Remarques détachées - Darby J.N.

 ME 1883 page 441

 

- 1 -

Je crois que les églises ont été englouties et se sont perdues dans la masse du hiérarchisme ecclésiastique populaire; mais je crois aussi que l'église visible, comme on la nomme, y a été engloutie également.

Cependant il y a une différence, parce que les églises étaient la forme administrative, tandis que l'Eglise, comme corps sur la terre, était l'unité vitale.

Voici ce que j'ai senti dès le commencement, et avec quoi j'ai commencé: le Saint Esprit reste, et, par conséquent, le principe essentiel de l'unité avec la présence du Seigneur, car il a dit: «Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux». Or ce fait est tout ce qui nous concerne maintenant.

Quand c'est là ce que l'on cherche réellement, on trouvera certainement la bénédiction par la présence du Seigneur. Nous l'avons éprouvé d'une manière très douce et précieuse, nous qui nous sommes réunis à part.

Là où l'on prétend à une position et à l'unité, il y aura toujours confusion et chute: Dieu ne prendra pas une telle place avec nous.

Pour avoir sa force, il nous faut prendre la place qui répond à sa pensée. Or sa pensée est maintenant la ruine de l'Eglise; mais là il sera avec nous.

Je l'ai toujours dit. Je sais que plusieurs en ont été troublés, même d'entre ceux que j'aime particulièrement, mais je suis sûr que c'est la pensée du Seigneur. J'ai dit: Nous sommes les témoins de la faiblesse et du misérable état de l'Eglise.

Nous ne sommes ni plus forts ni meilleurs que d'autres (dissidents, etc.), seulement nous reconnaissons le mauvais et misérable état où nous sommes, et, par conséquent, nous pouvons trouver la bénédiction. Je ne mets pas de limite à ce que le Saint Esprit peut faire pour nous dans cette pauvre condition, mais je prends la place où il peut agir ainsi.

C'est pourquoi je crois qu'il n'y a pas de gouvernement de corps d'une manière autorisée par l'Ecriture; là où cette prétention existe, il y aura de la confusion. On disait constamment et ouvertement que c'était ici (à Plymouth) qu'il y avait un modèle, auquel tous dans les endroits éloignés devaient se référer. Ma profonde conviction est que la conscience avait complètement disparu, excepté chez ceux qui se sentaient tout à fait misérables.

Je ne recherche donc la position originelle de l'Eglise qu'en ceci: je crois que là où deux ou trois sont assemblés en son nom, Christ est là, que l'Esprit de Dieu est nécessairement l'unique source de puissance, et que ce qu'il fait sera bénédiction par la seigneurie de Christ. Cela répond aux besoins de tous les temps. Si l'on veut tenter davantage aujourd'hui, il n'y aura que confusion.

On reconnaît la condition originelle de l'Eglise, comme un pécheur reconnaît ce qu'est un état d'intégrité, ou comme un homme mutilé reconnaît ce qu'est un corps entier. Mais ici vient un point fort important. Je ne puis suppléer à ce qui manque par un arrangement humain ou par la sagesse humaine: il faut que je sois dépendant.

Je dois désavouer tout ce qui n'est pas de l'Esprit et dans ce sens désavouer — non pas ce qui est au-dessous de la position originelle, car j'y suis complètement — tout ce que l'homme a fait pour y suppléer, parce que cela n'est reconnaître ni la chute, ni l'Esprit de Dieu. Je dois toujours reconnaître ce qui est de l'Esprit de Dieu en qui que ce soit. La règle me semble ici très simple.

Je ne doute pas que la puissance qui avait été dispensée ne soit désorganisée, mais le Saint Esprit peut toujours agir dans les circonstances où se trouve le peuple de Dieu. Le secret consiste à ne pas prétendre aller au delà. La vie et la puissance divines sont toujours là, et je me sers des membres que j'ai, en confessant pleinement que je suis dans un état imparfait.

Il faut nous souvenir que le corps doit exister, quoique non pas dans un état d'union, même localement. Je puis, en conséquence, reconnaître les dons et autres choses semblables, et dans les deux ou trois réunis trouver ma garantie pour la bénédiction qui est promise à ceux qui se rassemblent ainsi.

Ensuite, si des dons existent, ce ne peut être que comme membres du corps, parce qu'ils sont tels, et ce n'est qu'en vertu de la puissance vitale de la Tête par le Saint Esprit.

Je crains que l'expression de «corps visible» ne nous égare un peu. Il est évident que l'action collective s'opère dans le corps réel vivant ici-bas sur la terre, mais c'est là que les membres doivent agir. Je ne pense pas que cela fasse une difficulté. Je crois que si nous voulions agir d'après 1 Corinthiens 12: 14, au delà de la puissance qui existe pour le réaliser, il n'y aurait que confusion.

Mais quel que soit son état extérieur de dispersion, le corps continue nécessairement d'exister, parce que son existence dépend de la Tête et de son union avec elle. Le Saint Esprit en cela agit nécessairement d'une manière suprême.

Le corps existe en vertu de ce qu'il y a un seul Saint Esprit. «Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance de votre appel;» en fait, c'est ce qui est nié.

Ensuite Christ nous nourrit et nous chérit comme sa propre chair, comme membres de son corps, et il le fait «jusqu'à ce que nous parvenions tous à l'unité de la foi, etc.» (Ephésiens 4: 13). C'est pourquoi nous ne pouvons nier ni le corps et son unité, quelles que soient sa condition et l'infidélité de ceux qui le composent; ni l'opération du Saint Esprit dans le corps, pour autant que le Saint Esprit est reconnu, sans nier le droit divin du Saint Esprit, les soins de Christ et sa seigneurie sur l'Eglise.

Il n'est pas question ici de ce que fait l'Eglise, mais de ce que fait Christ; en même temps, il s'agit du fait que le Saint Esprit est sur la terre et de son droit comme y étant, tout en reconnaissant la seigneurie de Christ. Et c'est jusque-là que je puis reconnaître les dons chez d'autres.

Si un ministre d'une église nationale a des dons, je les reconnais comme produits par le Saint Esprit; j'y vois Christ engendrant les membres du corps ou le nourrissant. Mais je ne puis m'associer avec ce qui se trouve mêlé à cela, parce que ce n'est ni du corps, ni de l'Esprit. Je ne puis toucher à ce qui est impur; je dois séparer la chose précieuse de la méprisable (Jérémie 15: 19).

Toutefois, aussi longtemps que je reconnais la fidélité de Christ, je ne puis abandonner ce qui est dit dans Ephésiens 4. Or si nous nous réunissons, et quand nous nous réunissons, tout ce que je demande, c'est que ce principe soit reconnu, parce que c'est reconnaître le Saint Esprit lui-même, et pour moi, cela est tout.

Nous nous réunissons et nous rendons culte. Dans ce temps, nous qui nous sommes séparés, nous nous réunissons en différents lieux pour rendre culte, dans notre faiblesse, de la manière la plus vraie et la plus simple. Alors, quoi que ce soit que le Saint Esprit, qui est souverain, donne à qui que ce soit, c'est pour nous nourrir. Peut-être ne sera-ce rien en fait de discours, mais ce sera dans l'unité du corps.

Si vous étiez ici, vous pourriez être dans l'unité du corps comme l'un de nous. C'est ce que Satan ne peut détruire, parce que cela se rattache au droit et à la puissance de Christ. Si on se met à imiter l'administration du corps, ce sera immédiatement du papisme ou de la dissidence.

Voici ma pensée quant à la visibilité du corps; elle se rattache à ce principe de toute importance: la présence et l'action du Saint Esprit sur la terre.

Le corps n'est pas simplement une chose sauvée dans les conseils de Dieu; mais une chose vivante ici-bas, animée en vertu de son union avec la Tète, et par la présence du Saint Esprit en elle. C'est une chose réelle, effective, le Saint Esprit agissant ici-bas. Si deux sont fidèles à le reconnaître, ils y trouveront la bénédiction.

S'ils disaient: «Nous sommes le corps», en ne reconnaissant pas tous les membres, quelle que soit leur condition, ils cesseraient moralement d'en faire partie. Je reconnais les membres, mais nullement la condition où ils se trouvent. Ce principe est de toute importance.

Christ a donc attaché l'opération pratique de ce principe de l'unité du corps aux «deux ou trois,» et il les reconnaît par sa présence. Il a pourvu à ce que ce principe fût maintenu. Ainsi, dans tous les états de ruine, cette unité ne peut cesser, jusqu'à ce que lui cesse d'être la Tête, et le Saint Esprit d'être le guide et le consolateur envoyé ici-bas.

Dieu sanctionna l'établissement de Saül comme roi, il n'a jamais sanctionné qu'on abandonnât le Saint Esprit. Les «deux ou trois» prennent clairement comme principe de réunion, ce qu'était le temple, c'est-à-dire le lieu de la présence de Dieu. C'est ce qui fait toute la différence. C'est pourquoi, dans le schisme en Israël, les justes recherchaient le temple comme centre d'unité. Pour nous, David, c'est Christ par le Saint Esprit.

D'un autre côté, on ne peut agir sur le principe de gouvernement de l'Eglise, sauf en ce que le Saint Esprit est toujours puissance.

 

- 2 -

Je soupçonne que bien des frères se sont attendus à des choses qui ne m'ont jamais dirigé, et que leurs esprits ont été jetés dans la perplexité, quand ils ne les ont pas vues réalisées dans la pratique. Je n'ai jamais senti, par exemple, que l'objet de mon témoignage fût la capacité du Saint Esprit pour gouverner un corps visible. Je ne doute pas qu'il le puisse, mais je doute que cela s'applique aujourd'hui comme objet de témoignage. Cela ne convient pas à notre condition.

Ma confiance repose dans la certitude que Dieu nous bénira et nous maintiendra, si nous prenons la place où nous sommes en réalité. C'est celle de la ruine générale de la dispensation. Toutefois je crois que Dieu a pourvu au maintien du principe général de la dispensation (sauf la persécution), c'est-à-dire au rassemblement d'un résidu dans la consolation d'une puissance d'union, par la puissance et la présence du Saint Esprit, de sorte que Christ puisse là chanter des louanges.

A côté de cela il y a un ministère pour former, pour nourrir, etc. Parmi d'autres choses, le gouvernement peut avoir sa place, mais il est bon de se souvenir qu'en général le gouvernement a rapport au mal, et que, par conséquent, il est en dehors de la bénédiction positive; il a donc pour objet ce qu'il y a de moins élevé dans l'Eglise.

De plus, bien qu'il y ait un don de gouvernement, en général, le gouvernement n'est pas du même ordre que le don. Les dons servent ou administrent, on ne peut guère le dire du gouvernement. Les dons et le gouvernement peuvent être réunis, comme dans l'énergie apostolique. Les anciens étaient plutôt le gouvernement, mais ils n'étaient pas des dons.

Je crois que c'est surtout l'ordre de la partie gouvernementale qui a failli, et que nous devons aller sans elle, au moins d'une manière formelle. Cependant je suis loin de croire que Dieu n'ait pas pourvu à cet état de choses.

Je pense que «les frères» sont, pratiquement, beaucoup sortis de leur place et de la conscience de leur position; ils ont éprouvé leur faiblesse, et maintenant le Seigneur les enseigne. Pour ma part, lorsque j'ai vu tout en ruine autour de moi, ma consolation a été que là où deux ou trois sont assemblés au nom de Christ, il est là. Je ne cherchais ni le gouvernement ni rien d'autre. Or je crois que Dieu est fidèle et capable de maintenir la bénédiction.

Je crois que les grands édifices et les vastes rassemblements en corps ont été une faute; je l'ai toujours cru. En outre, je crois que maintenant (quoique cela ait été toujours vrai en pratique), si l'on a à agir à l'égard du mal, ce doit être par la conscience en grâce. Paul l'a toujours fait, bien qu'il eût la ressource d'une commission positive à lui donnée. Et je crois que deux ou trois ou un plus grand nombre réunis, avec quelques-uns parmi eux ayant le don de sagesse en grâce, peuvent, en trouvant la pensée du Seigneur, agir en discipline. Avec les soins pastoraux, c'est là le principal moyen en Matthieu 18, de tenir les saints réunis. Il est fait allusion à cet accord comme étant le signe de la puissance du Saint Esprit.

Je ne doute pas que plusieurs ne soient capables d'éclairer les consciences des autres. Mais c'est sur la conscience de l'ensemble du corps qu'il faut toujours agir; c'est elle qui doit être mise au clair. C'est ce qui caractérise toute action salutaire de ce genre, lors même qu'il y aurait la ressource d'un pouvoir apostolique actuel.

Cette ressource peut manquer là où le mal est entré, mais cela ne saurait annuler ce qui est dit: «Si deux s'accordent pour une chose,… elle sera faite».

Je ne vois donc aucune nécessité de la soumission au papisme, c'est-à-dire à l'unité charnelle par l'autorité de la chair; ni non plus la nécessité de rester seul, parce que Dieu a pourvu à un rassemblement des saints, fondé sur la grâce et maintenu par l'opération de l'Esprit. On peut sans doute faillir dans ce rassemblement par manque de grâce, mais de même que pour tout don restant, il a sa place; c'est là que la présence de Christ et l'opération de l'Esprit sont manifestés, mais doivent être maintenus sur le terrain de la condition où se trouve réellement l'Eglise; sans cela le rassemblement deviendrait une secte arrangée par l'homme, avec l'addition de quelques idées nouvelles.

Là où l'on se confiera en Dieu dans la position et en vue de la position où nous sommes, et où l'on sera satisfait de le trouver infailliblement présent avec nous, là je suis convaincu qu'il est suffisant pour tous les besoins et qu'il est fidèle pour y subvenir.

S'il est besoin de quelqu'un de plus sage qu'aucun de ceux qui sont réunis en quelque localité, ils sentiront humblement leur besoin, et Dieu leur enverra quelqu'un qui y répondra, s'il trouve ce moyen convenable.

Il n'y a d'autre remède au manque de grâce que la souveraine bonté qui conduit à la confession.

Si nous élevons notre autel, il nous servira de murailles (Esdras 3: 3). Dieu prendra soin de la visibilité du corps, comme il l'a toujours fait. On parlera de la foi du corps, et l'unité dans l'amour manifestera la puissance du Saint Esprit dans le corps.

Je ne doute nullement que Dieu ne suscite pour nos besoins ce que ces besoins requièrent dans la position où il nous a placés et dont nous avons l'intelligence. Si nous songions à rétablir l'Eglise, je dirais: que Dieu nous en garde! J'aime mieux être près de la fin, pour vivre et mourir pour elle dans le service, là où elle est, comme chère à Dieu. C'est là mon désir et ma vie.