Correspondance sur la grâce de Dieu et la ruine de l'homme

 ME 1879 page 317

 

Question :

Mon cher frère,

J'ai dernièrement éprouvé quelque embarras à répondre aux affirmations suivantes, et je serais heureux si vous vouliez me dire ce que l'Ecriture nous présente sur cette importante question.

On dit: «Dieu est amour. Il ne laisse pas les pauvres païens sans une aide divine dans leurs ténèbres. Quoique le Saint Esprit ne soit pas en eux comme y faisant sa demeure, cependant il agit sur la conscience de tout être humain; dans le cas d'un païen, il le dirige à avoir des convictions droites et à faire ce qui est bien, l'aidant à vivre de manière à ce qu'il puisse être sauvé, et cela, bien que cet homme n'ait jamais entendu le nom de Christ, et ne connaisse pas le vrai Dieu en Christ». On allègue, pour soutenir cette thèse, des passages tels que Actes des Apôtres 17: 27; 10: 35; Romains 2: 7; Genèse 6: 3.

Je reste, mon cher frère, votre affectionné en Christ.

J.B.P.

 

Réponse :

Mon cher frère,

La doctrine à laquelle vous faites allusion est assez généralement répandue. Zwingli la tenait; c'est celle des Wesleyens et d'un grand nombre de ceux qui professent le christianisme dans l'établissement national. Mais elle dénote un manque de profondeur et de vérité quant aux fondements, car elle tend à nier que nous sommes tous perdus. La meilleure réponse, ce sont les déclarations très claires de l'épître aux Romains, qui d'ailleurs sont confirmées par plusieurs autres. Mais ces questions trahissent toujours un manque de conviction de péché. Au fond de la pensée, il y a: L'homme n'est pas perdu; il n'est pas mort dans ses fautes et dans ses péchés; et cela veut dire: Moi, je ne le suis pas; car si moi, j'ai mérité la condamnation, il n'est pas difficile de concevoir que nous l'avons tous méritée. C'est pourquoi avec des idées telles que celles dont vous parlez, la grâce, le péché, la mort du Seigneur, tout perd sa portée et sa valeur. La vraie manière de les combattre moralement, c'est de chercher à agir sur la conscience individuelle. Des paroles telles que: «Vivre de manière à ce que l'on puisse être sauvé», dénotent immédiatement l'ignorance où l'on est des voies de Dieu en grâce, — en fait, l'ignorance de l'évangile, — quant à ce qui regarde l'oeuvre de Christ, «Des convictions droites, et faire ce qui est bien», n'est pas l'évangile. Est-on né de nouveau, voilà la question. Actes 17: 27, ne dit pas un mot de l'action de l'Esprit, et le chapitre 10: 35, déclare seulement que celui qui est tel et tel, est accepté. Cela montre simplement que cette bénédiction n'était pas limitée aux Juifs, comme la lecture du passage le rend évident. Romains 2: 7, etc., qui est le plus fort passage que l'on puisse avancer pour soutenir cette thèse, suppose comme la vérité de la gloire et de la résurrection. Si je trouve un gentil marchant ainsi, il est sauvé tout autant qu'un Juif. Mais la Parole déclare que toute bouche est fermée, et que tout le monde est coupable devant Dieu; qu'il n'y a point de juste, non pas même un seul. La condamnation des païens est établie (Romains 1: 18 à 3: 19) sur un terrain qui met à néant l'idée d'une semblable opération universelle de l'Esprit. Ils sont inexcusables, dit l'apôtre, pour cette double raison: qu'ils n'ont pas glorifié Dieu quand ils l'ont connu, et qu'ils ont eu le témoignage de la création avec la conscience. Or ce raisonnement serait parfaitement futile et sans aucun sens, s'il y avait une autre base de condamnation, c'est-à-dire que les gentils ont résisté au Saint Esprit. Ceux qui ont péché sans loi, périront aussi sans loi. La pensée de la chair est inimitié contre Dieu, aussi bien en moi, qu'en aucun autre des gentils. On confond le terrain de la responsabilité avec celui de la grâce souveraine qui sauve. Genèse 6: 3, se rapporte simplement à la patience de Dieu aux jours de Noé.

L'homme n'est pas sauvé par grâce, s'il est sauvé comme on vous l'affirme, parce que l'Esprit travaillant de la même manière chez tous (sans quoi l'argument n'a pas de valeur), tout le salut dépend du fait que l'homme l'accepte et agisse d'après cela. Comme je l'ai dit en commençant, on nie ainsi tout notre état, tel que l'Ecriture l'expose (voyez 2 Corinthiens 5: 14, où l'apôtre tire sa conclusion de la grâce; comparez Ephésiens 2: 5). Je ne crois pas les gentils plus perdus que je ne l'étais moi-même. Mais «il n'y a point d'autre nom sous le ciel, qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés» (Actes des Apôtres 4: 12), sinon celui de Jésus Christ. Romains 10: 13, 15, est positif quant au moyen. Le jugement et la condamnation correspondent au moyen que nous avons. Ce qui, par la bonté souveraine, apporte le salut à ceux qui sont perdus, est une autre chose. Mais, comme je l'ai dit, celui qui objecte se croit-il perdu lui-même? C'est là la vraie question. La source de milliers d'opinions provient de ce que la conscience n'a pas été devant Dieu; là où c'est le cas, l'esprit peut avoir mille pensées diverses, toutes sans utilité. Mais je dois terminer.

Votre affectionné frère en Christ.

Darby J.N.