«Toi donc endure les souffrances»

ME 1884 page 455

 

On ne saurait douter qu'il y ait de nos jours une oeuvre de Dieu particulière. Toutefois son étendue est moindre que celle dont l'apôtre Paul et ceux qui travaillaient avec lui, étaient les instruments, et son caractère en diffère aussi jusqu'à un certain point. Poser les fondements du grand édifice du christianisme dans ce monde est une chose; c'en est une autre d'être appelé à travailler quand cet édifice est en ruines. Cependant le Saint Esprit agit et opère dans une direction spéciale, préparant les saints de Dieu pour la venue de son Fils, leur communiquant ces grandes et précieuses vérités si longtemps demeurées dans la poussière de l'oubli, et les séparant ainsi moralement du monde et surtout du monde christianisé, avant que tombent sur celui-ci les derniers et terribles jugements. La question placée devant nous a trait à la puissance qui nous est donnée pour poursuivre notre course quand, par la grâce de Dieu, ces vérités ont été reçues.

Quoique tous aient leur place, il est certain que Dieu se sert actuellement de certains instruments, pour accomplir son oeuvre, comme il lui a plu de le faire dans tous les temps. Bien qu'il y ait une grande faiblesse et un état spirituel bien bas, eu égard aux vérités que nous possédons, il n'est cependant d'aucun profit de chercher à se le cacher, ni non plus de considérer l'oeuvre comme moins réelle et moins importante, parce qu'elle se poursuit dans un jour de ruine. Puissions-nous, à cet égard, être préservés de toute fausse honte.

La question est de savoir si ces mots «endure les afflictions» peuvent nous être justement appliqués comme exhortation. Le sujet n'est pas nouveau, mais il est si important et si peu compris qu'il sera bon de l'approfondir encore. Bien que nous ayons tous manqué, et que nous manquions encore de bien des manières, il me semble pourtant que le Seigneur Jésus Christ produit cette vertu merveilleuse en ceux qui doivent être ses témoins jusqu'à la fin, et qu'il forme les âmes pour «endurer». C'est une preuve de grande puissance, lorsque, quel que soit le genre de souffrances par lesquelles on ait à passer, on est capable de poursuivre son chemin en dépit de tout ce qui est contraire, parce que l'on est assuré que c'est le bon chemin. Le monde estime avec raison, comme étant supérieur, un homme tel que le Romain Fabius Cunctator poursuivant tranquillement l'exécution du plan qu'il avait conçu, alors que tout autour de lui, de la part de ses amis comme de ses ennemis, était de nature à exercer sa patience; — mais la patience (ou l'endurance) du chrétien est d'un ordre et d'un caractère bien autrement élevés, et nous sommes exhortés à la montrer. Quelle est donc la signification de ces paroles: «Endure les afflictions?»

Il en est sans doute plusieurs de nos jours qui mènent une vie trop facile, cherchant à éviter tout trouble et toute peine réels, bien qu'en théorie ils sachent qu'ils sont appelés à prendre part aux souffrances de Christ; il y en a plus d'un qui a une certaine perception de la vérité et même des dons, et qui ne pense pas sérieusement à prendre sa place dans les rangs méprisés de ceux qui désirent être fidèles au Seigneur; on en voit qui vivent dans le bien-être et le luxe, tout en professant d'être les témoins de Dieu; d'autres qui approuvent les fidèles avec une certaine indulgence et se vantent de les protéger. De tous ceux-là il est inutile de parler; ils ne savent ce que c'est que les souffrances, et l'exhortation ne s'adresse point à eux.

Mais en nous arrêtant à ceux qui désirent réellement prendre leur place avec le Seigneur rejeté, il nous faut faire une différence entre ceux qui cherchent à se distinguer par des actes et des faits extraordinaires et ceux qui «endurent». Il est écrit «endure» ou supporte, et non «recherche» les afflictions ou les travaux; or quelques-uns peuvent parler de travaux pénibles entrepris volontairement, avec renoncement à soi-même, mais qui, après tout, n'ont pas le caractère exprimé par ce mot «endure». Mainte personne qui serait prête à s'exposer au danger, à la fatigue et à la peine, quand, peut-être, elle n'y est pas appelée, sera vue murmurant ou s'arrêtant même dans sa course devant quelque légère souffrance ou quelque léger obstacle. C'est un fait bien connu dans le monde, qu'en général, ceux qui conçoivent ou arrangent quelque grande entreprise, ont rarement la patience nécessaire pour passer par les différents degrés indispensables pour atteindre le but; et c'est aussi une chose vraie dans l'oeuvre du Seigneur. Celui qui voudrait se distinguer ainsi, par des oeuvres d'éclat, pourrait avoir d'amères leçons à apprendre dans l'état actuel des choses.

Au temps présent, ce dont il s'agit, ce n'est pas d'accomplir des actions d'éclat, mais d'aller fermement en avant dans un chemin difficile, où nous serons mis à l'épreuve jusqu'au bout; car si nous avons les plus grandes joies, nous avons en même temps les épreuves les plus pénibles et les plus humiliantes.

On a fait remarquer au sujet des fidèles qui, dans les temps du moyen âge, et plus tard, ont rendu témoignage à la vérité au travers du feu des bûchers et du fer des bourreaux, que ce furent presque toujours les plus faibles qui montrèrent le plus de constance quand venait l'heure des tortures et du supplice. Au contraire, plusieurs de ceux qui avaient confessé hardiment et hautement leur foi, et avaient bravé le bûcher avec mépris, montraient souvent beaucoup moins de patience et de fermeté dans les souffrances que ceux qui s'étaient méfiés d'eux-mêmes.

Notre témoignage est d'un genre différent; nous ne sommes pas appelés à subir les tortures, mais nous sommes appelés à retenir fermement la vérité jusqu'à la fin, au milieu de beaucoup d'épreuves et de désappointements. La question qui se pose sérieusement devant nous est celle-ci: sommes-nous préparés à endurer, ou bien abandonnerons-nous notre poste, trouvant le chemin trop laborieux et trop rempli de déceptions, et la puissance corruptrice de l'ennemi trop forte? On peut remarquer en Paul un homme qui, non seulement reste fidèle à travers les nombreuses souffrances morales et physiques par lesquelles il eut a passer, mais qui, malgré tout, poursuit son service avec vigueur et liberté d'esprit. Endurer n'est pas seulement supporter la souffrance, mais c'est continuer sa course et son service avec une confiance inébranlable dans le Seigneur, en montrant jusqu'à la fin quelle est sa puissance et son énergie. Le courage d'un homme naturel, si grand fût-il, ne pourrait manquer d'être abattu après les coups réitérés, les emprisonnements et les déceptions plus poignantes encore que tout le reste, bien que l'homme lui-même restât fidèle, mais chez Paul nous trouvons jusqu'à la fin le même entrain dans son service, les mêmes soins et la même grâce. Tel il nous apparaît dans la seconde épître à Timothée, et c'est là la puissance extraordinaire du chrétien, puissance que, selon notre mesure, le Saint Esprit produira en nous.

La parole «endure» s'adresse donc aussi à nous, bien que nous ne soyons pas appelés à passer par des souffrances violentes et des persécutions, mais à persévérer dans le sentier de la fidélité, quand tout, autour de nous, est de nature à nous décourager. Si, à mesure que le sentier devient plus difficile, nous pouvions seulement apprendre à supporter plus patiemment soit les railleries du monde religieux, soit les déceptions que nous rencontrons souvent, le témoignage ne pourrait manquer de devenir plus brillant. Mais pour cela, il faut une communion constante avec le Seigneur Jésus là où il est. Rien d'autre ne peut nous donner une puissance réelle pour persévérer. Soutenus par Celui qui aime ses saints et qui prend soin d'eux infiniment mieux que ne le peuvent ses pauvres serviteurs, tout heureux qu'ils sont cependant de pouvoir servir et Lui et eux, nous pouvons regarder vers le moment où chacun d'eux sera présenté avec abondance de joie devant le Père. La lutte ne peut manquer d'avoir une bonne issue: la victoire et le triomphe final sont assurés, et la couronne de gloire est proche. Jusqu'alors, que le mot «endure» résonne à nos oreilles comme le dernier commandement qui nous est donné sur le champ de bataille.

Puissent cette glorieuse perspective et la grâce présente, la puissance et l'amour de Celui qui nous a appelés et nous a accordé le privilège de le servir, garder nos coeurs de telle sorte que jamais nous n'ayons honte de lui ni de son service! Puissent ces paroles consolantes nous faire estimer plus hautement la valeur de l'oeuvre pour lui, et nous porter à chercher en lui une nouvelle puissance pour endurer jusqu'à la fin.