Soupirant en nous-mêmes - Romains 8: 23

ME 1881 page 97

 

Rien n'est plus difficile à nos coeurs que de demeurer pratiquement dans la grâce et d'y marcher constamment, avec la conscience que «nous ne sommes pas sous la loi mais sous la grâce». Le coeur est «affermi» par cette dernière, mais rien ne nous est plus difficile que de comprendre la plénitude de la faveur de Dieu dans laquelle nous sommes, et de marcher dans la puissance et la conscience de cette faveur.

Nous ne pouvons la connaître que dans la présence de Dieu, et notre privilège est de nous tenir là. Du moment que nous en sortons, il se fait toujours en nous un certain travail de nos propres pensées, qui ne pourront jamais atteindre aux pensées de Dieu à notre égard, à la «grâce de Dieu».

Deux choses peuvent faire obstacle à la paix de notre âme, et, étant souvent confondues et mêlées ensemble, elles créent une difficulté dans l'esprit des saints: 1° Une conscience troublée à l'égard de notre acceptation et de notre salut; 2° le soupir de l'Esprit, dont l'apôtre Paul fait mention en Romains 8: 23, provoqué par les circonstances environnantes qui nous angoissent et nous éprouvent.

Ces deux choses sont tout à fait distinctes. Le trouble et les exercices du coeur, que les saints éprouvent nécessairement en traversant le monde, par suite des circonstances dont ils sont entourés, sont très différents du trouble de la conscience par rapport au pardon des péchés. Dans le dernier cas, l'amour ne s'exerce pas envers les autres, car le moi est le centre, et il ne peut en être autrement; mais lorsque l'angoisse est causée par l'état de chose qui nous entoure, c'est le contraire qui a lieu. Combien fut grand le fardeau qui pesa sur l'âme du Seigneur Jésus, lorsqu'il passait à travers ce monde; mais l'amour en était la source ainsi que le sentiment parfait de ce qu'était la grâce de Dieu.

La grâce suppose la présence du péché et du mal en nous, mais elle est la précieuse révélation que, par Jésus, tout ce péché et ce mal ont été entièrement ôtés. Un seul péché est plus horrible pour Dieu que ne le sont pour nous mille péchés, et même tous les péchés du monde entier; et néanmoins, avec la plus entière connaissance de ce que nous sommes, il plaît à Dieu de n'être envers nous qu'une seule chose: AMOUR! Il ne faut pas considérer le plus ou le moins d'étendue du mal; quelqu'un peut être (je parle à la façon des hommes) un grand ou un petit pêcheur; là n'est pas du tout la question. La grâce se rapporte à ce que Dieu est, et non à ce que nous sommes, si ce n'est que la grandeur de nos péchés ne fait qu'exalter l'immensité de la grâce de Dieu. Il nous faut en même temps nous souvenir que le but et l'effet nécessaire de la grâce est de mettre nos âmes en communion avec Dieu, de nous sanctifier en amenant l'âme à connaître Dieu et à l'aimer; de là vient, que la connaissance de la grâce est la vraie source de la sanctification.

Si donc la grâce est ce que Dieu est envers moi et que je n'aie plus à faire avec ce que je suis, du moment que je pense à moi, comme si Dieu voulait me juger à cause de mes péchés, il est évident que je ne réalise pas ce que c'est que de se tenir dans la grâce. Ces pensées sont naturelles au coeur de l'homme, et c'est aussi l'un des effets d'une conscience réveillée, car cette dernière commence immédiatement à raisonner sur ce que Dieu pense d'elle; mais ce n'est pas la grâce.

L'âme qui se replie sur elle-même pour savoir quel jugement Dieu porte sur elle et quelles seront ses voies envers elle, ne se repose pas sur ce que Dieu est, elle n'est pas dans la grâce.

J'ai dit que deux choses fort différentes sont cependant fréquemment confondues dans l'esprit des saints: une mauvaise conscience et les soupirs de l'homme spirituel à cause du mal qui l'entoure. Dès que nous sortons un peu du sentiment de la grâce, nous sommes en danger de confondre ces choses. Supposons que je sois, comme saint, affecté du poids terrible du mal qui est autour de moi et que j'en soupire; bientôt, à moins que je ne sois sur mes gardes, il s'y mêlera du trouble de conscience; je perdrai le sentiment de l'amour de Dieu et me placerai sous la loi. Cependant un saint peut soupirer sans perdre pour cela la conscience de l'amour, ou bien plutôt par la raison qu'il la possède.

Lorsque le Seigneur Jésus frémit en lui-même et pleura au tombeau de Lazare, la profonde douleur qu'il ressentait sur la misère que le péché avait amenée dans le monde, ne touchait en rien à la conscience de l'amour de son Père. «Père, je te rends grâce de ce que tu m'as entendu. Or moi je savais que tu m'entends toujours». Un chrétien peut ainsi être affligé sans perdre en rien le sentiment de l'amour et de la grâce de Dieu.