Vérités pratiques

 ME 1883 page 21

 

Vérités pratiques. 1

Chapitre 1 - L'attente. 1

Chapitre 2 - Le dévouement 4

Chapitre 3 - Le désert, — Le pays, et leurs leçons respectives. 8

Chapitre 4 - Réalité. 11

Chapitre 5 - A ses pieds. 14

Chapitre 6 - La spécialité de notre appel 19

Chapitre 7 - Tiède et ni froid ni chaud. 23

 

Chapitre 1 - L'attente

Le Seigneur considère ce sujet de deux manières très différentes, dans le douzième chapitre de Luc et dans le seizième chapitre de Jean. Au temps actuel, ces conditions de l'âme et du coeur qui nous sont présentées en Luc, aussi bien que celles qui sont présentées en Jean, devraient se trouver dans tous les saints. Luc nous considère comme traversant une scène hostile, la scène de ce pauvre monde ruiné; c'est pourquoi il nous montre quel doit être notre état moral en vue de la venue du Seigneur (car l'évangile de Luc prend toujours le côté moral des choses). Le Seigneur est absent, et en attendant qu'il vienne, nous avons cette parole: «Ne crains pas, petit troupeau, car il a plu à votre père de vous donner le royaume». Et cette autre parole, bien précieuse aussi: «C'est le bon plaisir de votre Père». C'est ici-bas dans ce monde qu'est scène où se déploient l'intérêt, et les soins du Père envers nous, sa vigilance et son amour. Nous sommes dans le désert, où tout cela nous est bien nécessaire; bientôt nous serons dans le lieu où nous n'en aurons plus besoin. Il y a une chose qui rend le désert précieux pour nous: c'est qu'il est la seule place où Dieu puisse montrer à quel point il prend soin de nous. Nous n'aurons pas besoin de ses soins dans le ciel; en échange de toutes les circonstances où ces soins nous étaient nécessaires, nous aurons sa présence qui est la plénitude de la joie; là aucun souci ne peut nous atteindre. Le désert de ce monde, au contraire, est le lieu des inquiétudes; et je ne connais rien qui pèse plus péniblement sur nous que les soucis. Le Seigneur met les soucis au nombre d'autres choses que nous n'aurions jamais pensé à placer au même rang. «Les soucis de ce siècle et la tromperie des richesses». Quelqu'un avouera sans doute que les richesses trompent; mais, aussi bien que les richesses, les soucis étouffent la Parole chez ceux qui l'ont entendue; je ne parle pas même des soucis qu'on se fait à propos de choses mauvaises, mais à propos de choses légitimes. Les entretenir, c'est faire peu de cas de l'intérêt que notre Père prend à nous; et le Seigneur, nous voyant dans le lieu où les inquiétudes abondent, dit: «Ne crains pas». Que vous soyez en petit nombre ou chétifs, peu importe; vous avez un Père, et le bon plaisir de son coeur est d'être un Père pour vous. C'est là le sens de cette parole. Il se plaît à être un Père, et à le manifester par notre moyen. Le même mot est employé dans un autre endroit: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai trouvé mon plaisir» et encore, au second chapitre de Luc, quand le ciel annonce aux hommes la personne bénie du Sauveur: «Gloire à Dieu dans les lieux très-hauts; et sur la terre paix, et bon plaisir dans les hommes». Dans Luc, c'est donc le bon plaisir de Dieu, d'être et d'agir envers moi comme un Père. «Ne crains pas». Je n'ai aucune raison d'être anxieux ou troublé au sujet de quoi que ce soit; cette parole me décharge de tout. Quoique je me trouve au milieu de toutes ces choses, j'en suis délivré. Le verset 34 établit une sorte de liaison entre Luc et Jean: «Là où est votre trésor, là sera aussi votre coeur». Remarquez, cependant, que Luc ne vous sort jamais du présent, mais s'attend à voir en vous un état moral adapté aux circonstances dans lesquelles vous vous trouvez: «Que vos reins soient ceints, et vos lampes allumées». Or ce sont là deux choses qui nous conviennent en traversant ce présent siècle; nous avons besoin de la ceinture et de la lampe. Nous n'en aurons plus besoin dans le ciel, — nous serons dans un lieu où nous n'aurons plus besoin d'être ceints, et où tout est lumière et splendeur, — mais ici-bas nous ne pouvons nous passer de la ceinture. Quel moment ce sera pour nous que celui où nous aurons le sentiment d'avoir été introduits dans un lieu où aucune ceinture ne nous sera plus nécessaire. Vous ne pouvez vous laisser aller à vos affections maintenant; vous vous en trouveriez mal; mais là, nous pourrons nous y livrer sans entrave ni empêchement, parce que tout sera en harmonie avec la présence de Dieu; nous aurons dépouillé ce qui maintenant cherche sans cesse à s'élever en nous, et nous n'aurons plus besoin de la lampe qui nous est indispensable ici-bas. Il y a quelque chose de bien beau dans ces quelques mots: «Que vos reins soient ceints». Est-ce que cela ne nous condamne pas de plusieurs manières? Sommes-nous circonspects? Nos affections et notre jugement spirituel sont-ils tenus en bride? Le monde voit-il en moi la tenue, l'apparence d'une personne qui est dans l'attente de Christ? Sommes-nous semblables à des hommes qui attendent leur Seigneur? Je vous accorde qu'on peut dire que «nous l'attendons;» mais cela produit-il un effet moral sensible en nous? Pensez à ce que devrait être en toutes ses voies l'homme qui attend son Seigneur; tout devrait être prêt, rien de dérangé l'oeil ouvert, le coeur libre, et les affections tendant toutes vers le point d'où il apparaîtra. Nous devons être l'expression de cette bienheureuse attente, notre aspect doit en quelque sorte l'attester au monde; tout est mis en ordre et expédié d'avance, et nous n'avons plus qu'à attendre Christ. «Semblables à des hommes qui attendent leur Seigneur,» est un langage pratique, et qui doit toucher nos coeurs; et permettez-moi de dire que nous ne devons admettre en rapport avec nos circonstances dans ce monde, quoi que ce soit qui entraverait cette attente, parce que, non seulement je dois attendre Christ, mais mes actions et mes circonstances doivent porter l'empreinte morale de cette attente. «Bienheureux sont ces esclaves que le maître, quand il viendra, trouvera veillant,» puis viennent des paroles très remarquables: «En vérité, je vous dis, qu'il se ceindra et les fera mettre à table, et s'avançant, il les servira». Pensez à la grâce de son coeur à lui, qui, en même temps qu'il garde vivante en nous par son Esprit, la faculté de veiller, nous récompense de ce qui est le fruit de son amour. Si nous veillons, qu'est-ce, sinon le fruit d'un amour qui ne sommeille jamais. Nous ne pouvons pas nous asseoir maintenant, nous devons être sur nos gardes; mais quand il nous délivrera, il dira: «Asseyez-vous, car maintenant c'est moi qui m'avance pour vous servir». Christ ne cesse jamais d'être serviteur — il est serviteur pour toujours. Quelle chose merveilleuse! le Fils de Dieu descendit dans ce monde, y devint serviteur, et ne quittera jamais plus cette place.

Marchons-nous, vous et moi, comme les héritiers de ces choses? «Il se ceindra et les fera mettre à table, et s'avançant, il les servira». Telle est la manière dont Luc parle de la venue du Seigneur. Mais revenons un instant à Jean; là nous trouvons ce sujet présenté d'une autre manière. Nous n'avons pas ici, comme en Luc, la nécessité d'un état moral, mais nous sommes en présence d'une chose plus élevée; l'une et l'antre doivent se trouver ensemble en nous. Le sujet de Jean n'est pas précisément le Seigneur parlant de sa venue pour nous ici-bas, mais bien plutôt de son départ. Dans Luc, c'est comme s'il disait: «Je reviens;» dans Jean: «le m'en vais;» je vais transporter vos espérances et votre attente dans un autre lieu. Alors, au quatorzième chapitre, il parle de la maison du Père. Maintenant nous ne savons qu'en partie quel lieu sera la maison du Père; elle est ce que son amour pouvait donner de meilleur, et ce qui répondra à tous égards à cet amour; mais nous connaissons le coeur du Père, nous le connaissons lui-même: c'est par cet amour que tout est mesuré, mais il n'y a pas de mesure pour l'amour lui-même, il surpasse toute connaissance. Le coeur du Père a été entièrement manifesté dans le Fils de son amour; et nous savons que la maison sera proportionnée à cet amour, et en sera digne. Dans l'évangile de Jean, donc, le Seigneur Jésus qui, dès le premier chapitre, est considéré comme repoussé et rejeté, quitte ce monde, s'en va en haut, transportant ainsi nos espérances et nos coeurs dans ce lieu glorieux et béni où il est lui-même; il nous dit que, s'il s'en va, il reviendra et nous prendra auprès de lui, afin que là où il est, nous soyons aussi. Il s'en va afin que nous ne soyons plus retenus, quant à nos affections, là où il n'est pas. Oh! combien peu nous sommes sanctifiés ainsi par son absence! (Voyez Jean 17: 19). Combien peu nous sentons la tristesse que devrait nous causer son absence ici-bas! Nous devrions non seulement nous souvenir de lui, comme son Esprit nous le rappelle, mais soupirer après le retour de Celui qui gagna nos coeurs dans l'humiliation, et les satisfera dans la gloire.

Ce double état de l'âme, bien-aimés, devrait, je pense, se trouver en nous au moment actuel, afin que, considérés comme traversant le désert, nous y marchions ayant les reins ceints et nos coeurs remplis de la brillante espérance de sa venue, étant prêts et vigilants. Il y a quelque chose de particulièrement béni dans la pensée d'une sentinelle qui, lorsque tout autour d'elle est enseveli dans le repos, veille, a sa lumière prête, et son coeur plein de l'attente de son Seigneur. Est-ce là vraiment ce que nous avons immédiatement devant nous? — la plus chère et la plus brillante vision qu'embrassent nos regards? Quel effet produirait sur nous une pareille attente? Je sens qu'elle nous séparerait de mille choses auxquelles nous sommes attachés, et que nos intérêts ne seraient plus sur la terre. Est-ce trop dire? Est-ce trop de dire que Celui qui descendit ici-bas, est remonté au ciel, et a transporté mes affections dans ce séjour de la lumière et du bonheur où il est lui-même mon Seigneur?

Que le Seigneur, par son Esprit, nous donne, bien-aimés, de comprendre ce que c'est que de traverser ce monde ayant les reins ceints, nos lampes allumées, et nos coeurs dans l'attente. Pour que cela nous soit facile, il faut que nous réalisions que notre trésor, le Seigneur Jésus Christ, est entré au ciel dans toute la perfection de cette gloire dont il est lui-même la splendeur.

Chapitre 2 - Le dévouement

(2 Samuel 23: 13-17)

 

L'état de choses qui nous entoure est embarrassant à l'extrême et bien propre à nous troubler. C'est un temps de pauvreté et de faiblesse, et l'orgueil ou la présomption siéraient mal à ceux qui n'ont que «peu de force». Quelqu'un a dit: «Si je regarde au dedans de moi, je suis misérable; si je regarde autour de moi, je ne vois que confusion; mais si je regarde en haut, tout est lumière et beauté». N'est-il donc pas plus qu'inutile de perdre le temps qui s'écoule à regarder du côté d'où il ne peut nous venir que désappointement et contrariété?

Mais quelqu'un dira: C'est là une belle théorie, mais n'avons-nous aucune responsabilité quant à ce qui est exprimé par les mots «au dedans,» et «alentour,» et est-il sans importance de nous en occuper? La réponse est: Oui, nous avons des devoirs; mais ils sont mieux maintenus et accomplis, lorsque nous arrêtons notre «pensée sur les choses d'en haut, et non sur les choses qui sont sur la terre;» c'est-à-dire que, être occupé de Christ, là où il est, est le seul moyen pour nous de posséder ce que rien ne peut obscurcir, éclipser, ni nous ôter; et lorsque notre coeur a trouvé cela, les devoirs et les obligations dont j'ai parlé sont accomplis selon les pensées et l'intention de Christ, chose de première importance pour un coeur fidèle.

L'homme qui a devant les yeux Christ, comme Celui à qui il doit plaire, comme Celui dont les intérêts doivent seuls être consultés, cet homme-là sera bien celui qui agira le mieux sous la dépendance de Christ selon son intention et ses pensées. Il n'en sera pas ainsi de celui qui, suivant ses propres pensées ou son propre jugement, fait ce qu'il pense convenir à Christ, mais il faut d'abord apprendre, dans la proximité et l'intimité avec le Seigneur, quelles sont ses pensées et ses désirs, pour marcher ensuite résolument à travers les difficultés et les dangers, dans le but d'accomplir ces désirs.

Il est clair que, pour accomplir les désirs d'une personne, il faut que cette personne elle-même soit d'abord l'objet de mes affections. Je ne chercherais pas même à connaître les désirs de quelqu'un que je n'estimerais pas particulièrement; je le ferais pour quelqu'un que j'estime et que j'aime; combien plus pour Celui qui a effacé et remplacé tout autre objet dans mon coeur où il n'a point de rival! C'est cela, je le dis d'emblée, qui caractérise le dévouement. Un homme vraiment dévoué, a son coeur et ses pensées si complètement absorbés par celui qui est l'objet de ses affections, que toute pensée d'intérêt propre est anéantie en lui. Voyez, par exemple, Marie, dans Jean 20. De quoi s'inquiète-t-elle en dehors de Christ seul? De rien. Au point du jour, pendant qu'il faisait encore obscur, elle va au seul endroit sur la terre qui eût désormais de l'intérêt pour elle, au tombeau de Jésus. Et quand elle ne Le trouve pas, comme elle est inconsolable en faisant son triste récit à Pierre et à Jean! «On a enlevé du sépulcre le Seigneur, et nous ne savons où on l'a mis». Quel contraste entre leur manière d'agir et la sienne! Tous deux s'assurent de l'exactitude de son récit, puis ils retournent au cercle de leurs intérêts sur la terre: «ils s'en retournèrent chez eux». Quel tableau! Marie ne fait pas ainsi: elle ne peut retourner chez elle! Sans lui elle n'a point de chez-soi, rien. Elle est fidèle de coeur, bien ignorante, sans doute; ignorante même là où elle ne devrait pas l'être; cependant, avec tout cela,elle est dévouée; voyez comme elle s'attache à ce sépulcre vide! N'est-elle pas ici comme une autre Ruth, disant: «Là où tu mourras, je mourrai, et j'y serai ensevelie?» Il y a même plus que cela, car si elle est inconsolable sans lui, et pleure comme si son coeur allait se briser, vous voyez cependant qu'elle ne calcule point, ni ne mesure ses forces, quelque débile et faible qu'elle soit, son amour est tel que, si elle savait seulement où il se trouve, elle est prête à venir l'enlever. Lui, lui seul! voilà le résumé de toutes ses pensées; les difficultés, les obstacles, elle n'y pense pas. Quel tableau! La prudence calcule toujours, le dévouement ne calcule jamais. Il y a plus encore; et c'est un trait qui caractérise d'une manière bien frappante le vrai dévouement, c'est que, lorsqu'elle le trouve, — vivant et non pas mort, — l'amour qui la rendait inconsolable sans lui, est disposé, maintenant qu'elle l'a vu, à faire tout ce qu'il désire, même à renoncer à sa présence (versets 16-18). C'est un bel exemple qui nous montre ces deux traits distinctifs d'un coeur dévoué: premièrement, l'objet lui-même, placé au-dessus de tout, et le reste n'étant rien en comparaison de lui; secondement, ses souhaits, ses désirs, venant immédiatement après sa personne.

Voyons un autre exemple: Jean-Baptiste n'est-il pas (Jean 1) un homme dévoué à un objet? «Envoyé pour rendre témoignage de la lumière». Qu'était-il en lui-même? Non pas (ce que plusieurs voudraient être de nos jours) quelque chose à cause de Christ; Jean-Baptiste n'est rien.

Qu'est-ce qu'une voix criant dans le désert? Jérusalem, et toute la Judée, et tout le pays des environs du Jourdain, sortaient vers lui, mais lui-même avait trouvé un objet qui l'avait soustrait à tout le reste, et avait fait de lui un étranger et un solitaire au milieu de la foule; bien plus, son âme contemplait avec tant de délices et de satisfaction ce Sauveur précieux, que, regardant Jésus qui marchait, il dit: «Voilà l'Agneau de Dieu».

Mais, quelque parfait et admirable que tout cela soit à sa place, ce n'est pas là que se montre de la manière la plus remarquable le dévouement de Jean-Baptiste. Nous trouvons au chapitre 3, qu'il prend occasion de la question qui s'élève entre quelques-uns de ses disciples et un Juif, pour décrire l'objet qui gouvernait son coeur. Qu'était Jean lui-même? Il n'était qu'une voix; mais il était l'ami de l'Epoux; c'était l'Epoux qu'il avait besoin d'entendre, et dont la voix réjouissait son coeur. Il y a plus: cet Epoux béni apporte à l'âme une telle satisfaction, lui qui non seulement est au-dessus de tout, mais à qui toutes choses sont données par le Père qui l'aime, que toute personnalité disparaît devant lui; et que la voix qui annonce Christ proclame hautement sa supériorité sur tout. «Il faut que lui croisse, et que moi je diminue». Jean me rappelle ici la reine de Séba. A l'ouïe des nouvelles de la renommée de Salomon, parvenues jusque dans son pays, elle se décida à venir voir par elle-même ce qui en était. Or, quelque brillant que fût le rapport qui avait créé ces désirs et cet élan dans son coeur, il n'était rien pour elle, en comparaison de la réalité, c'est-à-dire de la sagesse de Salomon, de la maison qu'il avait bâtie, des mets de sa table, des logements de ses serviteurs, de l'ordre du service de ses officiers et de leur appareil, des échansons et de leurs vêtements, de la montée par laquelle il montait dans la maison de l'Eternel, toutes choses qu'ayant vues elle fut ravie hors d'elle-même; car la magnificence de ce qu'elle voyait faisait pâlir tout le reste à ses yeux. Toutefois, quelque grand que fût l'effet produit sur la reine d'Orient, la gloire qui s'impose ici à Jean est d'un ordre bien plus élevé; il se tient, pour ainsi dire, comme les disciples plus tard sur la montagne de la transfiguration, et il ne voit personne sinon «Jésus seul». Cet objet unique le soustrait à tout ce qui est du dehors, et dans ces paroles: «Il faut que lui croisse, et que moi je diminue,» n'entendez-vous pas l'écho de celles du vieux Siméon, disant dans sa joie: «Seigneur, tu laisses aller ton esclave en paix selon ta parole; car mes yeux ont vu ton salut».

Jusqu'ici nous n'avons considéré que la puissance d'un objet qui possède et occupe exclusivement le coeur; et nous l'avons considérée dans des exemples qui, bien que remarquables et frappants en eux-mêmes, ne peuvent donner qu'une faible idée de la réalité de ce qu'est Christ comme objet. Avec quelle puissance ce Sauveur précieux, maintenant dans la gloire, occupe mon coeur, quand j'ai le sentiment d'être avec lui, là où il est, et celui qu'il a été entièrement pour moi ici-bas! Songez-y donc: il se donna lui-même, il souffrit que le linceul de la mort qui m'enveloppait fut enroulé autour de lui. Dans sa mort se termina le premier tome de mon histoire, et c'est en lui, ressuscité d'entre les morts et élevé dans la gloire, que s'ouvrit le tome second. Combien la grandeur et la magnificence de cette oeuvre passent toute conception! Lui, le Bienheureux, qui est dans le sein du Père, descendit ici-bas sur la terre pour révéler les secrets du coeur divin, Il devint le libérateur à l'heure de notre extrémité, lorsque nous n'avions plus d'espoir, au jour terrible où nous étions absolument insupportables à nous-mêmes, ayant perdu tout respect de nous-mêmes, parce que nous ne pouvions accomplir ce qui est bien; et où les sombres vêtements du désespoir nous enveloppaient de leurs plis. Comme Jonas, dans les profondeurs de la mer, les eaux nous environnaient jusques à l'âme, l'abîme nous enserrait tout à l'entour; les roseaux s'entortillaient autour de notre tête; nous étions descendus jusqu'aux racines des montagnes; la terre avec ses barres était autour de nous à jamais; notre nuit commençait, et nous étions précipités dans les ténèbres de la mort; telle était notre condition, quand il arriva sur la scène. Lui, l'Agneau de Dieu, parfait, sans tache, né dans le monde qu'il a créé; rejeté de la place qui lui appartenait au milieu des siens (Israël), et au milieu de sa création; il glorifie son Père, là où celui-ci avait été déshonoré et méprisé et enfin il porte le jugement qui pesait sur tous; il fait ressortir et rétablit la justice de Dieu, en terminant pour toujours dans sa mort l'histoire de l'homme qui avait péché contre Dieu; en même temps il donne sa vie en sacrifice selon toute son excellence personnelle; il est ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père; ressuscité et dans la gloire, il devient le Chef de la nouvelle création: et non seulement cela, mais par le Saint Esprit envoyé ici-bas, en réponse à la gloire de sa personne et de son oeuvre, les croyants sont maintenant unis à lui, là où il est.

Le second trait caractéristique d'un coeur dévoué est qu'il se familiarise avec les désirs de son objet, puis se met résolument à les accomplir. Si Christ est mon objet, je cherche à connaître sa pensée, ses désirs, et à mesure que je les connais, je ne laisse aucun obstacle m'arrêter dans leur accomplissement; c'est là un sujet solennel au temps actuel, quand on se rappelle que des milliers de saints agissent comme si aucune pensée, aucun désir de Christ, n'avait jamais été exprimé, et que ceux dont on pourrait attendre de meilleures choses, viennent avec défi vous demander un commandement. Cela indique, pour dire le moins, un état bien éloigné du coeur de Christ, et une complète absence de ce service et de cette intimité, qui ne se bornent pas à attendre un commandement pour agir, mais qui cherchent sérieusement sa pensée, et se hâtent d'accomplir son désir à tout prix. Nous ne voulons pas dire par là qu'il n'y ait pas des préceptes dans le Nouveau Testament, mais nous voulons signaler cet état misérable d'indifférence à l'égard des désirs ou des souhaits du coeur de Christ, qui invoque l'absence d'un commandement pour ne pas le servir.

Un incident de l'histoire de David fournit un exemple de ce que je cherche à présenter. David était dans la caverne de Hadullam, rejeté et méconnu, quoiqu'il fût le vainqueur de Goliath et le libérateur d'Israël. Un tout petit nombre d'hommes a dans le coeur assez de sollicitude et d'affection, pour vouloir associer leur destinée avec celle de David, et cela dans un moment où, à vue humaine, tout était aussi sombre que possible. Que pouvaient-ils en attendre? Rien, mais où il est, là ils veulent être. «Il en descendit trois d'entre les trente capitaines qui vinrent au temps de la moisson vers David, dans la caverne de Hadullam» David est celui auquel ils pensent, près duquel, bien plutôt avec lequel, ils ont besoin d'être. Ils refusent tout, excepté ce qui les rattache à lui. Pour être bientôt ses cohéritiers dans son triomphe et ses honneurs, ils veulent partager maintenant son opprobre et sa honte. Ce qui les leur fait supporter, c'est la joie de leurs coeurs, ils veulent être avec lui; et tandis qu'autour d'eux tout est sombre, ils veulent être ses compagnons, et passer les heures de leurs veilles à accomplir les désirs de son coeur. Ils sont en position de connaître ses souhaits.

S'ils n'eussent pas été dans la caverne avec David, ils n'auraient jamais connu son désir d'avoir de l'eau du puits de Bethléem, et ils ne seraient jamais venus dans la caverne de Hadullam, si David n'avait pas eu la première place dans leurs affections.

Puis, voyez comme ils se mettent à répondre aux désirs de David, comme ils sont intrépides au milieu des dangers et des difficultés du chemin, comme leur dévouement pour David les fait surmonter tous les obstacles; ils ne se laissent arrêter par rien dans l'exécution de ses désirs. Nous lisons: «Alors ces trois vaillants hommes passèrent au travers du camp des Philistins» et puisèrent de l'eau du puits qui est à la porte de Bethléem; et, l'ayant apportée, ils la présentèrent à David». Ils ne calculent ni n'hésitent. Le désir de David une fois connu, leur unique pensée est de le satisfaire. On aurait pu faire des objections; quelques-uns auraient pu dire: «A quoi bon cette perte?» N'importe! accomplir le désir de David est leur seule pensée. Il me semble que l'application de tout cela saute aux yeux; et pourtant quand on regarde autour de soi en se demandant: «Où voit-on ce dévouement?» on reste confondu; car un trop grand nombre, si ce n'est la plupart des saints, sont simplement des bienfaiteurs pour les hommes, des philanthropes; ils ne connaissent ni ne cherchent à connaître les désirs de Christ ils ne sont pas là où ils pourraient les connaître; ils pensent à l'homme et à son bien-être, non pas à Christ et à sa gloire. On réplique: «Pouvez-vous donc séparer ces intérêts?» Je réponds: «Non; pourvu que vous cherchiez ce qui convient à Christ». Celui qui recherche ce qui est dû à Christ, est le seul qui soit réellement utile à l'homme selon la pensée de Dieu: à vue humaine, il peut en être autrement; mais dans la pensée de Dieu, celui qui est vrai, fidèle et dévoué à Christ, est celui qui sera le plus souvent employé, et réussira le mieux à aider l'homme.

En résumé donc, le vrai dévouement consiste à connaître Christ comme l'objet qui efface et remplace tous les autres, à trouver que c'est lui qui seul satisfait mon coeur, en sorte que le cercle de ses intérêts devient le cercle des miens: où il est, là je dois être, et étant où il est, — c'est-à-dire assez près de lui pour connaître ses désirs et sa pensée, — je me mets à les accomplir, sans tenir compte des difficultés, des dangers et des obstacles; comme les vaillants hommes de David qui, sans crainte, traversèrent le camp des Philistins, afin de répondre à un désir de leur capitaine.

Celui qui est dévoué, est porté par un amour qui l'élève au-dessus de tout dans son chemin, et lui fraye un passage à travers toute une armée rangée en bataille pour s'opposer à lui. Que Dieu donne aux siens dans ces derniers jours de connaître et d'aimer assez son Fils bien-aimé, notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, pour qu'un dévouement entier envers lui soit le caractère de ceux qui le connaissent, et qui ont goûté son amour.

Chapitre 3 - Le désert, — Le pays, et leurs leçons respectives

(Deutéronome 8: 1-9; 11: 10-12; 26: 1-11)

Vous trouverez deux expériences bien différentes dans les chapitres 8e et 11e de ce livre. Le 8e place devant nous le désert et ses enseignements. Considéré comme le lieu où tout chrétien se trouve, comme la scène qu'il traverse, quoiqu'il soit vrai d'autre part que tout chrétien appartient au ciel, est assis dans les lieux célestes en Christ, le motif et le but du désert seront faciles à discerner.

Dans le ciel il n'y aura pas de coeurs brisés, pas d'épreuves, pas de faim, ni de soif; mais ici-bas notre Dieu estime qu'un lieu tel que celui-ci est adapté au déploiement de son amour qui est à la hauteur de tout ce que le désert réclame; les difficultés, les épreuves et les douleurs par lesquelles son peuple passe, ne faisant que lui fournir l'occasion de montrer comment il sait prendre soin des siens. Dieu s'est chargé de conserver les vêtements et les pieds de son peuple en bon état pendant ces quarante années! Que c'est admirable! C'est la grandeur de son amour qui le rend capable d'entrer dans tous ces détails — rien n'est trop grand, rien n'est trop petit pour ses soins et pour sa sollicitude. De notre côté nous avons besoin du désert; c'est un lieu où la dépendance et la soumission sont mises à l'épreuve. «Et tu te souviendras de tout le chemin par lequel l'Eternel, ton Dieu, t'a fait marcher ces quarante ans, dans le désert, afin de t'humilier et de t'éprouver, pour connaître ce qui était en ton coeur, si tu garderais ses commandements, ou non. Et il t'a humilié, et t'a fait avoir faim; et il t'a fait manger la manne que tu n'avais point connue et que tes frères n'ont pas connue, afin de te faire connaître que l'homme ne vit pas de pain seulement, mais que l'homme vivra de tout ce qui sort de la bouche de l'Eternel. Ton vêtement ne s'est point usé sur toi, et ton pied ne s'est point enflé pendant ces quarante ans».

Or c'est là le désert; il a sa place dans les voies de Dieu envers son peuple: et, comme je l'ai fait observer, c'est ici-bas que nous apprenons la dépendance et la soumission. Le désert était une contrée entièrement sablonneuse; tout juste l'endroit qu'il fallait pour leur apprendre à s'appuyer sur Dieu; «afin de te faire connaître que l'homme ne vit pas de pain seulement, mais que l'homme vivra de tout ce qui sort de la bouche de l'Eternel».

C'est étonnant, n'est-ce pas, que nous sachions si peu nous confier en Dieu; peu importe la diversité de nos circonstances, il y a un point commun qui se retrouve également dans chacune de nos histoires, savoir l'indépendance. Ce fut de l'indépendance que montra le premier Adam en paradis, lorsqu'il pensa qu'il pouvait faire mieux que ce que Dieu avait fait pour lui.

Il n'y a pas une seule chose que le monde mette à votre disposition, en votre qualité d'enfant de Dieu, de nouvelle créature en Christ Jésus; vous ne devez compter que sur Dieu. Le Seigneur Jésus Christ, comme homme, fut parfait dans la dépendance et l'obéissance. Le premier homme dans le jardin d'Eden, entouré de toutes les preuves de la sollicitude de Dieu, déploya sa complète indépendance: le second homme dans le désert, sans secours, est parfait dans la dépendance. Il recommence, moralement, l'histoire de la nation. «Quand Israël était jeune enfant, je l'ai aimé, et j'ai appelé mon fils hors d'Egypte» (voyez Osée 11: 1; Matthieu 2: 15). Ils furent dans le désert; il fut dans le désert; seulement ils bronchèrent et manquèrent partout, - Lui fut parfait en tout. Christ recouvra tout pour Dieu, et assura toute bénédiction aux siens. Avons-nous appris ce que c'est que de vivre de toute parole de Dieu, chaque jour et à toute heure? Il n'y a rien qu'agitation et manque de réalité dans tout ce qui nous entoure; aucune paix, aucun repos.

Quel sentier que celui de la dépendance! Que sont les embarras et les difficultés pour un homme qui marche dans ce chemin-là? Qu'étaient-ils pour Caleb et Josué? Une nourriture, et seraient-ils moins pour nous? Chose merveilleuse! Le Dieu saint me montrant qu'il est au-dessus des difficultés, et la foi trouvant sa nourriture dans ces difficultés même!

La seconde leçon du désert est la soumission: combien peu d'entre nous la connaissent. Je ne parle pas de la résignation; la résignation signifie que vous endurez l'épreuve, parce que vous ne pouvez pas l'éviter; la soumission, que vous êtes d'accord avec la volonté de Dieu, en y trouvant votre plaisir. Le désert est la scène où notre volonté sera constamment contrariée; et c'est précisément le lieu où nous pouvons faire voir la soumission de notre coeur. Vous la voyez dans toute sa perfection dans le second Adam (Matthieu 11). «Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux petits enfants. Oui, Père, car c'est ce que tu as trouvé bon devant toi». Et cela, remarquez-le, était dit au moment où tous avaient refusé de répondre à son coeur aimant: Jean doutait qu'Il fût le Messie; Israël le rejetait; et les villes qui avaient vu ses oeuvres les plus puissantes, ne se repentaient pas.

Quelle chose merveilleuse pour le coeur, de trouver son repos dans le fait que Dieu est arrivé à ses fins; ce n'est pas parce que je ne saurais l'empêcher, mais parce que c'est ma joie et ma satisfaction que la volonté de Dieu triomphe à mes dépens. S'il en est autrement, si nos désirs sont frustrés, notre chemin barré (peut-être en de bonnes choses, mais qui n'étaient que l'essor de notre volonté naturelle), quel désappointement n'éprouverons-nous pas à l'égard de nous-mêmes et, le dirai-je, presque à l'égard de Dieu; brisés quant à nous-mêmes, et avec la terrible sensation d'être déçus quant à Dieu. Oh! quelle différence d'être content que Dieu ait suivi son propre chemin, même si cela renverse nos vues et nos plus chères espérances; mais rien ne nous donnera ce contentement, si ce n'est une obéissance et une soumission implicites, avec une foi qui se confie en lui au milieu des ténèbres, (Esaïe 50: 10). «Quant à Dieu, sa voie est parfaite» (Psaumes 18: 30). — «Ton chemin est par la mer, et tes sentiers dans les grosses eaux, et tes traces n'ont point été connues» (Psaumes 77: 20). Pas une seule affection de son coeur qui soit retenue ou qui n'ait trouvé son expression; examinez-les à la lumière des souffrances du coeur de Jésus, et vous verrez combien cela vous consolera lorsque vous passerez par la vallée de l'ombre de la mort. «Tu as mené ton peuple comme un troupeau» (Psaumes 77: 21). Qui est-ce qui conduit ses brebis, les garde dans sa main, et veille sur elles jour par jour? Il n'y en a qu'un, et son nom est un. Que le Seigneur nous donne de déduire de la connaissance de son coeur les raisons de ses voies envers nous; alors sa volonté fera nos délices.

La fin du chapitre 8 décrit le pays tel qu'il est en lui-même; c'est une région d'abondance et de désirs satisfaits. «Un pays de blé, d'orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers, un pays d'huile d'olive et de miel; un pays où tu ne mangeras point le pain avec disette, et où rien ne te manquera; un pays dont les pierres sont du fer, et des montagnes duquel tu extrairas l'airain».

Mais, au chapitre 11, le pays est décrit dans ses contrastes. En Egypte, la peine se retrouve même dans ce qu'il y a de meilleur; ils avaient de la peine à se procurer les ruisseaux fertilisants du Nil; Canaan, au contraire, arrosé de la pluie du ciel, est un pays sur lequel Dieu a constamment les yeux, depuis le commencement de l'année jusqu'à la fin.

La chose la meilleure que nous possédions dans ce monde est accompagnée de peines; qui sait quand nous la perdrons; la désolation de la mort peut passer dessus; et comme dit le proverbe: «Un bonheur accru ne fait qu'élargir la cible sur laquelle la mort tirera ses flèches». Je puis mourir à ces choses, ou elles peuvent mourir pour moi; ici-bas, nous sommes en présence de la mort; là nous serons en présence de Christ.

Le seul endroit qui puisse attirer ou arrêter les regards de Dieu, est le lieu où se trouve cette Personne bénie, et c'est là que je me rends pour ne plus me souvenir de mon affliction; maintenant, par la foi, je suis introduit là, et j'ai part à sa joie. J'aime à penser qu'il prend soin de moi dans le désert; mais je me réjouis de ce qu'il dit: Vous connaîtrez un autre lieu qui sera exactement l'opposé de celui-ci.

Or qu'est-ce qui doit nous attirer vers ce lieu de repos et de délices? Nous le trouvons au chapitre 26: «Quand tu y seras entré, et que tu le posséderas et y demeureras». Tout chrétien est entré au pays, mais c'est une autre chose d'en prendre possession pratiquement, ou de nous l'approprier; et y demeurer, c'est en faire notre chez nous. Etes-vous vraiment un visiteur sur la terre pour les affaires du Seigneur, et un habitant du domicile céleste? un étranger ici-bas, un citoyen de là-haut? Dans la chrétienté, chacun s'efforce d'être ce qu'il n'est pas. Mais personne ne peut travailler à devenir céleste. Je dois marcher ici-bas dans la conscience de ce que je suis en Christ. Demeurez-vous là-haut? Avez-vous pris possession du pays? Pouvez-vous dire: Béni soit Dieu, il m'y a fait entrer, m'en a donné possession, et maintenant je demeure là; et la place que je possède est celle où le Bien-aimé de Dieu est couronné?

Nous avons donc considéré le désert et le pays, les objets et le but de tous deux. Puissent nos coeurs profiter abondamment des leçons de l'un et de l'autre, et puissions-nous avoir une intelligence plus profonde et plus étendue par le Saint Esprit, de ce qu'est notre position céleste actuelle en Christ devant Dieu, et notre place future avec lui dans la gloire. Qu'il en soit ainsi pour l'amour de son Nom.

Chapitre 4 - Réalité

(Juges 7: 1-8)

L'âme est vraiment rafraîchie, quand elle rencontre de la réalité dans ce monde, où tout est confusion et où tant de motifs mélangés sont en jeu. Dieu veut de la réalité; elle seule lui convient et répond à ses pensées. Dans la portion des Ecritures citée en tête de ce chapitre, on trouve sur ce sujet des leçons très solennelles que nous ferons bien de nous approprier. Que le Seigneur lui-même nous enseigne par son Esprit, et produise dans nos coeurs la soumission à sa Parole.

Au chapitre 6 des Juges, nous voyons le Seigneur se préparant un instrument pour son oeuvre. C'est un principe très important. Les instruments de Dieu doivent non seulement être suscités par lui, mais aussi être adaptés par lui-même à l'oeuvre qu'il veut leur donner à faire. On en trouve plusieurs exemples dans la Parole. Nous n'en citerons qu'un seul. Ce fut Dieu qui suscita Moïse comme libérateur, pour sortir le peuple d'Israël de sa cruelle servitude. Nous lisons au sujet de cet homme: «Et Moïse fut instruit dans toute la sagesse des Egyptiens; et il était puissant dans ses paroles et dans ses actions» (Actes des Apôtres 7: 22). L'homme naturel dira: Quelle arme excellente et toute prête Dieu a maintenant en sa main! Mais cette pensée ne répond nullement à la pensée de Dieu; car de fait il ne veut ni accréditer, ni employer les acquisitions de l'Egypte, mais il envoie, pour ainsi dire, Moïse à l'école, pendant quarante ans, afin qu'il soit convenablement préparé et qualifié pour l'oeuvre à laquelle Dieu le destine. Oh! quelle réalité nous trouvons en tout cela. Qu'il est réel ce fait que les instruments de Dieu doivent apprendre à l'école de Dieu. On ne peut, cher lecteur, acheter des brevets dans son armée; là, pour obtenir de l'avancement, tous doivent commencer par être comme simples soldats dans les rangs. L'histoire de Gédéon nous présente le même principe. Dieu suscite Gédéon, le fils de Joas, Abihézérite, afin de délivrer par lui le peuple d'Israël de la main des Madianites. Sa famille est pauvre en Manassé, et comme David, il est le moindre dans la maison de son père. Mais qu'importe tout cela? devant ces mots: «Ne t'ai-je pas envoyé?» s'évanouissent de telles objections, tandis qu'une réalité vivante est placée devant l'âme.

Lecteur, connaissons-nous ces choses? Il est facile de nos jours de se revêtir d'apparences les uns vis-à-vis des autres, et même de les conserver, mais est-ce pour nos âmes une profonde réalité que d'avoir à faire avec le Dieu vivant? Et remarquez ici le fait précieux que, dans les exercices d'âme auxquels ces paroles: «Ne t'ai-je pas envoyé?» et «assurément je serai avec toi,» servent de réponse, la relation entre Dieu et son peuple occupait l'esprit de Gédéon. «Si l'Eternel est avec nous, pourquoi donc toutes ces choses nous sont-elles arrivées?»

Maintenant considérons les degrés, — dirai-je les formes? — que revêt l'école de Dieu pour Gédéon, le puissant et vaillant homme, et voyons comment ses leçons portent en tout l'empreinte de la réalité.

Premièrement, la relation de paix doit être établie entre lui et Dieu. Il est amené en la présence de Dieu, et entend ces douces et précieuses paroles: «Paix te soit;» «ne crains point».

Secondement, il faut que la relation de sa famille avec Dieu soit établie comme la sienne propre, et voilà pourquoi Gédéon doit se mettre à l'oeuvre chez soi avant d'être envoyé au dehors, «Et il arriva en cette nuit-là, que l'Eternel lui dit: Prends le taureau d'entre les boeufs qui sont à ton père; et le deuxième taureau, de sept ans; et démolis l'autel de Baal qui est à ton père, et coupe le bocage qui est auprès; et bâtis un autel à l'Eternel, ton Dieu, sur le haut de ce rocher, en un lieu convenable. Tu prendras ce deuxième taureau, et tu l'offriras en holocauste avec les arbres du bocage que tu couperas» (chapitre 6: 25, 26). Lecteur, quelle épreuve pour la conscience: les armes de Dieu doivent être employées à combattre et à renverser le mal à la maison avant de pouvoir le combattre au dehors. C'est le principe de 2 Timothée 2: 21: «Si donc quelqu'un se purifie de ceux-ci (voyez verset 20), il sera un vase à honneur, sanctifié, utile au maître, et préparé pour toute bonne oeuvre». Le vase du Seigneur ne doit contenir que ce qui convient au Seigneur. Il est vrai que Dieu, dans sa souveraineté, condescend à employer des moyens variés pour accomplir ses desseins. Mais c'est autre chose que d'être un vase pour Dieu, sanctifié et propre à son usage. Dieu veut de la réalité chez ses serviteurs et son peuple. Pour me servir du langage expressif d'un autre, Dieu n'a pas besoin «d'un poteau indicateur sans vie, qui ne peut ni marcher, ni conduire personne dans le chemin qu'il indique». Non, Dieu demande et désire quelqu'un qui soit «fort dans la grâce qui est en Jésus Christ,» qui puisse endurer les souffrances comme un bon soldat de Jésus Christ, — qui aille à la guerre, sans s'embarrasser dans les affaires de la vie, et qui travaille comme un laboureur, avant de jouir des fruits. Il faut à Dieu de la réalité. Il la trouve en Gédéon, comme fruit de l'oeuvre de sa grâce envers cet homme.

Et maintenant, voyons comment Dieu cherche de la réalité dans le peuple qui suit Gédéon. Il ne peut pas confier sa gloire aux 32000, ils sont trop nombreux pour lui. Ah! c'est bien là le contraire des pensées habituelles du coeur humain. Dieu veut éprouver cette multitude. Se peut-il que tous lui soient fidèles? plusieurs ne vont-ils pas reculer? En effet, dès qu'on leur a lu l'ordonnance de Deutéronome 20: 8, qui engage chacun à calculer sa dépense, — à établir, en quelque sorte d'avance, ses profits et pertes, — sur les 32000, 10000 seulement se trouvent prêts à faire face, coûte que coûte, au danger. Mais Dieu n'en a pas encore fini. Il dit: «Il y a encore du peuple en trop grand nombre». Paroles très solennelles que celles-là. Dieu agit de manière à ne laisser aucun doute sur la main qui opère, en sorte que le coeur du fidèle puisse dire: «L'Eternel a fait de grandes choses pour nous». Et pourquoi? Parce qu'il connaissait l'esprit orgueilleux d'Israël qui les ferait s'attribuer la victoire. Or, remarquez la force des paroles que l'Eternel adresse une seconde fois à Gédéon «Il y a encore du peuple en trop grand nombre fais-les descendre vers l'eau, et je te les choisirai; et celui dont je te dirai: Celui-ci ira avec toi, il ira avec toi; et celui duquel je te dirai: Celui-ci n'ira point avec toi, il n'y ira point. Il fit donc descendre le peuple vers l'eau, et l'Eternel dit à Gédéon: Quiconque lapera l'eau de sa langue, comme le chien lape, tu le mettras à part; et de même tous ceux qui se courberont sur leurs genoux pour boire. Et le nombre de ceux qui lapaient l'eau en portant leur main à leur bouche, fut de trois cents hommes; et tout le reste du peuple se courba sur ses genoux pour boire de l'eau». Le sens de tout ceci est frappant! Sur les 10000 hommes que la première épreuve avait laissés, 300 seulement se trouvent assez fermes pour résister à cette épreuve nouvelle. Et faites-y attention, lecteur, un grand nombre de ceux qui seraient capables de supporter la difficulté et le danger et d'y faire face, échouent devant la bénédiction. Mais, dira-t-on, qu'entendez-vous par là? Etait-il mal, pour ce peuple altéré, de boire de l'eau? Certainement non, et ce n'est pas du tout la question, car les 300 sur lesquels Dieu mit le sceau de son approbation, burent aussi bien que les 9700 qui furent congédiés. La différence est, que les premiers burent l'eau en passant, sans qu'elle fût l'objet qui les attirait. L'eau qui apaisait leur soif et rafraîchissait leur corps, n'était pas ce qui occupait leurs pensées, — ils n'avaient pas le temps de s'arrêter, leurs coeurs étaient à l'oeuvre, — leur acte montrait la réalité qui était dans leurs coeurs. Cela n'est-il pas, cher lecteur, d'une application solennelle pour nous aujourd'hui! Combien d'âmes qui s'élèvent au-dessus des difficultés, bronchent en présence de la prospérité, ou d'une position facile et aisée. Hélas! combien peu d'entre nous conservent la fidélité au sein de la prospérité, quand la vie coule doucement pour eux. Eprouvés par l'Eternel, ceux qui se courbèrent sur leurs genoux n'étaient pas plus propres pour son service que ceux qui furent renvoyés en raison de leur crainte ou de leur intérêt. Or c'est précisément l'épreuve du temps actuel, où Dieu met à part les 300 qui sont occupés de ce qui l'occupe. C'est de réalité que nous avons besoin, cher lecteur. De nos jours, on ne manque pas de connaissance de tête ou d'intelligence; elle s'acquiert promptement, s'obtient facilement. Bien plus, la nature humaine aime toute cette connaissance, et la fait tourner au profit de ses vues égoïstes. A mon avis, rien n'est plus triste et plus solennel que de voir la manière dont plusieurs, hélas! peuvent parler de la vérité, et la discuter, tandis qu'ils en sont eux-mêmes la vivante contradiction. De la réalité! de la réalité! c'est le grand besoin du jour. Oh! lecteur, être un des 300 combattants de Christ au temps de son rejet, avoir trouvé en lui le vrai secret de la victoire, non seulement au milieu des difficultés et des dangers, mais aussi dans la prospérité, le repos et le calme de nos jours; être tout de bon, être réellement pour Christ; avoir, je ne dirai pas des pensées humbles, mais n'avoir aucune pensée de soi-même; avoir toutes ses pensées fixées sur lui, seule source, seul canal de toute bénédiction! Lecteur, soyez sûr de ceci, c'est que dans l'histoire de toute âme chrétienne, le moment se présentera où elle devra descendre vers l'eau. Que le Seigneur nous donne à ce moment-là, d'être tellement occupés de lui et de ses pensées, que nous soyons élevés au-dessus et portés au delà de l'épreuve, manifestant ainsi une réalité qui est seule digne de lui.

Chapitre 5 - A ses pieds

Nous trouvons Marie aux pieds de Jésus en trois occasions différentes, et chacune de ces occasions est pour nous une source de consolation et d'instruction. Considérons-les un peu dans leur ordre.

La première dans l'ordre moral, se trouve en Luc 10: «Et il arriva, comme ils étaient en chemin, qu'il entra dans un village. Et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Et elle avait une soeur appelée Marie, qui aussi, s'étant assise aux pieds de Jésus, écoutait sa parole; mais Marthe était distraite par beaucoup de soins. Et étant venue à Jésus, elle dit: Seigneur, ne te soucies-tu pas de ce que ma soeur me laisse toute seule à servir? Dis-lui donc qu'elle m'aide. Et Jésus, lui répondant, dit: Marthe, Marthe, tu es en souci et tu te tourmentes de beaucoup de choses, mais il n'est besoin que d'une seule; et Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera pas ôtée».

La manière dont la position et l'occupation de Marie sont décrites ici, est bien précieuse: elle était assise et elle écoutait; elle avait découvert, en mesure du moins, quelque chose des attractions de Jésus, et son coeur était assez en repos pour qu'elle se tint en silence devant lui, et pût rester assise à ses pieds. Hélas! combien l'on trouve peu de ce calme parmi nous — de ce repos réel de coeur et d'âme, de cette attente qui regarde au Seigneur, sans distraction. Il est de toute impossibilité que le Seigneur soit notre seul objet, si nous sommes un objet pour nous-mêmes, ou si nos coeurs sont agités et distraits; et il semble que le grand but actuel de l'ennemi est d'introduire une chose quelconque à la place de Christ; chose bonne peut-être, et légitime en elle-même, mais que Satan réussit à imposer aux esprits du peuple de Dieu, pour exclure Christ de la position exclusive qui lui appartient, celle d'être le motif absorbant, impérieux, et l'objet du coeur. Prenez, par exemple, le service, ce précieux privilège du saint; lorsqu'il devient le motif ou l'objet, Christ perd sa place. Dans l'histoire qui est devant nous, Marthe, est-il dit, était distraite par beaucoup de soins, et le Seigneur lui dit qu'elle est en souci et se tourmente de beaucoup de choses. Elle n'avait pas encore appris à s'asseoir paisiblement à ses pieds; elle se demandait avec anxiété comment elle pourrait le mieux servir le Seigneur. Marie était assise à ses pieds, en repos et en tranquillité, écoutant sa parole, et, trouvant ainsi le coeur et les pensées de Christ, l'âme de Marie est en repos, ses regards sont tournés vers lui, son oreille est ouverte à sa voix.

Elle est absorbée; il est son seul objet, elle n'a qu'une pensée. Oh! qu'il est précieux d'avoir fait cette découverte, qu'en sa présence tout s'éclipse et disparaît, et qu'il reste seul pour l'âme.

Observez dans quel ordre les choses se passent ici: Marie est assise et elle écoute; il n'y a pas d'entrée pour la parole de Christ, pas de liberté pour écouter, si le coeur n'est calme. On en trouve un exemple remarquable en Colossiens 3: 15, 16: «Que la paix du Christ (non pas de Dieu) préside dans vos coeurs,» etc. Ensuite: «Que la parole du Christ habite en vous richement». Remarquez que la parole de Christ habite là où règne la paix de Christ; cette dernière décide toutes les questions, et le coeur se repose sous sa paisible domination. Mais gardons-nous d'un malentendu; les chrétiens parlent souvent de Marthe, comme d'un type de ce qu'ils sont eux-mêmes quand leurs affaires ou leurs soucis, leurs occupations ou leurs familles les absorbent et dominent toutes leurs pensées; ils s'excusent en abaissant Marthe, la soeur de Marie, à leur propre niveau. Or c'est là une erreur complète; car l'esprit de Marthe n'était pas occupé d'un intérêt égoïste et personnel; elle recevait Jésus dans sa maison, et s'occupait à le servir; mais la grande différence entre elle et Marie consistait en ce que la dernière servait Christ selon ses pensées à lui, tandis que Marthe cherchait à lui rendre service selon ses pensées à elle. Marie consultait le coeur de Jésus, tandis que Marthe consultait le sien propre, et de là provenait la différence dans leur service. Ces principes ne forment-ils pas actuellement une large part de la conduite des saints? Bien peu d'entre eux sont assez près du coeur de Christ, pour savoir d'abord ce qui lui convient, et pour lui présenter ensuite ce qui répond aux désirs qu'ils découvrent dans son coeur. Ce fut là la «bonne part» de Marie dans la position bénie qu'elle avait prise: elle était assise et elle écoutait; elle était tout repos, tout oreilles, tout yeux pour Christ. Que le Seigneur accorde à ses bien-aimés de connaître mieux cette précieuse part dans ces jours agités de la fin.

L'occasion suivante la trouve en deuil aux pieds de Jésus (Jean 11). Le jour serein et le jour sombre de son histoire, si je puis m'exprimer ainsi, servent à manifester la ressource qu'elle trouve en Christ. La maladie et la mort de Lazare, que Jésus aimait aussi bien que Marie, avaient eu lieu; les désolations du désert, les peines du chemin se font sentir. Il n'y a qu'un seul lieu où le soleil ne descende pas de son midi. Lorsqu'après trois journées de chemin sans rencontrer d'eau, Israël ne trouva que des eaux amères, le peuple apprit quelle espèce de lieu était le désert; et l'arbre abattu jeté dans les eaux pour les adoucir, leur révéla, si seulement ils voulaient y prendre garde, l'intérêt et les soins de Dieu pour eux. Nous savons comment Israël se conduisit à Mara (Exode 15). Etudions Marie dans l'épreuve, en Jean 11, et observons d'abord qu'un tel Mara ne trouble pas son repos. «Marthe donc, quand elle eut ouï dire que Jésus venait, alla au-devant de lui; mais Marie se tenait assise dans la maison». Elle qui était assise à ses pieds et écoutait sa parole, ne se mettra pas en mouvement sans sa parole, mais aussitôt que ce message lui parvient: «Le maître est venu, et il t'appelle,» nous lisons: «Celle-ci, aussitôt qu'elle l'eut entendu, se lève promptement, et s'en vient à lui». Elle attend sa parole, son appel, même dans son profond chagrin; mais aussitôt qu'elle a sa parole, elle est aussi prompte à marcher pour aller à lui, qu'elle était auparavant lente à se mouvoir. Qu'il est précieux, cher lecteur, de s'attendre ainsi au Seigneur, et de se confier en sa parole.

Mais ce n'est pas tout, car aussitôt qu'elle fut venue là où était Jésus, elle se jeta à ses pieds — place bien connue d'elle — confessant simplement la gloire de sa personne: «Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort». Maintenant, remarquez chez Marthe le contraste avec tout ceci. Dans son agitation, quand elle eut ouï dire que Jésus venait, elle alla au-devant de lui, son coeur étant occupé surtout du soulagement qu'elle obtiendrait de lui. «Je sais que, même maintenant, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera». Il n'y a pas de moment où l'agitation insoumise de nos coeurs se manifeste davantage qu'au jour de la douleur, lorsque nous sommes privés de quelqu'un par la mort. Obtenir du soulagement, voilà, dans notre agitation, la meilleure pensée qui nous vienne en un jour de deuil. Marthe en est un exemple. Avec Marie, il n'en est pas ainsi; elle trouve son soulagement, sa consolation et sa ressource, en Celui aux pieds duquel elle se jette; et celui qui lui parla et qui marcha avec elle, au jour de sa douleur et de son angoisse, lui-même, remplit le vide laissé dans son coeur.

Que personne ne pense ou ne dise que c'est de l'insensibilité. Etre au-dessus de ce qui oppresse nos coeurs, n'est certes pas y être insensible; mais autre chose est de sentir l'affliction passer sur nous comme les grosses vagues de la mer, autre chose de trouver en Christ celui qui soutient et relève l'âme au jour le plus sombre, quand la mort étend son voile noir sur tout ce que le coeur pouvait apprécier. Je suis convaincu que Dieu veut que nous sentions la douleur, et je suis persuadé que l'appréciation de ce que Christ est pour nous dans de tels moments, n'est nullement incompatible avec un vif sentiment de ce que nous avons perdu.

«Il y a bien des années je reçus une blessure qui a été toujours saignante depuis. Le Seigneur soit loué pour ce coup! Pendant l'éternité, cette affliction proclamera son amour envers moi!» Tel est le langage de quelqu'un qui a appris ce que c'est que d'être solitaire, et toutefois d'être placé par Christ au-dessus de l'épreuve. La blessure peut être toujours fraîche, mais le coeur trouve sa ressource en Celui qui a été mort, et qui maintenant est vivant à jamais.

J'ai dit que le soulagement était la première pensée de Marthe: «Je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera». Ne voyez-vous pas à quoi cela tendait? C'était le cri d'un coeur qui cherche à être soulagé. Est-ce mal? Dieu ne soulage-t-il jamais?

Lecteur, permettez-moi de vous dire que vous ne trouverez de bénédiction réelle que dans la connaissance de la ressource, avant que vienne le soulagement agréable au coeur de Christ, et qu'il nous procure lui-même en nous servant. Notre ressource c'est lui-même. Voici la grande différence entre Marie et Marthe dans ce chapitre 11 de Jean: la première trouva en lui sa ressource, quand la mort désolait son coeur et sa demeure; la dernière regardait à lui comme serviteur du besoin où elle se trouvait. Il voulait conduire Marthe plus haut, en se plaçant devant son coeur, lui qui était la résurrection et la vie, mais elle n'était pas à cette hauteur. De là vient, j'en suis sûr, qu'elle «s'en alla et appela secrètement Marie, sa soeur, disant: Le maître est venu, et il t'appelle;» le témoignage de sa conscience lui disait qu'elle ne pouvait comprendre Christ, mais que Marie en était capable. Le Seigneur était trop haut pour Marthe; de fait, dans un sens, il les dépassait toutes deux, car chacune d'elles à son tour parle de la mort, tandis que la vie est son grand sujet. Il avait la vie en lui-même et devant lui; et, comme un autre l'a très bien exprimé: «Le sépulcre vide la manifestait et la célébrait (Jean 20); le Christ ressuscité la communiquait» (Jean 20). Mais, pour en revenir à notre sujet, combien il est précieux de voir le Seigneur Jésus, gardant la vérité à l'égard de ce qu'il est, comme ressource pour elles deux dans un pareil moment. A Marie, il ne dit pas un mot de son intention de ressusciter Lazare, bien qu'il fût sur le point de le faire en ce moment même. Pourquoi? C'est qu'il est sa ressource à elle, et remplit déjà le vide de son coeur; elle en jouit avant d'être soulagée. Le soulagement est-il moins doux, parce que celui qui nous l'administre est premièrement connu comme ressource du coeur?

Que le Seigneur donne à chacun de nous de connaître et d'apprécier mieux ce qu'il est pour nous, à mesure que nous traversons une terre déserte et la vallée de l'ombre de la mort.

Considérons maintenant Marie aux pieds de Jésus dans une autre occasion à laquelle les précédentes l'avaient préparée. Nous la retrouvons en Jean 12; mais différente de ce qu'elle était dans les deux premières occasions. Dans celles-là c'était Lui qui donnait, mais ici c'est elle! Elle lui exprime ce qu'elle a appris et connu de lui. C'était un moment spécial; il semble que toutes les pensées des hommes ne fussent que mort. Les principaux sacrificateurs, dans leur haine, cherchaient à faire mourir l'homme qui, vivant au milieu des hommes, était la personnification de celui qui est la résurrection et la vie. Le Seigneur Jésus lui-même pense à la mort, cette mort par laquelle il allait glorifier Dieu, et ôter le péché; et jamais elle ne se présenta plus fortement à lui que lorsqu'il vit en figure le royaume: Israël, le reconnaissant pour un moment, et les Grecs demandant à le voir. Ce fut alors que ces paroles bénies sortirent de sa bouche: «A moins que le grain de blé, tombant en terre, ne meure, il demeure seul». Mais il y avait une autre personne dont les pensées, à ce moment-là, étaient remplies de ce sujet, la mort. Nous lisons: «Marie donc, ayant pris une livre de parfum de nard pur de grand prix, oignit les pieds de Jésus». L'action racontée ici et louée par le Saint Esprit, était le fruit d'une connaissance intime du coeur et des désirs de Christ, dont elle faisait son étude, laissant de côté ses désirs à elle. C'est là le grand secret d'un dévouement vrai et approuvé de Dieu. Plusieurs rendent service à Christ, chose très bonne en elle-même, mais dont l'origine ne remonte pas plus haut que leurs souhaits et leurs désirs. Les pensées de Marie étaient formées par la communion avec Christ, et trouvèrent leur expression convenable en ce moment, et nous voyons par ses paroles combien elles répondaient aux désirs de son coeur à lui. «Elle a fait une bonne oeuvre envers moi» (Marc 14: 6). Jésus seul occupait en ce moment les affections de Marie, et lui seul la comprit; incomprise et blâmée pour ce qui était une perte aux yeux des disciples, Jésus la justifie. Oh! qu'il est précieux de l'entendre dire: «Pourquoi lui donnez-vous du déplaisir? elle a fait une bonne oeuvre envers moi».

Dans la pensée des disciples, ce qu'il y avait de plus grand et de plus élevé était d'être un bienfaiteur de l'homme, — c'était pour eux une perte d'oindre le corps de Jésus, acte qui exprimait la communion avec ses pensées, aussi bien qu'avec les pensées du Père à l'égard de son Fils, — mais donner cette valeur aux pauvres, faire ainsi du bien à l'homme, que pourrait-il y avoir de plus louable, ou de plus désirable?

Disons encore que l'action de Marie montre le cas qu'elle fait de toutes choses, même des meilleures, quand son Seigneur va à la mort. Elle veut ensevelir son monde avec lui: s'il meurt, tout ce qui pouvait encore retenir son coeur à elle ici-bas, est mort aussi. Hélas! combien peu, nous qui possédons un Christ vivant dans la gloire, nous savons ce que c'est que d'avoir notre tout là où Christ se trouve, — non seulement, comme Marie, de ne pas le placer ici-bas, où Christ a été, mais n'est plus, — mais d'avoir notre tout dans la gloire où est Christ, à qui nous sommes unis par le Saint Esprit qui apporte à nos âmes la conscience de cette union.

Puissions-nous comprendre la bénédiction d'avoir à faire avec Christ, et d'être dans ce pauvre monde l'expression de ce qu'il est, tel que nous le connaissons, jusqu'à ce qu'il vienne nous prendre auprès de lui, afin que là où il est nous soyons aussi.

Chapitre 6 - La spécialité de notre appel

Un des grands principes de Dieu, commun à toutes les dispensations et à tous les temps, c'est de porter les regards et l'espérance du chrétien sur Lui, en les détournant de tout ici-bas, dès que le monde est caractérisé par un état de choses avec lequel Dieu ne peut pas être en communion. Sans doute, dans un temps comme le nôtre, ce principe sera plus distinct et plus marqué que dans les siècles passés.

Je vais en prendre trois exemples dans l'Ancien Testament, et les mettre en contraste avec un exemple tiré du Nouveau.

Le premier cas de l'Ancien Testament se trouve dans les chapitres 11 et 12 de la Genèse. Le chapitre 11 renferme l'histoire de la construction de la tour de Babel, et de la dispersion des nations qui en fut la suite. Dans la plaine de Sinhar, les hommes tentèrent d'établir leur indépendance, Dieu est rejeté ou méconnu dans sa propre création; la pensée la plus élevée du coeur naturel ne peut être que d'enrichir et d'illustrer l'homme. «Acquérons-nous un nom,» disent-ils. Le nom de Babel désigne l'indépendance dont l'homme se vante, aussi bien que le jugement qui tomba sur elle, «car l'Eternel y confondit le langage de toute la terre, et de là il les dispersa sur toute la terre». Or c'est en rapport avec ces choses que le douzième chapitre nous présente l'appel d'Abraham; et Etienne, en Actes 7, nous dit que le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham. Ici, je désire insister sur le fait que cet appel d'Abraham ne consistait pas seulement à se séparer de ce qui ne convenait pas au Dieu saint; mais c'était un appel à entrer dans un chemin et dans un témoignage positifs, répondant à la fois au caractère de la personne appelée, et au caractère du Dieu saint, sur la scène même de la propre volonté et de l'indépendance de l'homme. C'est aussi ce que l'apôtre nous dit en Hébreux 11: «Par la foi, Abraham étant appelé, obéit pour s'en aller au lieu qu'il devait recevoir pour héritage; et il s'en alla ne sachant où il allait. Par la foi, il demeura dans la terre de la promesse comme dans une terre étrangère, demeurant sous des tentes avec Isaac et Jacob, les héritiers de la même promesse». Il importe de remarquer les expressions: il s'en alla ou sortit, et il séjourna. Celui qui attendait la cité qui a les fondements, de laquelle Dieu est l'architecte et le créateur, aurait-il pu faire autre chose? Il importe que celui qui se trouve dans une scène caractérisée par Babel, maintienne cet appel distinct et nouveau; aussi, lorsque pour un temps, Abraham l'abandonne, en quelque sorte, et, pendant une famine, cherche du secours en Egypte, il est obligé de revenir sur ses pas jusqu'à Béthel, endroit qui proclamait son appel, et où l'autel d'Abraham avait été dressé au commencement. Il ne bâtit point d'autel en Egypte, mais quand il revient en arrière et se retrouve à Béthel, il invoque le nom de l'Eternel.

Une autre vérité très importante se lie avec celle-ci. C'est en maintenant son appel, qu'Abraham est préservé des embarras par lesquels Lot est enlacé; et bien plus, le maintien de son appel fait de lui le libérateur de Lot lui-même.

Ici, je désire faire sentir que le plus sûr moyen d'avoir le dessus au milieu des difficultés et des séductions de ce monde, c'est de maintenir nettement la spécialité de notre position comme des êtres célestes. Seul, un peuple uni à Christ en dehors du monde, trouve force et qualité pour y marcher sans s'y mêler, et c'est aussi comme étant nous-mêmes délivrés, que nous sommes capables de délivrer les autres.

J'arrive maintenant à une seconde illustration du principe que j'ai énoncé. Lisez 2 Rois 2. C'était un moment bien sombre dans l'histoire d'Israël; Bahal-Zébub, dieu de Hékron, était consulté par Achazia, comme si l'Eternel n'existait point. L'enlèvement d'Elie doit précéder la mission d'Elisée, mais avant que la course de l'un soit terminée et que celle de l'autre ait commencé, il fallait rompre complètement avec tout ce qui était associé au nom et à la puissance de l'Eternel en Israël. Guilgal, Béthel, Jéricho, le Jourdain, étaient des endroits qui ne pouvaient manquer de rappeler le souvenir de jours meilleurs.

Guilgal était le lieu de la séparation pour Dieu, Mais, longtemps avant Elie et Elisée, Bokim en avait pris la place.

Béthel, le lieu de l'autel d'Abraham et de l'autel de Jacob, était devenu la scène du veau de Jéroboam, témoin de l'apostasie du peuple.

Jéricho, la scène de leur première conquête et de leur première victoire, jadis détruite, avait été rebâtie, longtemps avant l'histoire qui nous occupe.

Le Jourdain, représentant la victoire en résurrection et le passage du désert dans le pays, est maintenant retraversé en sens inverse, de manière à placer Elie et Elisée sur la rive du Jourdain qui appartient au désert. Combien sont solennelles, les paroles du prophète qui se rapportent à tout cela: «Ne cherchez point Béthel, et n'entrez point dans Guilgal, et ne passez point à Béer-Sébah; car Guilgal sera entièrement transportée en captivité, et Béthel sera détruite» (Amos 5: 5).

Or il est important d'observer qu'Elisée est appelé en dehors de cet état de choses, avant d'y être renvoyé comme témoin et serviteur de l'Eternel; c'est au delà du Jourdain, après l'avoir traversé, qu'Elisée voit l'enlèvement d'Elie, et qu'il reçoit une double portion de son esprit, et le manteau du prophète. Un autre ordre de choses s'est ouvert pour lui, une autre scène a brillé devant ses yeux; il est désormais fortifié, qualifié, équipé, pour retourner vers ce peuple qui avait oublié Jéhovah pour Bahal-Zébub, à cette scène où l'eau est mauvaise et le terrain stérile. Maintenant, sur qui l'effet de son pouvoir se fera-t-il sentir d'abord? Remarquez-le: sur lui-même. Il déchire son propre manteau, et dresse sa face du côté du Jourdain; puis, rentrant dans un lieu souillé, ruiné, il y devient, dans la puissance de la pensée de ce qu'il avait reçu, un aide miséricordieux qui répand la guérison et la bénédiction autour de lui. Quel tableau de ce que le saint doit être maintenant: un homme qui possède les ressources de Christ, de l'homme triomphant — un homme qui l'a vu, en quelque sorte, lorsqu'il fut enlevé dans le ciel; et plus que tout cela, ce que vous ne trouvez pas dans le type d'Elisée, un homme uni par le Saint Esprit à Christ, là où il est, — qui fait partie de Christ, pour ainsi dire. Pensée merveilleuse! Hélas! combien nous avons peu le sentiment divin de ce que nous sommes en Christ, et du caractère distinctif que doivent avoir notre marche, et notre témoignage, dans un monde qui a repoussé et rejeté, bien plus, qui a crucifié et mis à mort notre Seigneur. Et c'est parce que nous avons une conception si faible de ce que nous sommes réellement, que nous comprenons si peu les merveilleuses ressources et la puissance que nous avons en Christ, pour nous aider à marcher dans ce monde uniquement pour lui.

J'en viens maintenant au chapitre 33 de l'Exode, où nous trouvons une troisième illustration du même principe. C'était aussi un jour triste et sombre en Israël; le peuple avait fait un veau d'or à Horeb, et adoré l'image de fonte; ils avaient changé leur gloire contre la figure d'un boeuf qui mange l'herbe. Ils oublièrent le Dieu fort, leur libérateur, qui avait fait de grandes choses en Egypte. Quel cri se fait entendre maintenant parmi eux: «Ce sont ici tes dieux, ô Israël, qui t'ont fait monter hors du pays d'Egypte». Que fera Moïse? Le peuple que Dieu a choisi, délivré, conservé, s'est détourné de l'Eternel. Les yeux de Dieu peuvent-ils se reposer sur une scène comme celle-là? Où Moïse peut-il se tourner pour trouver de la consolation et du repos? Ce serviteur de Dieu ne sera pas une exception au principe dont nous parlons. Si Abraham est appelé par le Dieu de gloire à être étranger et témoin pour Dieu dans un temps caractérisé par Babel; si Elisée est le compagnon et le témoin de l'enlèvement d'Elie dans un temps caractérisé par Bahal-Zébub; de même, au jour du veau d'or, et quand Israël disait: «Etablissons-nous un chef, et retournons en Egypte» (Nombres 14: 4), Moïse, en se séparant du camp coupable, dit à Dieu: «Je te prie, fais-moi voir ta gloire».

Il déplace la scène de ses espérances et de son attente, et la gloire de Dieu devient l'objet et le désir de son coeur. Quelle autre chose aurait pu satisfaire Moïse dans un moment comme celui-là? Où tourner ses regards, où reposer son coeur? Il dit, en quelque sorte: «J'ai assez vu de l'homme pour m'en détourner pour toujours; j'ai vu une fin à toute perfection; je te prie, montre-moi ta gloire».

Je passe enfin à une portion du Nouveau Testament, au chapitre 7 des Actes. Qu'est-ce que je trouve ici? Le même principe, seulement renforcé et étendu considérablement. Pourquoi cela? Parce que maintenant le Fils de Dieu a été absolument rejeté et mis à mort. C'est cette double tache, pour ainsi dire, sur la page de l'histoire de l'homme, qui détermine le caractère spécial des saints au temps présent. Christ a été rejeté du monde, et le Saint Esprit, témoin et preuve de la culpabilité de ce dernier, est outragé et renié dans le monde et par lui. Etienne, témoin et serviteur, où va-t-il tourner ses regards dans un tel moment, et au milieu des plus terribles circonstances? Remarquez le bien, car rien ne peut être plus positif et plus caractéristique. Avant cela, l'amour patient de Dieu pouvait s'exprimer ainsi: «Hommes galiléens, pourquoi vous tenez-vous ici en regardant vers le ciel? Ce Jésus, qui a été élevé d'avec vous dans le ciel, viendra de la même manière que vous l'avez vu s'en allant au ciel». C'était, de fait, diriger leurs regards en bas vers la terre, et trouver là encore pour ces hommes une espérance, quelque faible qu'elle fût; mais en est-il ainsi maintenant? Combien tout est changé! «Mais Etienne, étant plein de l'Esprit Saint, et ayant les yeux attachés sur le ciel, vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu». Oh! quel spectacle! Ce n'est pas maintenant les cieux s'ouvrant sur un objet ici-bas: c'est le ciel s'ouvrant pour Etienne, et le Saint Esprit dirigeant ses regards, et lui montrant son objet là: «il vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu». Quel contraste nous avons ici avec la révélation faite à Moïse en Exode 33. Dieu, lui dit: «Tu ne peux pas voir ma face; je te couvrirai de ma main, et tu me verras par derrière». Mais il n'en est plus ainsi maintenant, c'est la gloire complète et sans voile, et Jésus au milieu de cette gloire, que rencontrent les yeux d'Etienne; le premier homme a été chassé dehors, en jugement, et le second homme est monté dans la gloire, et rien désormais n'empêche les regards du fidèle de contempler à face découverte le Seigneur là où il est; rien ne l'empêche de trouver dès à présent sa place et son repos là où Christ se trouve. Or j'insiste sur ceci: il est bien différent pour les saints, quant à leur marche et leur histoire, d'attendre que les cieux s'ouvrent sur eux, ou d'avoir les yeux attachés sur le ciel qui leur est ouvert. Hélas! combien nous avons peu de cette décision, combien peu de cette vigueur d'âme qui est impliquée dans ces mots: les yeux attachés, combien peu de cette force, si remarquable dans le cas d'Etienne, pour persévérer.

Quoique entouré des plus terribles circonstances, entre les mains des principaux de sa nation, Etienne peut se mettre à genoux en toute tranquillité, et confiance, et passer les courts instants qui lui restent, à prier pour ceux qui le poursuivaient de leur épouvantable haine; puis il remet son esprit à Celui qu'ils avaient rejeté et crucifié. Tel est donc le sentier du saint, du serviteur de Dieu. Le Saint Esprit est aussi fidèle aujourd'hui qu'alors, pour garder nos yeux attachés sur Jésus dans la gloire, afin que nous soyons témoins de Christ, là où il n'est pas; il est fidèle, aussi pour nous maintenir dans l'union pratique avec un Christ glorieux. En résumé donc, ce qui distingue exclusivement le chrétien, consiste en ceci:

1. Etre uni par le Saint Esprit à Christ dans le ciel.

2. Etre maintenu par le Saint Esprit sur la terre, dans une association pratique avec Christ, telle que les regards soient détournés de la terre et dirigés vers le ciel.

3. Comme conséquence du premier point, pouvoir représenter Christ ici-bas; être tel que Christ là où il n'est pas; être un messager du ciel, marchant dans la puissance des ressources divines et des sources célestes, au-dessus de tout, et séparé de tout; une lumière au milieu des ténèbres, brillant d'un éclat d'autant plus vif que les ténèbres environnantes sont plus épaisses, capable d'aider, de secourir, de supporter chacun. Quelqu'un admet-il un instant que je propose là des impossibilités? Qu'il me soit permis de lui dire que si toute la plénitude habite dans Celui qui est monté au-dessus de toute chose, et si le Saint Esprit habite dans le saint ici-bas, quelque faible qu'il soit, il ne saurait y avoir aucune limite de capacité et de puissance pour jouir personnellement de Christ là où il est, ou pour être séparé et affermi dans la marche et le témoignage pour Christ, là où il n'est pas.

«Nous tous, contemplant, à face découverte, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en Esprit» (2 Corinthiens 3: 18).

Chapitre 7 - Tiède et ni froid ni chaud

(Apocalypse 3: 16)

Il serait inutile de nier que nous traversons des temps sérieux. Alléguer que la période présente n'est pas un temps d'affliction et de tristesse pour un coeur fidèle à Christ, qui entre, quelque faiblement que ce soit, dans ce qui intéresse le Seigneur sur la terre, serait être insensible aux afflictions du Christ. La clef de notre position actuelle est le rejet de Christ. Impossible d'être dans son chemin, si cela n'est pas saisi; et si cela est compris, il n'y a pas de vérité plus pratique ou plus solennelle. Lecteur, arrêtez-vous et pesez ce fait, que, toute l'éternité ne pourra balancer ce court moment — cette heure du rejet de Christ.

Mais quand je parle d'afflictions, ne pensez pas que je veuille insister sur les causes extérieures qui concourent à nos difficultés dans des temps fâcheux: sans doute elles peuvent y concourir dans une grande mesure, mais je crois que la vraie douleur vient du dedans plutôt que du dehors.

Y a-t-il rien de plus triste que de voir ceux qui professent être des serviteurs du Seigneur, manquer de dévouement personnel et de coeur pour lui, de fidélité envers lui; d'intelligence de ce qui lui est dû? Ah! lecteur, ce sont les saints bien plutôt que le monde, qui font aujourd'hui du chemin un sentier de douleur et d'affliction. Ils refusent de marcher avec vous dans cette voie; et si vous y marchez les laissant en arrière, ils vous regardent comme un ennemi, et même ils vous exposent en spectacle aux yeux du monde inconverti, après vous avoir flétri comme une personne extrême. Ceux qui agissent ainsi sont des saints, des membres du corps de Christ, aimés de lui, mais qui portent le triste caractère de Laodicée, n'étant ni froids, ni chauds, mais tièdes. Si la profonde affliction dont je viens de parler nous permet un moment de regarder au dehors, que trouvons-nous? Des associations hostiles, très certainement prévues dans les Ecritures, faisant avec énergie et vigueur la revue de leurs forces; la propre volonté de l'homme qui a son libre cours; Satan, maître du champ de bataille d'une manière éclatante, et ayant les honneurs de la journée. Nous rencontrons presque partout des déserteurs, des hommes «réédifiant les choses qu'ils avaient renversées,» abandonnant (au moins en apparence) une position qu'ils n'avaient jamais prise sincèrement, des principes qu'ils n'avaient jamais réellement adoptés. Et, avec tout cela, nous assistons à une profession d'attachement pour les saints, hautement, prétentieusement et pompeusement proclamée, attachement qui n'a d'existence que dans l'imagination de ceux qui se trompent eux-mêmes, et qui semblent n'avoir jamais médité ces paroles: «Par ceci, nous savons que nous aimons les enfants de Dieu, c'est quand nous aimons Dieu et que nous gardons ses commandements;» et «celui qui aime son frère, demeure dans la lumière, et il n'y a point en lui d'occasion de chute». Il ne restait plus pour ces derniers jours, pour notre temps, que de faire la caricature de l'amour, qui certainement est de Dieu. Hélas! vous découvrirez que, pour beaucoup d'esprits, l'amour consiste en un égoïsme qui cherche son propre intérêt, s'alliant à une infidélité qui échange la gloire de Dieu et des intérêts de Christ et de l'Eglise, contre ce qu'on appelle la paix, l'union et l'harmonie. C'est une ruse évidente de Satan, un effort pour rendre la vérité pratiquement sans valeur, et, comme je l'ai déjà dit, pour pervertir la parole du Seigneur Jésus: «Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix entre vous».

Rien n'est plus remarquable aujourd'hui que le contraste frappant qui existe entre la phraséologie, la position pratique et la marche des saints. Il y a beaucoup de «de parole et de langue,» très peu de «en action et en vérité». Quel tableau solennel se présente à vous, quand vous mettez en regard la profession et la pratique. A coup sûr, la tendance du jour est d'adopter une forme avancée d'expression de la vérité, mais de marcher aussi mondainement que jamais. En aucun temps, on ne fit un tel trafic de vérités que les consciences n'ont ni connues ni senties. Vous trouvez, par exemple, que des sujets solennels tels que la mort et la résurrection, la marche chrétienne et la venue du Seigneur, sont affirmés, maintenus et prêchés, même par ceux dont le genre de vie n'en est affecté en aucune façon. Le triste péché du jour est que les hommes ne sont pas influencés par ce qui coule si facilement de leurs lèvres; ils sont éloquents en se condamnant eux-mêmes: «ils disent, et ne font pas». Hélas, hélas! qu'il est triste ce manque de conscience et de réalité parmi ceux qui professent de suivre un Seigneur rejeté!

Il y a sans doute des saints qui, dès leur première enfance, ont été bercés dans les bras de systèmes qui sont une espèce de replâtrage de la chair quand ils n'en sont pas la culture, tous ces systèmes ayant pour objet le meilleur moyen de se tirer d'affaire dans ce monde. Du moins nous pouvons voir une triste concordance entre leurs principes et leur pratique; mais on est saisi de dégoût en entendant parler de la mort et de la résurrection, de la venue du Seigneur, par des hommes qui poursuivent les intérêts de la terre, qui spéculent sur les grands projets du jour pour gagner de l'argent, qui cherchent à étendre leurs limites, — en un mot, qui servent le premier Adam.

Je dis, lecteur, que le coeur est attristé par la vue de telles choses. La cause en est rappelée par cette solennelle parole (2 Timothée 3: 8): «Or de la même manière dont Jannès et Jambrès résistèrent à Moïse, ainsi aussi ceux-ci résistent à la vérité». Je n'ai pas besoin de dire que c'est en l'imitant que ces hommes résistèrent à la vérité aux jours de Moïse; et il en est de même maintenant. C'est aujourd'hui la politique de Satan, et il en connaît bien la puissance. Par ce moyen, il s'efforce non seulement de faire tomber la vérité dans le mépris, mais de jeter l'opprobre sur la vie qui rend témoignage à la puissance de la vérité. Or il n'est pas ici hors de propos de faire remarquer que c'est en cela que consiste la difficulté réelle des âmes au temps actuel. C'est leur état, qui influe sur leur position. Il ne me vient pas un instant la pensée de nier qu'une âme puisse être dans sa vraie position, c'est-à-dire la place de Christ pour toute âme maintenant sur la terre, et cependant être dans un état très défectueux; mais je soutiens — et l'observation et l'expérience en rendent témoignage avec moi — que les difficultés des saints en ce jour au sujet de leur position, proviennent pour la plupart de la condition ou de l'état d'âme dans lequel ils se trouvent. Par exemple, comment pouvons-nous attendre qu'un saint occupé à ne servir que lui-même, ait quelque sentiment de ce qui est dû à Christ, de ce qu'est la pensée actuelle du Seigneur au sujet des membres de son corps sur la terre? Plus je lis ma Bible, plus je vois qu'il y a un état d'âme qui nous rend capables d'entrer dans les intentions et les pensées de Dieu; mais aussi un état auquel Dieu veut communiquer sa pensée; et, d'autre part, qu'il y a un état qui rend incapable de saisir la pensée de Dieu, et auquel il ne communique pas ses pensées. Avez-vous réfléchi à cette parole solennelle du Lévitique (chapitre 10: 8, 9, 10): «Et l'Eternel parla à Aaron, disant: Vous ne boirez point de vin ni de boisson forte, toi et tes fils avec toi, quand vous entrerez dans la tente d'assignation, afin que vous ne mouriez pas. C'est un statut perpétuel en vos générations, afin que vous discerniez entre ce qui est saint et ce qui est profane, et entre ce qui est impur et ce qui est pur». Cette parole n'est-elle pas aussi sérieuse pour nous aujourd'hui, et ne nous dit-elle pas le secret de mainte incapacité pour saisir la pensée et discerner le chemin de Dieu? Que le Seigneur nous donne de peser cette pénétrante exhortation. Le monde n'entre-t-il pour rien dans la marche et les difficultés des saints actuels? Autant que je puis le remarquer, ce sont, presque sans exception, ceux qui désirent retourner au monde, ou qui n'en sont jamais sortis et désirent y rester, qui sont incapables de voir ce qui convient ou ne convient pas à Dieu, et qui abaissent la mesure de la pureté et de la sainteté divines au niveau de la misérable condition de l'homme.

La propre volonté entre aussi pour beaucoup dans les perplexités actuelles des saints. Ils parlent de leur liberté et autres choses semblables. En réalité, il s'agit pour eux de liberté propre. Si c'était la liberté du Saint Esprit, un autre ordre de choses la manifesterait; mais on lutte pour la recherche et pour le maintien du moi.

Pour revenir à mon sujet, après cette espèce de digression nécessaire, je ferai remarquer que la vérité de Dieu dont j'ai parlé plus haut, n'est pas ce que plusieurs imaginent, savoir, un credo divin auquel on est appelé à souscrire. Non, ce n'est pas affaire de souscription à une formule, affaire d'expérience ou de degrés, mais une réalité solennelle, un état réel, auquel est amenée toute âme qui se repose simplement sur la rédemption. Lorsque le Seigneur Jésus Christ descendit sous le jugement, il ne régla pas seulement la question de mes péchés, mais il termina devant Dieu l'histoire de l'homme en la chair, du premier Adam. Tout lien avec l'ancienne création a été, par conséquent, brisé par sa mort, et si j'ai à faire avec lui, ce doit être en dehors de cette scène. Or permettez-moi de répéter que c'est un fait, et que ce fait est destiné à s'imposer à moi, à me former. Mon état détermine mon chemin. Est-il vrai que la croix du Seigneur Jésus Christ, que sa mort ait été le jugement sur le premier homme? S'il en est ainsi, le premier homme est mort sous le jugement, et je me trouve dans un nouvel ordre de choses, lié en vie par le Saint Esprit avec Celui qui porta le jugement, et en sortit par la résurrection. Pour la foi, donc, le premier Adam a pris fin dans le jugement, et un nouvel ordre de choses l'a remplacé. Je le répète, ce n'est pas affaire de progrès ou de sentiment; c'est un fait, saisi par la foi; et toute la marche d'un chrétien doit partir de là, et non pas y tendre: il doit marcher ici-bas dans le renoncement à lui-même, parce que désormais il se contente de Christ dans la gloire, par le Saint Esprit, son vieil homme ayant été jugé et mis de côté à la croix. Que le Seigneur, dans sa grâce, mette cela si clairement devant les yeux des chrétiens, que la puissance et la joie de ce fait puissent remplir tous leurs coeurs.

Un autre sujet dont on fait trafic de nos jours, est la seconde venue du Seigneur. Il n'est pas besoin de faire remarquer quelle extension cette vérité a prise dernièrement. Vous rencontrez chaque jour des personnes qui, pour montrer leur orthodoxie, vous diront qu'elles attendent la seconde venue (comme elles l'appellent froidement); mais leur état montre combien la seule profession d'une vérité est facile de nos jours. Telle n'est pas la vérité en puissance, la vérité apprise de Dieu. Nous posons comme incontestable, que cette espérance ne sera jamais une espérance vivante actuelle pour un coeur qui ne sent pas maintenant l'absence de Christ. Oh! lecteur, combien son absence est peu sentie par les chrétiens; combien ses paroles bénies se sont faiblement emparées de nos affections: «Je me sanctifie moi-même pour eux;» c'est comme s'il disait: «Je quitte cette scène pour vous en détacher». Il est impossible d'entrer dans cette pensée, impossible de réaliser la vérité que Christ est absent de cette scène, tout en restant mondain. Combien son absence est faiblement comprise et sentie! Un coeur qui lui est fidèle et qui le connaît lui-même comme le seul objet capable de le satisfaire, peut-il se reposer sur une chose quelconque dans une scène où il fut rejeté, et de laquelle il s'en est allé? Impossible! Trouve-t-on beaucoup de cette fidélité envers Christ de coeurs qui refusent une place quelconque, là où il fut méprisé et méconnu?

Nous ne mettons pas en doute un instant que ces âmes n'aient part aux bénédictions que Christ apporte: mais il n'en est que plus triste qu'il soit connu et employé seulement comme serviteur pour nos besoins, et non pour ce qu'il est en lui-même.

Je sens chaque jour davantage que Christ a été si peu présenté aux âmes, qu'elles ont perdu le sentiment de la personne, par l'immense importance attachée aux bénédictions qui viennent de lui. En un mot, l'évangélisation moderne consiste à prêcher le salut et non pas Christ. Il en résulte de la faiblesse dans le coeur et les affections quant à sa personne; un sentiment rabaissé (si même il existe) de ce qui lui est dû; les âmes reçoivent le salut pour la terre, au lieu d'être mises en rapport avec le ciel.

Il est encore plus pénible pour le coeur de voir combien, les affections de Christ sont peu payées de retour. Quand, à la veille de son départ, il prononça les précieuses paroles que nous lisons en Jean 14, il dit un mot, le seul aussi qui puisse consoler un coeur vrai dans son amour pour lui: «Je reviendrai». Il comptait du moins sur ce que rien sinon sa présence et lui-même ne pourrait combler dans nos coeurs le vide que son absence y laisserait. Comme un autre l'a remarqué, il y a deux «je viens» dans Jean 14: «Je viens à vous,» et «je viens pour vous». La présence du Saint Esprit est l'accomplissement de la première promesse, et la venue du Seigneur Jésus, décrite dans 1 Thessaloniciens 4, sera l'accomplissement de la seconde. J'ajoute que la seconde promesse, celle de sa venue pour moi, est peu efficace pour mon âme, si je ne suis pas dans la vérité de la première, c'est-à-dire qu'il est venu à moi dans la personne du Saint Esprit envoyé du ciel. Je n'ai pas encore connu une âme avec l'intelligence et la fraîcheur de la première vérité, qui ne fût aussi rafraîchie par l'espérance de la seconde. Mais, ô lecteur, combien d'autres objets ont pris la place de Christ dans les coeurs de ses rachetés! Agrandissement personnel, fortune, position terrestre, esprit mondain, ont tous rivalisé à l'envi, et ont réussi en pratique à exclure Christ. Son absence de la scène que nous traversons n'est pas sentie, et par conséquent son retour n'est qu'une pauvre, froide doctrine, et non pas une vivante réalité dans le coeur. Si vous retournez à l'histoire primitive de l'Eglise, quel contraste! Paul écrit aux Thessaloniciens: «Vous êtes devenus nos imitateurs et ceux du Seigneur». «Vous êtes devenus des modèles pour tous ceux qui croient». «La parole du Seigneur a retenti de chez vous». «Votre foi envers Dieu s'est répandue, de sorte que nous n'avons pas besoin d'en rien dire». «Vous vous êtes tournés… vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils» (1 Thessaloniciens 1). Quel tableau béni que celui-là! quel contraste avec aujourd'hui! Et de plus, l'espérance de la venue du Seigneur pour eux était si complète, si présente, si immédiate, que l'apôtre leur écrit (chapitre 4) pour consoler ceux qui étaient abattus, parce que la mort, plutôt que la venue du Seigneur, avait enlevé leurs bien-aimés. Quel contraste avec le temps présent!

Les saints déposent leurs morts dans le tombeau et pleurent leur absence, non pas parce que le Seigneur n'est pas venu, mais parce que la mort a rompu des liens terrestres, produisant une douleur que le temps guérit trop souvent, amenant de nouveaux liens avec le monde, qui devient bientôt pour le coeur aussi attrayant que jamais. L'absence de Christ est oubliée, et le vide laissé par cette absence est rempli par d'autres objets. Puisse-t-il y avoir plus de simplicité, plus de ces voies étrangères au monde, qui montrent clairement que l'absence de Christ est une réalité pour ceux qui annoncent chaque dimanche, à la table du Seigneur, la mort par laquelle non seulement le péché est ôté, mais tout lien avec ce monde est rompu. Ce que j'écris, lecteur, a profondément exercé mon coeur; et je dirai, pour terminer, que le remède est simple au milieu de cette ruine et de cette affliction. Les âmes ont besoin de plus de sincérité dans l'abandon de tout pour Christ; il faut qu'elles l'apprécient et l'aiment au-dessus de tout. Puissions-nous, non seulement nous dépouiller pour Christ, mais nous livrer nous-mêmes à lui; et tenir ferme sa Parole et ne pas renier son nom.

Que le Seigneur garde les siens des principes de Laodicée. On est heureux d'avoir Jésus comme le seuil objet qui remplisse le coeur, occupe l'âme et domine les affections. Pendant que David était absent, rien ne pouvait remplir dans le coeur de Méphiboseth le vide que laissait l'éloignement de David; aussi se comporte-t-il d'une manière qui montre une douleur réelle et le sentiment de ce dont il était privé; mais le retour de David comble à lui seul le vide dans le coeur de Méphiboseth; ses affections ont maintenant un objet auquel elles peuvent s'attacher. «Toi et Tsiba, partagez les terres,» dit le roi. Méphiboseth répond: «Qu'il prenne même le tout, puisque le roi, mon seigneur, est revenu en paix dans sa maison». Il ne lui faut pas davantage, mais il ne peut se contenter à moins. Comme nous l'avons dit, un seul objet satisfait son coeur et domine ses affections.

Que Dieu donne à ses bien-aimés, dans ces derniers temps, d'avoir des coeurs sans partage et sans compromis, entièrement dévoués à son saint Fils Jésus Christ, notre Seigneur. — Amen.