Le déclin et son cours

ME 1882 page 81   -  1 Corinthiens 10

 

Dans un temps de déclin général, comme on le voit de nos jours, il est peut-être utile de signaler les pas par lesquels on arrive à descendre si bas; car lorsque, par la Parole, nous découvrons notre véritable état, c'est un des moyens que Dieu emploie pour nous en faire sortir.

Nul ne se met en route sur un chemin qui descend, avec la pensée que le chemin a ce caractère, quoique Dieu ne manque pas de lui envoyer des avertissements, et que sa main lui inflige la discipline afin de réveiller de sa léthargie l'âme indifférente. Jamais celui qui poursuit un tel chemin ne peut dire jusqu'où il ira, bien que, sans doute, il se propose de ne pas dépasser certaines limites. Mais la puissance de l'ennemi est trop grande pour que nous puissions lui tenir tête, à moins que nous n'allions à Dieu avec cette force qu'il donne à ceux qui dépendent de lui.

Chaque pas dans la voie du déclin est décrit en détail dans le chapitre 10 de la 1e épître aux Corinthiens, et présente un contraste frappant avec la marche de l'apôtre, telle qu'elle est rapportée à la fin du chapitre précédent. Quelques personnes ont de la difficulté à comprendre les paroles de l'apôtre Paul, parce qu'elles ont en quelque sorte perdu de vue l'accord qui doit exister entre la vie, la vie éternelle, et le chemin que ceux qui la possèdent devraient tenir, et tiennent, en effet, plus ou moins. Il est à craindre, hélas! que la délivrance, par la croix de Christ, du jugement qui pèse sur les enfants d'Adam, parce qu'ils ont failli à leur responsabilité, ne soit aussi pour plusieurs la délivrance de la responsabilité elle-même. Tel n'est sûrement pas le chemin de Dieu. Il nous place par la rédemption sur un terrain plus élevé que celui que nous avons quitté, et par conséquent sous une plus haute responsabilité. Si nous sommes sauvés par la grâce, — «non sur le principe des oeuvres, afin que personne ne se glorifie», — néanmoins «nous sommes créés dans le Christ Jésus pour les bonnes oeuvres que Dieu a préparées à l'avance, afin que nous marchions en elles», et celui qui ne marche pas plus ou moins dans ce chemin, renie son droit à la vie éternelle. Il reste toujours vrai que «sans la sainteté nul ne verra le Seigneur», car aucune partie de l'Ecriture n'est en contradiction avec l'autre, et toutes sont en harmonie entre elles (comparez 2 Timothée 2: 19).

La participation extérieure aux choses du christianisme n'était pas une garantie que l'on atteindrait le repos de Dieu, et c'est là-dessus que les premiers versets du chapitre 10 insistent. Les Israélites se trouvaient tous sur un terrain nouveau, avaient tous part à la provision de Dieu pour leurs besoins, au pain du ciel et à l'eau du rocher, mais Dieu n'avait point pris plaisir en la plupart d'entre eux, car ils tombèrent dans le désert sans atteindre le pays de Canaan. Or il est dit expressément que ces choses «leur arrivèrent comme types, et elles ont été écrites pour nous servir d'avertissement, à nous que les fins des siècles ont atteints».

Le premier pas sur la pente descendante est la convoitise. S'ils avaient eu Dieu devant leurs pensées, ils n'eussent pas douté qu'il ne leur donnerait ce dont ils avaient besoin. Dès que nous désirons autre chose que ce que Dieu trouve bon de donner, nous montrons que notre coeur s'est détourné de Lui et a perdu confiance en son amour. Désirer ce qui est d'accord avec sa volonté, n'est pas de la convoitise, et il n'a pas mis de limite à ce qui réellement est pour notre bien. «Il n'épargne aucun bien à ceux qui marchent dans l'intégrité». L'agitation de désirs non satisfaits, est en elle-même la preuve que nous nous sommes détournés de Celui qui seul peut nous satisfaire. «Celui qui vient à moi n'aura jamais faim; et celui qui croit en moi n'aura jamais soif».

Ce qui vient ensuite c'est l'idolâtrie, un dieu qui convient à un état d'abaissement moral; pour Israël, c'est le veau d'or auquel il est fait allusion, mais pour nous, il s'agit peut-être simplement de retrancher quelque chose au Dieu de la révélation, de se faire un idéal qui réponde à l'imagination ou aux goûts de l'homme, mais qui en somme n'est qu'une reproduction de celui qui l'a formé, c'est-à-dire de soi-même. C'est pourquoi aussi les hommes ont déifié les passions humaines, ce qui constitue en grande partie le paganisme, mais ils ne pouvaient représenter ainsi qu'un sentiment humain, une idée, car Dieu ne peut être connu que par la révélation, et il est loin de répondre à la peinture que l'imagination de l'homme fait de lui. «Tu as estimé que véritablement je fusse comme toi» (Psaumes 50: 21).

L'idolâtrie a pour résultat le relâchement pratique. «Le peuple s'assit pour manger et pour boire, et ils se levèrent pour jouer». Dès qu'on se détourne de Dieu, comme le coeur est vite tourné à la folie! Comme on ressemble au fils prodigue, qui s'en va dans un pays éloigné pour vivre dans la débauche! Lorsque la piété envers Dieu est négligée, nulle somme de vérité ne peut nous garder, ou mettre un frein à la chair.

Ensuite viennent les alliances mondaines. Si nous sommes descendus au niveau du monde, il sera bien vite content d'avoir notre compagnie, et peu à peu il nous ravira tout ce qui avait la saveur de la crainte de Dieu. Il est facile d'acquérir le goût de ce que la conscience avait d'abord repoussé comme mauvais. Si ces choses ne sont pas jugées, mais tolérées sous quelque faux prétexte, bientôt on les accepte et l'on y trouve son plaisir. Il est frappant de voir que Péor ait été l'endroit où Balaam fut forcé de prononcer sur le peuple la bénédiction la plus élevée, lorsqu'il proféra pour la troisième fois son discours sentencieux, et que, dans ce même endroit, le peuple contracta alliance avec les Madianites. La bonne pensée de Dieu envers eux, et la grâce, sont vus là en contraste avec leur mauvais état et leurs actes, Le monde est séduisant! Combien peu d'entre nous ont assez de grâce pour lui résister, surtout lorsqu'il se présente sous une forme qui nous plaît! Pour chacun de nous il a un aspect différent, exactement adapté à nos goûts, et ce qui pour l'un est un appât qui l'attire, ne le sera pas pour tel autre. Mais «la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l'orgueil de la vie, n'est pas du Père, mais est du monde», et «quiconque voudra être ami du monde se constitue ennemi de Dieu».

Nous avons donc ici Christ méprisé, la manne estimée un pain léger. Si je partage les goûts du monde, je ne verrai pas dans l'humble état de Christ quelque chose qui puisse m'attirer, et le rapport entre le mépris de la manne et les serpents brûlants est important à remarquer. Si Christ est rejeté, l'oeuvre de mort se poursuit sans empêchement. C'est le péché devenu excessivement pécheur, manifesté par le rejet de Celui qui venait pour en délivrer; c'est la mort qui agit sans entraves en ceux qui ont méprisé Celui qui venait humblement en grâce chercher et sauver ceux qui étaient perdus.

Enfin le mécontentement du coeur est exprimé ouvertement par leurs murmures, qui ont fait venir sur eux le jugement de Dieu; ceci se rapporte sans doute aux chapitres 13 et 14 des Nombres, à leur refus d'entrer, dans le bon pays, et à leur retour de coeur en Egypte. C'est là ce qui a amené sur eux la sentence irrévocable qui les exclût du pays dans lequel ils avaient ouvertement refusé d'entrer. Quel avertissement solennel! comme il doit nous stimuler à être diligents et soigneux pour veiller à rejeter ce qui peut, lorsque les résultats en sont pleinement manifestés, aboutir à une entière séparation de Dieu. «Que celui qui pense être debout, prenne donc garde qu'il ne tombe». La confiance en soi-même est une chose fort différente de la confiance en Dieu, bien qu'elle puisse conduire quelqu'un bien loin sans qu'il ait fait la découverte de ce qu'elle est réellement. «Nous sommes gardés par la puissance de Dieu, par la foi, pour le salut». Ici c'est la confiance de quelqu'un, qui, connaissant sa propre faiblesse, a appris à se confier en Dieu, et sait que tout autre appui fait défaut et se brise. Qu'il est magnifique l'encouragement donné à celui qui est assailli par les tentations du désert, que l'ennemi voudrait employer pour décourager le croyant, pour le détourner de Dieu, et le faire tomber dans les filets qui lui sont tendus!

Ne pensez pas que vos épreuves soient plus grandes que celles des autres hommes; néanmoins il demeure vrai que «le coeur d'un chacun connaît l'amertume de son âme». «Aucune tentation ne vous est survenue qui n'ait été une tentation humaine; et Dieu est fidèle». Quelle parole! «Dieu est fidèle». Oui, pensez à lui, qui s'intéresse toujours à votre plus grand bien, qui, s'il éprouve votre foi pour votre bien, ne vous abandonne pas.

Attendez-vous seulement à lui comme à Celui qui a droit à toute la confiance de votre coeur; avec la tentation, il fera l'issue, afin que vous la puissiez supporter, et il vous donnera ce qui sera l'objet de vos louanges quand vous verrez sa main en délivrance. C'est un gain véritable de pouvoir faire ces expériences; en être privé est certainement une perte. Ceux qui, par des moyens humains, cherchent à se fortifier contre les épreuves, verront qu'ils ont beaucoup perdu, et l'affaiblissement de leur foi aura pour conséquence de ne leur laisser voir que très obscurément les choses les plus précieuses. Abandonner le sentier de la foi à cause des épreuves qui s'y trouvent, pour en chercher un qui paraît plus uni, c'est assurer sa propre chute et manquer le but même que l'on cherchait à atteindre.