Lettre sur Jean 16: 8-11

ME 1885 page 77

 

Le Pape (Ardèche), 13 février 1885

Bien cher frère,

Il me serait difficile de m'étendre sur le sujet que vous me proposez; ma souffrance habituelle ne me le permet pas; je me bornerai à vous présenter quelques remarques sommaires.

Le témoignage du Christ sur la terre, et sa mort, ont des résultats, non seulement pour les individus (à salut pour les croyants, en jugement pour les incrédules), mais aussi pour l'ordre de choses général dans lequel l'homme gît loin de Dieu et qui est ici appelé le monde; en sorte que, ainsi qu'il est déclaré en plusieurs endroits de cet évangile, et notamment dans le passage de Jean 16: 7-11, que vous avez noté, le monde ayant refusé et rejeté le Fils de Dieu, et se trouvant par suite sous le jugement, il ne faut pas s'attendre à trouver Dieu, ni le salut, dans les choses qui constituent ce monde. Rien de Dieu ne se trouve maintenant associé à ce monde, bien qu'il soit encore l'objet de sa patience et de son grand support.

D'après ce passage, il y aurait un témoignage rendu à Christ après son départ, — témoignage du Saint Esprit, par lequel trois choses: péché, justice, jugement, seraient établies, certifiées, relativement à ce monde. Le Saint Esprit est descendu à Pentecôte, et depuis ce jour, il y a dans le monde ce témoignage de fait.

 «Convaincra» n'a pas ici le sens usuel de «persuader»; il prend le sens judiciaire qu'il a encore de nos jours dans les tribunaux: convaincre, c'est-à-dire établir la preuve de la culpabilité d'un accusé.

De péché. A la suite de la réjection de Christ, le monde est judiciairement convaincu de péché, — convaincu par la présence du Saint Esprit. Il n'est pas difficile de saisir la liaison. Le Saint Esprit ne devait venir que lorsque Jésus serait glorifié (Jean 7: 39); sa présence ici-bas depuis Pentecôte est ainsi la preuve de la glorification du Fils de l'homme auprès de Dieu. Or, avant de monter auprès de Dieu, le Seigneur Jésus était sur la terre. Que s'est-il passé? Il est mort, les hommes l'ont rejeté, mais Dieu l'a ressuscité et reçu à sa droite dans les lieux très-hauts; en sorte que le Saint Esprit ici-bas, est la preuve, la conviction, que le monde a mis le sceau lui-même à son état de péché, en rejetant Celui qui apportait le remède à cet état, et que Dieu en a pris acte.

De justice. De la même manière, le Saint Esprit est la preuve que la justice a eu son cours, mais, dans ce cas, elle a eu son cours de Dieu à Christ. La gloire dans laquelle notre Seigneur est entré est le fruit de sa mort. Dieu a reconnu en justice, à Jésus premièrement, tout le prix de son obéissance et de son dévouement jusqu'à la mort (voir Jean 13: 32). Dieu l'a ressuscité et l'a placé à sa droite. De cette haute place, le Christ a envoyé le Saint Esprit (Jean 16: 7; Actes des Apôtres 2: 33), et le Saint Esprit venu est sur la terre le témoin de la glorification de Christ auprès de Dieu, en justice! Quelle chose dans la condition de ce monde devant Dieu: Celui qu'il a méconnu et rejeté, Dieu a témoigné en justice envers lui tout l'agrément qu'il a trouvé dans sa personne, sa vie et sa mort.

De jugement. Par suite de la glorification de Christ, le jugement est déjà commencé. Il y a un premier acte de jugement. L'homme, Christ, non seulement est sorti du sépulcre vainqueur de la puissance de Satan et de la mort, et, à la suite de sa victoire, est monté prendre place à la droite de la majesté dans les lieux très-hauts; mais Dieu lui-même qui l'a élevé à cette dignité, l'a aussi établi au-dessus de toute principauté, autorité, puissance et domination. Le Christ remplit toutes choses depuis le sépulcre, jusqu'au trône de Dieu (voir Ephésiens 4: 10), et Satan subit et ce pouvoir et cette autorité. C'est déjà un acte de jugement qui atteint le prince de ce monde, et qui fixe la condition de ce monde même devant Dieu maintenant: son jugement est prononcé. Quand le Seigneur vint, ce n'était point pour condamner le monde, mais le monde l'a rejeté, et s'est placé sous le jugement. Ce jugement est inévitable, puisque le chef de ce monde est déjà jugé. Il suit de là que, s'il y a encore une ressource pour les individus, celle du salut et de la foi, comme nous l'avons déjà remarqué, il n'y en a aucune pour l'ensemble: le jugement y mettra fin. Ceux qui voient l'humanité en progrès feraient bien d'y prêter attention.