit que perfection dans une soumission bénie à la volonté divine. Ce fardeau dont je veux parler, c'était l'anticipation par le Sauveur, quand le moment en fut venu, de ses souffrances sur la croix, avec le poids oppressant de leur vrai caractère: dans le chemin de la vie, il devait rencontrer la mort. Il ne pouvait pas s'associer aux excellents de la terre, et les introduire dans une vraie et éternelle béatitude, sans passer par la mort et la mort comme le salaire du péché, car ils étaient des pécheurs. Si le grain de froment tombant en terre, ne mourait point, il demeurait seul. Mais dans ce chemin, personne ne pouvait entrer, avec Lui, ses disciples pas plus que les Juifs, comme il le leur dit lui-même. Pour Jésus, la mort c'était la mort, la complète faiblesse de l'homme, l'apogée de la puissance de Satan, la juste vengeance de Dieu, et au milieu de tout cela, Lui, seul, sans personne qui sympathisât avec lui, abandonné de ceux qu'il avait aimés, ayant tous les autres pour ennemis! Messie livré aux gentils, il est «jeté par terre» (Psaumes 102: 10); tandis que le juge se lave les mains de ce qu'il condamne l'innocent, et que les sacrificateurs intercèdent contre l'innocent au lieu d'intercéder pour le coupable. Tout est obscurité, pas un seul rayon de lumière, même de la part de Dieu. La parfaite obéissance était nécessaire ici, et, grâces à Dieu, fut trouvée; mais nous pouvons comprendre ce que cette angoisse a dû être devant une âme qui la considérait avec les sentiments d'un homme rendu parfait en pensée et en intelligence par la lumière divine qui était en lui. La Parole nous présente deux exemples remarquables de ces souffrances de l'âme du Sauveur, dans ce qui nous est rapporté au chapitre 12 de l'évangile de Jean, et dans la scène de Gethsémané; et, bien qu'aucun autre ne soit pareil au dernier, ces exemples n'excluent pas la pensée que le Sauveur ait aussi passé par d'autres heures obscures, ni ne donnent une pleine lumière sur ce que Lui a dû éprouver, lorsque dans un calme parfait il entretenait ses disciples de ses souffrances à venir. La venue des gentils qui étaient montés pour adorer, avait ouvert devant Lui cette scène solennelle où le Christ rejeté entre dans la gloire plus excellente et plus étendue du Fils de l'homme; mais pour cela, il fallait que le grain de froment tombât en terre et mourût. La mort, le chemin vrai et nécessaire de sa gloire, est présente à l'esprit de Jésus avec toute sa valeur et ses conséquences pour son âme, et il cherche la délivrance. «Maintenant mon âme est troublée; et que dirai-je? Père, délivre-moi de cette heure!» Il ne pouvait pas désirer et il ne pouvait pas ne pas craindre l'abandon de Dieu et la coupe de la mort qu'il avait à boire. «Il a été exaucé en ce qu'il craignait» (Hébreux 5). C'était là la vérité et la vraie piété en présence du chemin ouvert devant son âme. Plus tard, à Gethsémané, ce caractère de la souffrance, et de l'épreuve ou de la tentation, se réalisa dans toute sa plénitude, alors que la mort était plus proche et que le prince de ce monde venait: l'âme du Sauveur était de toute part saisie de tristesse jusqu'à la mort; la coupe était pour ainsi dire approchée de ses lèvres, bien qu'il ne l'eût pas encore saisie, car il ne voulait la recevoir que de la main de son Père; et la volonté du Père était qu'il bût la coupe, parce qu'il n'était pas possible qu'elle passât loin de lui, si le conseil et la volonté de Dieu devaient être accomplis. Le tentateur qui, à l'entrée du service public du Seigneur et pour l'en détourner, avait tenté Jésus dans le désert et sur le faîte du temple par les choses agréables à la chair; le tentateur qui avait été confondu et lié, et, pendant la vie du Seigneur, dépouillé de ses biens, revient maintenant pour éprouver Jésus par toutes les choses qui devaient effrayer une âme d'homme et par-dessus tout le Seigneur, s'il persévérait jusqu'à la fin dans son obéissance et dans son oeuvre. Une puissance capable de délivrer l'homme de toute la domination de l'Ennemi avait été manifestée, mais l'homme n'avait pas voulu du Libérateur. Ainsi, si le Seigneur devait persévérer dans son intérêt pour une vile et misérable race, il fallait qu'il fût, non pas un puissant et vivant Libérateur, mais un Rédempteur mourant. C'était là le chemin de l'obéissance et de l'amour. «Le prince de ce monde vient, et il n'a rien en moi; mais afin que le monde sache que j'aime le l'ère, et selon que le Père m'a commandé, ainsi je fais» (Jean 14).

Le lecteur remarquera que, dans les deux derniers cas que nous venons de considérer, savoir les souffrances qui avaient leur source dans l'amour de Jésus, et celles que produisait en lui l'anticipation de la coupe qu'il devait boire, nous trouvons le Sauveur toujours avec son Père, bien que occupé avec Lui de la coupe qu'il avait à boire: son obéissance brillait dans toute sa perfection. Jésus n'est pas encore abandonné de Dieu, quoiqu'il ait à faire avec son Père au sujet de cette coupe caractérisée par le fait qu'il est abandonné de Dieu. «Père, délivre-moi de cette heure; mais c'est pour cela que je suis venu à cette heure. Père, glorifie ton nom» (Jean 12). Ici, Jésus reçoit la réponse à son obéissance jusqu'à la mort en jugement, dans une réelle et complète victoire, et dans l'éclatante manifestation de la révélation de l'amour; bien que le monde, en même temps, y trouve son jugement. Mais à Gethsémané tout s'obscurcissait, c'était la puissance des ténèbres et l'agonie plus profonde du Seigneur proclamée dans ses quelques paroles si puissantes et dans cette sueur qui était comme des grumeaux de sang découlant en terre (Luc 22: 41-44). L'obéissance toutefois est parfaite. Le tentateur est entièrement vaincu, et le nom de Jésus suffit pour faire reculer et pour renverser tous ses adversaires (Jean 18: 6). Pour autant qu'il s'agit de ceux-ci et de l'étendue de la puissance de Satan, Jésus est libre; mais le Père lui avait donné la coupe à boire: Jésus s'offre lui-même volontairement pour la boire, montrant autant de puissance que jamais, afin qu'il ne perdit aucun de ceux que le Père lui avait donnés. Scène merveilleuse d'obéissance et d'amour! Quelles que fussent ses souffrances, ce qui avait amené là le Sauveur, c'était le libre mouvement d'un coeur d'homme en grâce, mais d'un homme parfait selon l'Esprit en obéissance envers Dieu. «La coupe que le Père m'a donnée à boire, ne la boirai-je pas?» (Jean 18: 11). Il rencontre la puissance de la mort, en tant qu'elle était la puissance de l'Ennemi; il passe au travers, et l'ayant ainsi renversée, il s'avance dans le chemin béni d'une obéissance de bonne volonté, prenant maintenant la coupe elle-même de la main de son Père. Jamais nous ne pourrons trop méditer sur le chemin que Christ a suivi ici. Nous pouvons nous arrêter à le considérer sous tous ses aspects et apprendre ainsi ce qu'aucun autre moment, ni aucune autre scène ne peut nous dire, — une perfection qui s'apprend de Lui, et de Lui seul. Mais nous devons passer à d'autres parties des souffrances de Christ, car je ne puis ici qu'indiquer brièvement les causes et le caractère de ces souffrances.

Le péché lui-même a dû être pour le Seigneur une source continuelle de douleur. Si Lot affligeait son âme juste de tout le mal qu'il voyait et entendait, lui si éloigné de Dieu par sa marche, que n'a pas dû souffrir le Seigneur quand il a passé au travers de ce monde! Je ne doute pas qu'étant toujours parfaitement à la place où Dieu voulait qu'il fût, le Sauveur n'ait été, non pas dans une certaine mesure seulement, mais par la nature même de ses sentiments, plus calme que l'homme juste de Sodome: néanmoins il était angoissé par le péché. «Il les regarda tout à l'entour avec colère, étant attristé de l'endurcissement de leur coeur» (Marc 3: 5). Son amour parfait était ici, sans doute, un soulagement pour lui, mais cet amour n'ôtait pas la souffrance qu'il adoucissait. Si à ces mots: «O génération incrédule et perverse, jusques à quand vous supporterai-je?» il ajoute: «Amène ici ton fils» (Luc 9: 41), l'incrédulité n'en était pas moins sentie par lui. Cependant il était dans une terre aride, altérée et sans eau, et il en avait le sentiment alors même que son âme était remplie aussi comme de moelle et de graisse. Plus il était saint et plus il aimait, et plus le péché était affreux pour lui, le péché dans lequel son peuple aussi marchait «comme des brebis sans pasteur».

Les douleurs des hommes, également, étaient par le coeur celles de Jésus. «Il a porté leurs langueurs et leurs maladies». Quelqu'affliction, quelque douleur qu'il ait rencontrée dans son chemin, il n'en est aucune qu'il n'ait portée sur son coeur comme sienne: «dans toutes leurs angoisses, il a été en angoisse». Ce n'était pas à la légère que, même comme un homme vivant, il appliquait le remède: il portait dans son âme ce qu'il ôtait par sa puissance — (car tout était le fruit du péché dans l'homme) — seulement c'était en grâce. Il porta le péché lui-même aussi, mais ceci, nous l'avons vu, eut lieu sur la croix; ce fut l'obéissance, et non pas la sympathie. Dieu le fit être péché pour nous, lui qui ne connut pas de péché: tout le reste, c'étaient les sympathies de l'amour bien que ce fût la souffrance. L'amour a amené Jésus à la croix, nous le savons, mais dans ses souffrances sur la croix il n'eut pas la joie présente d'un service d'amour. Sur la croix, il n'avait pas affaire avec l'homme, mais en obéissance, il souffrait à sa place, et pour lui, de la part de Dieu. La souffrance était donc sans mélange, sans adoucissement: la croix n'était pas pour Jésus l'activité de sa bonté, mais l'abandon de Dieu; mais toutes ses souffrances dans ses voies envers les hommes, quelles qu'elles aient été, ont été le fruit direct de l'amour qui agissait d'une manière sensible sur son âme; il sentait pour d'autres, et à leur sujet; et dans un monde de péché, ce sentiment se traduisait pour lui en souffrance constamment, — mais ce sentiment, c'était l'amour. Puissent nos âmes en goûter, la douceur! En échange de son amour, le Sauveur a pu être haï; mais l'exercice actuel et présent de l'amour a une douceur et un caractère qui lui sont propres et qu'aucune forme des souffrances dont il peut être la source, ne lui ôte jamais: et en Jésus cet exercice a été parfait. Je ne veux pas dire certainement qu'une juste indignation ne remplissait pas son âme quand l'occasion l'appelait et que cette sainte colère éclatait en malédictions telles que l'amour parfait seul peut en prononcer. Que dût-il éprouver, en effet, pour ceux qui enlevaient la clef de la connaissance et qui, non seulement n'entraient pas eux-mêmes, mais encore s'opposaient à ce que d'autres entrassent. Une juste indignation n'est pas de la souffrance; mais l'amour qui en est la source, — là où elle est juste, — la revêt de son propre caractère.

Une autre source de douleur — (car à quelle coupe d'amertume Christ n'a-t-il pas bu?) — était peut-être plus humaine, mais non moins vraie: je veux parler de cette violation de toute délicatesse, que ne pouvait pas ne pas sentir une âme dans laquelle tout était harmonie. «Ils me regardent et repaissent leurs regards» (Psaumes 22: 17). Insultes, mépris, tromperies, efforts incessants de le surprendre dans ses paroles, brutalité et cruelle moquerie… tout cela ne s'appesantissait pas sur une âme insensible, bien qu'elle fût divinement patiente. Je ne dis rien de l'abandon, de la trahison, du reniement: «il a cherché quelqu'un qui eût compassion de lui, mais il n'y en a point eu, et des consolateurs, mais il n'en a point trouvé» (Psaumes 69: 20); mais je parle ici de ce qui a pesé de tout son poids sur tous les sentiments délicats de la nature de Jésus comme homme. L'opprobre brisa son coeur; il fut le sujet des chansons des ivrognes; sans doute Jéhovah connaissait son opprobre et sa honte et son ignominie; tous ses ennemis étaient devant lui; — mais Christ traversa tout. Aucune perfection divine ne le sauva de la souffrance, mais il traversa toutes les douleurs dans sa divine perfection et par elle. Je ne pense pas qu'il y ait eu un seul sentiment humain — et en Lui demeuraient tous les sentiments délicats d'une âme parfaite — qui en Christ n'ait pas été violé et foulé aux pieds. Tout cela n'était rien sans doute au prix de la colère de Dieu: sous le poids de cette colère les hommes et leurs voies étaient oubliés; mais les souffrances n'étaient pas moins réelles alors; et même lorsque, anticipant la coupe de la colère, il désirait du moins avoir auprès de lui ses disciples trop confiants en eux-mêmes, afin qu'ils veillassent avec lui, il ne put que les trouver endormis à son retour. Tout était douleur, mais l'exercice de l'amour; et celui-ci, à la fin, doit faire place pour l'obéissance dans la mort où la colère de Dieu effaça par la profondeur de la douleur dont elle était la source, la haine et l'iniquité de l'homme. Tel fut Christ. Toutes les douleurs furent concentrées dans sa mort, où, ni les consolations d'un amour actif, ni la communion avec son Père, ne pouvaient apporter aucun soulagement ou être pour un moment entremêlées avec cette terrible coupe de colère; là, promesses, droits à la gloire royale, tout fut abandonné par Jésus, afin qu'il reçût tout, de nouveau, infailliblement, en gloire de la main du Père, avec une gloire plus élevée et plus excellente que celle qu'il avait réellement jamais eue, mais dans laquelle maintenant il allait entrer comme homme.

2.  Les souffrances expiatoires de Christ

Nous ne saurions avoir un sentiment trop vif de la profondeur des souffrances du Seigneur, dans son oeuvre expiatoire. Aucune parole humaine n'est capable d'exprimer ce que ce fut, pour le Seigneur, de boire la coupe de la colère divine (car, en langage humain, nous n'exprimons que nos propres sentiments). Avec cette souffrance-là, impossible d'en comparer ni d'en mêler aucune autre. C'est un fait unique que la colère divine contre le péché, ressentie, dans toute sa vérité et sa réalité, au dedans de l'âme de Celui qui, par sa sainteté parfaite, par son amour pour Dieu, par la connaissance de la valeur infinie de l'amour de Dieu, pouvait savoir ce qu'était la colère divine, savoir ce que c'était que d'être fait péché devant Dieu, et qui, en vertu de sa personne, était seul capable de soutenir cette colère; ce fait, je le répète, est unique au monde. Quelque terrible que doive avoir été l'anticipation de ces choses, et elle fut certainement terrible, toutefois l'anticipation n'était pas l'accomplissement même du fait en question. La mort seule, tout horrible qu'elle fût pour le Prince de la vie, encore moins une souffrance humaine quelconque, ne peut être mise au niveau de la colère divine; et cependant quelle entière réalité dans les souffrances de Christ! Pas un regard de pitié pour Lui, pas un coeur pour compatir avec Lui!

Voilà pourquoi, au Psaume 22, le Seigneur seul, lui-même, exprime cela. Il fait allusion, d'un côté, à la violence et à la perversité de l'homme, de l'autre, au sentiment de sa propre faiblesse; puis il met en contraste avec ces choses le fait que Dieu se tient loin de Lui, comme le point qui distingue ce conflit de tous les autres. Enfin il déclare ouvertement que, dans toutes les angoisses où d'autres avaient trouvé la délivrance, Dieu l'avait abandonné. Le résultat qui en découle est, comme nous l'avons dit plus haut, une grâce sans mélange, rien que la grâce et la bénédiction, parce que ces afflictions étaient la colère et la souffrance de la part de Dieu, pour le péché. Les afflictions de la part de l'homme peuvent et doivent amener le jugement, si nous les considérons comme le résultat de son inimitié. Mais l'abandon de Dieu, quand Christ est fait péché — qui devra subir le jugement pour cela? Non, cette circonstance-là reste absolument unique et isolée, Christ s'y trouve tout seul. Elle produit l'expiation; quelque autre que Christ pourrait-il jamais souffrir ce qui l'a effectuée? Voilà pourquoi Christ se présente tout seul dans le Psaume 22, en contraste avec d'autres qui sont des croyants. Eux, ils se sont confiés en Dieu et ont été délivrés; Lui, il a été abandonné. On peut passer par les souffrances les plus profondes et les plus poignantes, par la détresse et l'angoisse, même quant au péché; on peut souffrir, même jusqu'à la mort, avec toute la puissance de la mort sur le coeur de l'homme; ces souffrances peuvent s'élever jusqu'au point même où l'on rencontre la colère; mais ici elles n'arrêtent, elles ont atteint leur limite; ce qui manque entièrement à leur nature, c'est la colère et l'abandon de Dieu. Quelque extrêmes qu'elles soient, elles rentrent toutes, par leur caractère, dans le cercle des afflictions humaines; mais elles disparaissent toutes devant cet autre ordre de souffrances: la colère de Dieu. Qui pourrait sentir l'affliction, quoique présente, quand la colère est là, la colère de Dieu contre le péché, non point seulement les conséquences amères du péché, pour le pécheur, même jusqu'à la mort (tout cela est vrai et Christ a aussi suivi ce chemin), mais, je le répète, la colère de Dieu, elle-même, contre le péché? Souffrance unique; malheur à celui qui ne la distingue pas! Aussi voyons-nous qu'au Psaume 69, qui pénètre bien avant dans les afflictions et les souffrances de Christ, et cela en rapport même avec des péchés connus de Dieu, malgré l'angoisse inouïe de Christ, malgré ses cris prolongés, cependant l'Esprit peut introduire des hommes dans cette même position. Certes, je ne dis pas qu'ils souffrent autant, ni si profondément; mais ils peuvent souffrir de la même manière, en conséquence de la position dans laquelle les ont placés leurs propres péchés.

 «Car ils persécutent celui que tu avais frappé et font leurs contes de la douleur de ceux que tu avais blessés» (verset 26); c'est pourquoi le jugement est réclamé sur eux (versets 27, 28). Ceci n'est pas l'expiation, car les souffrances, de la part de l'homme, produisent la visitation de l'homme, en jugement. Au Psaume 22, nous ne trouvons pas trace de l'acte d'en associer d'autres, ni du fait que d'autres soient associés avec le Seigneur dans son affliction. Ici, comme nous l'avons déjà vu, tous les saints qui souffrent sont mis en contraste avec Lui. Lorsque, par ces souffrances, la rédemption est accomplie, lorsque Christ a été retiré d'entre les cornes des licornes, alors, en effet, il associe ses frères avec lui; mais c'est dans la délivrance, dans la joie et dans la paix. Quel autre que lui seul pouvait faire l'expiation, ou porter la colère pour l'accomplir? Mais dès qu'il s'agit d'autres afflictions, nous pouvons aussi y avoir notre part. Cette différence entre les Psaumes 22 et 69 est si marquée, que, dans le 69, tandis que le psalmiste s'arrête sur les souffrances qui vinrent sur Christ, à l'approche de la mort, et qu'il prend pour thèse le cri de détresse profonde poussé par Christ, à cause de sa position et de ses circonstances, loin de nous présenter l'abandon de Dieu quand Christ crie à lui, il ajoute au contraire: «Mais pour moi, ma requête s'adresse à toi, ô Eternel! il y a un temps de ton bon plaisir, ô Dieu! selon la grandeur de ta gratuité; réponds-moi, selon la vérité de ta délivrance» (verset 13).

Ici donc, même dans l'expression de l'angoisse et de l'affliction de Christ, toute profonde qu'elle fût, nous ne trouvons pas cette parole du Psaume 22: «mais tu ne réponds point». Or il est impossible qu'une intelligence spirituelle qui connaît, en quelque mesure, ce que vaut la faveur divine, et qui est capable de regarder à Lui, puisse, quelque profonde et intime que soit sa détresse, lors même qu'elle serait le résultat de péchés et de chutes — puisse, dis-je, ne pas comprendre la différence immense et absolue de ces deux états. Il est, à la vérité, également impossible, et quelle bénédiction pour nous! de sonder la profondeur de ce qu'exprime le Psaume 22.

Or il est de la dernière importance de maintenir d'une manière ferme et précise, de conserver, comme un fondement inébranlable de la vérité éternelle, la vraie signification du fait que Christ a porté effectivement la colère directe de Dieu, lorsqu'il a été fait péché; qu'il l'a soufferte, en étant réellement abandonné de Dieu, quant à son âme, à cause du péché; de sorte que cette colère nécessaire et méritée, quoique par d'autres que par Christ, il l'a subie effectivement et réellement. Quant à cette vérité même, aucune personne divinement enseignée, quelque obscure que lui soit, du reste, la doctrine touchant la nature propre et le caractère des souffrances de Christ, pendant sa vie, et quoiqu'elle puisse, par sentiment, augmenter la profondeur des afflictions de Christ de leur mélange avec son oeuvre expiatoire, — aucune personne divinement enseignée ne peut manquer, je le répète, dès qu'il s'agit de la vérité positive, de distinguer, de toute autre affliction, le fait que l'âme du Seigneur a porté réellement et souffert, en grâce, la colère directe et l'abandon de Dieu; elle saura distinguer cette souffrance-là de toute autre affliction ou souffrance quelconque, même profonde, dans laquelle Christ pouvait dire, par exemple: «Mais pour moi, ma prière s'adresse à toi, Eternel! au temps favorable» (Psaumes 69: 13), et dans laquelle il ne dit pas: «mais tu ne réponds point». On peut trouver maint passage difficile à interpréter, on peut être embarrassé par les raisonnements d'autrui, on peut, quant au sentiment, confondre l'anticipation de la coupe de la colère avec le fait de la boire. De telles choses nous sont arrivées à tous, plus ou moins. Mais quand l'âme et la conscience se trouvent en présence du fait que Christ a réellement porté la colère de Dieu, — la colère de Dieu contre le péché, — chacun se prosternera devant cette oeuvre solennelle, sachant que Christ s'y est trouvé seul; jamais on ne confondra un seul instant cette souffrance de Christ avec des afflictions, même profondes, que d'autres pouvaient partager. Dans toutes les afflictions qui résultent d'un amour actif, dans toutes celles que le gouvernement de Dieu nous inflige à cause du péché, l'homme peut avoir sa part (comme, par exemple, le Résidu juif et, en principe, les pécheurs sous la loi), en acceptant les unes avec reconnaissance, ou en s'humiliant des autres. L'opprobre peut briser le coeur de l'homme: il peut être isolé et abandonné de tous; il peut crier de l'abîme profond où l'ont plongé ses péchés — mais porter la colère divine, voilà ce qu'il se sent incapable de faire; et il adore Celui qui l'a fait à sa place.

Ces choses demandent d'être exposées avec ordre. Les souffrances dans lesquelles Christ est entré, en dehors de son oeuvre expiatoire, et que d'autres sont capables d'éprouver, ont un double caractère. Ce sont d'abord les souffrances qui découlent d'un amour actif dans ce monde, puis celles qui résultent des châtiments à cause du péché, ces dernières jointes au poids de la puissance de Satan sur l'âme et à la frayeur de la colère anticipée de Dieu.

Dans les premières, c'est notre privilège de souffrir avec Christ; dans les dernières, nous souffrons à cause de notre légèreté, et sous la main de Dieu; mais Christ est aussi entré dans ces dernières souffrances; il sympathise avec nous. Mais tout cela est bien distinct des souffrances que Christ a endurées à notre place, afin de nous les épargner, portant la colère de Dieu, afin que nous n'eussions pas à la porter nous-mêmes. Dans l'expiation, il souffre pour nous; dans le service, nous souffrons avec Lui; dans nos détresses, nos agonies morales à cause du péché, il a senti avec nous. Nous allons voir que le Seigneur lui-même et les enseignements des évangiles distinguent clairement les souffrances de Christ, pendant son ministère ici-bas, des souffrances de la fin de sa vie; et ces dernières, à leur tour, de son oeuvre expiatoire (quoiqu'elles eussent lieu à la même époque). Dès que le Seigneur eut été baptisé par Jean, le Saint Esprit descendit sur lui, et il entra dans son ministère public. Mais ce ministère fut introduit par la tentation dans le désert; Christ y fut poussé par l'Esprit, afin d'être tenté par le diable. Il remporta la victoire, l'homme fort fut lié, et il commença à piller ses biens: il passa de lieu en lieu en faisant du bien, et guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance (Actes des Apôtres 10: 38), car Dieu était avec lui. Possession, maladie, mort, — tout fruit quelconque de la puissance de l'Ennemi s'évanouissait devant sa parole. Il passa par l'affliction; il fut l'opprobre des hommes; il porta leurs fardeaux sur ses épaules. Je suis persuadé que Christ n'a jamais guéri de malade, sans porter, en son esprit et en son coeur, le fardeau de la maladie, comme étant le fruit et la puissance du mal. Or tout cela, c'était l'activité de son amour. Lui-même, il a porté nos infirmités et s'est chargé de nos maladies. Remarquez bien que cela est dit, lorsqu'il les guérissait. Or, porter nos afflictions et nos douleurs et nous en délivrer par sa puissance, ce n'est pas porter notre péché même, sous le poids de la colère divine.

En outre, Satan n'était pas avec Christ, pour le tenter d'une manière directe, pendant le cours de son ministère. Nous lisons en Luc: «Et ayant accompli toute la tentation, le diable se retira d'avec lui pour un temps» (4: 13). Mais à la fin de sa vie, Christ put dire: «Désormais je ne parlerai plus beaucoup avec vous, car le chef du monde vient; et il n'a rien en moi». Ici nous trouvons, de nouveau, un changement distinct dans la position du Seigneur par rapport à la présence de Satan. Aussi put-il dire, après cela, à ceux qui arrivèrent de la part des principaux sacrificateurs: «Mais c'est ici votre heure et le pouvoir des ténèbres». Auparavant, il avait été assis, tous les jours, avec eux dans le temple et ils n'avaient point étendu leurs mains contre lui pour le saisir. Mais ceci (parole terrible pour ces malheureux!) était leur heure et le pouvoir des ténèbres. Celui qui avait la puissance de la mort était alors à l'oeuvre contre le Seigneur, et le Seigneur ne se retira point de l'épreuve. Son âme fut, saisie de tristesse jusqu'à la mort; celui qui avait la puissance des ténèbres la faisait peser tout entière sur son âme. Mais, même alors, Christ pouvait attendre que ses disciples veillassent avec lui; ils pouvaient être criblés comme le blé (Luc 22: 32), quoique leur seule ressource, lorsque cette heure s'approcha avec une puissance réelle, fût de s'enfuir pour ne pas entrer dans la tentation; leur seule ressource, alors qu'ils ne connaissaient pas la puissance du Saint Esprit opérant en eux; car ils devaient suivre Christ plus tard, comme il le dit ensuite à Pierre.

Ce changement qui avait lieu dans sa propre position, le Seigneur le leur donne clairement à entendre: «Quand je vous ai envoyés sans bourse, sans sac et sans sandales, avez-vous manqué de quelque chose? Et ils disent: De rien. Il leur dit donc: Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, et de même celui qui a un sac, et que celui qui n'a pas d'épée vende sa robe et achète une épée. Car je vous dis qu'il faut encore que ceci qui est écrit soit accompli en moi: «Et il a été compté parmi les iniques. Car les choses qui me concernent vont avoir leur fin» (Luc 22: 35, etc.). Tout était changé. Autrefois, il les avait protégés par sa puissance divine, par laquelle il agissait et opérait dans le monde. Maintenant, quoique sa personne divine fût éternellement la même, et sa puissance, comme telle, immuable, Christ devait être rejeté et souffrir. La gloire devait arriver, mais, auparavant, il fallait que Christ souffrit beaucoup et qu'il fût rejeté par cette génération-là. Il enseigna cela spécialement à ses disciples, depuis le moment où Pierre confessa qu'il était le Fils du Dieu vivant, à partir de la transfiguration, et dans son dernier voyage de la Galilée à Jérusalem. Non que Christ souffrît ces choses alors; son heure n'était pas encore venue (Jean 7: 30); mais il leur donnait à entendre qu'il aurait à les souffrir (voyez Matthieu 16: 21; 17: 12, «va souffrir»m™llei p€scein — et verset 22; Marc 8: 13; Luc 9: 22). La chose est d'autant plus remarquable qu'alors il enjoint à ses disciples de ne dire à personne qu'il est le Christ, ajoutant: «Il faut que le Fils de l'homme souffre». Il abandonnait, en pratique, son ministère de la circoncision pour la vérité de Dieu, le témoignage de Jéhovah Messie (*), et allait entrer dans un autre témoignage: les souffrances du Fils de l'homme. Remarquez que c'est aussi lorsque ce titre est suggéré à son esprit, par l'arrivée des Grecs (Jean 12: 20-25), que sa croix et sa mort se lèvent tout à coup devant son âme (comparez Psaume 2 et l'usage que fait du Psaume 8 l'apôtre en Hébreux 2).

(*) Ce ministère fut toutefois continué, en patience, jusqu'à l'entrée de Christ à Jérusalem, monté sur un ânon, lorsqu'il annonce que la vigne sera ôtée aux Juifs.

Mais je reviens à mon sujet. Christ dit à ses disciples qu'il va souffrir. Nous avons vu que le prince de ce monde devait venir. Satan entra en Judas, et ce fut l'heure de ses ennemis et la puissance des ténèbres. Christ s'exprima ainsi, lorsqu'il rencontra, à Gethsémané, la foule de ceux qui étaient envoyés de la part des principaux sacrificateurs. Le Seigneur déclarait distinctement et ouvertement le changement qui avait lieu dans le caractère de son ministère et de ses souffrances, c'est-à-dire dans sa position. Ce n'est pas ici son ministère, comme Prince de la vie (quoiqu'il le fût toujours, et qu'il le prouvât en pillant les biens de son ennemi vaincu): «Le prince de ce monde vient»; c'est la puissance des ténèbres, et Christ la subissant, dans l'angoisse du combat, pour l'amour de nous; son âme attristée jusqu'à la mort; la puissance de l'ennemi — de celui qui a le pouvoir de la mort — pesant, de tout son poids, sur l'âme de Christ. Toutefois il subissait ces choses, en communion avec le Père et en le suppliant à leur égard, et le Père l'exauça. Or, ici, nous avons, de sa propre bouche, la révélation très distincte et précise qu'il ne buvait point encore, à cette heure, la coupe que son Père lui avait donnée à boire. Il demande instamment de n'être pas obligé de la boire; que, si cela est possible, cette coupe passe loin de lui; mais s'il lui faut la boire, sa soumission à la volonté de son Père est parfaite. Ici, sans doute, il entre, aussi profondément que possible, dans ce qui est représenté par la coupe qu'il avait à boire; son âme est triste jusqu'à la mort; mais dans l'angoisse du combat, il prie plus instamment. Il fut exaucé. Christ n'a pris la coupe, ni de la main des hommes, ni de la main de Satan, quoique l'homme et Satan fussent là pour l'accabler, et qu'il sentit toute sa faiblesse, comme homme. Mais il traverse la pensée de tout cela et la mort même, avec Celui qui exauce sa supplication et qui est capable de le sauver; il prend la coupe de la main de son Père, dans une paix parfaite à l'égard de l'homme et du pouvoir des ténèbres; il s'offre lui-même volontairement, afin qu'il ne perde aucun de ceux que le Père lui a donnés (Jean 17). Le Père lui avait donné la coupe à boire. Il ne s'en détourne pas, mais s'offre lui-même volontairement pour nous. Christ n'eût-il pas fait cela dans son obéissance bénie, il était libre de passer au milieu de ses ennemis atterrés ou de demander des légions d'anges pour le délivrer de leurs mains. Mais alors, comment les Ecritures eussent-elles été accomplies? Sur la croix tout est terminé, Dieu l'abandonne, et toute la colère de Dieu se répand sur Celui qui ne connut pas le péché, mais qui fut fait péché pour nous, — Celui qui, dans sa vie mise tout entière à l'épreuve, n'a pas connu le péché. S'il y avait eu quelques péchés, s'ils avaient été possibles dans la vie de Christ, c'eût été le moment d'en avoir la conscience; car c'est alors que toutes les épreuves qui auraient pu manifester le péché (si la conscience du péché eût pu se trouver là), avaient atteint leur suprême degré. Mais il n'y eut là que la victime sans tache et qui n'avait jamais porté le joug, Celui qui s'offrit lui-même, sans tache, à Dieu, qui fut fait péché pour nous, afin que nous devinssions justice de Dieu en Lui. Il offrit son âme en oblation pour le péché, ainsi que cela est dit dans le passage d'Esaïe, auquel le Seigneur fait lui-même allusion (Luc 22: 37), comme à une chose qui devait être encore accomplie: «Il a livré son âme à la mort, il a été mis au rang des transgresseurs, et lui-même a porté les «péchés de plusieurs» (Esaïe 53: 12).

Maintenant, je le demande, avant d'aller plus loin, la mort de Christ n'est-elle pas présentée dans l'Ecriture, comme l'acte par lequel la rédemption fut opérée? Son sang précieux n'est-il pas présenté comme le moyen efficace de la rédemption? N'avons-nous pas la rédemption par son sang, la rémission des péchés? N'est-ce point par le précieux sang de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache? N'est-il pas déclaré que, sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission? Qu'on prenne le chapitre 9 de l'épître aux Hébreux, que je me permettrai de citer ici depuis le verset 11. Ces paroles valent bien toute l'autorité humaine, quelque ancienne qu'elle soit: «Mais Christ étant venu, souverain sacrificateur des biens à venir, par le tabernacle plus grand et plus parfait qui n'est pas fait de main, c'est-à-dire qui n'est pas de cette création, et non avec le sang des veaux et des boucs, mais avec son propre sang, est entré, une fois pour toutes, dans les lieux saints, ayant obtenu une rédemption éternelle. Car si le sang des taureaux et des boucs, — et les cendres d'une génisse, avec lesquelles on fait aspersion sur ceux qui sont souillés — sanctifie, pour la pureté de la chair, combien plus le sang du Christ qui, par l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu sans tache, purifiera-t-il votre conscience des oeuvres mortes, pour servir le Dieu vivant! Et c'est pourquoi il est médiateur d'une nouvelle alliance, de sorte que la mort intervenant pour la rançon des transgressions qui étaient sous la première alliance, ceux qui sont appelés reçoivent la promesse de l'héritage éternel. (Car là où il y a un testament, il est nécessaire que la mort du testateur intervienne; car un testament est valide lorsque la mort est intervenue, puisqu'il n'a pas de force aussi longtemps que le testateur vit). C'est pourquoi la première alliance n'a pas été consacrée sans du sang. Car chaque commandement selon la loi ayant été proclamé par Moïse à tout le peuple, il prit le sang des veaux et des boucs, avec de l'eau et de la laine teinte en pourpre, et de l'hysope, et en fit aspersion sur le livre et sur tout le peuple, en disant: «C'est ici le sang de l'alliance que Dieu vous a ordonnée». Et, de la même manière, il fit aspersion du sang sur le tabernacle et sur tous les vaisseaux du service. Et presque toutes choses sont purifiées, selon la loi, par du sang; et, sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission. Il était nécessaire donc que les images des choses qui sont aux cieux fussent purifiées par de telles choses, mais que les choses célestes elles-mêmes le soient par de meilleurs sacrifices que ceux-là. Car le Christ n'est pas entré dans les lieux saints faits de main, copies des vrais, mais dans le ciel même, afin de paraître maintenant pour nous, devant la face de Dieu; ni, non plus, afin de s'offrir lui-même plusieurs fois, ainsi que le souverain sacrificateur entre dans les lieux saints, chaque année, avec un autre sang (puisque, [dans ce cas,] il aurait fallu qu'il souffrit plusieurs fois depuis la fondation du monde); mais maintenant, en la consommation des siècles, il a été manifesté une fois, pour l'abolition du péché, par le sacrifice de lui-même. Et comme il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela, d'être jugés, ainsi le Christ aussi, ayant été offert une fois pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra une seconde fois, sans péché, à salut à ceux qui l'attendent».

Qu'on veuille bien remarquer que «sans effusion de sang il n'y a point de rémission», puis la déclaration que Christ aurait dû souffrir plusieurs fois, s'il avait dû s'offrir plusieurs fois, comme le souverain sacrificateur offrait du sang étranger; mais qu'il a été manifesté une fois, en la consommation des siècles, pour l'abolition du péché par le sacrifice de lui-même: «Christ a été offert, une fois, pour porter les péchés de plusieurs». Au chapitre 10, nous voyons, qu'en contraste avec les sacrificateurs qui se tenaient debout chaque jour, pour faire le service, «celui-ci, ayant offert un seul sacrifice pour les péchés, s'est assis à perpétuité à la droite de Dieu» (versets 11, 12). Il n'y avait qu'un moyen pour que l'entrée du lieu très saint fût ouverte; c'était le voile déchiré en deux, c'est-à-dire sa chair. Lorsque nous examinons la valeur de la mort de Christ, que trouvons-nous rattaché à cette mort, dans l'Ecriture?

Ai-je besoin de rédemption? Nous avons la rédemption par le moyen de son sang, une rédemption éternelle; car, «non pas avec le sang des veaux et des boucs, mais avec son propre sang, il est entré, une fois pour toutes, dans les lieux saints, ayant obtenu une rédemption éternelle».

Ai-je besoin de pardon? Cette rédemption que j'ai par le moyen de son sang est le pardon des péchés; — sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission.

Ai-je besoin de paix? C'est Lui qui a fait la paix par le sang de sa croix.

Ai-je besoin de réconciliation avec Dieu? Quoique nous fussions des pécheurs, «toutefois maintenant il nous a réconciliés, par le corps de sa chair, par le moyen de la mort, afin de nous présenter saints, irréprochables et irrépréhensibles devant Dieu» (Colossiens 1: 22). «Lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés à Dieu par la mort de son Fils» (Romains 5: 10).

Voudrais-je être mort au péché et que ma chair soit crucifiée avec ses passions et ses convoitises? «Je suis crucifié avec Christ». «Sachant ceci, que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit annulé»; «car en ce qu'il est mort, il est mort, une fois pour toutes, au péché; mais en ce qu'il vit, il vit à Dieu» (Romains 6: 6, 10). C'est là aussi que je trouve ma délivrance du poids et du joug de la loi qui a autorité sur l'homme, aussi longtemps qu'il vit.

Ai-je besoin d'une propitiation? Christ est présenté comme propitiatoire, par la foi en son sang.

Ai-je besoin de justification? Je suis justifié par son sang. Voudrais-je avoir part avec Christ? Il fallait qu'il mourût; car, à moins que le grain de froment ne tombe en terre et ne meure, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit (Jean 12: 24).

Ainsi donc, pourquoi suis-je baptisé, comme l'expression publique de ma foi? «Nous tous qui avons été baptisés pour le Christ Jésus, nous avons été baptisés pour sa mort» (Romains 6: 3). Car qu'est-ce qui a réellement détruit le mur mitoyen de clôture et fait entrer les gentils, abolissant l'inimitié et réconciliant Juifs et gentils, en un seul corps, à Dieu? (Ephésiens 2: 14, etc). C'est la croix. Comment avons-nous pleine liberté pour entrer dans les lieux saints? Par le sang de Jésus, chemin nouveau et vivant qu'il nous a consacré à travers le voile, c'est-à-dire sa chair; car jusqu'à ce que le voile fût déchiré, l'Esprit Saint indiquait ceci: que le chemin des lieux saints n'était pas encore manifesté (Hébreux 9: 8).

C'est par conséquent un Christ élevé qui est devenu le point d'attraction pour tous. «Quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi» (Jean 12: 32).

Dans la puissance de quoi, le grand Pasteur des brebis a-t-il été ramené d'entre les morts? Dans la puissance du sang de l'alliance éternelle. Comment la malédiction de la loi a-t-elle été ôtée de dessus ceux qui la subissaient? Par le fait que Christ est devenu malédiction pour eux; car il est écrit: «Maudit est quiconque est pendu au bois».

Comment sommes-nous lavés de nos péchés? Il nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son sang; car son sang purifie de tout péché (Apocalypse 1: 6; 1 Jean 1: 7).

Si je désire être délivré du monde, c'est par la croix que je le suis, «par laquelle le monde m'est crucifié et moi au monde» (Galates 6: 14). Si, connaissant combien le Seigneur doit être craint, l'amour du Christ m'étreint à l'égard des hommes, d'où cela vient-il? «Parce que j'ai jugé ceci, que si un est mort pour tous, tous aussi sont morts, et qu'il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux» (2 Corinthiens 5: 14). Ainsi l'apôtre ne connaissait désormais personne selon la chair, non, pas même Christ. Tout était une nouvelle création. Si je veux vivre avec la puissance divine, c'est en portant, dans mon corps, les marques du Seigneur Jésus, afin que la vie de Jésus soit manifestée dans mon corps mortel.

Lorsque Jésus voulut instituer un mémorial particulier, afin de rappeler son souvenir, ce fut un corps rompu et un sang versé. C'est un Agneau comme immolé, que l'on voit au milieu du trône (Apocalypse 5: 6). Tout a été amour de sa part, cela va sans dire. Mais si je désire l'apprendre, voici la réponse: «Par ceci nous avons connu l'amour, c'est que lui a laissé sa vie pour nous», et, de la part de Dieu, «en ce que lui nous aima et qu'il envoya son Fils, pour être la propitiation pour nos péchés» (1 Jean 3: 16; 4: 19).

Nous sommes sanctifiés pour l'aspersion de ce précieux sang de Christ, et pour l'obéissance; et étant sanctifiés et rendus parfaits à perpétuité, par l'offrande du corps de Jésus Christ faite une seule fois (en contraste avec les sacrifices, toujours renouvelés, des Juifs), il n'y a plus d'offrande pour le péché, car Christ, ayant offert un seul sacrifice pour les péchés, s'est assis à perpétuité à la droite de Dieu (*). Car il n'a pas dû «s'offrir lui-même plusieurs fois, ainsi que le souverain sacrificateur entre dans les lieux saints, chaque année, avec un autre sang (puisque, dans ce cas, il aurait fallu qu'il souffrît plusieurs fois depuis la fondation du monde); mais maintenant, en la consommation des siècles, il a été manifesté une fois, pour l'abolition du péché, par le sacrifice de lui-même. Et, comme il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela d'être jugés, ainsi le Christ, ayant été offert une fois, pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra une seconde fois, sans péché, à salut à ceux qui l'attendent.

(*) Je rejette entièrement, comme absolument vide de sens, la leçon devenue, pour ainsi dire, à la mode: «un sacrifice pour toujours». Au reste, cette remarque ne touche pas le sujet qui nous occupe maintenant.

Ai-je donc besoin que ma conscience soit purifiée? Elle l'est par le moyen du sang de Christ, qui, par l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu, sans tache (*) (Hébreux 9: 14); car c'est par le moyen de la mort qu'a lieu la rançon des transgressions qui étaient sous la première alliance; et c'est en vue de cela, que Christ est devenu Médiateur. En effet, un testament n'a pas de force aussi longtemps que le testateur vit.

(*) Remarquez ce passage, ainsi que tous les autres; car ils montrent ce que signifie: Christ s'offrant Lui-même à Dieu.

Me faut-il la destruction de la puissance de Satan? Je trouve que c'est par la mort, que Christ a rendu impuissant celui qui avait la puissance de la mort (Hébreux 2: 15).

Quel est le but central de la venue de Christ, le fondement de sa gloire comme homme? Nous voyons Jésus, qui a été fait un peu moindre que les anges à cause de la passion de la mort, couronné de gloire et d'honneur, de sorte que, par la grâce de Dieu, il goûtât la mort pour tout (Hébreux 2: 9); et même la purification et la réconciliation de toutes choses, dans le ciel et sur la terre, en dépendent (Hébreux 9: 23; Colossiens 1: 20).

Christ veut-il sanctifier, ne fût-ce que le peuple juif, pour Lui-même? Il faut que son sang soit versé; il faut qu'il souffre, qu'il soit rejeté hors de la porte. Pour nous, point de rémission, point de privilège de la nouvelle alliance, sans le sang; sans lui, pas de nouvelle alliance établie avec ses privilèges. Sans le sang, point de rédemption. Le pécheur vivant ne peut, comme tel, être présenté à Dieu; un Christ vivant ne peut pas non plus offrir ce qui est nécessaire pour que le pécheur puisse s'approcher de Dieu. Le voile reste intact; la conscience souillée; la propitiation n'est point accomplie. Dieu a usé de support avec les saints de l'ancienne alliance; et il a montré sa justice en faisant cela, — justice montrée dans le temps présent, en ce que ce propitiatoire est présenté par le moyen de la foi au sang de Christ (Romains 3: 24-26).

On allègue, il est vrai, que Christ est venu pour faire la volonté de Dieu, en prenant la place des sacrifices, et que son obéissance durant sa vie est utile à l'expiation; mais il est écrit: «C'est par cette volonté que nous avons été sanctifiés, par l'offrande du corps de Jésus Christ, faite une fois pour toutes» (Hébreux 10: 10). On allègue encore que l'obéissance de Christ, pendant sa vie, a eu le même caractère légal que sa mort. Obéir à la loi d'un coeur intègre, de manière à être parfaitement agréable à Dieu personnellement, serait donc la même chose que de porter, pour d'autres, la malédiction de la loi, sous la colère et le jugement de Dieu? Est-il possible que des chrétiens qui savent ce dont ils ont besoin, comme pécheurs, emploient de pareils raisonnements?

Ayant ainsi exposé, d'après l'Ecriture, la valeur bénie de la mort de Christ, et jugeant que les passages dont je me suis servi ont assez de force par eux-mêmes pour me dispenser de tout commentaire, je désire pénétrer un peu plus avant dans les éléments et dans le caractère des souffrances de Christ, sous le rapport de leur utilité pour nous, afin que nous puissions d'autant plus apprécier sa grâce. On peut envisager l'homme, au point de vue moral, dans trois conditions différentes: premièrement, comme un pécheur sous la condamnation; secondement, comme un saint par grâce, participant de la nature divine et du Saint Esprit comme sa force; enfin, il se peut que, quoique réveillé, vivifié et droit quant à ses intentions, il souffre, dans les exercices de son âme, en apprenant, comme pécheur, la différence du bien et du mal, sous le gouvernement divin, dans la présence de Dieu qu'il ne connaît pas entièrement en grâce et en rédemption; il a devant les yeux le jugement de Dieu à l'égard du péché, il est exposé à subir tous les effets des avantages que Satan possède sur un homme dans cet état; il passe par les souffrances dont l'histoire de Job nous offre un exemple.

Christ a passé par toutes ces sortes de souffrances; sauf, naturellement, qu'étant lui-même un être parfait, il a passé par la dernière, afin de l'apprendre pour d'autres. Inutile de dire qu'il a été parfait dans toutes. Ce qui se rattachait à la première des conditions que j'ai nommées plus haut, celle d'un pécheur sous la condamnation, Christ l'a subi jusqu'au bout, comme portant réellement le péché, endurant ainsi la colère pour d'autres, d'une manière substitutive, afin qu'ils n'eussent jamais à l'endurer eux-mêmes. Quant à la seconde de ces conditions, il y était véritablement conformément à sa propre nature, ou plutôt comme lui-même, comme notre conducteur dans cette voie. A la première de ces conditions, c'est-à-dire au fait que nous étions sous le jugement et la condamnation à cause du péché, la réponse divine, en expiation, a été la mort de Christ sur la croix. Tout ce que Dieu était dans sa nature, il l'était nécessairement contre le péché; car, quoiqu'il fût amour, l'amour ne trouve pas de place dans la colère contre le péché; et la perte du sentiment de cet amour, la conscience, dans l'âme, d'être privé de Dieu, est la plus terrible de toutes les souffrances, une horreur indicible pour celui qui connaît cet amour; or Christ le connaissait dans toute sa perfection. Mais la majesté de Dieu, sa sainteté, sa justice, sa vérité, tous ces caractères de Dieu, dans leur nature même, étaient dirigés contre Christ fait péché pour nous. Tout ce qu'est Dieu était contre le péché, et Christ a été fait péché; nulle consolation d'amour n'a atténué la colère. Jamais le Christ obéissant n'a été aussi précieux qu'alors; mais son âme devait être mise en oblation pour le péché, afin de porter judiciairement le péché devant Dieu. Voilà ce qui, après les trois heures de ténèbres, a été exprimé par le Seigneur dans ces paroles du Psaume 22: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?» J'ai déjà dit que le résultat de cette souffrance ne cessera jamais, que c'est une éternité de grâce sans mélange pour nous. J'y reviens maintenant, en y rattachant quelques faits remarquables, tirés des expressions du Seigneur lui-même. Ici il a souffert, en sorte que pas une seule goutte de la coupe qu'il buvait ne nous restât à boire. Pour nous, c'eût été une perdition et une ruine éternelles; — la perfection divine de Christ, en amour, a passé, par cette souffrance, sans un seul rayon de consolation de la part de Dieu, ni des hommes. Toutes ses autres afflictions le poussèrent, avec une force croissante, vers cette souffrance suprême, et se confondirent avec elle dans ces ténèbres qui cachaient tout, sauf la colère qu'il endurait de la part de Dieu. Des juges iniques et sans coeur se lavent les mains à l'égard d'un tel homme et de ce qui le concerne les principaux sacrificateurs, qui auraient dû intercéder pour lui, appellent une mort cruelle sur l'innocent; les amis, sur lesquels son coeur aurait, dû pouvoir compter, l'abandonnent et le renient; il cherche des consolateurs (Psaumes 69: 20, 21); il désirerait que les plus favorisés d'entre ses amis veillassent avec lui. Or l'infidélité d'un ami est plus poignante que la haine d'un ennemi. Mais tout cela prouva la puissance de celui qui exerçait un empire illimité sur le péché et par le péché (illimité, sauf en tant que la grâce est intervenue en délivrance), et qui possédait le pouvoir de la mort sur ceux que le Seigneur venait délivrer. C'était son heure et la puissance des ténèbres. Satan fit tout ce qu'il pouvait faire; mais cela n'aboutit qu'à mener le Seigneur à travers une lutte dont je vais parler, en s'offrant volontairement lui-même et laissant les siens aller leur chemin, — qu'à le mener, dis-je, à cette scène suprême où, privé de toute consolation humaine, il devait accomplir l'oeuvre de la propitiation, seul avec Dieu qui jugeait le péché; scène unique, que nul oeil ne peut approfondir, sauf l'oeil de Celui qui connaît la colère divine contre le péché comme Dieu seul la connaît (quoique, Dieu en soit béni, nous en connaissions véritablement le sens et la valeur). Des taureaux de Basan étaient là, des chiens sans coeur et sans honte, mais seulement afin de pousser Celui qui souffrait à chercher du secours là où il devait apprendre, pour nous, dans toute sa profondeur, ce que c'était que d'être abandonné de Dieu. Cette heure, passée pour toujours, a eu pour fruit une gloire divine et éternelle. Cette heure et cette oeuvre avaient une valeur si infinie et si réellement divine, que lui-même a pu dire: «C'est pour cela que mon Père m'aime, parce que je laisse ma vie, afin de la reprendre».

Mais je quitte ce sujet béni et solennel, sur lequel je m'étendrais volontiers, pour diriger nos regards sur un autre caractère des souffrances du Seigneur, moins sombre pour lui, mais humiliant pour nous; je veux parler des souffrances qu'il endura comme l'Etre saint qui glorifiait Dieu, lorsque les outrages de ceux qui outrageaient Dieu tombaient sur lui. Ces souffrances-là se prolongent jusqu'à sa mort; elles résultent de ce qu'il annonçait la justice dans la grande assemblée (Psaumes 40: 9), de ce que, au milieu des hommes qui n'aimaient pas la lumière, il manifestait Dieu d'une manière parfaite; en sorte que, pour son amour, il moissonna la haine. Je ne m'étends pas sur ce sujet, parce qu'il ne peut offrir aucune difficulté à mes lecteurs. Dans notre mesure faible et imparfaite, nous avons part à cette espèce de souffrances; c'est notre privilège, comme saints: «Il vous a été gratuitement donné… non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui» (Philippiens 1: 29). «Si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui» (2 Timothée 2: 11, 12). «Si, en faisant bien, vous souffrez, et que vous l'enduriez patiemment, cela est digne de louange devant Dieu» (1 Pierre 2: 20). On pourrait citer une foule de passages, pour montrer que nous sommes appelés ainsi à souffrir comme Christ a souffert; Paul s'exprime de la même manière, en disant: «Ce qui manque aux afflictions du Christ, je l'accomplis pour ma part, dans ma chair, pour son corps qui est l'assemblée» (Colossiens 1: 24, 25). Nous souffrirons comme Christ a souffert, dans la mesure en laquelle, par notre marche et notre témoignage, nous le manifesterons comme il manifestait son Père, et ses consolations abonderont; c'est une nourriture à manger que la chair ne connaît pas. Christ pouvait rendre grâces au Père dans les occasions où il avait les plus douloureuses et les plus justes accusations à adresser au monde.

J'arrive maintenant à la troisième espèce d'épreuve, dans laquelle l'homme peut se trouver; elle exige un peu plus d'attention. Ce n'est pas celle qui est le résultat d'un saint témoignage au milieu du monde (quoique pouvant en quelque manière l'accompagner), ni celle qui consiste à endurer la colère de Dieu en condamnation, ce qui serait pour nous un malheur éternel. Mais cette troisième espèce d'épreuve est le fruit du péché, sous le gouvernement de Dieu ici-bas, et elle est en rapport avec le pouvoir de Satan dans le monde. Cette épreuve est un moyen dont Dieu se sert, afin de nous enseigner la différence du bien et du mal, soit par la frayeur, avant que nous connaissions la rédemption; soit par divers exercices, dans un état d'âme bien différent, après que nous avons connu la rédemption. Dieu continue, même dans ce dernier cas, à nous instruire par son gouvernement, fondé sur la manière immuable dont il juge le bien et le mal. D'une part, cette épreuve, sous le gouvernement de Dieu, dans le chemin de la frayeur, place la justice devant nous, mais non pas sans espérance; d'autre part, après que la rédemption est connue et que la justice divine est devenue notre état, elle nous procure la sainteté pratique de la vie et du jugement, selon la nature divine dont nous avons été faits participants. Ceci sera rendu plus clair par l'exemple du résidu juif dans les derniers jours, quoique des milliers d'âmes droites, sous la loi, se trouvent, en principe, dans le même cas et que, depuis la chute de l'homme, Dieu ait agi sur ce principe. La sentence de mort et celle qui annonçait les souffrances de la femme, furent des jugements prononcés sur le péché, et faisant partie du déploiement du gouvernement de Dieu en ce monde; ces sentences ne signifiaient pas, en elles-mêmes, une condamnation éternelle et une séparation éternelle d'avec Dieu, en raison de la sainteté de sa nature. Satan tient en main cette puissance de la mort et de ses terreurs sur l'esprit de l'homme (Hébreux 2: 14); alors la pensée du juste jugement de Dieu contre le péché, les douleurs de la mort et la puissance de Satan, se réunissent pour peser sur l'âme. Ainsi, quand une âme est convaincue de péché et qu'elle se trouve, en pratique, sous la loi (expression de ce que la justice de Dieu exige de l'homme pendant sa vie), elle craint le jugement de Dieu, et peut-être que les frayeurs du Tout-Puissant se dressent en bataille contre elle (Job 6: 4). Dieu enseigne ainsi à l'homme ce qu'il est, ce qu'il vaut, dans cette question solennelle entre Dieu et Satan, entre la puissance du bien et celle du mal. Voyez l'histoire de Job! Dieu soutient l'homme dans la grâce et dans le sentiment de l'intégrité, de sorte qu'il s'attache à Lui, dans la dépendance, quoi qu'il arrive; toutefois il craint le jugement; la sainteté et la justice de Dieu pèsent sur son âme courbée sous le sentiment du péché; la puissance de la mort est devant lui, comme le terme de tout espoir naturel et l'entrée du jugement; Satan se sert de cela pour produire le désespoir, pour détruire la foi et arracher l'esprit de l'homme à la dépendance de Dieu et à la confiance en son amour.

Sans l'expiation, il ne pourrait y avoir aucune réponse en grâce à cet état, parce que nous avons mérité la condamnation; la nouvelle vie est là qui s'attache à Dieu, et cependant cette vie même donne le sentiment de la sainteté de Dieu qui amène le jugement sur toute âme qui a conscience de péché. L'oeuvre complète de la grâce en rédemption, une fois apprise, l'âme en acquiert une paix d'autant plus solide; et, de fait, cette paix n'est vraiment solide, que si l'âme a vraiment passé par ces exercices qui donnent la connaissance du péché. Dans ces exercices, Dieu opère pour nous convaincre, en plaçant, devant l'âme, son jugement à l'égard du péché. Les efforts de Satan s'y emploient en vain; ils n'aboutissent qu'à nous faire trouver la réponse contenue dans l'expiation, de sorte que sa puissance sur nous est à jamais abolie et détruite. Nous venons de le voir; la réponse à l'état que j'ai décrit, et ce qui nous en délivre, c'est la rédemption pleine et parfaite, opérée par Christ. Par elle nous sommes entièrement retirés hors de notre état antérieur d'accusés exposés au jugement, pour être placés désormais dans la position du second Adam devant Dieu, de Celui qui est monté vers son Père et notre Père, vers son Dieu et notre Dieu. Néanmoins, nous trouvons une grâce immédiate et positive dans cet exercice même. Car, outre la délivrance et le salut, par lesquels Dieu a pourvu à notre état de misère, nous y apprenons réellement la différence du bien et du mal devant Dieu. J'admets qu'on l'apprend d'une manière plus bénie, quand on connaît la rédemption et qu'on est en possession du bien absolu, dans la grâce, de sorte que le mal est jugé et que nous sommes délivrés de ses déceptions. Mais nous l'apprenons néanmoins, d'une manière profitable, par la connaissance de notre état de misère, de notre culpabilité, de notre péché, de notre impuissance contre le mal, alors même que nous voudrions faire le bien, et par la question solennelle impliquée dans le salut de l'âme; car ici, d'une part, les prétentions et le pouvoir de Satan par le péché dans lequel nous l'avons écouté et nous sommes devenus ses esclaves; d'autre part, la nature juste et le droit de Dieu, entrent en lutte dans une âme qui est, à la fois, sujette au péché et vivifiée de manière à reconnaître le droit de Dieu, à prendre son plaisir en la nature de Dieu et à juger ainsi le mal qui est en elle, en présence du juste jugement de Dieu. Or, avant qu'elle ait obtenu la paix, acquise par la connaissance de la rédemption, Christ soutient, encourage, relève à propos l'âme qui est dans cet état, mais non point de façon à l'empêcher de recevoir ce profond et solennel enseignement qui porte du fruit pour l'éternité, ni de trouver son unique ressource dans la rédemption qu'il a accomplie.

Quant au résidu juif des derniers jours, nous le voyons passer par ces exercices de coeur et d'esprit, au milieu de circonstances où le gouvernement de Dieu se déploie historiquement, à l'égard d'un peuple pécheur sous la loi, mais renouvelé et vivifié par Dieu, de sorte qu'il a les désirs et la conscience de l'intégrité. Ces circonstances sont, avec un développement plus complet, la continuation de celles où les Juifs se trouvaient, au temps de Jésus Christ; mais l'antichrist est manifesté, le corps de la nation est en proie à l'incrédulité et à l'influence effrénée de Satan; sept démons, pires que l'ancien esprit d'idolâtrie et de concert avec lui, sont entrés en eux. En un mot, c'est l'époque de la puissance de Satan, de la puissance des ténèbres, de la domination tyrannique des gentils, et de la bête romaine ressuscitée. Au milieu de ces événements, le résidu a, d'une part, conscience de la culpabilité de la nation juive sous la loi, et du fait qu'elle a comblé la mesure de ses péchés, en sorte que la colère, la juste vengeance de Dieu est venue sur eux. Mais! s'il en a conscience, c'est, d'autre part, parce qu'il est renouvelé et vivifié; Jéhovah, contre lequel il a péché, est son unique espérance.

Toutefois, quelle chose difficile que de se confier dans le secours de Dieu, au milieu d'afflictions où nous nous sentons sous sa main, parce que nous avons péché contre lui! Sans expiation, il serait impossible que Dieu agit avec eux en grâce. Le bouc expiatoire ayant été offert, Dieu peut agir avec eux à l'égard de leurs péchés, pour leur bien; soutenir leur foi, tout en leur faisant cependant sentir le poids de leurs péchés et les ténèbres dans lesquelles ils se sont plongés; en même temps il peut leur dire: «Qui est celui d'entre vous qui craigne l'Eternel et qui écoute la voix de son serviteur? Que celui qui a marché dans les ténèbres, et qui n'avait point de clarté, ait confiance au nom de l'Eternel et qu'il s'appuie sur son Dieu» (Esaïe 50: 10). Mais le vrai Aaron n'a pas encore paru, et les péchés d'Israël doivent être, en application administrative, envoyés, sur la tête du bouc Hazazel, dans une terre inhabitable.

Le jugement de Dieu contre les Juifs, le sentiment de leur culpabilité sous une loi qu'ils ont enfreinte, et de leur infidélité comme nation — la puissance complète de Satan et les ténèbres qui l'accompagnent, — tout cela pèse sur l'esprit du résidu aux derniers jours. Cependant, quoique «froissés parmi des dragons», il y a en eux de l'intégrité de coeur, une recherche sincère de la loi, de Dieu lui-même et de son culte; ils se confient en lui comme en leur unique ressource. Ainsi le jugement complet du mal est opéré en leurs coeurs, dans l'espoir de la gratuité et de la miséricorde révélées prophétiquement. Qui pourra leur fournir les pensées, les sentiments, une espérance, propres à être agréés et à servir de soutien à la foi, jusqu'à ce qu'ils regardent vers Celui qu'ils ont percé et qu'ils trouvent la paix? La réponse à cette question, aussi bien que le fondement de l'expiation, se trouve en Christ. Christ est entré dans tous ces exercices du résidu, de manière à pouvoir le secourir: «Cet affligé a crié, et l'Eternel l'a exaucé — Dieu n'a pas méprisé ni dédaigné l'affliction de l'affligé» (Psaumes 34: 6; 22: 24); et cela (*) lorsqu'il avait été, réellement abandonné de Dieu; c'est le fondement réel de l'espérance du peuple. Lorsque Christ était sur la terre, il y trouva la puissance de la méchanceté des gentils, qui n'avaient pas la crainte de Dieu devant leurs yeux; la méchanceté apostate des conducteurs spirituels du peuple d'Israël, qui ne voulaient d'autre roi que César, et qui demandaient que le sang de leur Roi fût sur eux et sur leurs enfants; il y trouva la puissance de Satan et des ténèbres. Le jugement de Dieu, inébranlable dans toute sa vérité et sa frayeur, pas un seul juste de reste, la coulpe d'Israël sous une loi enfreinte, et sous un Jéhovah, Roi rejeté, — car ce qu'ils ont fait au Seigneur, ils l'ont aussi fait à son Oint, — tout cela pesait sur l'esprit des saints intelligents, s'il y en avait alors, comme cela pèsera sur l'esprit des saints, aux derniers jours.

(*) Cette phrase est peut-être obscure, à cause de sa brièveté; en voici le sens: cette réponse arriva, comme preuve qu'il n'était pas méprisé, ni dédaigné, alors même qu'il, etc.

 Ce n'était point alors, dans ces dernières scènes de la vie de Christ, la manifestation du Seigneur, en grâce, à Israël; la révélation du nom du Père au petit nombre de ceux qui avaient été donnés à Jésus hors du monde; mais c'était Christ endurant la propre position d'Israël, sous le gouvernement de Jéhovah, comme peuple coupable et rejetant ses propres bénédictions; il l'endurait avec le sentiment qu'une âme sainte, enveloppée dans les bénédictions d'Israël, devait avoir d'un tel état, en présence du jugement de Dieu; n'ayant pas encore été fait malédiction, et ne buvant pas encore la coupe, mais avec le sentiment de cela, sous le gouvernement de Dieu et sous la puissance de Satan. Là le Seigneur pénétra et éprouva entièrement le bien et le mal, c'est-à-dire qu'il lui fallut subir toute la puissance du mal, non pas en jugement, mais comme épreuve. La mort était-elle entre les mains de Satan, comme ténèbres, affliction et terreur? Le jugement de Dieu en sanctionnait-il le poids sur l'âme? Les hommes, amis ou ennemis, servaient-ils seulement d'instruments pour ajouter à l'affliction? Est-ce que le péché d'Israël, son rejet du bien, étaient parvenus à leur comble? Tout cela était-il employé par Satan contre l'âme de Christ, pour l'arrêter dans sa route? Allait-il entrer dans la tentation qui le serrait de toutes parts, et succomber? Ou, se confiant en Dieu, persisterait-il à marcher dans le sentier de l'obéissance, et boirait-il la coupe elle-même dans l'obéissance à Dieu, son Père? Dans les évangiles synoptiques, nous trouvons l'épreuve; dans celui de Jean, la réponse entière et bénie. Christ passe par l'épreuve avec Dieu; ce que la mort signifie, il ne le prend pas des mains de Satan, pour m'exprimer ainsi; il ne s'arrête pas dans le chemin, mais, tout en traversant, d'une manière parfaite, ces choses qu'il sait être la puissance des ténèbres, il reçoit la coupe des mains de son Père, au lieu de la boire sous l'épouvantement de Satan; il se livre volontairement, dans l'amour et l'obéissance, afin d'expier le péché, sous la main de Dieu et sous sa colère, dont Satan s'était vainement emparé, pour en détourner Christ. La puissance du mal, comme épreuve, fut entièrement brisée, et la puissance des ténèbres, apanage de Satan, fut annulée pour nous. Il se pourrait que l'homme eût à passer par cette épreuve, sous le gouvernement de Dieu, afin d'apprendre ce qu'il est, ce qu'est le péché et l'empire du mal dans lequel il gisait mais la sympathie et la grâce tutélaire de Christ peuvent le soutenir à travers ce chemin, lui suggérer les pensées et les sentiments convenables, et devenir pour lui une ressource dans chaque angoisse, quelque douloureuse qu'elle soit, afin que sa foi ne défaille point. Pour cela, l'expiation était nécessaire; mais ce qui soutiendra et encouragera le coeur du Résidu, à travers ses épreuves variées, jusque dans les dernières profondeurs de l'affliction, ce sera la sympathie et les consolations d'un Christ éprouvé lui-même. Mais comment le Résidu, n'ayant ni connaissance immédiate de Christ, ni foi en lui, pourra-t-il profiter de la sympathie et des consolations de Christ? La réponse à cette question est contenue, avec des détails admirables, dans les Psaumes, où chaque partie des afflictions extérieures et de l'angoisse intérieure du Résidu est exprimée et approfondie.

Le poids terrible d'une loi enfreinte, la puissance d'ennemis qui n'ont pas de conscience, la tentation et la pression de l'adversaire, les pensées et les sentiments de détresse ou de foi — tout cela y trouve son expression, par la grâce divine. De plus, nous trouvons le témoignage que Celui qui, dans toutes leurs angoisses, a été en angoisse, que l'ange dont la présence les a secourus, ne les a point oubliés dans leur détresse la plus profonde. Il a passé pour eux, à travers cette détresse, comme étant l'affligé (Psaumes 34: 6); il peut les y secourir. Il met son approbation sur les saints désirs qu'il a éveillés en eux, avec la certitude d'une réponse divine, au moyen du Fils de l'homme, de cette branche que Dieu a fortifiée pour lui-même (Psaumes 80: 15, 17).

C'est ainsi que ces psaumes, en dehors de la piété personnelle qui s'y trouve exprimée, ont été la consolation de bien des âmes en détresse, qui étaient sous la loi et ne connaissaient pas encore la plénitude de la rédemption; car tel sera l'état du Résidu. C'est pourquoi aussi nous trouvons, dans ces psaumes, le désir que les ennemis soient jugés, et que la vengeance soit exécutée; car, en effet, c'est uniquement par ce jugement que le résidu du peuple sera délivré; enfin, c'est pour cela que des psaumes, qui entrent en détail dans les souffrances de Christ, contiennent l'assurance que le Seigneur rebâtira Sion et que le résidu de son peuple l'habitera.

Les Psaumes nous offrent une histoire complète et parfaite du résidu juif et du résidu d'Israël, toutes les phases extérieures et morales de sa route et, comme résultat, sa bénédiction avec le Messie; ils nous montrent, en même temps, comment Christ est entré dans tout cela. Les psaumes qui s'occupent de ce dernier point se rapportent prophétiquement à Christ en personne, quoiqu'il soit aussi question du Résidu dans plusieurs d'entre eux; tandis que les Psaumes, dans leur ensemble, sont l'expression de l'esprit de Christ. Leur sujet, leur pensée dominante, c'est le résidu pieux. La sympathie de Christ les accompagne. Le premier Psaume nous présente le résidu pieux, comme le sujet du gouvernement de Dieu; le second nous présente le Messie, roi dans Sion, objet du conseil et du décret de Dieu; après cela, nous avons toutes les expériences diverses qui résultent de son rejet, jusqu'à la gloire finale.

J'ai déjà montré que l'époque où Christ passa par la détresse et par l'affliction, dans lesquelles le Résidu tombera à cause de ses péchés, ne fut pas celle de ce ministère public, dans lequel Il était la lumière du monde, et révélait à d'autres le nom de son Père, mais celle où il fut soumis à l'exercice d'âme le plus complet, sous la puissance des ténèbres, dans l'heure de ses persécuteurs rebelles qui purent triompher de son rejet apparent.

Alors, tout différait du temps où il était assis, chaque jour, dans le temple, et où personne ne mettait la main sur lui: le prince de ce monde était venu. C'est dans ce but que Jésus remonta à Jérusalem, rendant son visage semblable à un caillou, ne le cachant point en arrière des opprobres ni des crachats, son rejet étant la cause du divorce d'Israël (Esaïe 50: 6, 7).

C'est relativement en petit nombre que les Psaumes s'appliquent entièrement et exclusivement à Christ. Leur presque totalité exprime l'opération de son Esprit dans le coeur des siens, au milieu de l'épreuve. Même lorsque la souffrance en fait le sujet, la différence est très évidente entre les psaumes qui ne sont pas exclusivement applicables à Christ, et ceux qui le sont. Il existe en outre une différence marquée entre les souffrances de Christ, de la main de Dieu, et celles qui lui venaient de la main des hommes, même lorsqu'elles avaient lieu sous les visitations de Dieu et sous la puissance de l'ennemi. Il vaut la peine d'établir clairement ces différences: Le Psaume 2 se rapporte à Christ personnellement, comme Messie, Fils de Dieu, né dans ce monde; le 8e, à Christ, comme Fils de l'homme. Au Psaume 16, nous le voyons prenant formellement sa place au milieu du résidu pieux, marchant dans le sentier de la vie, à travers la mort, jusqu'à la plénitude de la joie dans la résurrection. Les Psaume 20 et 21 ont aussi, dans un certain sens, Christ seul pour sujet; le 22e évidemment. Avant le 25e, les péchés ne sont pas confessés; mais l'intégrité du coeur du Résidu, ou Christ lui-même, est présentée. Le 40e s'occupe surtout de Christ, mais non pas d'une manière exclusive (voir verset 5). Dans le 45e, il est célébré clairement. Le 69e parle aussi principalement de lui, mais non pas exclusivement (voir verset 26). Dans le 72e, c'est de nouveau Christ comme Salomon. Les 101e et 102e traitent aussi de Christ, comme roi en Israël et, quoique retranché, comme Jéhovah créateur. Dans le 110e, il est exalté à la droite de Jéhovah, pour être sacrificateur selon l'ordre de Melchisedec. D'autres psaumes parlent de Christ, sans qu'il en soit le sujet personnel. Je ne sais s'il en est encore dont il soit le sujet exclusif ou principal; peut-être m'en est-il échappé; mon but est plutôt de produire quelques exemples distincts que de les énumérer tous. Quant aux psaumes qui traitent des souffrances de Christ, ceux qui parlent de ses souffrances de la part des hommes et ceux qui expriment ses souffrances sous la main de Dieu sont distingués par des signes clairs et décisifs. Dans les Psaumes 20 et 21, Christ souffre de la main des hommes; par conséquent le 21e annonce le jugement de l'homme. On trouve la même chose au 69e, quoique ce psaume contienne encore d'autres éléments; il parle du nombre de ceux qui haïssent le Seigneur sans cause; qui lui donnent du fiel à manger et, dans sa soif, lui font boire du vinaigre. Ce psaume exprime le désir que leur table soit devant eux un piège, que leurs yeux s'obscurcissent, et que Dieu verse son indignation sur eux. Même le Psaume 31, quoique moins caractérisé sous ce rapport, se distingue toutefois par ce trait-ci, qu'il appelle le jugement sur les méchants (versets 17, 18).

J'ai déjà fait remarquer que dans les afflictions de Christ, comme persécuté par les hommes, pour le bien, ses saints peuvent avoir une part. La pression de ces afflictions en relation avec les péchés, et le désir de la vengeance ou du jugement, trouvent leur accomplissement dans le résidu juif, aux derniers jours (*). Dans le Psaume 102, où malgré la mention faite des ennemis, l'affliction du Messie est rapportée à l'indignation et à la colère de Dieu, qui l'a élevé comme Messie et qui l'a précipité jusque dans la poussière de la mort, on ne trouve pas le désir du jugement, mais, comme résultat, la bénédiction et la grâce. C'est aussi le cas, d'une manière frappante, dans le 22e qui a pour sujet distinctif et particulier l'oeuvre expiatoire sur la croix. Dès que le Seigneur est exaucé et retiré d'entre les cornes des licornes (verset 21), sa première pensée  (elle le fut, en effet, historiquement) est de raconter à ses frères toute la bénédiction du nom de son Dieu et de son Père, dans laquelle il se trouve maintenant en justice et dans un bonheur parfait. Il célèbre ce nom au milieu de l'Eglise, puis au milieu de la grande assemblée de tout Israël dans les derniers jours; ensuite la bénédiction parvient aux bouts de la terre, en miséricordes millénaires; enfin elle atteint le peuple qui sera né. La parole adressée à tous, c'est qu'il a fait ces choses (verset 31). Nulle trace de jugement, ni de la part de Celui qui a porté le péché et la colère à notre place, ni de la part de Celui qui a fait subir cette colère à Christ, pour nous, selon les conseils d'une grâce ineffable. Or, au Psaume 69, nous trouvons aussi la croix — non point seulement la méchanceté de l'homme, quoiqu'elle y soit abondamment mentionnée — mais la confiance en Dieu et la détresse sous le sentiment des péchés. Comment distinguer cela de l'oeuvre expiatoire de Christ? Ici la difficulté se présente tout entière; mais si nous nous attendons patiemment au Seigneur, toutes les difficultés de l'Ecriture donnent entrée à la lumière et à la bénédiction. Le signe dont j'ai parlé plus haut, comme indiquant les souffrances de la part des hommes, et d'autres signes distinctifs sont clairement contenus dans ce Psaume. Le jugement y est appelé sur les ennemis; distinction absolue et concluante dans la nature même des souffrances; il s'y ajoute encore un trait caractéristique, déjà mentionné, mais qui vient ici à propos; nous lisons au verset 26: «Ils persécutent celui que, toi, tu as frappé et se plaisent à raconter les douleurs de ceux que tu as percés». Evidemment, il s'agit ici de quelque chose de plus que de la persécution des hommes; ceux-ci prennent avantage de ce que la main de Dieu s'est appesantie sur l'Affligé, pour ajouter à son fardeau et à sa douleur. Ce n'est point ici l'expiation, mais Christ affligé et frappé de la part de Dieu. Aussi trouvons-nous, dans ce Psaume, le sentiment des péchés (verset 5), quoique, cela va sans dire, pour ce qui concerne Christ, ces péchés ne soient point les siens propres, mais ceux de la nation (les nôtres aussi, pouvons-nous ajouter, dans un certain sens, mais plus spécialement le péché de la nation). Or nous avons la preuve évidente que ces souffrances ne sont pas envisagées ici comme des souffrances expiatoires; puisque, loin que le Seigneur souffre ici à la place d'autres, afin qu'ils n'aient pas à boire une seule goutte de la coupe de la colère, eux, au contraire, sont associés à lui dans les souffrances: «Ils persécutent celui que, toi, tu as frappé et se plaisent à raconter les douleurs de ceux que tu as percés». Quand les hommes sont aussi percés, et que Christ, au lieu d'être leur substitut, se trouve être leur compagnon de souffrances, il est évident qu'il ne s'agit pas là d'accomplir l'oeuvre de l'expiation, ni d'endurer la colère de la condamnation. Cependant Dieu l'a frappé et l'a blessé; ce n'est pas l'homme seulement qui est la cause de la souffrance; mais il l'augmente par sa malice.

(*) Le fait que, dans l'Apocalypse, nous voyons de la joie au sujet du jugement de Babylone, et que les âmes sous l'autel désirent la vengeance, est une des choses qui caractérisent aussi ce livre, comme étant distinct, dans sa partie prophétique, d'une adresse à l'Eglise sur le terrain des bénédictions qui lui sont propres, et comme revêtant, non pas un caractère évangélique, mais un caractère particulièrement prophétique.

Nous avons donc ici, comme sujet spécial du Psaume, les souffrances de la part des hommes, à l'époque de la crucifixion, souffrances qui amènent le jugement sur eux; mais nous avons, de plus, le troisième caractère des souffrances de Christ, la souffrance sous le gouvernement de Dieu, à l'époque de ses afflictions finales, dans lesquelles le Résidu aura sa part et où Christ est entré pour eux, étant en angoisse dans toutes leurs angoisses. C'est pourquoi aussi, quoique dans un gouffre sans fond, submergé, s'épuisant à crier, Christ n'est pas abandonné; sa prière s'adresse à Dieu, au temps favorable (versets 1, 2, 13). Toutefois cette profonde détresse est, dans son caractère, en absolu contraste avec l'expiation; cependant il ne s'agit pas là du ministère de Jésus en bénédiction, dans la jouissance de la lumière de la face de son Père; mais c'est la lutte, l'agonie de son âme, pendant que la puissance des ténèbres est à l'oeuvre.

Un fait distinctif, parmi ceux auxquels j'ai fait allusion plus haut, caractérise le chemin de notre Seigneur bien-aimé. Il est très frappant. Le voici: Pendant tout le cours de sa vie, comme serviteur, du commencement à la fin de son ministère, Gethsémané inclusivement, Christ ne s'adresse jamais à Dieu, en le nommant ainsi; il l'invoque toujours comme «Père». Sur la croix, au contraire, nous savons qu'il a dit: «Mon Dieu, mon Dieu!» Durant sa vie, ce titre eût été déplacé, non point assurément qu'il n'appartint pas à Celui que Christ invoquait, mais parce qu'il n'exprimait pas la relation sans nuage, la bénédiction dont notre Seigneur avait la conscience comme Fils, et dans laquelle il a toujours été. Sur la croix, Dieu agissait envers lui à l'égard du péché et, par conséquent, comme Dieu, selon sa nature, sa majesté, sa justice et sa vérité. Là, Dieu avait à s'occuper du péché comme tel; et le Seigneur exprimait, selon la vérité, la position dans laquelle son âme sainte était placée. C'est une grâce merveilleuse et infinie pour nous, de pouvoir le contempler dans une telle position. Mais les termes que le Seigneur emploie, indiquent, d'une manière évidente et solennelle, la différence des deux positions dans lesquelles il se trouvait relativement placé.

Jusqu'à la croix, le Seigneur a marché dans la jouissance de la relation d'un Fils vis-à-vis de son Père, de sa relation de Fils unique qui savait que le Père l'exauçait toujours. Sur la croix, comme nous venons de le voir, Christ, fait péché, a dû rencontrer, sentir et endurer tout ce que Dieu était contre le péché; mais, une fois la rédemption accomplie, et étant rentré dans la pleine joie de tout ce que son Dieu et Père était en justice, il introduit ses disciples dans la jouissance et dans la joie de ces deux titres: «Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu».

Quand je parle de trois caractères des souffrances de Christ, cela n'exclut pas le fait qu'il ait souffert, en détail, de mille autres manières: on peut dire que chaque chose a été une souffrance pour lui; il a montré sa perfection et son amour en les supportant. Mais je parle ici seulement de trois positions distinctes, ou de trois principes distincts, selon lesquels il a souffert. En rapport avec cela, surgissent deux autres questions: l'une concerne l'obéissance active et passive de Christ, comme on l'appelle. La justice de Christ, comme obéissant sous la loi, nous est-elle imputée? L'autre question concerne la sacrificature de Christ. Je les réserve, toutes deux, pour un autre traité, si le Seigneur le permet; j'aurai alors le temps de considérer les opinions humaines. Une chose est certaine, c'est que, sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission; or, ce serait une expiation et une oeuvre substitutive bien étrange que celle qui n'aurait pas cet effet. On nous dit qu'il y eut là «une vie portant le péché», que les souffrances de Christ, pendant sa vie, furent satisfactoires, toutefois qu'elles n'obtiennent pas de rémission, parce que, sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission.

Ce n'est pas cependant contre cette affirmation que je dirige mon objection principale; c'est contre une doctrine qui déclare, au contraire, que ces souffrances furent, non pas substitutives, mais l'effet de ce que Christ était né homme et Juif et que, par conséquent, c'est notre privilège de participer à ces souffrances, sous la colère. Néanmoins, ceux qui insistent sur le fait que les souffrances de Christ, pendant sa vie, furent satisfactoires, et que toutes ses souffrances ont opéré l'oeuvre de la rédemption, devraient nous expliquer comment il se fait que la rémission dépend d'une chose toute différente.

Finalement, j'affirme que celui qui prétend que Christ, lorsqu'il dit: «Je crie de jour et tu ne réponds point» (Psaumes 22: 2), et lorsqu'il dit: «Je sais que tu m'exauces toujours»; lorsqu'il dit: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?» et lorsqu'il dit enfin: «Celui qui m'a envoyé est avec moi; le Père ne m'a pas laissé seul, parce que moi je fais toujours les choses qui lui plaisent» (Jean 8: 29), j'affirme, dis-je, que celui qui prétend que Christ, en disant ces choses, était dans une seule et même position, qu'il accomplissait une seule et même oeuvre devant Dieu, ne connaît ni le sens de la vie de Christ, ni la vraie puissance de sa mort, comme il devrait le faire devant Dieu. Agréable, Christ l'a toujours été; mais porter la colère, sans que Dieu lui répondit, et jouir de la faveur divine, en sachant qu'il était toujours exaucé, sont deux choses différentes; celui qui les considère autrement ne sait point encore ce que ses péchés ont coûté au Seigneur.

Qu'on me permette encore d'ajouter que la racine principale (*) de cette erreur est un emploi abusif du langage de l'Ecriture; on dit que Christ a été fait os de nos os et chair de notre chair. Ces paroles ne sont jamais appliquées ni employées ainsi dans l'Ecriture; elles ne s'y trouvent même pas. Nous, l'Eglise, «nous sommes membres de son corps, de sa chair et de ses os», maintenant qu'il est glorifié et que les saints sont unis à celui qui est dans les lieux célestes. Cette pensée est bien différente de l'autre, et ne se rapporte point à l'incarnation de Christ, mais à notre union avec lui, depuis qu'il a été glorifié. Comme être incarné, Christ a été seul. Ceci me mènerait trop loin, pour le moment; j'y reviendrai, Dieu voulant, dans un autre écrit (**).

(*) Elle prévaut évidemment en Ecosse; et aussi ailleurs, je le crains; elle est à la base même de l'Irvingisme et du semi-Irvingisme.

(**) Il n'est jamais dit que Christ se soit uni aux hommes. Les croyants, quand ils sont scellés du Saint Esprit, sont unis à Lui dans la gloire.

Je termine ici cet exposé, déjà trop long, mais que justifiait l'importance du sujet, en établissant les différentes périodes caractéristiques de la vie de Christ, telle que l'Ecriture nous la présente.

Avant l'âge de trente ans environ, Christ est resté dans l'obscurité d'une vie patiente et parfaite, attendant l'appel de Dieu; sauf qu'il monta, à l'âge de douze ans, à Jérusalem, où il discuta avec les docteurs d'Israël, pour révéler, sans doute, une partie de ce qu'il était dans sa personne et dans sa grâce, et afin de montrer que sa relation avec le Père ne dépendait point de quelque onction extraordinaire du Saint Esprit qui l'initiât à son ministère.

Après cela, Christ s'associe lui-même publiquement au Résidu; il est baptisé par Jean, reconnu du Père, scellé et oint du Saint Esprit. Ensuite, avant d'entrer dans son ministère public, il va au désert pour y être tenté par le diable; il en est vainqueur et lie l'homme fort; Satan s'éloigne de lui pour un temps. Puis il va et vient, faisant du bien et guérissant tous ceux qui sont tourmentés par le démon, car Dieu est avec lui; il fait toujours les choses qui plaisent à Dieu, et il sait qu'il est toujours exaucé par Lui.

Puis Satan revient, comme prince de ce monde ayant le pouvoir de la mort. Au commencement, il avait tenté Christ avec toutes les choses par lesquelles il pouvait espérer de l'amorcer: physiquement, spirituellement et par la gloire du monde. Christ, ayant remporté la victoire, avait déployé la puissance qui pouvait délivrer l'homme de tous les effets de celle de Satan. Maintenant l'inimitié de l'homme est mise en évidence, et Satan montre à Christ, par la puissance de la mort et les conséquences terribles de ce qu'était l'homme sous le jugement, par où il sera obligé de passer Lui-même, s'il veut prendre sur soi la cause de l'homme et devenir tel, à sa place. Ces choses eurent lieu lors de la dernière visite du Seigneur à Jérusalem. Enfin il boit la coupe qu'il avait prise, volontairement et avec soumission, de la main de son Père, et il opère, sur la croix, la rédemption pour ceux qui croient en Lui.