Préface du nouveau recueil de cantiques

ME 1881 page 431 - Darby J.N.  (Réédité)

 

Une nouvelle édition de ce recueil de cantiques ayant été demandée, celui qui devait le publier a prié l'éditeur actuel de s'en charger. Naturellement, toute responsabilité quant à ce qu'elle contient de nouveau et quant à sa forme reste à la charge de ce dernier; mais comme ce livre est pour tous, l'éditeur s'est adressé à des frères, dans les différentes localités où il a passé, frères qu'il jugeait être capables de l'aider en cette oeuvre, qui offre beaucoup plus de difficultés que ne l'imaginent ceux qui ne l'ont jamais entreprise.

Trois choses sont nécessaires pour un recueil de cantiques. D'abord, une base de vérité et de solide doctrine; ensuite, quelque chose de l'esprit poétique, mais non la poésie elle-même, qui ne peut convenir, comme étant le fruit de l'esprit et de l'imagination de l'homme; enfin, chose plus difficile à trouver, cette connaissance expérimentale de la vérité dans les affections, qui rend une personne capable de composer un cantique (si du moins Dieu la dirige à en composer un) qui soit le véhicule d'une pensée et d'un langage soutenus de grâce et de vérité pratiques, mettant l'âme en communion avec Christ et l'élevant jusqu'au Père; mais encore, il faut que le cantique ne soit pas simplement l'expression d'une expérience individuelle, qui ne convient pas pour le culte dans une assemblée. En un mot, l'amour du Père, et Christ développé dans les affections de l'âme s'élevant en louange et retournant à sa source. Dieu seul peut donner cela, de manière à satisfaire les besoins d'une assemblée.

Comme la prière de l'assemblée, le chant non plus ne doit pas s'élever trop complètement au-dessus de l'état de l'assemblée; il doit cependant monter jusqu'à Dieu, et faire que les affections de l'assemblée s'élèvent jusqu'à lui, tellement que ce qu'elle est en grâce, exprimé dans les affections de l'âme, soit également proclamé. Il ne s'agit pas simplement d'exprimer des besoins; cela conviendrait à un cantique dans une réunion de prière. J'ai parlé d'une base de vérité, ou pour dire plus exactement, de la vérité: évidemment, cela est essentiellement nécessaire; mais il y a beaucoup plus, car, se basant sur cette vérité, il y a une vaste sphère de pensées scripturaires, de sentiments, d'expériences et d'espérances, dans lesquelles l'âme se meut et qui devraient être scripturaires.

Dans un grand nombre de cantiques, on trouve une réelle piété dans les affections, mais associée avec des déclarations qui ne touchent peut-être pas à une grande vérité fondamentale, mais qui ne sont pas scripturaires, et ainsi les meilleures affections sont liées à des pensées non scripturaires, chose réellement fâcheuse pour l'âme. Ainsi, dans une âme pieuse mais incertaine quant à son salut, on sentira le manque de l'esprit d'adoption, on trouvera l'espérance d'entrer dans la gloire au moment de la mort (je ne parle de ceci que comme exemple d'une foule de cas qui se présentent), et cette âme sera très irritée, peut-être, en perdant une hymne ou un cantique dont sa piété jouissait, mais qui avait associé ses espérances et ses affections à ce qui n'est pas du tout scripturaire. Beaucoup de ces cantiques ont dû être en conséquence, éliminés du recueil; mais il y avait encore autre chose à faire. Les cantiques devraient être simples, remplis de Christ et de l'amour du Père, sans affectation, et pourtant avec une certaine élévation qui n'en fasse pas de la simple prose. Celui qui chante doit être là, mais ayant ses pensées associées à Dieu, et étant rempli des pensées du ciel; mais il ne faut pas qu'il s'individualise et qu'il laisse l'assemblée derrière lui. Beaucoup de très beaux cantiques sont trop individuels, trop remplis d'expériences pour être chantés dans une assemblée; un appendice a été, en conséquence, ajouté à ce recueil, dans lequel les cantiques sont peut-être aussi beaux que dans le reste du livre, mais on y a moins pensé à l'assemblée. Autant que possible, les cantiques pour l'assemblée s'expriment au pluriel, disant «nous», non pas «je». Il y a des cantiques qui conviennent à des réunions de prière, d'autres qui pourraient convenir à ce que l'on nomme le culte de famille, d'autres même à l'évangélisation, quoique, dans ce dernier cas, la difficulté soit très grande, car, au fond, vous faites chanter ceux qui vous écoutent comme s'ils avaient certains sentiments, et vous leur parlez ensuite comme s'ils ne les avaient pas. Mais, dans la chrétienté actuelle, les choses ne sont pas aussi exactement définies, et il y a des âmes cachées et des besoins cachés dont le cantique peut devenir l'expression, en affranchissant ces âmes et en leur donnant de saisir l'amour de Dieu, quelquefois d'une manière plus effective que la prédication ne peut le faire. Toutefois il y a un danger très grand à entretenir une foule d'âmes dans l'illusion et dans une connaissance très relâchée quant au péché et à la grâce; la difficulté est très réelle; souvent vous verrez que celui qui chante le plus haut est peut-être celui dont la conscience est le moins atteinte.

Une quinzaine de cantiques seulement avaient été d'abord exclus par l'éditeur; d'autres frères avaient éliminé d'une main bien plus sévère; mais ils n'avaient pas de quoi remplacer les mauvais cantiques par des bons. Une quarantaine au moins ont été biffés, mais plusieurs d'entre eux ont été mis dans l'appendice. Leurs places ont été remplies en faisant des recherches dans un grand nombre de recueils, lesquels du reste, par les raisons exprimées plus haut, ont fourni peu de cantiques qu'on pût utiliser. Un assez grand nombre sont originaux, de diverses provenances; ils ont été soumis à plusieurs frères avant d'être admis dans le recueil. Bien des auteurs peuvent se consoler en apprenant que leurs cantiques, quoique très beaux, ne pouvaient cependant convenir à une assemblée de saints; plusieurs ont été placés dans l'appendice, non pour cause d'infériorité, mais en raison de leur caractère différent. Beaucoup de cantiques ont été corrigés d'après les principes dont il a été question ici; ces corrections ont été communiquées à différents frères, mais on ne doit pas s'attendre à ce que tout le monde soit satisfait; certainement on aurait pu, et on pourra mieux faire. L'éditeur a fait ce qu'il pouvait, et quoique personne, à moins qu'il n'en ait fait l'essai, ne puisse se faire une idée des difficultés d'un semblable travail, il croit que le Seigneur a été avec lui.

On pourra ajouter à l'appendice d'autres cantiques, soit originaux, soit provenant de recherches ultérieures.

Pour la commodité, le nombre des cantiques est resté le même, de nouveaux cantiques ayant été substitués à ceux qui ont été exclus.

Enfin j'ajouterai, ce qui peut-être aurait dû être dit en commençant, c'est que le grand principe, pour le choix des cantiques et leur correction, a été qu'il ne devait y avoir, dans les cantiques pour l'assemblée, que ce qui est l'expression de la connaissance intérieure de la position du chrétien en Christ devant le Père, ou ce qui est d'accord avec cette connaissance.

Le lecteur voudra bien remarquer qu'il y a des changements rendus nécessaires par la substitution de «nous» à «je», changements qui, sans cela, n'eussent pas été faits.

Je remets ce livre aux mains de Celui qui seul peut donner des cantiques pendant la nuit, ayant la confiance que ce recueil, le meilleur de ceux que connaisse l'éditeur, pourra être plus utile encore aux frères, et étant assuré que l'Esprit, qui seul peut inspirer un cantique vrai, peut seul aussi le faire chanter comme il faut.