Les «si» dans l'Ecriture

 ME 1882 page 121

 

La parole de Dieu maintient toujours la responsabilité de l'homme, et il doit en être ainsi, car aucune créature moralement intelligente ne peut être autrement que responsable. La grâce et la rédemption introduisent des principes et des faits qui pourront modifier l'action de ce principe, sans que ce dernier perde de son importance. Mais la Parole met en relief d'une manière, à mon avis, plus précise que ne le supposent certaines personnes, la place qu'occupe la responsabilité, en relation avec la grâce qui est révélée en Christ.

Mais d'abord j'établirai un principe évident pour chacun, incontestable dans les relations humaines, mais oublié quand il s'agit des relations divines, principe auquel je ne connais qu'une exception qui ne soit pas basée sur la relation, et dont je ferai mention à sa place. Ce principe est: qu'en général la responsabilité est basée sur les relations dans lesquelles nous sommes et qu'elle est mesurée par elles. Parents et enfants, mari et femme, maître et serviteur, il est évident qu'ici la responsabilité trouve dans la relation sa base et sa mesure.

Le seul cas qui fasse exception, c'est quand Dieu ou telle personne ayant une autorité compétente, réclame, comme y ayant droit, la reconnaissance par un autre de sa position ou de son autorité. Si Christ, Moïse, un prophète, sont ainsi envoyés avec un témoignage suffisant, nous sommes tenus de les recevoir. Leur mission est, de fait, une relation instituée. Or notre responsabilité primitive ne peut plus être mise en avant pour ceux qui connaissent la vérité. Il ne s'agit plus de: «Si tu fais bien, ne seras-tu pas reçu?» quoique cela reste vrai d'une manière abstraite; nous avons péché, et sur ce terrain nous sommes coupables et perdus. Mais la grande vérité de Christ et de la rédemption est intervenue. Si je m'appelle chrétien, je me place sur ce terrain, le terrain de la rédemption. La question est, là où la rédemption est reconnue, de mettre la responsabilité à sa place.

Or la rédemption est une oeuvre de Dieu, et non pas une responsabilité de notre part. Néanmoins constamment on confond ces deux choses; on introduit ainsi l'incertitude là où tout est parfait et la confusion là où tout est clair. A un point de vue général, on trouve deux choses dans la position du chrétien: la rédemption accomplie par grâce, pour lui, et ses efforts actuels pour atteindre la gloire. Or le «si», c'est-à-dire une condition, n'est jamais en rapport avec la rédemption. Il est toujours en rapport avec notre course vers la gloire, et ici son emploi se retrouve constamment.

Dans le conseil de Dieu il n'y a ni variation, ni incertitude. Dans son gouvernement il peut poser des conditions et il le fait. Les conditions se rapportent à notre conduite, mais il n'en est pas ainsi de Son conseil; et même, quant à la rédemption, considérée dans son application à nous, il n'y a aucune incertitude.

Dans l'épître aux Ephésiens, nous n'avons point de «si;» «nous avons la rédemption par son sang». En Tite, nous trouvons: «Non sur le principe d'oeuvres accomplies en justice, que nous, nous eussions faites, mais selon sa propre miséricorde, il nous sauva». «Vous êtes sauvés par grâce». La valeur de l'oeuvre de Christ n'admet pas de «si;» ni même son application à tout croyant. «Il nous a sauvés et nous a appelés d'un saint appel, non selon nos oeuvres, mais selon son propre dessein et sa propre grâce qui nous a été donnée dans le Christ Jésus avant les temps des siècles».

Ainsi, nous voyons en type Israël s'arrêter pour voir la délivrance de l'Eternel, qui conduit ce peuple qu'il a racheté, qui le conduit par sa force à la demeure de sa sainteté. Et encore: «Vous avez vu comment je vous ai portés comme sur des ailes d'aigle et vous ai amenés à moi». Le tout était une rédemption complète et absolue. Ainsi aussi nous n'avons plus conscience de péchés et sommes acceptés dans le Bien-aimé. «Il a par une seule offrande rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés». Ici c'est l'application à la conscience. Mais non seulement un plein droit nous est acquis en justice, non seulement nos péchés sont effacés, et nous sommes justifiés de toutes choses, agréables dans le Bien-aimé, avec des consciences purifiées, mais nous sommes rendus capables de participer à l'héritage des saints dans la lumière. Rien n'y manque, la chose est complète. C'est pourquoi le brigand va tout droit en paradis, propre à y être le compagnon de Christ en vertu du travail de Son âme.

Cependant nous sommes d'ordinaire laissés plus ou moins longtemps ici-bas, pour y poursuivre notre pèlerinage, et cela, comme en Deutéronome 8, pour nous humilier, nous éprouver et nous faire connaître ce qui est dans nos coeurs. Nous entrons dans le désert sur le terrain de la rédemption. La chrétienté tout entière est placée sur ce fondement; elle en réalise peu la valeur, mais elle est la chrétienté parce que la rédemption est accomplie. La première question qui se pose, c'est: La chose est-elle réalisée? Sommes-nous réellement tels? Sinon nous périssons au désert dans l'incrédulité. Je ne m'arrête pas sur ce point. Mais il reste une autre question: Arriverai-je sain et sauf en Canaan? car nous n'y sommes pas encore. Et c'est ici que se présentent tous les «si». «Si nous retenons ferme jusqu'au bout la confiance et la gloire de l'espérance;» «si du moins vous demeurez dans la foi», et ainsi de suite.

Je crois que nous trouvons une réponse complète à cette question, réalisée en pratique, dans l'épître aux Philippiens, chapitres 2 et 3; mais exposée dans d'autres épîtres sous forme de doctrine. Mais cette réponse n'est pas la rédemption, une oeuvre achevée, qui est la base de tout. Si quelqu'un, rempli des pensées de Dieu, eût vu une seule goutte de sang aspergée sur le linteau de la porte, il aurait pu avoir une pleine assurance jusqu'à la gloire de Salomon et bien mieux encore, jusqu'au règne millénial de Christ; mais l'oeuvre n'était pas accomplie, et Dieu nous enseigne par ce qui est révélé, soit historiquement quant à ses voies, soit prophétiquement, dans sa Parole, quant aux choses à venir, et à tous ses conseils qui nous sont donnés dans le Nouveau Testament.

Mais le désert n'était pas la rédemption, et Dieu veut que nous regardions celle-ci comme complète. Il a souffert, lui juste pour les injustes, afin de nous amener à Dieu. Nous sommes accomplis en lui (Christ), mais ainsi que je l'ai dit, quel que soit l'exercice de conscience par lequel nous ayons passé avant d'avoir connu la valeur du sang de Christ, ou les hésitations de l'incrédulité dont on se berce pour établir sa propre justice, il est ordinaire dans les voies de Dieu de nous faire marcher en pratique dans le désert après la rédemption, en un lieu où la connaissance de nous-mêmes, de Dieu et de ses voies en grâce et en gouvernement, est développée, pour nous humilier, nous éprouver, et nous faire du bien à la fin. Lorsque nous venons à voir sur quoi nous pouvons nous appuyer à la fin, nous sommes ramenés au commencement, bien que l'âme qui aura marché fidèlement avec Christ aie une connaissance plus précieuse et plus profonde de Celui qui a commencé et achevé toutes choses.

Tout ce que Balaam peut dire, lorsqu'il est question de savoir si Israël pourra entrer en Canaan, c'est: «Je ne puis rien faire. Il n'y a point d'enchantements contre Jacob, ni de divinations contre Israël. En pareille saison, il sera dit de Jacob et d'Israël: Qu'est-ce que le Dieu fort a fait?» Mais en attendant, entre la rédemption et Canaan, nous sommes dans la faiblesse, dans les tentations, et environnés de périls. La chair est en nous, et ce qui lui plaît se trouve là aussi. Arriverai-je sain et sauf en Canaan? Telle est la question. Si je mêle cela avec la rédemption, tout est confusion, tout est incertitude: car tandis qu'il était affirmé que la rédemption est un fait accompli, et que Dieu ne se souvient plus de nos péchés, voilà que tout est remis en question; et, imputés ou non, je perds le ciel par des péchés qui ont été portés; mais s'ils n'ont pas été portés la rédemption n'est pas terminée, elle est incomplète.

Le gouvernement de Dieu, quoique exercé en amour et en grâce parfaite (car celui que le Seigneur aime il le discipline), a cependant toujours en soi un principe légal, c'est-à-dire que les voies de Dieu dépendent de ce que nous sommes, non pas dans la perfection de son amour, mais dans ses voies envers nous. En outre, le coeur désire la sainteté, et sait que Dieu ne peut tolérer aucune autre chose: nous ne voudrions pas qu'il le pût. Il nous rend participants de sa sainteté. Quelle précieuse vérité!

Maintenant la masse de la chrétienté est, en réalité, composée d'incrédules, et, comme Israël, elle périt dans le désert et n'entrera jamais en Canaan. Ceux qui sont droits de coeur craignent, et s'ils ne doutent pas de la grâce, c'est une crainte salutaire, de peur que quelqu'un d'entre eux paraisse ne pas l'atteindre.

On trouve dans les Nombres deux grands principes, répétés dans l'épître aux Hébreux, qui caractérisent la position: 1° la génisse rousse, qui répond en pratique à Jean 13; 1 Jean 2: 1, 2; mais qui est connue des croyants pour rétablir la communion après qu'ils ont failli en pratique; 2° la sacrificature; - le premier principe s'appliquant aux manquements du désert, le second étant la puissance qui subvient à la faiblesse, «la grâce pour avoir du secours au moment opportun». Au chapitre 19 des Nombres, la génisse rousse n'est pas à sa place, à ce que dit le sage rationaliste, tandis que l'essence même de sa signification dépend de l'endroit de l'Ecriture où on la trouve.

Aaron meurt (chapitre 20), et après Sihon (ou plutôt Balaam, comme nous l'avons vu), vient l'estimation judiciaire que Dieu fait de son peuple. Deutéronome 9 nous présente son estimation morale. La seconde, c'est: qu'a fait Israël? la première: qu'est-ce que Dieu a fait? et cette comparaison est pleine d'instruction.

Ces mots: «Qu'est-ce que le Dieu fort a fait?» sont une chose accomplie, une chose faite. Dans le désert, quoique la rédemption fût la base de tout, une oeuvre accomplie n'était pas ce dont on avait besoin pour le désert proprement, mais il fallait des soins actifs, la direction, le ministère, il fallait pourvoir constamment à des besoins; c'est là ce qu'on y trouvait, et ce que nous trouvons dans ce monde, dont le désert n'était que le type. Ils avaient à atteindre Canaan, comme nous avons à atteindre la gloire, mais il leur fallait rencontrer les puissances spirituelles de méchanceté, en passant à travers un désert où il n'y a ni chemin, ni pain, ni vin, et où nous-mêmes sommes sans aucune force, en présence de dangers réels et immédiats. Il ne s'agit pas là d'un salut complet, achevé, lequel, Dieu soit loué, existe, mais d'une dépendance journalière, et d'un Dieu vivant qui peut nous soutenir, nous guider et nous protéger. Afin que nous puissions connaître et nous-mêmes et Lui, Dieu nous place dans ce lieu de danger, de réel danger, et de difficultés que par nous-mêmes nous ne pourrions surmonter, et il nous donne l'issue, mais non sans nous éprouver et nous poser la question: «Si du moins vous retenez ferme jusqu'au bout le commencement de votre assurance». Tout ceci est très réel, tandis qu'avec le pardon lui-même tout est laissé dans le vague, mais il y a la promesse infaillible sur laquelle la foi peut s'appuyer, et le support divin: «Nous sommes gardés par la puissance de Dieu, par la foi, pour un salut prêt à être révélé».

Le passage bien connu de Jean 10 assure toutes choses: «Elles ne périront jamais et personne ne les ravira de ma main». Il n'y a nulle possibilité de périr; Christ est notre vie (il n'y a pas de puissance plus grande qui puisse nous ravir); nous sommes gardés selon la puissance divine du Père et du Fils. La même chose se trouve en 1 Corinthiens 1: 8: «Qui aussi vous affermira jusqu'à la fin, pour être irréprochables dans la journée de notre Seigneur Jésus Christ». Puis: «Dieu, par qui vous avez été appelés, est fidèle». Il n'y a donc ni incertitude, ni doute, dans le désert, mais le genre de certitude est différent, et cette différence est importante en pratique. La rédemption est accomplie, et Christ est notre justice, selon toute la valeur de l'oeuvre qu'il a faite pour la gloire de Dieu. Elle est achevée, parfaite, acceptée de Dieu. Mais, en général, il faut fournir la course, afin de gagner Christ et d'être trouvés en Lui; nous avons à tenir ferme jusqu'au bout, afin qu'il puisse nous présenter irréprochables, comme il est dit en Jude.

C'est là une oeuvre incessante, mais aussi certaine que si tout était fait. «Il ne retire point ses yeux de dessus le juste». Il faut une dépendance continuelle, pour arriver sain et sauf au bout de la course, mais on dépend de ce qui est aussi certain que Dieu lui-même. Nous travaillons à notre propre salut avec crainte et tremblement, mais c'est Dieu qui opère en nous et le vouloir et le faire. Le loup ravit et disperse les brebis, mais il ne peut les ravir (le mot est le même) de la main de Christ. Sa fidélité est égale à sa force, et toutes deux sont divines. Le «si» est là; la dépendance est continuelle; dans cette dépendance il est nécessaire d'être diligent; mais Dieu, en qui il n'est pas de «si», est là pour y répondre.

On trouve des incertitudes et des expériences de ce genre, où tout est mis en question, lorsqu'on mêle ensemble, pour n'en faire qu'un tout, notre vie chrétienne avec notre bonheur, et que, la rédemption n'étant pas connue, mais l'âme ayant affaire à Dieu, ces choses sont confondues. C'est ainsi qu'on dira: «Sans la sainteté nul ne verra le Seigneur», mais c'est abuser des mots. De fait l'âme cherche à atteindre un certain état sur lequel elle puisse fonder son acceptation. Mais en réalité, c'est une question de justice, non de sainteté. Ce qui est dit est certainement vrai, mais la sainteté est ce qui est saint, et de fait, c'est Dieu aimé pour lui-même. Ce n'est pas la sainteté, si l'âme la recherche en vue d'être acceptée. Cette âme ne connaît pas la rédemption, ignore Christ comme sa justice, et regarde à son propre état, comme base de son acceptation. Elle a encore à apprendre qu'elle est coupable, perdue, qu'il ne s'agit pas pour elle de désirer quelque chose, quelque juste et essentiel que soit le désir; mais de reconnaître qu'elle n'est pas et n'a pas fait ce que Dieu désire, et qu'il lui faut être sauvée, qu'il faut traverser la mer Rouge, et que son affaire n'est pas de chercher ce qui est à désirer, mais de reconnaître son propre état de péché. Ce qu'il lui faut, c'est la rédemption; c'est de s'arrêter et de voir le salut de Dieu. (*)

 (*) Voir aussi page 338. (Voir l’article n°16 « Correspondance » – de la page 338 de l’original)