La prière

 ME 1883 page 461

 

La prière. 1

Prière privée, ou pour soi-même. 2

La prière privée pour d'autres. 4

La prière en public. 5

 

Il y a dans la prière deux grands éléments. Premièrement, j'ai le sentiment de mon besoin, et, en second lieu, je sais que Dieu a la bonté et la puissance nécessaires pour m'aider. Quoique bien d'autres avantages appartiennent à la prière, ces deux choses ne peuvent jamais en être absentes. Ainsi ces paroles: «Voici, il prie,» sont la preuve que Saul de Tarse était converti. C'était l'opposé de cette confiance en soi-même que l'homme porte avec lui depuis la chute; c'est le langage de la conversion. La confiance en Dieu est éveillée, on a le sentiment qu'il y a en lui de la bonté et qu'il a constaté «son amour à lui envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous». La vue de Jésus sur la croix, par exemple, fait naître la confiance dans le coeur du brigand, et il s'adresse au Seigneur en priant: «Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume». Quand la confiance envers Dieu est éveillée dans mon âme, en même temps que le sentiment de mon incapacité pour faire face aux difficultés, alors je me tourne vers Dieu.

Or quand cela a eu lieu d'une manière réelle, non seulement je trouve le secours quant à ce qui m'a amené à me tourner vers Dieu, mais par le fait même que je me suis approché de lui, je suis éclairé. La cause qui m'a conduit à prier peut ne ressembler en rien au gain que je trouve dans la prière. Ainsi le prodigue vient pour demander beaucoup moins que la grâce ne lui donne, et c'est en venant qu'il l'apprend. De même le brigand prie pour obtenir une bénédiction bien moins grande que celle qu'il reçoit. Celui qui reçoit, vient à Celui qui a tout à donner. La distance entre Dieu et moi, sa grandeur de toute manière, est incommensurable, et en conséquence, venir à lui doit, par là-même, me procurer des avantages que je n'attendais pas. Sa grâce dit: «Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous;» et encore: «Qu'as-tu, que tu n'aies reçu?» Ainsi, venir à lui nous assure le plus grand gain, savoir le sentiment de ce qu'il est.

Nous pouvons considérer la prière sous trois points de vue: la prière privée, ou pour soi-même; la prière pour d'autres, ou pour l'oeuvre du Seigneur; et enfin, la prière dans l'assemblée.

Prière privée, ou pour soi-même

Ici, plus notre confiance en Dieu sera grande, plus nous lui ferons connaître pleinement et en détail toutes nos requêtes. Plus je sentirai mon incapacité pour faire quoi que ce soit, en étant assuré en même temps que Dieu prend soin de moi, plus je lui soumettrai toutes choses. Et lorsque cela a lieu en réalité, l'effet qui en résulte est très sensible. Les circonstances me troublent d'autant plus que je sens davantage mon impuissance; mais lorsque j'expose à Dieu toutes mes requêtes, «la paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence», garde mon coeur et mes pensées dans le Christ Jésus. Ainsi, comme je l'ai déjà dit, il y a un gain immense à s'approcher de Dieu et à le faire, d'une manière consciente, le dépositaire de nos soucis, comme il est écrit: «Rejetant sur lui tout votre souci, car il a soin de vous». C'est parce qu'il prend soin de nous; et lorsque dans notre coeur nous en avons le plein sentiment, avec celui de notre incapacité, nous nous réjouissons de l'accès qu'il nous accorde d'avoir auprès de lui.

Toute souillure sur ma conscience, toute revendication de ma propre force, m'empêchent de me décharger complètement sur Dieu du fardeau de mes anxiétés. S'il y a une souillure, j'hésite à m'approcher, et s'il y a quelque confiance en ma propre force, je me confie nécessairement moins en lui. Il faut cependant se rappeler que le cri de celui qui est dans le besoin est entendu, comme nous le lisons au Psaume 107; que, si loin du Seigneur que puisse être le croyant, son cri est entendu de lui. Se tourner vers Dieu à l'heure de la détresse, reçoit une réponse. Plus d'un enfant de Dieu, poursuivant sa propre volonté, et tout à fait en dehors du témoignage de Dieu pour le moment, a trouvé l'aide auprès de lui quand il a prié. Les choses lui ont été données, parce qu'il les a demandées, afin, pour ainsi dire, de l'encourager à demander davantage. Mais le croyant qui ne jouit pas de la communion avec Dieu, bien qu'il ait été souvent exaucé et secouru, ne s'approche pas assez de Dieu pour avoir la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence, et qui garde le coeur et les pensées dans le Christ Jésus. Si je n'ai pas la paix avec Dieu, je ne puis approcher de lui de manière à lui être assimilé quant à mon état, c'est-à-dire pour avoir sa paix, effet merveilleux! Ainsi qu'il est dit: «Contemplant la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en esprit».

Dans la prière privée, nous avons aussi l'Esprit qui «nous est en aide dans notre infirmité, car nous ne savons pas ce qu'il faut demander comme il convient; mais l'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables; et celui qui sonde les coeurs sait quelle est la pensée de l'Esprit, car il intercède pour les saints selon Dieu». Dans ma prière secrète, je suis assuré que l'Esprit de Dieu, habitant en moi, s'intéresse tellement à moi, qu'il intercède pour moi avec ardeur; et Dieu, qui sonde mon coeur, constate, non d'après mes paroles, mais d'après l'intercession de l'Esprit, ce qui me convient réellement.

N'est-il pas merveilleux que je sois maintenant, par grâce, en de tels termes avec le Dieu bienheureux, que je puisse lui parler librement? Comme il est dit dans un passage de la première épître à Timothée: «Toute créature est sanctifiée par la parole de Dieu et par la prière,» le mot traduit par prière (*) signifie «commerce avec quelqu'un;» c'est une personne s'adressant personnellement à une autre. Ainsi Dieu me parle, et moi je m'adresse à lui. Or, c'est lorsque nous sommes dans l'Esprit que nous apprenons ce que l'Esprit demande pour nous, et c'est alors, je pense, que nous acquérons la connaissance de la volonté de Dieu relativement à ce que nous avons sur le coeur devant lui. Alors aussi, nous avons de la foi pour demander quelque chose, tandis que nous ne l'avons pas pour une autre. Si j'ose dire ainsi, cela a pour type les Urims et Thummims. Je viens au Seigneur pour toute chose; dans chaque cas, je reçois la paix de Dieu; mais, en outre, je puis savoir que telle chose est selon sa volonté. «Si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute; et si nous savons qu'il nous écoute, quoi que ce soit que nous demandions, nous savons que nous avons les choses que nous lui avons demandées». A moins d'aller à lui, je ne puis pas connaître la pensée du Seigneur touchant une chose quelconque. Si je reste à mon propre niveau ou à celui de l'homme, je suis influencé par les sentiments naturels; ce n'est qu'autant que je suis enfermé avec lui, libre de toute action extérieure, que je reçois l'impression de sa pensée, non d'après quelque chose qui me soit dit, mais par l'effet de mon association avec lui. Je me trouve au festin de la sagesse; je mange de son pain et je bois de son vin (Proverbes 9: 1-5). Je suis dans le sanctuaire de Dieu, nourri là en communion avec sa pensée. Toute ma sagesse s'évanouit en présence de la sienne, et je suis influencé et transformé de telle sorte que je vois les choses selon son plaisir. Ainsi, quand je prie, particulièrement touchant une chose, non seulement je viens à lui, confiant dans son amour, mais je cherche aussi ce qu'il pense à l'égard de cette chose. J'ai affaire à un plus grand que Salomon.

(*) Voir la note sur 1 Timothée 4: 5, dans la version nouvelle, édition de 1872.

On peut donc prier avec foi dans la confiance simple que l'on sera entendu, comme firent les apôtres quand ils retournèrent vers les leurs (Actes des Apôtres 4: 23); ou bien l'on peut être corrigé quant à ce que l'on désire, comme Paul le fut, après qu'il eut prié trois fois pour que l'écharde dans sa chair fut enlevée (2 Corinthiens 12: 8). Dans le premier cas, ils étaient dans le plein courant de la pensée du Seigneur; mais, dans le second, la pensée du Seigneur n'était pas en harmonie avec le désir de l'apôtre; mais aussitôt qu'il connaît cette pensée, il est tout à fait heureux, et son propre esprit entre dans un accord parfait avec la pensée du Seigneur.

Je crois que lorsqu'on s'attend simplement au Seigneur, on est influencé de manière à se trouver en conformité avec sa pensée, sans le sentir, pour ainsi dire. Ainsi Moïse avait si bien appris sur la montagne ce qui convenait à Dieu, que lorsqu'il est appelé à retourner au milieu des Israélites tombés dans l'idolâtrie, il sait comment il doit agir pour Dieu. Et de même, quand le Psalmiste troublé est entré dans le sanctuaire, les choses lui apparaissent tout autres que lorsqu'il était dehors.

Je n'ai pas besoin d'en dire davantage sur la prière privée, si ce n'est que c'est dans le secret que l'on apprend à connaître Dieu, et c'est de là seulement que l'on peut utilement entrer dans la prière pour d'autres, en particulier ou en public.

La prière privée pour d'autres

Les douze disaient à la multitude: «Pour nous, nous persévérerons dans la prière et le ministère de la Parole» (Actes des Apôtres 6: 4). Il est intéressant de remarquer comment ces deux choses sont rapprochées ici, comme la fin du chapitre 10 et le commencement du chapitre 11 de l'évangile de Luc. Plus je connais les desseins de Dieu pour son peuple, plus je connais le coeur de Christ pour les siens, plus aussi je m'adresserai à lui, afin qu'il ouvre leurs coeurs pour recevoir ce qu'il a communiqué. C'est ainsi que nous voyons les apôtres prier pour les saints; et, ce qui est très remarquable, l'apôtre Paul dans ses prières, spécialement quand il écrit aux Ephésiens, combine les deux choses, c'est-à-dire qu'il prie pour eux afin qu'ils saisissent la vérité qu'il communique dans sa prière. Cela dit beaucoup pour nous. Quoique personne ne puisse atteindre à la hauteur de l'apôtre, nous pouvons cependant tous tirer une leçon de ses prières. Je ne puis ici indiquer toutes ses prières, mais elles présentent une individualité marquée.

Il nous est recommandé de faire des prières et des supplications pour tous les saints, et assurément il y a quelque chose de particulier à demander pour chacun de ceux que nous connaissons. Je ne dis pas que ce soit toujours exprimé, mais on a la conscience que l'on s'adresse au Seigneur particulièrement pour chacun; et on le fait non seulement pour le témoignage de son nom là où il y a une assemblée des siens, mais on sent que l'on peut recommander un frère à Celui qui le connaît beaucoup mieux que nous et qui l'aime infiniment plus. Il y a ainsi pour nous un grand gain à prier pour d'autres. Comme l'on est près du Seigneur, on prend part à ce qui l'intéresse et l'occupe, et ces ruisseaux de son amour passant à travers notre coeur, le rafraîchissent et y engendrent une variété de sentiments divins qui le fait ressembler à une terre fertilisée, de plus en plus productive. Assurément, chacun de nous devrait pouvoir dire de coeur ces paroles de Samuel: «Pour moi, Dieu me garde que je pèche contre l'Eternel en cessant de prier pour vous» (1 Samuel 12: 23). La prière est à la fois la position de la dépendance et de la confiance, et suppose le sentiment de ma propre impuissance, avec l'assurance du secours de Dieu. Si le jour le plus brillant, celui où Dieu a donné la plus grande démonstration de sa puissance en faveur de son peuple, a été marqué par la prière, combien plus devrait-il en être ainsi pour le jour de notre faiblesse! Or c'est la prière qui caractérisait spécialement Samuel, le dernier de cette période qui est le type du temps où nous sommes, et que Josué commença. Chacun sait combien différemment il agira envers le saint pour lequel il prie, et celui pour lequel il n'a pas pris cet intérêt.

Il y a deux cas spéciaux dont je dois dire un mot: les malades et les pécheurs. Quant au malade, on peut avoir la foi qu'il sera rétabli, mais nous voyons que cela est assigné aux anciens. Or je pense que ce mot désigne le caractère de ceux qui sont propres, par leur jugement et leur expérience, à entreprendre ce précieux service (Jacques 5: 14, 15). Comme règle, nous pouvons conclure que le malade sera rétabli, à moins qu'il n'ait achevé sa course ou que, moralement, il ne soit impropre à rester ici-bas. Cela nous conduit au second cas, celui du pécheur. Nous lisons en 1 Jean 5: 16: «Si quelqu'un voit son frère pécher d'un péché qui ne soit pas à la mort, il demandera pour lui, et il lui donnera la vie, savoir à ceux qui ne pèchent pas à la mort. Il y a un péché à la mort; pour ce péché-là, je ne dis pas qu'il demande». Ici, il nous est dit de faire une différence entre les péchés, — l'un n'étant pas à la mort, et pour lequel nous pouvons prier, tandis que pour le péché à la mort, nous ne devons pas prier. Je pense que ce dernier est un attachement invétéré à une mauvaise habitude. Je ne sais rien, dans la voie de la grâce, qui soit plus douloureux pour l'esprit que de prier pour un infidèle arrogant, ou pour quelqu'un qui admet sa culpabilité, mais qui n'est pas brisé par elle. Mais ici, comme dans tout autre cas, plus nous serons près du Seigneur, et mieux nous connaîtrons sa pensée à l'égard d'une telle personne.

Mais il y a un encouragement tout particulier à prier pour ceux qui marchent bien, ainsi qu'il est dit: «Priez pour nous, car nous croyons que nous avons une bonne conscience, désirant de nous bien conduire en toutes choses» (Hébreux 13: 18).

J'ajouterai maintenant quelques mots sur la prière en public

La prière en public

Tout frère a la liberté de prier en public. On peut le conclure de ce passage: «Je veux donc que les hommes prient en tout lieu, élevant des mains saintes, sans colère et sans raisonnement». Je crois aussi que l'homme qui devient le plus propre à présenter la parole de Dieu à d'autres, par la prédication ou l'enseignement, est celui qui a d'abord essayé ses ailes dans la prière en public; je veux dire que son service public a commencé dans les réunions de prières. Je crains l'homme qui veut prêcher, et dont la voix ne se fait jamais entendre dans la prière. Le plus fervent à la réunion de prières, sera aussi le plus puissant pour réveiller les âmes.

Or, dans la réunion de prières, nous nous rassemblons pour nous attendre à Dieu, afin que nous soyons conduits à agir ici pour sa gloire, et afin que les intérêts de Christ fixent pleinement notre attention. Tels sont: l'état des âmes dans chaque circonstance, dans la douleur, la maladie, ou dans le péché, le profond sentiment dans nos coeurs de notre responsabilité à faire connaître la vérité de l'évangile, non en partie, mais toute la vérité, — le mystère de l'évangile. Je pense que lorsqu'on est de plein coeur dans la réunion de prières, il doit y avoir une ardente supplication à Dieu afin que les âmes soient bénies, et que le bon plaisir de sa volonté soit connu et suivi par les saints, comme il est dit d'Epaphras: «Combattant toujours pour vous par des prières, afin que vous demeuriez parfaits et accomplis dans toute la volonté de Dieu» (Colossiens 4: 13).

Je ne puis pas prier dans l'assemblée au delà de la connaissance que j'ai, mais ce serait une grave erreur de penser qu'il n'y a rien à demander au delà de la mesure de ma connaissance. Je puis comprendre que celui qui est pasteur se borne, dans la prière, à exposer l'état des âmes auxquelles il s'intéresse; que celui qui enseigne parle des sujets qu'il a le plus à coeur pour les saints; et que l'évangéliste prie pour la conversion des âmes. Chacun fait bien, c'est un vrai service, mais assurément, si l'un d'eux affirmait que ce à quoi il s'intéresse est suffisant et complet, ce serait éteindre l'Esprit, Au contraire, le serviteur le plus fidèle dans l'oeuvre qui lui est propre, se réjouit le plus de voir prospérer tout autre travail, parce que c'est l'oeuvre du Seigneur, et il désire toujours connaître plus pleinement le conseil du Seigneur, car cela sera permanent.

La réunion de prières sera toujours bonne, quand les âmes sont portées, pour ainsi dire, comme Moïse sur le mont Pisga, pour voir le champ des desseins de Dieu, «capables de comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur, et la profondeur et la hauteur, — et de connaître l'amour du Christ, qui surpasse toute connaissance; afin que vous soyez remplis jusqu'à toute la plénitude de Dieu». Alors sûrement il y aura un plus grand combat de prières pour que les saints connaissent le mystère de Dieu, selon l'exhortation de Paul: «Et priez pour moi, afin qu'il me soit donné de parler à bouche ouverte pour donner à connaître avec hardiesse le mystère de l'évangile».

Le Seigneur veuille l'accorder.