Lettre à une soeur sur le mariage

 ME 1882 page 51

 

Ma chère soeur,

Vous avez bien fait d'être assurée de l'intérêt que je porterais à ce que vous fussiez dirigée de Dieu et bénie dans un moment aussi important de votre vie, et de sentir que vous pouviez avec toute confiance m'ouvrir votre coeur; — je ne dis pas pour la sagesse des conseils, mais au moins pour le désir qu'ils soient de Dieu pour vous. Tout en sentant combien il est délicat de donner des conseils en cas pareil, je m'empresse de vous répondre tout de suite, en m'appuyant sur Celui qui daigne s'intéresser à tous les détails de notre vie ici-bas. Tout premièrement mon conseil est de regarder vers Lui; non pas que je doute que vous ne l'ayez fait, mais pour que vous soyez toujours assurée qu'il pense pour nous, comprend mieux notre bonheur, le recherche mieux que nous-mêmes. Il veut tout de suite que nous nous abandonnions à lui, sûrs que, quoi qu'il en soit, il sait bien mieux nous rendre heureux que les choses qui, ont le plus d'apparence de le faire. Cela est d'autant plus vrai dans ces cas, qu'il est si difficile d'avance de bien connaître si quelqu'un est propre à nous rendre heureux, lors même qu'il le désire. On sait si peu sonder le caractère, d'autant que, sans la moindre hypocrisie, le désir de plaire fait qu'on s'adapte aux personnes auxquelles on désire se rendre agréable. Toutes ces choses rendent toujours plus nécessaire qu'on abandonne l'affaire à Celui dont la sagesse est parfaite, et qui a toute volonté de nous rendre heureux. C'est ce que je vous engage par-dessus tout à faire, soit pour la chose, soit pour la personne.

Premièrement, je pense que X… a voulu vous dire qu'il n'y avait pas obligation à se marier. Il est de toute évidence que l'institution est divine. L'Ancien Testament nous rapportant la parole de Dieu, qu'il n'était pas bon pour l'homme de rester seul; la création d'une femme, fait que le Seigneur signale pour interdire le divorce qui avait lieu parmi les Juifs, en disant: «Ce que Dieu a uni, l'homme ne doit pas le séparer;» et une foule d'autres témoignages de la Parole, comme Ephésiens 5, où nous voyons que cette union est une figure de celle de Christ et de l'Eglise, ne laissent pas l'ombre d'un doute sur ce point. La défense de se marier est un des caractères de l'esprit apostat. Le mariage donc est honorable, comme dit le Saint Esprit, et celui qui se marie fait bien. C'est la règle générale de l'ordre divin pour l'homme.

Seulement le péché est entré; tout est gâté. La confusion, la misère et la peine règnent dans ce monde. Dieu y a introduit une nouvelle puissance qui traverse tout cet état de choses d'une manière indépendante, car elle attache à un Christ qui n'en est pas, qui est ressuscité, et qui est dans le ciel. Si l'Esprit attache quelqu'un à Christ, de manière qu'il puisse se tenir pour mort dans ce monde, comme Paul, et dire: «Pour moi, vivre c'est Christ», et si la chose est réellement ainsi; si la puissance de Dieu qui se sert de lui comme vase de sa gloire, le sort de la marche de l'homme tel qu'il est, c'est une grâce; il est bon qu'il en profite. Mais un tel homme sera le premier à reconnaître la bonté de Dieu dans l'ordre divin de sa création ici-bas. Il comprendra, en ne se faisant pas illusion, et en avertissant les autres, que le péché étant entré dans cette création, la peine et l'affliction l'accompagnent. On trouvera de l'affliction quant à la chair, par conséquent dans le mariage. Mais il sentira et fera comprendre également que la bonté et la miséricorde de Dieu y sont aussi entrées, et qu'on peut compter, si la chose est faite selon sa volonté, sur sa bénédiction, sur les soulagements de sa présence et de sa bonne main dans ces peines même, auxquelles sans doute on n'échappera pas, mais où sa bonté sera un baume qui fera du bien au coeur et à l'âme. Celui donc qui se marie fait bien, celui qui ne se marie pas fait mieux. Mais ce dernier cas suppose une consécration à Dieu par le Saint Esprit, pour laquelle certainement on est plus libre, sans le mariage. Heureux celui qui en est là. La règle générale de Dieu est qu'on se marie. Toutefois on est heureux, plus heureux si l'on peut rester libre; mais la liberté devrait être réelle, de sorte qu'on n'y pense pas, ayant pouvoir sur sa propre volonté. Jamais je n'ai été plus frappé de la sainteté et de la bonté de Dieu, qu'en lisant ce que l'apôtre dit, à ce sujet, de la condescendance de Dieu, et de la merveilleuse vérité que son Esprit est venu à la suite de la glorification de Jésus, pour introduire dans le coeur du chrétien la puissance au milieu de cette scène de ruines. Je n'en aurais pas dit autant si quelqu'un ne vous avait pas dit que le mariage n'était pas une institution divine. Je dois penser qu'il s'est mal exprimé. Au reste, ce que j'exprime n'est que l'expression de ce que Paul a dit à ce sujet.

Et maintenant, pour votre cas particulier, et en général quant à l'expérience que j'ai d'une personne non mariée, si c'est vraiment par dévouement, selon la puissance dont j'ai parlé, et si le coeur est dégagé pour être entièrement à Dieu et libre, cette personne glorifiera le Seigneur davantage, comme étant plus exclusivement à Lui. Celui qui est marié, pense aux choses du monde pour plaire à sa femme, et il en est de même de la femme. Celui qui n'est pas marié pense aux choses du Seigneur pour plaire au Seigneur. Mais ceci suppose le dévouement dont je parle, et chacun a son propre don, sans quoi l'on fait bien de se marier. Etre préoccupé du mariage, lorsqu'on n'est pas marié, est plus nuisible à la piété que les soucis qui accompagnent ce lien, et la bonté de Dieu nous accompagne dans le mariage s'il est selon sa volonté. Seulement que ce soit en notre Seigneur.

Maintenant, quant à la personne dont vous me parlez, la première chose à faire après avoir beaucoup prié Dieu, est de vous assurer, ce que vous pouvez faire par le moyen d'autrui, de la piété personnelle de N., et s'il est dans la communion du Seigneur. Sans cela, vous ne pouvez compter sur la bénédiction de Dieu. Je bénis Dieu de ce que N. a renoncé à l'émigration, que je n'aime pas. Je bénis Dieu de ce qu'il en a arrêté bien d'autres dans cette voie. Il me semble, sans condamner l'émigration dans tous les cas, que l'impatience de la chair y est le plus souvent pour beaucoup. On ne sait pas compter sur Dieu. Toutefois il est au-dessus de tout… Je vous engage à vous informer soigneusement de la piété et de la marche de N. Si les renseignements sont satisfaisants, à la bonne heure, autrement vous ne devez faire aucune démarche quelconque. Décidez devant Dieu ce que vous pensez faire, et puis, sans vous laisser aller même à un sentiment quelconque, informez-vous à fond, par le moyen de quelques amies, de sa piété et de l'intégrité de sa marche; en vous appuyant sur Dieu, il vous dirigera. Que Dieu vous bénisse et vous garde; il le fera, si vous vous attendez à Lui. Comptez sur sa bonté; il pense mieux à votre bonheur que vous ne sauriez le faire. Je désire et demande que la bénédiction, pleine de grâce, de notre bon Dieu, repose sur vous. Je crois, chère soeur, que vous cherchez sa volonté et qu'il vous bénira. Comptez sur des peines et des soucis, si sa volonté est que vous vous mariiez; mais comptez sur sa bonté toujours tendre et compatissante, sur son oeil d'amour qui repose toujours sur vous et sur ce qui vous concerne.

Soyez patiente, on l'est toujours devant Dieu. Je n'ai qu'à ajouter le voeu le plus sincère que vous ayez la pleine bénédiction de notre Père tendre et fidèle.

Votre affectionné frère et serviteur en Christ.