Fragments

 

Fragments. 1

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ME 1885 page 119

Quelles atmosphères différentes je trouve, en ouvrant, n'importe où, l'Ancien Testament, les évangiles ou les épîtres!

Dans l'Ancien Testament, je découvre les voies de Dieu, comment il agit, son gouvernement; — j'y vois l'homme, bien que ce soit l'homme et le monde gouvernés par Dieu; j'y trouve de la piété, sans doute, mais sur cette scène.

Entre les évangiles et les épîtres même, la différence est toute aussi grande — et, à certains égards, plus importante.

Dans les épîtres et les Actes, on voit quelqu'un d'actif pour rassembler; des âmes dévouées à Christ, appréciant par-dessus tout sa personne et son oeuvre; on y voit déployée une puissance plus grande que dans Christ sur la terre (comme d'ailleurs il l'avait promis), — c'est la puissance qui rassemble, puis qui prend soin des âmes. Mais je me tourne vers l'homme — et, bien que la puissance du Saint Esprit et de la grâce soient là pour sauver et rassembler, — l'homme manque bientôt.

Mais dans les évangiles, je trouve un centre en qui mon âme se repose, qui est lui-même, toujours lui-même; à qui rien n'est semblable. Il se meut dans une scène où tout est discordant, attirant à lui-même, par sa grâce (ce que nul apôtre ne fit, ni ne pouvait faire), et brillant de sa propre perfection, jamais altérée, et inaltérable dans toutes les circonstances. C'est la chose dont tout service est occupé comme point de départ, et vers qui est attiré tout ce qui se trouve sous une influence divine, car c'est Dieu.

Je fus frappé de cela sur le vaste océan, quand, la tête fatiguée après de longues tourmentes, mes regards se portèrent sur le titre du Livre par excellence.

 ME 1885 page 180

Il y a des promesses, de précieuses promesses pour le chemin à travers le désert, et la gloire au bout. Mais, sans promesses, nous connaissons Dieu en rédemption — nous nous réjouissons en ce qu'il est, par ce qu'il a fait: «Nous nous glorifions (ou réjouissons) en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, par lequel nous avons maintenant obtenu la réconciliation».

En ceci se trouve la parfaite bénédiction: non dans ce qu'il a donné, mais dans ce qu'il est; c'était le terrain sur lequel se plaçait la femme Syrophénicienne — la repousser eût été se renier Lui-même. Nous avons, non des promesses, mais Dieu lui-même, et cela par ce qui est manifesté et opéré en Christ. Les promesses sont des choses qui nous sont données, mais là nous avons le Donateur lui-même — c'est ce qui constitue le christianisme,  dans sa nature.

ME 1885 page 390

… Si je laisse Dieu en dehors de la scène, tout est essentiellement faux, et si j'introduis Dieu, en omettant le fondement de toute relation présente avec l'homme tel qu'il est réellement (c'est-à-dire en état de péché), tout doit être également faux. Le péché est actuellement le fondement de toutes les voies de Dieu.

–  Que voulez-vous dire? Voilà d'étranges paroles.

–  N'est-ce pas le péché qui donne lieu au jugement?

–  Certainement.

–  Cela est tellement vrai qu'il ne saurait y avoir de jugement sans le péché, et qu'ainsi, en soi, le jugement ne peut être que la condamnation. Si Dieu jugeait son oeuvre telle qu'elle sortit de ses mains, il se jugerait lui-même et non l'oeuvre, ou, si vous l'aimez mieux, il se jugerait dans son oeuvre. Mais si la création s'est séparée volontairement de lui en se rebellant, alors le jugement comme tel, ne saurait être que la condamnation.

–  Mais si l'homme ne fût pas tombé, n'y aurait-il pas eu de jugement?

–  Qu'est-ce qui aurait été jugé?

–  Je ne le sais pas.

–  Et vous ne pouvez pas le savoir. Il n'y avait rien à juger, au moins si nous parlons de l'homme. Tout était alors tel que Dieu l'avait fait. Si l'homme a abandonné Dieu et est tombé dans le péché, le jugement, je le répète, doit être la condamnation. C'est sur cela qu'est fondé le christianisme: Christ est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. C'est pourquoi toute âme enseignée de Dieu dit: «N'entre point en jugement avec ton serviteur, ô Eternel; car, devant toi, nul homme vivant ne sera justifié». Mais poursuivons un peu notre sujet. N'est-ce pas à l'égard du péché que la miséricorde s'exerce?

–  Naturellement.

–  Et la loi, ne se rapporte-t-elle pas au péché?

–  Sans doute, puisqu'elle le défend.

–  Et la grâce?

–  Assurément.

–  Et il en est de même du salut, des jugements, de la patience ou de la vengeance divines, — tout se rapporte au péché. De là vient l'immense profondeur du développement moral de l'âme dans sa relation avec Dieu. Nul ange ne connaît Dieu comme le connaît un pécheur amené à lui; nul ange ne se trouve avec Dieu dans le même genre de relation. Là sont manifestés tous les attributs et les qualités les plus élevés de la Déité: d'un côté, la miséricorde, la patience, la bonté, la condescendance, l'amour dans son parfait exercice, sous la forme de la grâce; de l'autre, une restauration parfaite en justice pour trouver en elle un délice parfait; en un mot, c'est la rédemption. L'intimité de l'opération de la grâce, qu'on la considère dans l'incarnation, ou dans l'âme de celui en qui est la grâce; l'estimation du bien et du mal, par la proximité de ce qui est divin, avec le mal tel qu'il est en nous; plus que cela, la communication de ce qui est divin à quelqu'un qui, d'un côté, n'est que faiblesse, de l'autre est rempli de lui-même et de propre volonté; le besoin d'une grâce continuelle pour une créature en qui se trouvent ces deux choses, et qui a cependant la capacité de jouir du bien le plus élevé; tout cela qui n'est pas à proprement parler le christianisme, mais son opération en nous, tout cela, dis-je, présente un déploiement de la sagesse divine, un cours de choses qui purifie et élève, une connaissance de Dieu dans ce que sa nature a de plus sublime, du caractère le plus intime et qui, en même temps, appelle le plus l'adoration. C'est en la comparant avec cela que la philosophie apparaît mesquine et sèche au delà de toute expression. Elle est vide, entièrement vide.

Le christianisme, la lumière et l'amour venus au milieu des ténèbres et de l'égoïsme, atteint toutes les sources de ces dernières dans le coeur de l'homme, et détruit le moi qu'il manifeste et qu'il remplace par Dieu. Or il le fait, non par les pauvres spéculations de l'esprit humain, mais par une personne divine qui, lorsque des désirs divins sont produits en moi, me fait sortir de moi-même par des affections divines, au lieu d'exalter le moi, en produisant en lui des qualités pour être admirées et qui, à cause de cela, sont mauvaises et fausses. Le chrétien, en tant que chrétien, a des qualités divines, et parce qu'il voit, il voit seulement Dieu.

–  Cela est vrai.

–  Le christianisme sort de lui-même le pauvre coeur fatigué par le labeur et les lieux communs de la vie. Il révèle une personne divine, Dieu lui-même, qui est descendu jusqu'au plus petit, même jusqu'au plus vil; qui est assez saint (car il est parfait en sainteté), pour apporter l'amour dans tous les recoins du coeur de l'homme, parce que lui-même ne saurait jamais être souillé. Il éveille ainsi dans le coeur par les douleurs et les misères mêmes, le besoin de l'amour qui l'a visité et l'appelle à en jouir. Par une rédemption glorieuse et par l'expiation, il place aussi la pauvre âme qui, par l'amour, a appris à prendre plaisir à la lumière, dans la liberté qui lui permet d'en jouir, parce qu'en elle-même la lumière est sans tache, comme l'est aussi l'objet adorable de l'amour qui y a amené l'âme.

Je regarde autour de moi dans le monde, et que vois-je? Le paganisme, des hommes se prosternant devant le bois et la pierre; la chrétienté, présentant souvent des choses qui feraient honte à un païen. Et cependant, la bonté et la sagesse se manifestant au milieu de tout. Que puis-je penser? Tout est confusion. La sagesse et la bonté que je vois, me conduisent à Dieu en dépit de moi-même, et la pensée de Dieu me confond quand je vois tout le mal. Pauvre philosophie qui s'efforce de justifier le mal pour justifier Dieu. Mais quand je vois Christ, tout est expliqué. Je vois la bonté parfaite au milieu du mal, s'occupant de ceux qui y sont plongés, puis souffrant à cause du mal. Mon coeur se repose. Il a trouvé un objet qui satisfait à tous ses besoins, qui est plus que suffisant pour ses plus ardents désirs. J'ai ce qui est bon dans la bonté elle-même. Je vois ce qui s'élève au-dessus du mal qui m'oppressait. Mon coeur a trouvé le repos dans le bien, un bien qui demeure tel au milieu et au-dessus du mal. C'est là ce qu'il me faut, et j'éprouve ainsi du soulagement, car en Christ j'ai trouvé ce qu'est la puissance sur le mal.

Je vais plus loin, et j'apprends beaucoup plus. Je suis la trace de cette personne adorable, de qui tous ont reçu du bien, et qui a poursuivi son oeuvre de bonté avec une patience infatigable. J'entends les cris d'une foule tumultueuse, je découvre les plans ténébreux d'ennemis jaloux, — l'homme ne peut supporter le bien. Je vois des juges souverains qui n'ont pas le loisir de s'occuper de ce qui est méprisé dans le monde, et qui veulent apaiser la malice des méchants en la laissant avoir son cours, et en permettant que la bonté suprême en soit la victime. Mais, en regardant de plus près, je vois mieux encore ce qu'est l'homme: il hait Dieu et le bien. Oh! quel spectacle! L'ami le plus fidèle renie, l'un des plus rapprochés trahit, les autres s'enfuient; les sacrificateurs établis pour avoir compassion de ceux qui pèchent par ignorance, plaident avec fureur contre l'innocent; le juge, en le condamnant, se lave les mains de l'avoir fait, et la bonté suprême est là, seule, entièrement seule, et a contre elle le monde — tous les hommes — dans une inimitié universelle. La lumière parfaite a manifesté les ténèbres, et l'amour parfait a fait ressortir la haine jalouse. Le moi voulait avoir son propre chemin et ne voulait pas Dieu, et la croix clôt la scène pour autant du moins qu'il s'agit de l'homme. La pensée de la chair est inimitié contre Dieu.

Mais quelle chose merveilleuse! Je trouve là ce dont j'ai besoin. N'est-ce pas là ce que je suis? Me croirai-je meilleur que mon prochain? Non, dans ce qui s'est passé là, je me vois moi-même. La vue d'un Christ rejeté m'a découvert à moi-même; les plus profonds replis de mon coeur sont mis à nu, et le moi, l'horrible moi, est là. Mais sur la croix point d'égoïsme, non, il n'y en a aucun.

L'amour infini de Dieu se lève et brille au-dessus de tout dans sa propre perfection. Tout en m'abhorrant moi-même, je puis adorer Dieu dans son amour. L'homme est rencontré dans son mal, élevé au-dessus de ce mal, mis de côté dans son mal, quelque absolu que ce mal soit en lui, — même lorsqu'on le sonde à fond. La révélation de Dieu en Christ l'a démontré parfaitement sur la croix. Là se montrait la haine de l'homme contre l'amour en Dieu; mais là se montrait la perfection de l'amour envers ceux qui le haïssaient, l'amour dans le moment et sur la scène où les hommes se montraient remplis de haine. C'était la haine parfaite de l'homme d'un côté, et de l'autre l'amour parfait de Dieu accomplissant pour celui qui le haïssait, ce qui ôtait la haine et effaçait le péché qui en était l'expression. Qu'y a-t-il de semblable à la croix? Là se rencontrent le péché de l'homme dans son expression la plus affreuse, et l'amour parfait de Dieu; le péché arrivé à son point culminant de mal, et ôté, effacé dans son acte le plus odieux. Dieu est au-dessus de l'homme, même quand celui-ci a porté son péché à l'extrême, et Dieu est au-dessus, non pas en le tolérant, mais en l'ôtant par Christ mourant en amour sur la croix. Au coup de lance du soldat romain, qui ajouta ainsi une dernière insulte à tant d'autres, à ce coup qui, s'il ne fut pas le moyen de la mort, y rendit du moins témoignage, répondirent le sang et l'eau qui exprimaient l'expiation et la purification du péché même qui les faisait jaillir. Le péché était connu et, pour avoir un coeur vrai, il faut qu'il soit connu, connu dans la lumière, — le coeur intègre en a besoin, — mais connu dans un amour parfait, devant lequel nous n'avons nul besoin de cacher ni d'atténuer le péché; nul péché toléré, mais nul péché laissé sur la conscience; tous nos rapports avec Dieu fondés maintenant sur cette grâce qui règne par la justice.

–  Scène merveilleuse, en effet, que celle qu'offre la croix. En vérité, il n'y a rien de pareil.

–  En effet, rien dans le ciel ni sur la terre, excepté Celui qui fut là pour nous. Nous serons avec lui dans la gloire, mais sur la croix il fut seul. Il demeure seul dans cette gloire de la croix. Là rien ne peut lui être associé, sauf que c'est l'expression de la nature qui a été révélée et glorifiée à la croix. Cela, nous le trouvons toujours en Dieu; il est connu de cette manière. La vie éternelle est devenue ainsi l'association avec Dieu.