Guilgal, la vallée de Hacor et Bokim

 ME 1884 page 462

 

Guilgal était le lieu de la circoncision (Josué 5: 2-9).

L'épître aux Colossiens nous enseigne que, pour nous, la circoncision est «le dépouillement du corps de la chair» (Colossiens 2: 11). Le chrétien, quant à sa position devant Dieu, n'a pas la chair. Il est en Christ, et comme tel, il est circoncis: «En qui aussi vous avez été circoncis», dit l'apôtre. Nous n'avons pas à dépouiller la chair, c'est-à-dire le vieil homme; c'est une chose faite; nous n'avons pas non plus à faire mourir la chair, car elle a été crucifiée avec Christ; mais nous avons à mortifier nos «membres qui sont sur la terre, la fornication, l'impureté, etc.», et à nous tenir «pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus».

Or la circoncision était un acte qui ne se répétait pas; il signifiait le dépouillement de la chair. L'homme circoncis est le type du chrétien quant à la position de celui-ci devant Dieu, et dans ce sens que la chair a été dépouillée. La chair, la nature du premier Adam, a été condamnée à la croix du Seigneur Jésus Christ; cette nature n'est plus celle du croyant, ni pour Dieu, ni pour la foi.

Mais Guilgal n'était pas seulement le lieu de la circoncision; c'est là aussi qu'était habituellement le camp d'Israël, l'endroit où le peuple devait se trouver, où l'Ange de l'Eternel se tint jusqu'au moment où, la ruine étant établie, il monta de Guilgal à Bokim (Juges 2). Le camp établi à Guilgal, disait à Israël qu'il ne devait jamais oublier la leçon reçue en ce lieu, savoir que «la chair ne profite de rien». Ce que nous enseigne le camp placé là, c'est: «portant toujours, partout, dans le corps, la mort du Seigneur Jésus».

La vraie circoncision consiste en ceux qui rendent culte par l'Esprit de Dieu, qui se glorifient dans le Christ Jésus, et qui n'ont pas de confiance en la chair. En cela, il ne s'agit pas de la position, mais de l'état pratique.

Or les enfants d'Israël n'ont pas gardé la conviction que la chair ne vaut rien. Ils allèrent de Guilgal à Jéricho dans le sentiment qu'ils n'étaient rien et que l'Eternel était tout, et par la foi ils furent vainqueurs. L'effet que cette victoire produisit sur la chair, qui n'était pas tenue pour morte, fut de l'enfler: dans le sentiment de leur propre force, ils montèrent de Jéricho à Haï, et là ils firent l'expérience de leur propre faiblesse.

Ils auraient dû l'avoir apprise à Guilgal.

Pourquoi devrait-on dépouiller la chair, si elle avait assez de sagesse pour juger sainement, et assez de force pour exécuter? Ils avaient oublié cela, oublié qu'ils avaient besoin de Dieu.

Nous voyons deux choses dans l'affaire de Haï: premièrement, une faute collective, ils avaient une haute idée d'eux-mêmes; secondement, une souillure positive, un interdit au milieu d'eux.

Cette dernière chose amena la malédiction sur eux tous. Il en est de même aujourd'hui: un peu de levain fait lever toute la pâte. L'Eternel relève l'acte positif de péché et non leur condition, et déclare qu'il ne sera plus avec eux, à moins qu'ils n'ôtent l'interdit du milieu d'eux.

Cela convient au caractère de Celui qui ne veut pas contester à toujours, mais qui ne peut non plus être mis en communion avec le péché. Cela était aussi en harmonie avec la parole de l'homme qui avait son épée nue à la main et qui, à la question: «Es-tu pour nous, ou pour nos ennemis?» répondit: «Non, car c'est comme chef de l'armée de l'Eternel que je suis venu maintenant». Cela veut dire: Je ne suis pas pour un parti, mais pour un peuple qui a un certain caractère moral. Israël, en volant et en mentant, avait perdu le caractère d'armée de l'Eternel, et avait aussi perdu le Seigneur comme son chef.

Le remède, le voici. Il se trouve dans la vallée de Hacor. Là l'interdit fut ôté du milieu d'eux.

La nature de l'action d'Israël en frappant Acan, n'était pas pénale; ce n'était pas le châtiment infligé par un juge à un criminel. Le caractère de cet acte était le jugement de soi-même. Le peuple avait un péché à sa charge; il fallait s'en débarrasser. Les Israélites n'agissaient pas pour punir Acan, mais pour se purifier, bien que sans doute lui-même en souffrit.

Le même principe subsiste aujourd'hui dans la discipline de l'assemblée. En mettant dehors le méchant, elle n'a pas pour but de le punir. La figure employée par l'Ecriture dans ce cas, est celle du levain. La pâte doit être gardée nouvelle, convenable à Christ qui a été sacrifié pour nous; c'est pourquoi il faut ôter le levain. C'est un acte de l'assemblée pour se maintenir pure; ce n'est pas l'acte d'un magistrat qui punit un coupable. Ainsi épargner le péché dans une fausse pensée de grâce, c'est épargner son propre péché; c'est garder une pâte avec du levain, et ainsi, en pratique, exclure le Seigneur. Ç'aurait été le cas pour Israël, s'ils avaient gardé Acan au milieu d'eux. Dans la discipline de l'assemblée, il faut aussi prendre garde, afin que l'esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus.

Or, pour Israël, l'Eternel était tout; c'est pourquoi le péché était jugé. Or il est bon de remarquer que le mauvais état collectif du peuple n'était nullement une entrave à ce que le péché positif fût jugé. De même à Corinthe. L'assemblée y était dans un si mauvais état que l'apôtre, pour les épargner, ne voulait pas aller chez eux, bien qu'il reconnût pleinement que leur table était celle du Seigneur. Ils étaient sectaires et enflés d'orgueil, tout en tolérant au milieu d'eux la plus grossière immoralité. Malgré cela, l'apôtre ne les exhorte pas à une humiliation générale, mais au jugement du méchant.

Cela n'est ni Guilgal, ni Bokim, c'est la vallée de Hacor. Guilgal, c'est la vieille nature jugée, de sorte que son fruit ne se manifeste pas. Il y a là parfaite communion avec Dieu, car il a condamné le péché dans la chair quand il a envoyé son propre Fils pour le péché. Et à Guilgal, nous reconnaissons la justice de son jugement comme étant contre nous-mêmes. Mais quand nous avons manqué, et que le fruit de la vieille nature s'est montré, nous n'avons pas à faire en premier lieu à la nature — le péché — mais au fruit, savoir les péchés, et nous le faisons par la confession et en nous purifiant nous-mêmes.

Cela est vrai, qu'il s'agisse d'un individu ou d'une assemblée. Ce n'est pas la communion avec Dieu, mais le moyen de revenir à Dieu, quand la communion est perdue. Et c'est toujours le chemin pour revenir. Aussi trouvons-nous la vallée de Hacor, non seulement en Josué, mais aussi en Osée, lorsqu'aux derniers jours, Israël trouvera une porte ouverte à l'espérance (Osée 2: 15).

Bokim est une tout autre chose, différente à la fois de Guilgal et de la vallée de Hacor.

L'ange de l'Eternel monta de Guilgal à Bokim. Là il rappelle la fidélité de ses voies envers les enfants d'Israël et les commandements qu'il leur donna. Il les accuse de désobéissance et leur déclare les conséquences irrémédiables de leur péché. S'ils avaient été fidèles, leurs ennemis auraient été leur pain, mais maintenant ils étaient des épines à leurs côtés, et leurs dieux leur étaient en piège. Ils étaient mis en face de ce fait solennel, qu'ils s'étaient placés eux-mêmes dans un état de trouble, de danger et de honte, dans lequel ils devaient rester, parce que le Seigneur ne voulait pas les en délivrer. L'ange de l'Eternel ne les invite pas à ôter le mal. L'occasion d'obéir et de vaincre était passée et perdue; il ne leur restait qu'à souffrir, le mal était sans remède. La nation entrait dans une nouvelle phase de son histoire. Guilgal était passé; on était à Bokim.

Pendant que l'ange était à Guilgal, le peuple était à l'épreuve. S'ils avaient été fidèles, ils auraient été constamment et partout victorieux. Mais le temps des semailles était passé. Ils avaient semé pour la chair et le moment inévitable de la moisson était arrivé. Ce n'est pas que la grâce ne pût se déployer en pareilles circonstances. Elle le fit, comme nous le voyons au chapitre 3. Car si, d'une part, les ennemis étaient encore là, à cause des péchés du peuple, d'un autre côté, Dieu avait laissé ces nations, «afin que les générations des fils d'Israël connussent, en l'apprenant, ce que c'est que la guerre, ceux du moins qui, auparavant, n'en avaient rien connu». De plus, cette grâce pouvait finalement introduire le Messie, et mettre tous les ennemis sous ses pieds.

A Bokim, il y avait chez les enfants d'Israël l'amer sentiment de la ruine sans espérance et du châtiment. Par grâce, ils s'humilient et pleurent. Ils n'essaient pas de remédier au mal comme autrefois, dans un cas semblable, à Kadès. Là, ils avaient montré de la douleur, mais non un coeur brisé: «O Dieu! tu ne mépriseras pas un coeur brisé et humilié». C'est cette disposition que l'on trouve à Bokim. Aussi, bien que le châtiment ne soit pas levé, la communion est rétablie, et ils offrent en ce lieu des sacrifices à l'Eternel. «La tristesse qui est selon Dieu opère une repentance à salut dont on n'a pas de regret». La tristesse, sans que le coeur soit brisé, est la tristesse du monde: elle produit la mort.

C'est un fait sérieux à considérer, que des péchés commis par des croyants ont des résultats permanents. La grâce restaure l'âme; nous en avons un magnifique exemple dans le cas de David, mais la marque du péché reste jusqu'à la fin. Nous pouvons voir la même chose dans l'exemple de Samson.

La différence entre ce qui s'est passé dans la vallée de Hacor et ce que nous voyons à Bokim, c'est que, dans ce dernier cas, il n'y avait aucun péché positif et actuel à juger. Ils avaient désobéi dans le passé, ils en sont accusés maintenant, mais sans qu'il y eût à leur charge un péché spécial, comme à Haï. Mais il leur fallait accepter les conséquences de leur désobéissance. Il en fut de même plus tard, sous les rois. Quand tout eut manqué et qu'il n'y eut plus de remède, la parole de l'Eternel fut: «Soumettez votre cou au joug du roi de Babylone… et vous vivrez» (Jérémie 27: 12). A Bokim, le peuple devait juger ses péchés et accepter le châtiment. Dans la vallée de Hacor, il devait juger son péché et y mettre fin. A Guilgal, il devait juger la vieille nature afin de ne pas pécher. Quand l'Ange est allé à Bokim, toute espérance de rétablissement a disparu; jusqu'à ce que le Messie vienne.

Tout cela est vrai pour l'Eglise.

Pour nous aujourd'hui, l'espérance d'une restauration générale n'existe pas. La ruine est établie. La maison de Dieu est devenue comme une grande maison. Bokim est notre place, généralement parlant, et nous attendons le retour du Seigneur qui peut seul nous restaurer. Mais ce n'est pas tout. Le devoir positif de chacun est de se purifier des vases à déshonneur. On ne peut pas quitter la maison; autrement, on n'aurait pas besoin de prendre pour sienne la honte de cette maison. Josué, bien qu'il fût personnellement innocent, ne s'est jamais séparé de la nation. Il l'a accompagnée depuis Kadès, dans toutes ses traites à travers le désert.

Ainsi, nous ne pouvons nous séparer de la profession générale et commencer un nouveau christianisme; d'un autre côté, nous ne pouvons marcher en communion avec le mal. Le premier avertissement que nous recevons est: «Qu'il se retire de l'iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur;» le second nous dit: «Poursuis la justice, la foi, l'amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d'un coeur pur».

L'obéissance à ces recommandations nous conduit à la table du Seigneur.

Nous pouvons nous demander si la ruine ne nous a pas encore caractérisés, nous qui sommes réunis là? La mondanité ne s'affirme-t-elle pas au milieu de nous, et ne refuse-t-on pas de la détruire, comme Israël laissa subsister les Cananéens dans la terre de l'Eternel? Comment y faire face? Individuellement, nous pouvons, par la grâce, garder nos vêtements purs; mais pleurer, est, je crois, ce qui convient à tous.

Mais supposons, comme souvent, hélas! il arrive, qu'un péché positif se découvre. Devrons nous pleurer ou juger le péché? Irons-nous à Bokim ou à la vallée de Hacor? Choisir alors Bokim serait avoir communion avec le mal, et faire de notre mauvais état général une excuse pour laisser le péché non jugé. Ce ne serait pas le vrai Bokim, ce serait pratiquement dire: «Nous avons été délivrés pour faire toutes ces abominations».

On peut remarquer que, quand les saints ont à se purifier du mal, l'action est collective, et non individuelle. Ils agissent comme un corps, dans une communion mutuelle. Le jugement touchant le mal, et la manière convenable de procéder, peuvent être individuels; et ce jugement peut être placé devant les saints par celui qui l'a formé: «J'ai déjà jugé», dit l'apôtre, touchant «celui qui a commis cette action». Puis il ajoute: «Otez le méchant du milieu de vous-mêmes». Cela est collectif. Le pouvoir de lier et délier appartient aux deux ou trois assemblés au nom du Seigneur, et non à quelques individus. Même un apôtre n'agissait pas seul, indépendamment de l'assemblée, mais quoiqu'il ne fût pas alors à Corinthe, il ne s'abstient pas d'exercer leurs consciences: «Etant absent de corps… j'ai jugé».

D'un autre côté, si le moment arrive où il faut se séparer de l'iniquité, l'action collective est nécessairement impossible, et il n'est pas question de communion. L'action est tout à fait individuelle. «Si quelqu'un se purifie de ceux-ci, il sera un vase à honneur».