Fragments de lettres

 

Fragments de lettres. 1

ME 1884 page 39. 1

ME 1884 page 60. 2

ME 1884 page 93. 2

ME 1884 page 115. 5

ME 1884 page 135. 7

ME 1884 page 276. 9

ME 1884 page 299. 11

ME 1884 page 379. 12

ME 1884 page 419. 13

 

ME 1884 page 39

Pau, 18 décembre 1879

… Je travaille de sept heures du matin à onze heures du soir… puis j'ai en général bien des choses qui pèsent sur le ressort de ma responsabilité. Mais je les remets à Celui qui est plus fort que tout ce que peut exiger ce pauvre monde, et pour qui poids n'est pas poids. Il dirige tout comme je dirigerais une voiture étant assis, et fait tout aller selon les conseils de sa volonté. Il est bon de voyager ainsi et le Seigneur est fidèle pour faire contribuer toutes choses au bien de ceux qui l'aiment.

J'ai trouvé beaucoup de joie dans la pensée que toute la vie, la sainteté, la condition de l'âme ici-bas, n'est que la réalisation de ce que nous posséderons là-haut. C'est toujours Christ et devant le Père (voyez 1 Thessaloniciens 3: 12, 13). Cela nous place bien là en Lui (et Lui en nous), sauf que nous avons le trésor dans un vase d'argile et que nous croissons à la mesure de la stature de la plénitude de Christ. Il n'y a pas deux saintetés. La sainteté chrétienne est la même que nous aurons devant notre Dieu et Père quand nous reviendrons avec Christ. Mais, quoique la chose se réalise avec Dieu, il faut qu'elle se lie à la communion fraternelle, parce que l'amour est aussi dans la nature de Dieu. La séparation du mal se réalise en demeurant en lui et cela est manifesté dans l'amour les uns pour les autres…

ME 1884 page 60

Londres, 2 septembre 1881

… J'ai été au plus bas, en sorte que je ne savais pas si je me relèverais… Je n'ai pas senti la mort, car Dieu (et si nous ne nous sommes pas jugés, Satan) travaille spécialement dans ce moment-là; mais, très incertain si je me relèverais, je me suis trouvé en vue de ma fin, et j'ai été étonné du peu de différence que cela me faisait: Christ, le précieux Sauveur, avec moi pour le chemin, puis, moi avec lui par grâce, pour toujours; cela n'avait pas changé… Christ est tout, mon cher; tout le reste disparaîtra; mais Lui (son nom soit béni) jamais. Celui qui ne prend pas à honte de nous appeler ses frères est néanmoins assis sur le trône du Père. C'est une merveilleuse rédemption et celui qui l'a accomplie est infiniment précieux…

Tenons-nous près du Seigneur, car il nous veut là, et connaissons notre néant. L'état vraiment chrétien, c'est qu'il n'y ait pas une pensée ni un sentiment dans notre coeur, dont il ne soit pas la source. C'est la réalisation de cette parole: «Vivre c'est Christ», mais quelle grâce et quelle vigilance il faut, pour que nous en approchions…

 ME 1884 page 93

Italie, 187.

Bien cher frère,

Le commencement de votre lettre m'a fait penser que vous aviez rencontré ces faux docteurs dont vous parlez. Il est vrai que nous ne sommes scellés du Saint Esprit qu'après avoir cru, mais ce n'est pas là être né de Dieu. Si la présence du Saint Esprit était la vie, chaque chrétien serait une incarnation du Saint Esprit.

Nos corps sont les temples du Saint Esprit que nous avons de Dieu; être né de Dieu est autre chose. Nous n'avons rien quant à l'état dans lequel nous nous trouverons, état voulu pour nous dans les conseils de Dieu, mais nous avons tout, subjectivement, pour pouvoir en jouir. Nous avons sûrement la vie éternelle. Quand il est dit: «C'est ici la promesse qu'il nous a faite: la vie éternelle» (1 Jean 2: 25), la question n'est pas si nous l'avons ou ne l'avons pas, mais ce qu'est la promesse de Dieu. Mais le témoignage de Dieu est «que Dieu nous a donné la vie éternelle; et cette vie est dans son Fils: celui qui a le Fils a la vie; celui qui n'a pas le Fils de Dieu n'a pas la vie» (1 Jean 5: 11, 12). Christ est la vie éternelle descendue d'auprès du Père.

Il est bien parlé de la vie éternelle à la fin de Romains 6, parce que la vie éternelle, telle que Dieu l'entend dans son propos arrêté, est dans la gloire quand nous serons semblables à Christ, mais nous sommes déjà vivifiés. Jean 5: 24, dit: «Il a la vie éternelle; il est passé de la mort à la vie;» et au verset 25, il ajoute que cette heure était déjà là. Voyez encore Jean 3: 36. Nous sommes engagés à nous tenir «pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus» (Romains 6: 11). «Je suis crucifié avec Christ, et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi» (Galates 2: 20). «Quand nous étions morts… il nous a vivifiés ensemble avec le Christ» (Ephésiens 2: 5). Nous sommes assis seulement en Christ, et c'est la puissance qui a agi en nous. Dieu ne vivifie pas dans le ciel des méchants qui y arrivent morts dans leurs péchés, et l'âme n'est pas dans le tombeau avec le corps. Ce qui est né de l'Esprit est esprit. Lisez encore Jean 6: «En vérité, en vérité, je vous dis: Celui qui croit en moi, a la vie éternelle» (verset 47). Or ici, c'est par la foi, et ici-bas. «Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement» (verset 51). Si on ne le mange pas on n'a pas la vie en soi-même. «Celui qui mange ma chair, et qui boit mon sang, a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour» (verset 54). C'est-à-dire que la résurrection est autre chose: il a la vie, et, assuré pour l'éternité, il ressuscitera au dernier jour. «Celui qui mangera de ce pain vivra éternellement».

Rien ne me semble plus clair que la doctrine de la Parole sur ce sujet, sous diverses formes: né de l'Esprit, vivifié par Christ, par la foi, en le recevant comme pain de vie. Il tient à rendre le croyant parfaitement assuré sur ce point. Celui qui a le Fils, a la vie. Christ est ma vie. Le don du Saint Esprit est tout autre chose: il est le sceau de la foi. Après avoir cru, j'ai été scellé. Nous sommes des fils de Dieu par la foi en Jésus Christ; et parce que nous sommes fils, Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans nos coeurs, criant: Abba, Père.

Autre question: Cette foi est-elle de moi, ou de Dieu (ce dont je ne doute nullement)? Elle est en moi, mais par le fait que la grâce a opéré en moi. «Celui qui nous lie fermement avec vous à Christ, et qui nous a oints, c'est Dieu» (2 Corinthiens 1: 21).

 «Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu» (Ephésiens 2: 8). Je sais bien qu'on dit que le mot «cela» ne s'accorde pas grammaticalement avec «foi». Soit, mais il ne s'accorde pas davantage avec «grâce;» et dire que la grâce «ne vient pas de nous» est un non-sens, car la grâce vient d'un autre; tandis qu'on pouvait dire, comme on le dit en effet: Sans doute, mais la foi vient de nous. C'est pourquoi l'apôtre ajoute: Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu.

Mais je reviens à la question principale: on est enfant, né de Dieu, avant d'être scellé. «De sa propre volonté, il nous a engendrés par la parole de la vérité, afin que nous soyons comme des prémices de ses créatures» (Jacques 1: 18). Dieu nous a engendrés de sa propre volonté. On ne s'engendre pas soi-même. On ne croit pas à une vie communiquée, quand on ne croit pas que c'est la grâce qui la communique. Les Wesleyens ne croient pas à une vraie vie communiquée. Ils ne voient qu'un résultat, produit par l'opération du Saint Esprit, et ce résultat peut disparaître et reparaître. Celui qui est né de Dieu, ayant reçu cette vie, en tant que né de Dieu ne pèche pas; le malin ne le touche pas. Dans cette vie il n'y a pas de péché au dedans. C'est la semence divine; il n'y a pas d'appât pour elle dans les choses que Satan présente.

Quant à la délivrance et au sceau du Saint Esprit, ce n'est pas seulement le fait d'avoir la vie qui me délivre. C'est bien l'Esprit de vie en Jésus Christ qui m'a affranchi (preuve de plus que j'ai la vie), mais il y a aussi la rédemption et le Saint Esprit. Voici l'ordre de ces choses, ainsi que je le vois dans la Parole. Le bien-aimé Sauveur est mort pour mes péchés. J'y crois par la grâce et je possède la rémission des péchés. (J'ai pu posséder la vie auparavant par la foi en sa personne, sans comprendre l'efficace de sa mort). Là-dessus, étant lavé dans le sang de Jésus, je suis scellé du Saint Esprit. Là est la force et la liberté. C'est ainsi que, dans l'Ancien Testament, le lépreux était lavé avec de l'eau, puis on faisait l'aspersion du sang sur lui; et seulement alors il était oint d'huile. C'est ainsi que Pierre dit: Soyez baptisés pour la rémission des péchés, et vous recevrez le don du Saint Esprit. Il en est de même de Corneille: aussitôt que Pierre parle de la rémission des péchés par Jésus, le Saint Esprit descend sur les auditeurs. Nous trouvons la même vérité dans Romains 5. Il y a la liberté. Mais, pour que l'âme soit réellement affermie, une autre vérité est nécessaire, c'est que nous sommes morts avec Christ. Il ne s'agit plus des péchés, mais du vieil homme; non de ce que nous avons fait, mais de ce que nous sommes comme enfants d'Adam. Ce sujet commence avec Romains 5: 12. Par la désobéissance d'un seul, est-il dit, nous sommes constitués pécheurs. Mais, étant mort avec Christ, je ne suis plus dans la chair. Non seulement les péchés du vieil homme sont effacés, mais je suis dans une nouvelle position. Je suis en Christ, au lieu d'être en Adam. Là il n'y a aucune condamnation. Alors il montre ce que cela veut dire: l'état nouveau, la loi de l'Esprit de vie; puis, «ce que la loi ne pouvait faire, parce qu'elle était faible par la chair, Dieu envoyant son Fils en ressemblance de chair de péché et (comme sacrifice) pour le péché, a condamné le péché dans la chair;» mais c'est dans la mort que cela a eu lieu. Ainsi condamné, le péché dans la chair n'existe plus pour la foi. Je puis parler ainsi, parce que Christ ressuscité étant devenu ma vie, je ne reconnais plus la chair comme vivante, puisque lui a été réellement mort pour moi, lui qui seul est ma vie, mon moi. Je ne reconnais pas la chair; Sa mort est valable pour moi à cet effet (6: 10, 11). On arrive à cela par la connaissance expérimentale qu'il n'existe pas de bien en moi, puis, que le péché en moi n'est pas moi, mais qu'il est trop fort pour moi. L'ayant appris, la rédemption et la puissance de l'Esprit me délivrent, et je sais que je suis en Christ. L'apôtre, pour lui donner toute sa force, raconte cette expérience comme faite sous la loi (et elle est toujours légale). Elle peut se faire après avoir appris la rémission des péchés.

J'ai donc très réellement la vie aussitôt que je crois, que je reçois Christ, et, brebis vivifiée de Christ, je ne pourrai jamais être arraché de ses mains (le 10e chapitre de Jean le démontre), et encore, je suis affranchi par la rédemption et la puissance de l'Esprit de Dieu, dont je suis scellé en vertu de cette rédemption, et je me tiens pour mort quant à la chair.

Quant au baptême, j'avoue que je n'ai aucun goût pour les discussions sur ce point. Je ne doute pas que chacun ne dût être baptisé, mais il n'en est pas moins vrai que le baptême ne faisait pas partie de la mission de Paul. La position des frères, selon moi, est de se trouver au milieu d'une masse de baptisés (sauf de rares exceptions), et ils ont à réunir, autant que possible, les vrais chrétiens dans l'unité du corps. Je crois que le baptême est l'admission dans la maison de Dieu où se trouvent placées ses bénédictions, comme elles se trouvaient dans l'olivier franc, en Israël sorti d'Egypte (voyez 1 Corinthiens 10). On a oublié qu'il y a non seulement une grâce personnelle, mais un endroit où la bénédiction se trouve. Le méchant serviteur, en Matthieu 24, était serviteur; le Seigneur était son Seigneur; le serviteur était puni comme tel. Je crois que, selon la Parole, les enfants ont droit à être admis là où sont les bénédictions (1 Corinthiens 7: 14). Mais je crois que Dieu a voulu laisser le baptême dans l'ombre. Les douze étaient envoyés pour baptiser les nations. Paul n'était pas envoyé pour baptiser. L'ordonnance n'a pas été abrogée, et si quelqu'un croit qu'il n'a pas été baptisé, il devrait l'être. Ce que je crains, c'est qu'on ne s'en occupe de telle manière, que Christ devienne moins le seul objet du coeur et des pensées; c'est qu'on attache à une ordonnance extérieure, une importance qui la déplace réellement dans les pensées chrétiennes. C'est pourquoi, je n'ai jamais cherché à amener quelqu'un à l'une des vues plus qu'à l'autre. L'activité de ceux qui avaient des vues baptistes, et la manière dont ils ont insisté sur leur manière de voir, a produit une réaction; un très grand nombre de baptistes sont devenus pédobaptistes, cela a vexé ceux qui restaient, et les pensées ont été ainsi amenées sur ce sujet. La chose à désirer, c'est le calme, et alors chacun décidera selon sa conscience, plus ou moins éclairée par la Parole. Je crois voir la sagesse de Dieu qui a laissé le baptême dans l'ombre. Paul qui dit n'avoir pas été envoyé pour baptiser, a eu une révélation spéciale pour la cène, quoique celle-ci existât déjà. Elle est l'expression de l'unité du corps.

Je suis en ce moment en Italie, possédant assez la langue pour m'entretenir avec les frères. Je ne prêche pas. Il n'y a qu'une poignée de frères, mais ils vont bien. L'état de l'oeuvre en général est déplorable. Les «églises» formées par les diverses sectes sont remplies même d'immoralité. En bien des endroits, les hommes de conscience les quittent, et elles se dissolvent peu à peu; il y a néanmoins un bon nombre d'âmes converties, dispersées dans le pays, et pour ma part je suis plein d'espoir. Mais il faudrait un ouvrier dévoué, et plus d'un. Les ouvriers payés ne manquent pas, mais ils sont trop au service de ceux qui les paient… Paix vous soit, bien-aimé frère; que Dieu soit abondamment avec vous… Votre tout affectionné

 ME 1884 page 115

 1847

Mon cher ami et frère en Jésus Christ,

J'ai reçu avec beaucoup de plaisir votre traduction de… Je réserve le plaisir de la lire, ou plutôt de me l'entendre lire, pour des moments où le Seigneur me dira comme à ses disciples: «Venez à l'écart vous-mêmes et vous reposez un peu». Mais, cher ami, je ne puis m'empêcher de vous dire que le plaisir que m'a procuré l'apparition de votre ouvrage, a été un peu gâté par l'opinion beaucoup trop favorable exprimée sur moi dans votre préface. Avant d'avoir lu un mot de votre traduction, j'en offris un exemplaire à un très cher et sincère ami, qui me rapporta que vous aviez parlé louangeusement de ma piété dans votre préface. Ce passage, quand je le vis plus tard, produisit sur moi le même effet que sur l'esprit de mes amis. J'espère donc que vous ne prendrez pas en mauvaise part les choses que j'ai à vous dire sur ce sujet et qui sont le fruit d'une assez longue expérience. L'orgueil est le plus grand des péchés qui nous assaillent; de tous nos ennemis, c'est celui qui meurt le plus lentement et le plus difficilement. Même les enfants du monde sont capables de discerner cela. Madame de Staël disait sur son lit de mort: «Savez-vous ce qui meurt en dernier lieu dans l'homme? C'est l'amour-propre». Dieu hait l'orgueil avant tout, parce qu'il donne à l'homme la place qui appartient à Celui qui est exalté au-dessus de toutes choses. L'orgueil interrompt la communion avec Dieu et attire ses châtiments, car Dieu résiste aux orgueilleux, et la Parole nous dit qu'il y a un jour assigné où «l'élévation des hommes sera humiliée, et les hommes qui s'élèvent seront abaissés» (Esaïe 2: 17). Aussi, mon cher ami, vous sentirez, je n'en doute pas, que l'on ne peut faire un plus grand tort à son prochain qu'en le louant et en nourrissant son orgueil. «L'homme qui flatte son prochain étend le filet devant ses pas» (Proverbes 29: 5), «et la bouche qui flatte fait tomber» (Proverbes 26: 28). Soyez certain, d'autre part, que notre vue est beaucoup trop courte, pour nous rendre capables d'apprécier le degré de piété de notre frère; nous ne sommes pas capables d'en prendre la mesure exacte sans les balances du sanctuaire, mais elles sont dans la main de Celui qui sonde les coeurs. «Ainsi ne jugez rien avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne… qui manifestera les conseils des coeurs; et alors chacun recevra sa louange de la part de Dieu» (1 Corinthiens 4: 5). Jusqu'à ce moment, apprécions nos frères, soit en bien, soit en mal, avec la modération qui convient; souvenons-nous aussi que le jugement le plus sûr et le meilleur est celui que nous portons sur nous-mêmes, quand nous estimons que les autres nous sont supérieurs.

Si je vous demandais comment vous savez que je suis «un des hommes les plus avancés dans la carrière chrétienne» et «un éminent serviteur de Dieu», vous seriez sans doute en peine de me répondre. Peut-être citeriez-vous les oeuvres que j'ai publiées, mais ne savez-vous pas, mon cher ami et frère, que vous pouvez prêcher un sermon édifiant tout aussi bien que moi; que l'oeil (comme dit un proverbe) voit plus loin que les pieds ne vont, et que malheureusement nous ne sommes pas toujours, ni en toutes choses, ce que sont nos prédications; enfin, que «nous avons ce trésor dans des vases de terre, en sorte que l'excellence de la puissance soit de Dieu et non pas de nous?» Je ne veux pas vous dire l'opinion que j'ai de moi-même, car en le faisant, je chercherais probablement, d'un bout à l'autre, ma propre gloire, et tout en la cherchant, je paraîtrais humble, ce que je ne suis pas. Je devrais plutôt vous dire ce que notre Maître pense de moi. Lui qui sonde le coeur et dit la vérité, qui est l'Amen et le Témoin fidèle, m'a souvent parlé dans le secret de mon âme, et je lui en rends grâces. Mais, croyez-moi, il ne m'a jamais dit que je sois un chrétien éminent et avancé dans les voies de la piété; au contraire, il me dit très clairement que si je connais la place qui me convient, c'est celle du premier des pécheurs et du dernier de tous les saints. A coup sûr, cher ami, je dois accepter son jugement plutôt que le vôtre. Le chrétien le plus éminent est l'un de ceux que personne ne connaît, dont personne n'a jamais entendu parler, quelque pauvre ouvrier ou serviteur, dont tout le bonheur est Christ, et qui fait tout pour son regard et pour son approbation. Les premiers seront les derniers. Encourageons-nous, cher ami, à célébrer le Seigneur seul. Lui seul est digne d'honneur, de louange et d'adoration; sa bonté n'est jamais suffisamment estimée. Le cantique des saints (Apocalypse 5) ne célèbre que Celui qui les a rachetés par son sang. Il ne contient pas un mot de louange pour aucun d'entre eux, pas un mot qui les range parmi les éminents ou non-éminents; toute distinction se perd dans le titre commun de «rachetés», qui est le bonheur et la gloire de leur compagnie tout entière. Efforçons-nous de mettre nos coeurs à l'unisson avec ce cantique auquel, nous le savons, nos faibles voix se mêleront un jour. C'est notre bonheur dès ici-bas, et nous contribuerons ainsi à la gloire de Dieu, rabaissée par les louanges mutuelles dont les chrétiens se gratifient trop souvent entre eux. Nous ne pouvons avoir deux bouches, l'une pour louer Dieu, l'autre pour louer l'homme. Faisons donc maintenant ici-bas ce que les séraphins font là-haut. De deux ailes ils couvrent leur face en signe de confusion devant la sainte présence du Seigneur, des deux autres ils couvrent leurs pieds pour se cacher leur marche à eux-mêmes, et des deux dernières ils volent pour exécuter le désir de leur Maître, tandis qu'ils ne cessent de dire: «Saint, saint, saint est l'Eternel des armées; toute la terre est remplie de sa gloire».

Excusez ces quelques paroles d'exhortation chrétienne qui, j'en suis sûr, tôt ou tard, vous deviendront utiles en faisant partie de votre propre expérience. Souvenez-vous de moi dans vos prières, comme j'implore la bénédiction du Seigneur sur vous et sur vos travaux.

Si jamais vous publiez une seconde édition de votre ouvrage, veuillez, je vous prie, d'après ce que je vous en ai dit, retrancher tous les passages sur lesquels j'ai attiré votre attention, et m'appeler simplement frère et serviteur du Seigneur. C'est un honneur suffisant qui n'a besoin d'aucune addition.

Votre ami et frère.

 ME 1884 page 135

187.

Bien cher frère,

Votre lettre demande un sérieux examen. Je suppose, en principe, que nous soyons au clair sur un point, savoir que nous sommes achetés à prix, que nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes, et que nous sommes, par la grande grâce du Seigneur, ses serviteurs, Dieu en soit béni, dans ce pauvre monde ruiné. Si, outre la joie d'être toujours avec lui, il en existe une, c'est celle de pouvoir le servir ici-bas, pendant le peu de temps que nous avons pour le faire, car ce n'est qu'ici-bas que nous pouvons souffrir avec lui. Alors surgit la question: A quoi nous appelle-t-il? Pour vous, cher frère, Dieu vous a-t-il réellement appelé au ministère de la Parole, ou est-ce seulement que votre foi pratique chancelle devant les difficultés de la route? Dans ce cas, il vous faut vous souvenir que Dieu éprouve la foi. Il ne nous fait jamais défaut, mais il nous fait sentir notre entière dépendance de lui. Je vois cela en Paul: il a une écharde; souvent même il a faim; il a appris à se glorifier dans ses infirmités afin que la puissance de Christ reposât sur lui. Mais le résultat fut qu'il était instruit à être dans l'abondance et dans la disette, à être rassasié et à avoir faim. Je puis toutes choses en Celui qui me fortifie. Au dehors il avait des combats, au dedans des craintes, mais il fait connaissance de Dieu comme de Celui qui console ceux qui sont abattus. Il vaut donc la peine d'être abattu. Mais il a pu dire aussi: «Dieu» non pas qui me fait triompher, mais «qui me mène en triomphe». Ayant manqué la porte ouverte à Troas, quand il était en angoisse à l'égard de Corinthe, il a pu dire néanmoins: «Nous sommes la bonne odeur de Christ», en tout lieu. La question de son appel au ministère était sûre. Si la grâce ne l'avait pas soutenu, il aurait pu s'en retourner comme Marc. Toutefois, malheur à moi, dit-il, si je n'évangélise pas (ou s'il le faisait sans Sa volonté), étant envoyé positivement de Dieu, car il ne pouvait douter qu'il n'eût été envoyé. Les paroles du Seigneur sur le chemin de Damas et la prophétie à Antioche étaient trop positives pour qu'il doutât.

Actuellement notre mission, ni aucune partie de l'oeuvre du Seigneur, n'a cette clarté. Notre parole n'est pas confirmée par des signes qui l'accompagnent. Je ne m'en plains pas; cela exige plus de confiance en Christ dans le coeur, et cela fait toujours du bien, mais cela fortifie beaucoup le coeur d'en être assuré.

Dès lors, s'il y a des difficultés sur la route, ce ne sont que des difficultés à vaincre. Si je n'ai pas cette assurance dès le début, il est douteux que je sois à ma place. Toutefois Dieu peut vous exercer en ceci pour votre bien. Bien plus, lorsque Dieu a clairement appelé quelqu'un, soit par l'ardeur de la foi, comme Moïse, soit par une vocation formelle, comme Paul, il peut le mettre de côté. Moïse, durant quarante ans, garda les brebis de son beau-père, et Paul au début n'eut aucune mission active, car il devait être privé de l'activité charnelle qui pouvait se mêler dans son oeuvre à l'activité purement divine, et il lui fallait apprendre son entière dépendance. Ce fut Barnabas qui mit Saul de nouveau à l'oeuvre, puis vint la mission d'Antioche. Le coeur est, dans ce cas, toujours à l'oeuvre, mais retiré avec Dieu, en sorte que ce dernier occupe une plus large place dans le coeur, et que notre travail vient ensuite plus directement de sa part.

Telle est donc, cher frère, la question pour vous. Etes-vous réellement appelé à travailler pour le Seigneur, ou plutôt à vaquer à son oeuvre, car nous devons tous travailler pour lui. Quand nous sommes ainsi appelés, la foi peut manquer, sans doute, mais nous sommes misérables si nous abandonnons l'oeuvre. C'est ce qu'on trouve en Jérémie, quand il ne voulut plus parler: La parole, dit-il, était comme un feu dans mes os. Si ce n'est qu'un feu qui pétille dans les broussailles, il est bientôt éteint, mais si vous sentez que le Seigneur vous a confié sa Parole, l'a mise dans votre coeur, non seulement pour vous-même, mais pour les autres (Galates 1: 15, 16), alors ne craignez rien. La foi éprouvée est la foi fortifiée. C'est avoir appris notre faiblesse, mais avoir appris la fidélité de Dieu, ses tendres soins, même en envoyant les difficultés, pour que nous y soyons avec lui.

D'autre part, si vous avez l'assurance que Dieu vous a confié sa Parole, ne soyez pas troublé d'être mis de côté pour un temps. On apprend pour le moins son manque de courage. Je l'ai appris; mais Dieu tient compte de ce que nous sommes; il nous donne notre écharde pour que nous soyons humbles et que nous sentions que la force et l'oeuvre sont de lui. Sans doute, nous avons à juger cela. Pour ma part, ma plus grande épreuve est le manque de courage pour entreprendre, et la manière dont je recule devant la grossièreté du monde. Mais je regarde vers Dieu; il a compassion de nous. Profitez donc, de votre éloignement actuel de l'oeuvre pour être habituellement avec lui. Vous apprendrez beaucoup intérieurement, dans votre incapacité d'avancer, beaucoup aussi de lui-même, puis vous apprendrez les choses plus clairement, si Dieu vous a réellement envoyé, lui qui augmente la force intérieure à mesure que l'on poursuit l'oeuvre. Mais ne doutez pas de sa fidélité. Voilà 45 ans que je le sers, depuis que j'ai quitté le nationalisme. Oh! quel ingrat je serais si je ne rendais pas témoignage à sa fidélité, à sa grande, et douce, et précieuse patience envers son pauvre serviteur!

C'est pour moi maintenant une joie que de voir d'autres ouvriers suscités pour continuer l'oeuvre, et la continuer mieux que moi, je l'espère. Cela se peut bien, quoique je ne doute nullement de son oeuvre spéciale dans ces derniers jours, mais l'ouvrier est autre chose que l'oeuvre. J'ai travaillé, Dieu le sait; mais j'ai été plutôt coupeur de bois et puiseur d'eau pour ceux qui ont plus de courage que moi. Toutefois nous sommes ce que Dieu nous donne et nous permet d'être. Dieu ranime décidément son oeuvre en Europe. Cela nous encourage, nous console, et nous donne à bien des égards une porte ouverte, malgré le mal, et même souvent par le moyen du mal…

 ME 1884 page 276

 Plymouth, 17 juin 1848

… Dans ces temps-ci on est doublement heureux d'avoir le précieux Evangile à annoncer à ce pauvre monde. Je l'ai beaucoup senti dans nos pays manufacturiers où la société est, au moral, complètement désorganisée par l'égoïsme; les masses tenues en bride, il est vrai, mais sans aucun lien. Quel bonheur de pouvoir leur dire: Il en est un au moins qui vous aime; de leur présenter Jésus, Jésus, tout plein de sympathie, comme remède à de plus graves misères que celles où les plonge l'appât du gain et le luxe. Quel monde que celui où nous vivons, quand on en connaît un peu les détails, et qu'on le regarde avec l'oeil de Dieu!

Chose étonnante, la paix que donne la pensée du retour de Jésus; et ce n'est pas une paix égoïste, car il rendra le bonheur au monde et rétablira les relations morales selon ses pensées. Le jugement s'unira avec la justice, et puis la bonté de Dieu éclatera en bonheur. Toutefois, au milieu de la révolution française, lorsque tout était désordre et effroi, j'ai craint de perdre quelque peu la hauteur de mon attente. J'avais été extrêmement heureux dans la pensée de Sa venue, au point de vue du séjour céleste: uni à lui, là où il sera, lorsque la révolution éclata. Le retour du Seigneur tendit alors à devenir plutôt une ressource qu'une joie purement céleste. Je bénissais Dieu qu'il y eût une telle ressource, mais avec la crainte que le sentiment de Sa venue n'en fût en quelque mesure dégradé; cependant j'étais très heureux. La seule chose qui me troublait un peu, c'étaient les nouvelles de tout genre qui assaillaient les esprits, mais, ayant refusé de les écouter, je n'ai jamais senti comment Dieu garde son peuple à travers tout et que ses soins sont indépendants de tout et au-dessus de tout. Cela m'a fait beaucoup de bien. Lorsque le monde est paisible, le chrétien le traverse heureux, s'il le fait par affection pour le Seigneur, et il n'y a rien à perdre quand le monde est autre. Mais j'ai senti profondément que pas une espérance, pas une joie, que rien n'était perdu, si tout croulait. Quant au danger personnel, il ne s'agissait vraiment pas de cela, à moins de quelque circonstance inattendue, mais quant à une ruine complète ici-bas, jamais on ne l'a vue de si près. Or c'est une chose bonne; mais, dans toutes les circonstances, on apprend que Christ est tout. Ce que je désire, c'est qu'il soit si absolument tout dans le secret journalier de l'âme, que ce fait soit une réalité dans les relations extérieures de la vie; que la foi nous détache, de sorte qu'il n'y ait rien à rompre, rien à perdre (sauf ce que Dieu reconnaît dans un certain sens, nos liens avec l'Eglise ici-bas, car Christ exerce nos affections de cette manière), et que nos âmes soient sevrées de toute manière; mais nos coeurs sont si affreusement légers que nous avons besoin de traverser de telles circonstances.

J'ai été heureux et béni en écrivant en français sur 1 Samuel depuis mon arrivée ici. On apprend toujours plus et partout, que tout est gâté ici-bas. I-Cabod est écrit sur les relations de Dieu lui-même avec le monde, ou plutôt des hommes avec lui, mais alors on voit que la foi trouve son chemin à travers tout. Jonathan peut agir; David peut souffrir, et peut, agissant avec une énergie sans pareille, faire taire cette énergie lorsque le tact divin de la conduite de l'Esprit lui montre ce chemin, et le retour vers Dieu au lieu d'être chassé de sa présence par le mal, ou de se venger lui-même lorsque l'occasion s'en présente. La crainte de Dieu est un élément très remarquable qui caractérise la puissance de la foi dans son caractère, aussi, de quelle manière touchante Dieu n'est-il pas venu à son aide dans l'affaire de Nabal? Abigaïl est entrée plus en avant, me semble-t-il, dans l'intelligence des voies de Dieu, que Jonathan. Ce dernier est un résidu plus purement juif. Il ne souffre pas avec David, tandis qu'Abigaïl comprend la position de celui-ci. Saül n'est qu'un homme pour elle, et elle prend part aux souffrances de David, lorsque Dieu a jugé Nabal. Elle a beaucoup plus le caractère du résidu qui est devenu l'Eglise.

Mais il faut m'arrêter. Je traite votre esprit comme une page de papier blanc pour y débiter mes pensées, et il est bien possible qu'il y en ait de meilleures, mais voyez un peu quelle lettre pour un homme qui n'a pas de temps. Je n'ai qu'un mot précieux à vous dire: Tenez-vous près de Jésus. Vous y trouverez, vous le savez, la joie, la force, et cette conscience de son amour qui soutient partout et fait que toute autre chose n'est rien. C'est là votre, ou plutôt notre bonheur.

La paix et l'amour de Jésus soient avec vous, chère soeur.

Votre affectionné frère en Christ.


Londres, 27 juillet 1852

Chère soeur,

… Je vous rappellerai une chose, c'est que les soeurs à *** sont habituées de longue date à juger les prédicateurs; je ne dis pas seulement depuis le commencement de la réunion, mais quand on allait encore au temple, on jugeait beaucoup. C'est une chose contre laquelle nos soeurs auraient à se mettre en garde… Il se peut, en effet, qu'il n'y ait pas tout ce qui correspond aux besoins de toutes les âmes qui fréquentent les réunions, mais avec une vraie piété, et elle existe, je le crois, chez un bon nombre, si Christ est présenté, quand même il n'y a rien de bien nouveau, une âme spirituelle trouvera non pas peut-être tout ce qu'elle désire en fait de communications, mais ce qui la met en rapport avec la source de tout ce qu'elle désire. Dans un cas pareil, se nourrissant là, elle ne s'occupe pas beaucoup de l'état de la réunion, sauf pour prier beaucoup pour elle. En faisant ainsi, elle trouvera les joies et la douceur de la charité par l'oeuvre de l'Esprit de Dieu en elle. Je ne dis pas du tout que ce soit tout ce qu'on peut désirer dans une réunion, il s'en faut bien; mais on y marche avec Dieu, et la conséquence en est que l'âme est heureuse en elle-même, et contente. Il y a des âmes qui font plus de progrès ainsi, que lorsqu'il y a beaucoup de secours spirituels extérieurs. Je comprends que là où la Parole est développée moins complètement que les habitudes de l'esprit ne le demandent, le vide se fasse sentir, quoique beaucoup d'âmes qui n'ont pas ces habitudes se trouvent bien d'un tel état de choses. Mais après tout, si l'on est près de Dieu, on supporte cela, et on en jouit même dans la fraîcheur de la grâce. Prononcer seulement le nom de Jésus, est un parfum répandu pour celui qui jouit de lui profondément dans son âme. C'est là le secret du bonheur, et ensuite porter les fardeaux de l'Eglise comme le sien propre. Je m'arrête. Peut-être irai-je bientôt à ***. Dans tous les cas, si Dieu me le permet, je ne tarderai pas très longtemps. Je vous engage à marcher tout doucement pour le moment et à ne pas faire un pas aussi grave que celui de vous séparer de l'assemblée. On en fait dont il est difficile de revenir.

Votre affectionné frère en Jésus.

  ME 1884 page 299

Bath, 27 novembre 1855

Chère Mademoiselle L.,

… J'espère vous voir encore une fois, si Dieu le veut. S'il vous prend à lui, ce sera en effet bien meilleur… J'ai beaucoup joui de la Parole tous ces temps-ci, en la méditant en public et dans mon cabinet. Quelles richesses elle renferme.

Toute la plénitude de la grâce de Dieu s'y développe, pour que nous le connaissions dans toute l'étendue de son être, et tout, en même temps, de manière à l'adapter à nous. La liaison mutuelle de toutes ces menues parties, démontre qu'il s'agit d'un Dieu vivant qui nous révèle ces choses; comme un arbre, où l'on ne voit pas dans la terre des rameaux détachés l'un de l'autre, mais un ensemble de branches, en sorte qu'on ne peut pas voir le plus petit rameau qui ne se rapporte au tronc et ne soit uni à tous les autres comme partie d'un tout.

J'ai été beaucoup frappé de la réciprocité d'intérêt pour nous entre le Père et le Fils (au chapitre 17 de Jean). Ils ne sont pas séparés l'un de l'autre dans leur amour pour nous, nous en sommes l'objet commun. Le Père nous a donnés au Fils, le Fils nous a sauvés pour nous présenter au Père. Il prie pour nous, parce que nous sommes au Père, mais le Père nous gardera, parce que le Fils est glorifié en nous, et ainsi de suite. Ceci est très précieux et nous donne une idée profonde de cet amour. Le Père et le Fils s'occupent en commun de nous. Le Fils prend soin que nous connaissions le Père comme il le connaît lui-même, et veut nous présenter au Père selon son coeur, afin que le Père puisse trouver ses délices en nous. Mais je termine ma lettre, averti aussi par le peu d'espace qui me reste…

A la hâte.

Votre affectionné en Christ.

 ME 1884 page 379

Orthez, 6 mai 1849

… Je suis heureux que vous fassiez l'expérience du prix de cette vie intérieure qui se développe dans la communion du Seigneur. Ces communications, la vie extérieure, quelque bénie qu'elle soit, ne peut jamais nous les donner. C'est la connaissance de Christ qui fait mûrir l'âme. Il est vrai que négliger nos devoirs n'est pas le moyen de faire du progrès dans cette vie-là. Car il se communique lui-même, et on ne peut pas commander la communion hors du chemin de sa volonté, tandis qu'en accomplissant sa volonté nous demeurons dans son amour. Toutefois la bénédiction qui accompagne l'obéissance ne produit jamais l'effet qui découle de ce que l'âme est exercée devant Dieu, et mise, telle quelle, en rapport avec lui et avec toutes les ressources de sa grâce, tout en lui faisant sentir son état auquel cette grâce s'applique, ou plutôt, trouvant dans cet, état, l'occasion de communiquer la connaissance de la grâce. De cette manière, l'âme est plus stable, distingue mieux ce qui est de l'Esprit, ce qui appartient à Christ, d'avec ce qui en revêt les formes, et sait infiniment mieux dire: Je sais en qui j'ai cru. Mais Dieu choisit ses occasions à lui pour nous enseigner ces choses, et, lorsqu'il a atteint son but, les communications spéciales de sa sagesse et de son amour ne se prolongent plus, car il veut que nous marchions par la foi selon ce que nous savons posséder en Christ: il n'en est pas moins vrai que, de cette manière, notre marche a lieu avec un Christ beaucoup mieux connu et qu'il y a beaucoup plus de communion avec lui. Mais, après avoir reçu l'instruction, nous avons à retourner à l'activité ordinaire de la vie de devoir, et à ces relations avec nos frères dans lesquelles la charité se développe et s'exerce, ou bien est mise à l'épreuve, soit dans l'assemblée, soit dans les rapports individuels, à moins que Dieu ne nous retire pour jouir du bonheur pour lequel il nous a préparés par sa grâce, changement plus facile et plus heureux. Toutefois sa volonté est toujours parfaite, et sa grâce et sa sagesse se trouvent dans notre retour à la vie ordinaire. Paix vous soit, chère soeur. J'ai encore probablement pour quelque temps de travail dans la région du Gard. Il y a un grand mouvement, comme vous pouvez le supposer, et la vérité est un repos désiré de plusieurs coeurs, ou plutôt on en a besoin, et on est heureux de la trouver, mais cela a lieu à travers bien des persécutions. Notre part est de travailler en grâce pendant qu'il fait jour…

Votre affectionné frère en Christ.

  ME 1884 page 419

Croydon, 28 juin 1881

Bien cher frère,

J'ai été très heureux de recevoir votre lettre et des nouvelles de la Suisse, et je vous en remercie, L'Angleterre est à peu près de même. Plus d'un endroit où les conversions sont assez nombreuses, mais rien de très saillant. Mais l'état des frères s'est sensiblement amélioré; il y a plus de conscience, plus de vie. Tous les frères ouvriers qui ont parcouru le pays sont revenus heureux et rafraîchis dans leurs âmes, et Dieu agit d'une manière frappante au milieu des difficultés de L. Les frères ont pu le voir à vue d'oeil. Tout n'est pas résolu, mais le mal a manifesté son impuissance. On n'a eu qu'à laisser agir Dieu. Et qui le peut, si ce n'est Lui? Pour ma part, c'est le parti que j'ai pris depuis le commencement, et j'en bénis son nom. On ne pense pas assez que c'est lui qui fait le bien, et lui seul qui peut le faire, et il dispose de tout.

J'ai été très malade, cher frère, c'est-à-dire que mes forces ont succombé sous l'effet de trop de travail, et de mon âge, puis d'une grave chute en voyage. Je ne savais si Dieu ne voulait pas m'ôter de ce pauvre monde… J'avais la paix, je n'avais aucun doute, mais de prime abord la ruine du vase ma été sensible, quand j'étais seul de nuit avec le Seigneur. La pensée d'être avec le Seigneur a pris bientôt le dessus, et j'ai été heureux, si c'était sa volonté, de m'en aller vers lui. Ce qui était en question, c'était le jeu de mon affection pour le Seigneur, et nullement l'assurance de la foi. Que ce fût mieux d'être là-haut avec lui, je n'en doutais pas; son amour est, pour mon coeur, un trésor plus précieux que jamais, d'un prix infini; c'est l'effet de cette expérience. Maintenant je suis mieux, humainement parlant. L'heure de mon délogement n'est pas encore arrivée. Je travaille dans mon cabinet comme de coutume; j'ai assisté à la réunion de dimanche matin, et y ai pris part, puis j'ai été à deux réunions pour lire la Parole.

Je me demandais si Dieu voulait encore se servir de moi pour les frères; d'un côté cela, de l'autre, être avec Lui-même. Je ne tiens pas à la vie, mais je voudrais achever ma course, et les frères ne sont pas encore sortis de tous les embarras de leur position. Mais Dieu est là; je ne doute nullement qu'il accomplira pleinement l'oeuvre de sa bonté, et le courage des frères est ranimé par sa grâce. Ceux qui cherchent le bien sont plus unis que jamais. Je travaille tranquillement, heureux, profondément heureux dans son amour, avec peu de force, mais soutenu, portant les frères sur mon coeur, et comptant sur le Seigneur pour eux. Il me convient de me souvenir que j'ai 80 ans passés. Ici ou là, Christ est tout. Que Dieu soit avec vous, dans vos travaux. Saluez cordialement les frères de ma part. Que Dieu leur fasse la grâce de chercher constamment sa présence.

Votre affectionné frère.