Luc 23: 40-43

 ME 1881 page 236

 

Mes pensées se portent sur ce fait que nous sommes exercés et enseignés ici-bas, tandis que le brigand s'en va tout droit dans le paradis.

Il me semble que, dans notre marche progressive, nous apprenons à faire la distinction entre la chair et l'Esprit. Nous avons «notre fruit dans la sainteté». En traversant le monde comme rachetés, nous trouvons en nous-mêmes beaucoup de choses qui ne sont pas de Dieu et de la nouvelle nature. Dieu nous humilie et nous montre ce qui est dans nos coeurs; la chair et la nouvelle nature sont distinguées spirituellement et pratiquement; — de plus, nous avons l'amour et les soins incessants de Dieu, qui ne retire point ses yeux de dessus le juste.

Le monde est un désert; la manne (Christ) est notre tout, notre seule nourriture, et l'eau du rocher notre boisson qui, pour nous, est une source d'eau vive. Nous goûtons les raisins d'Escol, et nous traversons le désert avec le Seigneur, pour arriver au pays de la promesse. Tout ceci, la rédemption étant commune à tous, ne se trouve-t-il pas accompli dans le brigand? Ne savait-il pas bien que la chair et tout ce qu'elle produit ne mène qu'à la condamnation? Certainement, pour lui, la chair était complètement jugée et le monde crucifié; et, quant aux désirs de son coeur, Christ dans la gloire de son royaume, n'était-il pas tout pour lui, et la manne — un Christ abaissé — la seule nourriture de son âme? La chair était donc jugée en lui, le monde crucifié, et lui crucifié au monde. Au moment même où les souffrances qu'il endurait auraient pu lui faire désirer du soulagement, son seul désir n'était-il pas que le Seigneur se souvînt de lui au jour de sa gloire? C'était une complète humilité, mais aussi une confiance parfaite en Christ, en son amour; et tout ceci avec une pleine connaissance de sa propre culpabilité, mais absorbé par Christ au milieu de la souffrance et de la honte. Pour la chair, la pensée qu'on se souviendrait de lui cloué sur un gibet, n'était rien moins qu'agréable; mais Christ était tout pour lui.

Je ne parle pas ici des preuves très frappantes de sa conversion et de sa foi, mais de l'accomplissement parfait de l'oeuvre qui a séparé son âme de la chair pour l'unir à Dieu, en lui donnant Christ comme seul et unique objet. Cette oeuvre s'accomplit progressivement en nous. Sur la croix, le monde et la chair étaient, pour le brigand, crucifiés avec leurs affections et leurs convoitises, et Christ était devenu son tout; c'est en Christ qu'il mettait sa confiance et c'est à lui qu'il s'attendait, tel qu'il pouvait le comprendre. Que pourrions-nous avoir de plus en arrivant au bout de notre carrière, si ce n'est un peu plus de connaissance?

Un véritable état de sainteté est-il autre chose que le reflet et la reproduction dans notre coeur de l'excellence objective de Christ, reflet qui se transforme en cette même ressemblance, par l'Esprit du Seigneur, de gloire en gloire, nous purifiant comme lui est pur? En restant ici-bas, nous acquérons par le Saint Esprit plus de connaissance, et nous avons le progrès qui produit du fruit en sainteté. Christ s'est sanctifié afin que nous soyons sanctifiés par la vérité. La chair, le premier Adam, et Christ, le dernier, sont distincts à nos âmes; le premier est jugé et crucifié, le second est formé par l'expérience, Christ étant tout. Or, quoique le brigand eût moins de lumière que nous, puisqu'il ne connaissait pas Christ glorifié par le Saint Esprit, n'était-il pas dans cette même position, où le monde et la chair sont pleinement jugés et crucifiés et où Christ est manifesté comme seul objet de son coeur? Et c'est là que Christ trouve sa consolation: «Aujourd'hui tu seras s dans le paradis» Son droit pour y entrer était l'oeuvre parfaite de Christ; Christ occupait son coeur par la grâce, la chair et le monde étant exclus par la croix; pour lui tout était bien clairement défini.

Etienne démontre cette vérité dans son aspect le plus brillant, car il avait le Saint Esprit et Christ dans la gloire; et, comme pour Christ sur la croix, la mort était aussi sa portion. Le tableau est plus complet, mais n'est pas plus vrai que celui que nous présente le brigand, quant à la condition de sanctification de l'âme. La différence est qu'en Etienne nous avons Christ révélé dans la gloire, et le Saint Esprit transformant l'homme à la ressemblance de Christ sur la croix, quant à la chair et au monde, mais avec une appréciation parfaite des choses célestes qui sont devant lui. Etienne abondait ainsi en espérance par la puissance du Saint Esprit et pouvait dire: «Reçois mon esprit»; car il savait où était Christ, tandis que le brigand qui dit: «Souviens-toi de moi» ne pensait qu'au royaume, et le Seigneur lui révèle alors qu'il n'aurait pas à l'attendre. La condition morale qui est produite est la même dans les deux cas. Le monde et la chair sont anéantis, et Christ, sa personne crucifiée du moins, devient l'objet absolu des pensées et des désirs. Ainsi l'oeuvre accomplie progressivement en nous — virtuellement quand nous croyons — est accomplie aussi dans le brigand, mais avec moins de connaissance; la croix est réalisée et révélée par rapport au monde et à la chair, mais non pas par la gloire. La révélation de la gloire produit le même effet quant à ce monde, mais avec une connaissance bien plus profonde de la gloire elle-même. Le brigand ne reflétait pas Christ dans les calmes profondeurs de son âme, comme le faisait Etienne; mais l'eau de la purification découlait de Christ lui-même dans le coeur du brigand, et Jésus pouvait trouver son bon plaisir à l'avoir avec lui.

N'est-il pas bien beau et bien doux de penser à ces choses?