«Un modèle des saines paroles» - 2 Timothée 1: 13

 ME 1884 page 175

 

Si quelque chose a caractérisé le réveil de nos jours, c'est assurément la netteté avec laquelle les merveilleuses vérités du christianisme ont été présentées et placées devant les âmes.

Durant plusieurs siècles, l'ensemble de ces grandes vérités avait été perdu, et même ce qui était connu en partie était si peu défini que (c'est une chose notoire) on ne peut trouver qu'un exposé confus de la vérité dans les meilleurs livres de théologie, ou dans les plus excellents ouvrages religieux. Que l'on prenne, par exemple, un sujet tel que la justice de Dieu dans les écrits de Luther, de Calvin, ou de théologiens plus modernes, et qu'on le compare avec ce que nous possédons par la miséricorde et la grâce de Dieu.

Pour rendre plus clairement notre pensée, voyons ce qui se passe quand on regarde les corps célestes au moyen du télescope. Avant que l'image ait été amenée au foyer de l'instrument, tout est confus. Si l'on regarde la lune, par exemple, on ne peut pas dire positivement que ce n'est pas la lune, mais ce pourrait être quelque chose d'autre. Mais à mesure que l'image se trouve rapprochée du foyer et que les contours deviennent plus nets, que les sommets et les pics ressortent sur le fond de la planète, des cris d'admiration s'échappent de la bouche de ceux qui, pour la première fois, contemplent une telle vue.

Dès le commencement, l'effort de l'ennemi a été de rendre indistinct le «modèle» des vérités de la révélation chrétienne. Nulle personne éclairée par la Parole et qui a lu les écrits même des premiers Pères, n'a pu le faire sans rougir, pour ainsi dire, de la confusion de leurs pensées. L'Eglise de Dieu, dont la position et la gloire sont si clairement montrées dans les écrits de Paul, n'apparaît plus que comme à travers une épaisse brume; le contour défini n'existe plus. La plus triste confusion a lieu entre l'appel distinct d'Israël et celui du peuple céleste; le foyer se déplace de plus en plus à mesure que le temps s'écoule, jusqu'à ce qu'enfin il ne reste plus devant les yeux qu'une image tout à fait indistincte. Ainsi se perdit graduellement le «modèle des saines paroles» sur lequel Paul insistait auprès de Timothée, et les vérités les plus grandes et les plus précieuses, si majestueuses dans leur simplicité, furent réduites à un amas confus de lignes indéfinies. Oh! qu'aurait dit de l'état des choses dans le moyen âge, l'apôtre qui écrivait à son disciple dévoué de s'étudier à se présenter approuvé de Dieu, ouvrier qui n'a pas à avoir honte, exposant justement (ou découpant droit) la parole de la vérité!

De nos jours, le christianisme a été exposé clairement et distinctement. La vérité a été distinguée de l'erreur d'une manière générale et étendue, et les diverses parties de la vérité, les diverses vérités formant l'ensemble, ont été définies avec une clarté et une précision merveilleuses; c'est l'oeuvre de l'Esprit de Dieu par le moyen d'un don spécial. Nulle personne spirituelle ne peut douter de la remarquable exactitude avec laquelle il a plu à Dieu de placer sa Parole devant nous dans ces derniers jours.

Mais une question s'élève maintenant. N'y a-t-il pas actuellement une tendance à altérer la précision de ces vérités? à effacer les lignes qui les délimitent si nettement? C'est un fait bien connu, même dans les choses du monde, qu'il est très difficile de faire des définitions. On apprécie avec raison celui qui dans le langage ordinaire de la vie peut définir les choses sans dire trop, ni trop peu. Dans les choses divines, ainsi que nous l'avons dit plus haut, nous croyons à l'action positive du Saint Esprit se montrant dans un don, et au choix des paroles de celui qui enseigne. Le danger que peut-être nous courons est plutôt de dire trop et ainsi de rendre obscur ce qui nous avait été présenté avec une clarté divine. Le voyageur qui parcourt l'Italie méridionale, est frappé de voir les inscriptions tracées sur les bornes miliaires le long de la voie Appienne aussi lisibles que lorsque le marbre fut taillé du temps de Nerva et de Trajan. Mais si l'on cherche à rafraîchir ce qui a été ainsi gravé depuis longtemps, on ne fait le plus souvent que d'altérer la netteté de l'inscription.

Dans le temps où nous sommes, lorsque nous avons perdu quelque chose de la fraîcheur des vérités recouvrées, et que tant de têtes et de plumes sont constamment à l'oeuvre, on peut craindre que les grandes et fondamentales vérités qui nous ont été si clairement présentées, et qui sont, pour ainsi dire, confiées à notre garde, ne souffrent quelque dommage par suite d'un trop grand désir de développer et d'expliquer. Le sujet suggère beaucoup de pensées et cependant, par sa nature même, demande la brièveté. Peut-être qu'en bien des cas, on aurait besoin d'étudier avec prières ce qui a déjà été dit et écrit, plutôt que de chercher à le développer soi-même.

Que Dieu nous donne non seulement de nous attacher à des lignes claires et définies, mais aussi d'apprécier dans nos coeurs sa vérité, et de vivre comme des hommes qui en connaissent la valeur! Sans doute, Dieu travaille encore en bien des lieux, et produit en plus d'une âme ce sincère désir de se conformer à sa pensée.

Puisse toute notre force être employée dans ce but.