L'Eglise comme corps

Notes prises aux conférences de Lausanne – Juin 1878

ME 1879 page 188

 

Le point de départ pour envisager l'Eglise comme corps se trouve en Ephésiens 1 à partir du verset 19. Le commencement de ce chapitre traite de nos relations individuelles avec le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ.

Dans ce passage (Ephésiens 1: 19-23) le mot «chef» signifie «tête». Christ est bien établi chef sur — c'est-à-dire au-dessus de — toutes choses, toutes étant créées par Lui et pour Lui, mais, dans cette position, il a un corps, et il est tête pour ce corps; l'assemblée est un corps qui Lui est uni. C'est ainsi que je puis être «à la tête» d'un grand établissement; ma «tête» dirige tout, mais elle est aussi «la tête» de mon corps.

Nous trouvons la même chose au chapitre 1 des Colossiens. Christ est chef sur toutes choses (15-17); mais au verset 18, il est «tête» du corps, qui est l'assemblée. De là vient que dans ce chapitre tout est présenté sous deux points de vue. Il y a deux primautés de Christ: dans la création et dans l'Eglise; deux réconciliations, celle de toutes choses et celle des individus, et enfin, le ministère de l'apôtre est aussi double.

Examinons de plus près comment la parole présente ce qui se rapporte au corps de Christ.

Au Psaume 2: 4-6, Christ, au milieu des Juifs, Roi en Sion, est reconnu par l'Eternel comme Fils de Dieu. Ayant été rejeté, — et les Psaumes suivants (5-7) nous font connaître les circonstances qui en résultent, — au Psaume 8, il devient chef sur toutes choses, comme Fils de l'homme. Le Psaume 2 a eu son accomplissement partiel à Jérusalem, comme on le voit en Actes 4. — Jean 1: 50 nous fait voir comment ces deux passages (Psaume 2; 8) sont appliqués. Nathanaël, l'Israélite sans fraude, reconnaît Jésus selon le Psaume 2: «Tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d'Israël», et Jésus, dans sa réponse, se montre comme prenant cette nouvelle place selon le Psaume 8: «Vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l'homme», c'est-à-dire, vous verrez le Seigneur reconnu comme Fils de l'homme par les créatures les plus élevées.

L'évangile de Jean montre Jésus comme rejeté dès le premier chapitre, et si nous passons plus loin, nous voyons au chapitre 8 que les Juifs rejettent ses paroles, et au chapitre 9 ses oeuvres. Mais, malgré cela, au chapitre 10, il a et aura ses brebis, non seulement d'entre les Juifs, mais d'entre les gentils (verset 16). Puis au chapitre 11, Dieu lui rend témoignage précisément quand il est rejeté: Il ressuscite Lazare dans sa puissance de Fils de Dieu (verset 4). Le chapitre 12 nous le montre Fils de David, roi en Sion, dans son entrée à Jérusalem selon le Psaume 2; ensuite, les Grecs venant pour le voir (verset 20), il prend sa place de Fils de l'homme selon le Psaume 8, mais alors il faut qu'il soit rejeté de la terre et qu'il meure (versets 24, 32, 33); il faut qu'il accomplisse la rédemption. Après cela, il est glorifié (13: 31, 32) et prend sa place en haut. (Hébreux 1: 3).

En Ephésiens 1: 20-22, Christ est présenté comme homme ressuscité, élevé au-dessus de tout, et ayant toutes choses sous ses pieds, comme au Psaume 8; c'est sa position actuelle à la droite de Dieu, telle que nous la trouvons en Hébreux 1: 3.

Il est bien Fils de Dieu dans ce chapitre (verset 5); mais au chapitre 2, où le Psaume 8 est cité, on le voit comme Fils de l'homme, couronné de gloire et d'honneur. La moitié du Psaume 8 est accomplie, et il attend, selon le Psaume 110, que l'autre moitié s'accomplisse et que ses ennemis soient mis pour marchepied de ses pieds. Il est là sur le trône du Père, non encore sur le sien.

En attendant, il rassemble les membres de son corps. Nous sommes bien héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, mais cela est individuel. Quand il aura achevé de rassembler les siens, alors ses ennemis lui seront assujettis. Il est maintenant là, dans les lieux célestes, à la droite de Dieu, «au-dessus de toute principauté… et de tout nom qui se nomme», comme tête de l'Eglise qui est son corps. Le seul fait, c'est qu'il est là couronné de gloire et d'honneur, mais il n'a pas encore pris sa place comme chef de la création.

Dans l'épître aux Ephésiens, nous avons toujours les conseils de Dieu; nous y trouvons donc aussi ses pensées et ses conseils relatifs à l'Eglise. Dans les Corinthiens, il s'agit de l'Eglise sur la terre. Or Jésus est maintenant couronné de gloire et d'honneur; la Tête est ressuscitée, personnellement exaltée, mais tout ne lui est pas assujetti. Il attend et nous avec lui, nous qui gardons la patience de Christ; et, en attendant, il rassemble les siens.

L'entier accomplissement des conseils de Dieu, c'est que tout soit placé sous la domination de Christ comme homme. Christ prend cette place au milieu de la création qu'il a faite, mais il veut avoir des cohéritiers et un corps dont il soit la tête. Il forme ce corps, et, en attendant, selon la justice de Dieu, il est sur le trône du Père.

De tout ce qui vient d'être dit, il résulte que l'idée d'une Eglise avant la résurrection et l'ascension de Christ, renverse les pensées de Dieu, car, dans ce cas, on aurait un corps sans la tête. Il y avait autrefois un peuple de Dieu; il se recrutait par la naissance naturelle; le Fils était là qui vivifiait les âmes; mais ce n'était pas le chef du corps. Voyez la suite des pensées de Dieu en Ephésiens 1. C'est quand Dieu a ressuscité Christ d'entre les morts, qu'il l'a fait asseoir à sa droite, qu'il a assujetti toutes choses sous ses pieds, c'est alors qu'Il l'a donné chef ou tête à l'assemblée qui est son corps. C'est donc comme homme ressuscité que Dieu l'a établi à sa droite pour être tête d'un corps. Avant sa mort, cela ne pouvait donc pas avoir lieu.

Quand on avance que l'Eglise existait auparavant, non seulement on se trompe quant au moment, mais on détruit toute la vérité de Dieu à cet égard; on nie la nature même de la chose.

On comprend d'ailleurs que Christ ne peut être tête du corps, s'il n'était pas Fils de Dieu, mais toutefois c'est comme homme qu'il est tête du corps. Rien dans la rédemption n'aurait pu être fait, s'il n'est pas Fils de Dieu. Il est évident que lorsqu'il est dit: «Qu'est-ce que de l'homme», c'est de Jésus comme homme qu'il est parlé.

L'Eglise est présentée sous un autre caractère: elle est l'habitation de Dieu ici-bas; mais la première grande vérité, c'est un homme placé de la part de Dieu dans la gloire, à la tête de toutes choses, et ayant un corps qui lui est uni et dont il est la tête. L'Eglise est aussi son épouse. Mais qu'on y fasse bien attention, tous les privilèges que Dieu nous a accordés quant à notre position actuelle sont perdus, si l'on abandonne cette vérité. L'Eglise perd sa vraie position; elle est ramenée et réduite à la position juive. Maintenant on commence de nouveau à résister à cette vérité, après qu'elle a été mise en lumière. Parmi ceux qui l'ont reçue, il y a beaucoup de faiblesse et peu de réalisation pratique de cette vérité. Le fait d'une position céleste comme étant unis à Christ monté en haut, ne va pas avec la mondanité. Ce sont des choses célestes que l'on a à réaliser, bien qu'étant encore sur la terre.

Autrefois, avant la venue et l'exaltation de Christ, il y avait un Dieu plein de bonté et de gratuité; mais pas encore un homme élevé à la droite de Dieu et dont L'Eglise est le corps. On ne pouvait pas dire cela avant que Christ fût monté au ciel. C'est là maintenant la vérité. Prétendre le contraire, dire que l'Eglise existait avant ce moment, cela tend même à détruire la vérité quant au salut.

En effet, qu'est-ce qui était signifié par le voile? (Hébreux 9: 8). C'est que l'homme ne pouvait pas entrer dans le lieu saint, en la présence de Dieu, et que Dieu n'en sortait pas. Maintenant, en Christ, Dieu est sorti au milieu des hommes; en lui aussi, l'homme est entré dans la présence de Dieu, dans le lieu très saint, et j'ai par lui une pleine liberté d'y entrer aussi tout droit.

Or les choses se lient. Pour que l'Eglise existe, il faut que l'homme (Christ) soit là, dans le sanctuaire. Une fois que l'homme y est introduit, un autre ordre de choses commence, en contraste absolu avec ce qui existait. Ce qui a déchiré le voile qui cachait Dieu, a ôté mes péchés; Dieu a été manifesté en amour et l'homme (Christ) est entré dans le ciel en justice. Si l'on perd cette vérité, la doctrine du salut en est atteinte. Le christianisme, comme tel, est mutilé, et en partie mis de côté, bien que l'on puisse avoir saisi le salut comme chose individuelle.

Le commencement de l'Eglise doit se placer au moment où le Saint Esprit est descendu du ciel, car c'est alors seulement qu'il unit les croyants à Christ. Dans l'épître aux Ephésiens, nous trouvons la vérité en elle-même, sans qu'il soit question de la manière dont cette union s'opère: il faut, pour être uni à Christ homme dans le ciel, qu'il y soit lui-même. Nous sommes membres de son corps, membres du corps de Christ qui est dans le ciel, et là, il n'y a aucune distinction entre Juif et gentil. Au chapitre 5 des Ephésiens, nous voyons que Christ, pour avoir L'Eglise selon les conseils de Dieu, s'est livré lui-même. Il cherchait de belles perles, et ayant trouvé une perle de grand prix, l'Eglise, il a vendu tout ce qu'il avait pour l'acquérir.

Parler de l'assemblée d'Israël comme étant l'Eglise, de cette assemblée qui se composait pour la plupart de non-convertis, c'est nier l'union avec Christ dans le ciel, c'est-à-dire ce qui constitue l'Eglise comme corps de Christ. Ces inconvertis étaient-ils unis à Christ dans le ciel, étaient-ils membres du corps de Christ? Israël était bien l'assemblée de Dieu dans le désert comme peuple, mais, pour en faire partie, il ne s'agissait pas de conversion. Affirmer que l'Eglise est la même chose, c'est nier l'union avec Christ dans le ciel, et ainsi nier la position et la vocation chrétienne. Israël dans le désert n'était pas un corps uni à un homme dans le ciel; Christ n'y était pas encore; tandis que nous, nous lui sommes unis là où il est maintenant, parce que le Saint Esprit demeure en nous.

Christ, en un sens, n'est pas complet sans ce corps. Il remplit bien toutes choses quant à la rédemption, mais l'Eglise le complète dans les pensées de Dieu. Il faut aussi bien comprendre, que lorsqu'on parle de l'Eglise comme un corps dont Christ est la tête, c'est d'une personne mystique qu'il s'agit.

Remarquons aussi que l'Eglise n'a jamais été annoncée, promise, parce que Dieu tient à ce que nous saisissions ce que c'est que l'Eglise, corps de Christ; et ensuite, souvenons-nous qu'il n'y a pas de mauvais membres dans ce corps.

Deux choses sont nécessaires pour former l'Eglise comme corps de Christ: 1° la présence de Christ comme tête dans le ciel; 2° la présence du Saint Esprit ici-bas pour unir les croyants à Christ. «Nous avons tous été baptisés d'un seul Esprit pour être un seul corps» (1 Corinthiens 12: 13). Cela eut lieu le jour de la Pentecôte (Actes des Apôtres 2). La proclamation de cette vérité a été confiée à Paul, qui en reçut la première communication de Christ lui-même, lorsque Jésus, l'homme glorifié, le Seigneur de gloire dans le ciel, Celui que Paul, n'avait jamais vu dans son humiliation, lui dit: «Je suis Jésus que tu persécutes». Ainsi tous les chrétiens sont Lui-même, Christ, l'homme glorifié. C'est là le germe de l'idée. Aussitôt que Christ, la tête, est monté dans le ciel, le Saint Esprit descend et unit tous les chrétiens à Christ dans le ciel. C'est cette chose même qui importe, plutôt que l'époque. La mort de Christ a eu lieu une fois, le Saint Esprit est venu une fois; quand l'on croit, on entre dans la participation de la chose.

Le corps de Christ, l'Eglise, se compose de tous les croyants depuis la descente du Saint Esprit, le jour de la Pentecôte, jusqu'à l'enlèvement des saints au-devant du Seigneur. Cependant les chrétiens ici-bas, à un moment quelconque, sont nommés le corps. Cela nous conduit au chapitre 12 de la première épître aux Corinthiens.

Là, Paul parle de l'Eglise comme corps sur la terre. En passant, remarquons que Paul seul parle de l'Eglise comme corps; Pierre parle de la maison. Le corps est sur la terre, Dieu le forme ici-bas; on voit que c'est bien ce dont il s'agit dans ce chapitre, puisqu'il y est question de souffrances, de guérisons, etc., choses étrangères au ciel. En ce temps-là, pour voir un seul corps, il n'y avait pas la difficulté qui existe maintenant. On voyait la chose formée subsister sans que les morts eussent été remplacés par d'autres. Le corps sur la terre était uni à Christ glorifié dans le ciel, par la descente du Saint Esprit ici-bas, après que la tête était montée en haut. Ils avaient été baptisés d'un seul Esprit pour être un seul corps.

Avant de quitter les siens, le Seigneur leur avait annoncé ce baptême du Saint Esprit (Actes des Apôtres 1: 4, 5). Au chapitre 1 de l'évangile de Jean, Jean-Baptiste en parle. Dans ce chapitre, du verset 1 au 13, il est question de la Parole d'une manière abstraite; au verset 14, nous avons la Parole faite chair, la personne de Christ; les versets 29-32 nous montrent son oeuvre qui est double: 1° il ôte le péché, ce qui n'aura son plein accomplissement que lors des nouveaux cieux et de la nouvelle terre; 2° il baptise du Saint Esprit: «C'est celui-là qui baptise de l'Esprit Saint».

Christ lui-même est scellé et oint du Saint Esprit, pour prendre publiquement sa place dans ce monde, selon les desseins de Dieu. Lors de l'incarnation, il l'avait déjà prise, mais pas publiquement. Quand il est glorifié, il nous baptise du Saint Esprit. Cela ne pouvait pas être avant qu'il y eût un homme dans le lieu saint. C'est là la différence entre le chrétien et les saints du millénium: nous sommes unis à Christ dans le ciel par le Saint Esprit, et cela forme un corps sur la terre.

Les croyants sont baptisés du Saint Esprit pour être membres du corps de Christ, et en vertu de l'unité de l'Esprit nous sommes un; «car de même que le corps est un, et qu'il a plusieurs membres, mais que tous les membres du corps, quoiqu'ils soient plusieurs, sont un seul corps, ainsi aussi est le Christ». Quand on frappe quelqu'un, il ne dit pas: On a frappé ma jambe ou mon bras, mais on m'a frappé. Ainsi la tête est dans le ciel, le corps est sur la terre, et l'union entre les deux est par le Saint Esprit. Dans l'épître aux Ephésiens, le corps est vu comme un tout, la chose est accomplie: en 1 Corinthiens 12, nous avons la manifestation du fait. Rien ne peut changer cette vérité qu'il y a un seul corps, car on ne peut séparer les membres de la tête. Il est possible que l'on ne garde pas l'unité de l'Esprit. On est exhorté à la garder, parce que c'est la manifestation de l'unité du corps, mais cette dernière chose subsiste (Ephésiens 4: 1).

Le Saint Esprit ne demeure pas dans le corps. Le dire est inexact; il anime le corps et l'unit à Christ. Il demeure dans l'Eglise envisagée comme maison (Ephésiens 2: 22). Il y a maintenant tout autant un corps qu'au jour de la Pentecôte, car on ne peut séparer les membres du corps, couper, pour ainsi dire, le Saint Esprit en deux, puisque c'est lui qui anime et unit les membres du corps. Il est vrai que la mondanité et tout ce qui ne porte pas le caractère céleste, tend à affaiblir la réalisation de l'unité de l'Esprit. Voilà pourquoi Paul exhorte à marcher d'une manière digne de l'appel dont nous avons été appelés; mais tous les vrais chrétiens sont membres du corps; nous sommes tenus de le reconnaître. S'il y en a qui sont désobéissants, il va sans dire que nous ne devons pas les suivre dans le sentier de la désobéissance. On peut aimer les enfants d'un père sans pour cela les suivre dans leur mauvaise voie; au contraire, c'est en ne les suivant pas qu'on leur témoignera le mieux qu'on les aime. Ceux qui sont retranchés de l'assemblée par voie disciplinaire ou autrement, ne cessent pas pour cela de faire partie du corps; ils sont mis hors de la manifestation du corps ici-bas. Le corps est formé par Dieu, et l'union est maintenue par Dieu lui-même.

Le point capital à retenir relativement à l'Eglise envisagée comme corps, — non dans les conseils de Dieu, complète, ainsi que l'épître aux Ephésiens la présente, — mais comme nous la montre la première épître aux Corinthiens, c'est qu'elle est sur la terre; elle est formée là, manifestée là. Les âmes de ceux qui délogent sont avec Jésus, mais il n'en est pas moins vrai que le corps est sur la terre. C'est comme dans une armée: il y a des soldats qui en sortent pour une cause ou une autre, mais d'autres viennent les remplacer, et l'armée ne cesse pas de subsister. Le Saint Esprit est ici-bas; ceux qu'il a baptisés, le sont pour être un seul corps sur la terre. A la fin, l'Eglise sera tout entière dans le ciel, une avec Christ, et tout, dans le ciel et sur la terre, sera réuni sous un seul chef. Alors l'Eglise aura part à la gloire de Christ, à tout ce que Christ aura.

Un seul Esprit anime Christ comme homme, et son corps, l'Eglise. Dans le ciel, nos corps eux-mêmes seront spirituels, — mus uniquement par l'Esprit; maintenant nous avons le trésor dans des vases de terre, mais cependant, dans ce corps même, il devrait y avoir pour le chrétien une marche en tout selon l'Esprit.

Mais en tout ce qu'il fait, Dieu place toujours l'homme sous sa propre responsabilité, et alors, comme on le voit, tout est bientôt gâté et Dieu place tout dans le second homme. Il en a toujours été ainsi depuis Adam: l'homme a failli en tout ce qui a été confié à sa responsabilité. Même dans l'Eglise, dès les commencements, nous voyons l'apôtre Paul dire: «Tous cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus Christ» (Philippiens 2: 21). Le second Adam reprend tout d'une manière parfaite. Roi, sacrificateur, fils de David, régnant sur les nations, il sera glorifié dans les saints, et admiré en tous ceux qui croient (2 Thessaloniciens 1: 10).

L'Eglise, comme corps, est placée sur la terre pour manifester l'unité de l'Esprit par le lien de la paix, sous la responsabilité de l'homme. Les membres du corps sont l'oeuvre de Dieu et ne peuvent être détruits. Le fait de l'union: «Celui qui est uni au Seigneur est un même esprit avec lui» (1 Corinthiens 6: 17), n'est pas de l'homme, aussi cela ne peut-il manquer. La responsabilité qui incombait à l'homme, c'était de maintenir, non l'unité du corps qui est un fait, mais l'unité de l'Esprit pour manifester l'unité du corps, et c'est là ce en quoi l'homme a manqué. C'est ce qui cause la ruine actuelle, et voilà pourquoi il faut user de diligence pour garder cette unité de l'Esprit. Non pas le fond, qui tient à l'Esprit, mais la manifestation, au milieu de tous les déchirements que l'on voit.

On a cherché à identifier l'Eglise, considérée comme maison, avec l'Eglise envisagée comme corps; c'est ce que fait le romanisme, mais ce sont deux points de vue et deux choses différentes, ainsi que nous le verrons. On prétend avoir les privilèges du corps, mais pas du tout; on a la responsabilité de la maison. En fait, il est vrai, le corps est bien la première chose établie sur la terre par la descente du Saint Esprit ici-bas.

On dit aussi: Il y aura un corps plus tard, dans la gloire; actuellement on doit faire de son mieux en rassemblant les saints individuellement. Mais tel n'est pas l'enseignement de l'Ecriture. Le Saint Esprit est descendu ici-bas, Christ, la tête, étant montée en haut, et le corps est formé sur la terre par le Saint Esprit: «Nous avons tous été baptisés d'un seul Esprit, pour être un seul corps».

Comme homme, Christ a glorifié Dieu dans la position du péché, et Dieu l'a glorifié dans le ciel. Voilà la justice de Dieu. Dieu reconnaît cette oeuvre de Christ, par laquelle non seulement nos dettes sont payées, car avec cela on pourrait encore mourir de faim, mais en vertu de laquelle nous sommes rendus propres à être unis à Christ et à posséder tout en lui. La justice de Dieu place Christ dans le ciel, après qu'il a achevé l'oeuvre que le Père lui avait donnée à faire; le Saint Esprit vient nous l'annoncer; il en est le témoin, et, de plus, il nous unit à Christ en haut, et voilà ce qui forme ici-bas l'Eglise, corps de Christ. La venue du Saint Esprit a formé le corps dans ce monde; nous en trouvons l'historique dans les deux premiers chapitres des Actes.

Toute la position, même individuelle, du chrétien, dépend de cela. Le Saint Esprit — donné en vertu de ce que Christ est monté en haut (fait réel pour l'individu aussi) — forme le corps sur la terre. Si l'on meurt, on cesse d'en faire partie ici-bas, l'on va vers Jésus, mais le corps est toujours ici. Quand tout est accompli, le Seigneur vient et prend les siens avec lui dans la gloire; le corps est glorifié. La grande vérité à retenir, c'est que le corps de Christ est formé sur la terre; c'est là qu'il y a des guérisons, des miracles, des membres qui souffrent, etc., toutes choses qui ne sont pas dans le ciel.

Revenons encore au chapitre 4 des Ephésiens. Nous trouvons d'abord les sentiments qui doivent résulter de notre appel céleste et dans lesquels nous sommes exhortés à marcher. Nous devons nous appliquer à garder l'unité de l'Esprit par le lien de la paix. Si je suis humble, je ne froisserai pas mon frère; si je pardonne à mon frère, au lieu de voir le mal en lui, j'y vois la grâce: il ne s'agit pas du mal dans l'assemblée. La paix est ce qui nous lie; si l'on m'a fait tort, je ne m'irrite pas, je garde la paix et l'amour, j'agis en grâce en supportant, et ainsi la paix n'est pas troublée.

«Il y a un seul corps et un seul Esprit». L'Esprit a formé cette unité du corps, laquelle ne peut être rompue; il faudrait pour cela diviser l'Esprit. «Celui qui est uni au Seigneur est un même Esprit avec lui». J'ai ma justification, ma conscience et ma responsabilité propres. La responsabilité ne se rattache pas à l'unité du corps. Mais, comme garder l'unité de l'Esprit est la manifestation en pratique de l'unité du corps, je suis sous la responsabilité de garder cette unité dans ma marche avec tous les chrétiens. I1 y a les individus et la famille, les membres et le corps; c'est l'Esprit qui forme l'unité du corps, c'est donc l'unité de l'Esprit qu'il faut s'appliquer à réaliser en fait. L'unité de l'Esprit n'est pas la similarité de sentiments; une unité de sentiments ne forme pas l'unité du corps. Ce n'est pas non plus que nous sommes un en esprit; l'unité de l'Esprit, c'est l'unité du corps manifestée en pratique.

Pour la réaliser, il faut que la chair et le moi soient mis de côté. La difficulté c'est que la chair agit toujours; c'est donc une affaire morale; de plus, la manifestation de l'unité du corps suppose que tous les chrétiens sont là. Or il y a une quantité de divisions; il y en avait bien avant nous, et cependant il s'agit de manifester cette unité malgré cela. Comment faire? Quand tous les frères seraient rassemblés, ils seraient un, mais non pas le corps, parce qu'il y a d'autres chrétiens, et que faire avec eux dans l'état actuel des choses? On dit que les divisions sont bonnes, ou du moins ont leur bon côté, que cela pousse en avant, et malgré cela on voit partout un besoin d'unité, qui cherche à se montrer de diverses manières, et dont l'Alliance évangélique était une preuve.

La grande difficulté c'est de garder la sainteté de la marche sans froisser l'unité. Je dois être fraternel, mais on voudrait que je le fusse en allant dans la désobéissance avec celui qui marche mal: cela ne va pas. Ce ne serait pas garder l'unité de l'Esprit. Il faut, bien que ce soit difficile, savoir séparer la chose précieuse de la méprisable (Jérémie 15: 49). Il y a un double danger: celui de l'étroitesse, d'un côté, et d'une largeur coupable, d'un autre.

Nous avons, dans ce que fit Moïse (Exode 33), une figure de la manière dont nous avons à agir. Les Israélites, durant son absence, avaient fait le veau d'or. Ainsi a fait la chrétienté pendant que Christ est en haut. Moïse, redescendu de la montagne, ne peut pas rester dans le camp: il prend une tente qu'il dresse bien loin du camp. Ceux qui veulent chercher l'Eternel, sortent vers Moïse. Or cela fut fait avant que le tabernacle fût dressé. Comme maintenant, Josué, qui préfigure Christ en Esprit, restait toujours dans le pavillon d'assignation, tandis que Moïse en sortait et allait dans le camp, mais sans aucune participation à l'esprit du camp. Josué est Christ en Esprit. Il faut, avec Christ, rester hors du camp, bien que nous puissions avoir affaire avec ceux qui y sont, mais sans participer à leur esprit. Mais c'est une chose difficile de garder la puissance de l'unité et de l'amour, quand il faut toujours repousser les attaques. Rappelons-nous que c'est quand le veau d'or avait été élevé dans le camp, que Moïse ne veut pas y rester.

Mais comment peut-on réaliser l'unité de l'Esprit quand on est séparé? Nous savons, par la Parole, que des temps fâcheux devaient arriver, durant lesquels il faut se séparer (2 Timothée 3: 1; 2: 19-21). Or Christ suffit toujours à tout pour nous. Partout où je trouve un enfant de Dieu, je dois être assez près de Christ pour être, pour cet enfant de Dieu, ce que Christ veut que je sois; mais je ne dois pas aller dans le mal avec lui, parce que Christ ne peut pas y aller.

Qu'est-ce que le camp? C'était littéralement Israël, qui était religieux avec les éléments du monde. Pendant un temps, Dieu a supporté cet état de choses; nous voyons dans les Actes qu'un grand nombre de sacrificateurs obéissaient à la foi et que des milliers de Juifs, qui avaient cru, étaient zélés pour la loi (Actes des Apôtres 6: 7; 21: 20). Mais enfin tout ce système fut mis de côté, et le Saint Esprit fit entendre la parole: «Sortons donc vers lui (Christ) hors du camp» (Hébreux 13: 13).

Or maintenant le camp, c'est la liaison avec ce qui est du monde, l'introduction des éléments du monde dans le christianisme. Une assemblée prend ce caractère, quand on y trouve une alliance du monde avec la religion, autrement dit une religion mondaine. Le camp, c'est là où se trouve ce que Paul nomme les éléments du monde (Galates 4: 3, 9, 10); la religion du monde, de la terre; celle où, par exemple, l'on compte les ans, les mois, les jours, les anniversaires, comme s'il y avait des anniversaires dans le ciel. Or nous sommes du ciel.

Les chrétiens ont en général revêtu ce caractère du camp, tandis que nous lisons en Hébreux 13, que, comme chrétiens, nous avons un autel dont ceux qui servent au tabernacle (dans la religion terrestre) n'ont pas le droit de manger. Dès lors il doit y avoir séparation complète, ainsi qu'il est dit: «Sortons hors du camp». N'alliez pas une religion du monde avec Christ. Par le Saint Esprit, envoyé du ciel, et qui nous unit à Christ dans le ciel, nous sommes du ciel, et nous n'avons rien à faire avec les éléments du monde. Tout ce qui tend à faire du christianisme une religion terrestre, s'alliant avec les principes du monde, est le camp; nous avons à en sortir.