Sur les «lettres de recommandation»

 ME 1882 page 441

 

«Toute Ecriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et parfaitement accompli pour toute bonne couvre» (2 Timothée 3: 16, 17).

 

Le peu de confiance qui a été accordée à cette déclaration de l'Ecriture relativement à elle-même et à sa destination, est ce qui dès le commencement a ouvert la porte à l'adversaire pour pousser des chrétiens, d'ailleurs pieux et sincères, à introduire dans le christianisme toutes sortes de superfétations, telles que conventions, règlements, constitutions ecclésiastiques, etc. Ils les ont crues nécessaires à leur marche et à leur témoignage, parce qu'ils ne voyaient pas que la Parole seule est suffisante pour tous les temps et tous les cas possibles. Or, au fond, c'est de l'incrédulité, car Dieu dit que l'Ecriture est ce qui rend l'homme de Dieu parfaitement accompli pour toute bonne oeuvre. Elle est donc pleinement suffisante; seulement il faut être attentif à ses déclarations et les recevoir avec un coeur soumis.

A ceux qui agissent ainsi, le Seigneur accorde de faire d'une manière très précieuse l'expérience des ressources inépuisables qu'il a déposées dans sa Parole, pour diriger ses bien-aimés jusqu'à la fin (Actes des Apôtres 20: 32).

Le chapitre 3, verset 1, de la seconde épître aux Corinthiens présente une indication qui, nonobstant le peu d'attention que les chrétiens lui donnent en général, n'en est pas moins importante: «Avons-nous besoin, comme quelques-uns», dit l'apôtre, «de lettres de recommandation pour vous ou de lettres de recommandation de votre part?»

Nous voyons ici que les assemblées des premiers chrétiens donnaient et recevaient des lettres de recommandation. L'apôtre Paul en parle d'une manière incidente et comme terme de comparaison, dans son exposition relative au ministère de l'évangile, mais par là nous apprenons que ces lettres étaient en usage dans les assemblées apostoliques. «Quelques-uns avaient besoin» de ces lettres. C'étaient ceux qui n'étaient pas connus des assemblées. Elles les leur présentaient comme «approuvés en Christ», et leur valaient l'accueil immédiat et l'affection des saints. La Parole nous fournit plusieurs exemples de ces recommandations. Ainsi, dans l'épître aux Romains, Paul recommande particulièrement Phoebé: «Je vous recommande Phoebé, notre soeur, qui est servante de l'assemblée qui est à Cenchrée, afin que vous la receviez dans le Seigneur, comme il convient à des saints» (Romains 16: 1). Et aux Colossiens, il écrit: «Marc, le neveu de Barnabas, touchant lequel vous avez reçu des ordres (s'il vient à vous, recevez-le), et Jésus, appelé Juste, qui sont de la circoncision» (Colossiens 4: 10).

Cela montre que les assemblées étaient attentives à la réception des frères étrangers. Doit-il en être autrement aujourd'hui? La situation s'est-elle améliorée dans l'Assemblée de Dieu, en sorte que cette pratique ne soit plus nécessaire? Chacun peut répondre. Au milieu des dissensions et de la confusion qui règnent dans la chrétienté, la lettre de recommandation est une ressource des plus précieuses pour établir immédiatement la communion d'esprit et de coeur entre des frères qui jusqu'alors ne se connaissaient pas, et en même temps un moyen pour maintenir l'intégrité de la table du Seigneur.

La discipline et le soin de la table du Seigneur étant confiées en premier lieu à la responsabilité des assemblées locales, la lettre de recommandation devient le canal par lequel s'établit la confiance et la communion d'esprit entre les saints. C'est une chose sérieuse et qui mérite toute notre attention. N'est-il pas vrai que, dès qu'un frère ou une soeur ont déposé leur lettre de recommandation sur la table du Seigneur et qu'elle a été communiquée à l'assemblée, la joie de la communion fraternelle coule dans tous les coeurs, avec la confiance et la sécurité devant le Seigneur?

Plus nous y serons attentifs, plus nous en jouirons; et lorsque nous avons la conscience que la lettre de recommandation n'est pas un expédient humain destiné à combler une lacune d'organisation d'assemblée, ou à dissimuler une étroitesse dans «la fraction du pain», mais qu'elle est bien un moyen scripturaire «pour l'édification» et pour mettre au large les uns envers les autres les coeurs des saints réunis, la communication de ces lettres devient un sujet de joie dans l'assemblée. Nous nous représentons la joie et la communion d'esprit dans l'assemblée de Rome, à la lecture de la portion de l'épître de Paul (chapitre 16), où sont mentionnés par leurs noms tant de bien-aimés frères et soeurs recommandés les uns et les autres à une affection réciproque. Il en sera de même à présent parmi nous, pour ceux qui apportent et pour ceux qui reçoivent les lettres de recommandation.

Nous pouvons donc rendre grâces à Dieu qui a accordé aux saints un tel privilège, sanctionné et même offert par sa Parole, pour le service de l'Assemblée. Ces lettres n'étant ni un expédient, ni une affaire confidentielle, on peut les communiquer franchement et en simplicité à toute l'assemblée, qui en jouira comme d'un sujet d'édification, et y trouvera un motif de joie analogue à celui que nous éprouvons à l'annonce qu'une personne participe pour la première fois à la fraction du pain.

Nous avons besoin de goûter ce qu'il y a d'heureux pour nous dans les dispositions de la parole de Dieu. L'esprit de l'homme peut y voir des entraves, les qualifier d'étroites, d'exclusives, etc. Ce à quoi nous sommes appelés c'est à la liberté dans l'obéissance à Christ. Une fois les droits de Dieu reconnus et constatés au milieu de nous, nos coeurs sont au large pour s'épancher en sincérité et en vérité, comme il nous est dit de célébrer la fête «avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité» (1 Corinthiens 5: 8).

Le côté négatif dans l'usage des lettres de recommandation n'est pas moins important à considérer. C'est que, par leur moyen, les assemblées sont protégées contre l'intrusion de personnes exclues dans d'autres localités. Dans un grand nombre de cas, il serait difficile à une assemblée de se procurer des renseignements exacts sur telle personne qui se présente comme étant en communion à la table du Seigneur. Il peut arriver que, par un manque de sincérité ou pour quelque autre motif, une personne exclue d'une assemblée se transporte dans une autre localité pour y rompre le pain dans l'assemblée, et devienne ainsi un sujet de contestation où d'une investigation difficile.

Parfois, sans qu'il y ait formellement mauvaise intention, n'arrive-t-il pas que des personnes introduites à la table du Seigneur sans recommandation positive, restent longtemps au milieu des assemblées dans une position moralement indécise qui les prive elles-mêmes, et les autres frères et soeurs en même temps, du bénéfice d'une communion franche et cordiale.

La pratique des lettres de recommandation prévient ces difficultés. De plus, si nous y faisons attention, elle est l'expression de notre adhésion à la vérité de «l'unité du corps», en même temps qu'un moyen paisible de réaliser «l'unité de l'Esprit».

On pourrait objecter que nous tirons de grandes conséquences d'un petit passage, mais le chrétien sérieux et soumis à l'autorité de la parole de Dieu, ne tiendra pour petite ou de peu d'importance aucune communication de cette Parole. Nous nous réjouissons, au contraire, de voir que Dieu, dans sa grâce, a pourvu à tout et nous enseigne même par un petit détail. Cela nous porte à respecter et à sonder davantage les Ecritures. C'est la négligence à cet égard qui amène le relâchement et toutes sortes de maux.

La mention, même incidente, des lettres de recommandation, dans le chapitre 3 de 2 Corinthiens, n'y est pas sans dessein. C'est aussi dans un passage incident des Actes (20: 7), que tous les chrétiens ont vu une indication donnée de Dieu pour le culte «au premier jour de la semaine».

Une dernière remarque. Nous avons trouvé en Romains 16, une recommandation apostolique pour Phoebé. L'autorité de l'apôtre garantissait sa recommandation, mais dans le passage de 2 Corinthiens 3, l'apôtre parle de «lettres de recommandation de votre part», c'est-à-dire de la part des Corinthiens. C'est une direction à conserver, savoir, que les lettres sont données de la part de l'assemblée. Ce dont nous avons aussi un exemple dans les Actes des Apôtres: «Comme Apollos se proposait de passer en Achaïe, les frères écrivirent aux disciples et les exhortèrent à le recevoir» (Actes des Apôtres 18: 27).

En l'absence des apôtres, et pour autant que nous retenons que le dépôt de la vérité est remis à l'assemblée, et que la réception des personnes est sous sa responsabilité, nous comprenons que c'est de la part de l'assemblée qu'est remise la lettre de recommandation, et nous sommes heureux de la direction que nous fournit à cet égard la parole de Dieu.

Elle est «une lampe à notre pied, et une lumière à notre sentier» (Psaumes 119).