Des canaux de bénédiction - Mackintosh Ch.

 ME 1885 page 131

 

«En ces jours-là, comme il y avait là une fort grande foule, et qu'ils n'avaient rien à manger, Jésus, ayant appelé à lui ses disciples, leur dit: Je suis ému de compassion envers la foule, car voici trois jours déjà qu'ils restent avec moi, et ils n'ont rien à manger. Et si je les renvoie à jeun dans leurs maisons, ils tomberont en défaillance par le chemin; car quelques-uns d'entre eux sont venus de loin. Et ses disciples lui répondirent: D'où les pourra-t-on rassasier de pains, ici, dans le désert? Et il leur demanda: Combien de pains avez-vous? Et ils dirent: Sept. Et il commanda à la foule de s'asseoir sur la terre; et ayant pris les sept pains, et ayant rendu grâces, il les rompit et les donna à ses disciples pour les mettre devant la foule; et ils les mirent devant elle. Ils avaient aussi quelques petits poissons; et ayant béni, il commanda qu'ils les missent aussi devant la foule. Et ils mangèrent, et furent rassasiés; et ils ramassèrent des morceaux qui étaient de reste, sept corbeilles. Or ceux qui avaient mangé, étaient environ quatre mille. Et il les renvoya» (Marc 8: 1-9).


Ce passage présente, relativement à un trait particulier de la mission du chrétien dans ce monde, un exemple frappant et d'une grande beauté. Nous engageons le lecteur à le méditer sérieusement. Il est d'une immense importance et d'une application universelle. Il concerne tout enfant de Dieu. Chacun de nous doit se rappeler qu'il est envoyé, dans ce monde, pour être un canal de communication entre le coeur de Christ et les diverses formes de besoins que nous pouvons rencontrer jour après jour dans notre chemin.

C'est un trait intéressant et plein de grâce de la mission du chrétien. Il est vrai que ce n'est qu'un trait entre plusieurs; mais il est d'un grand prix et d'une beauté exquise. Il est aussi éminemment pratique, ainsi que nous le verrons. Il suppose nécessairement que je suis un chrétien. Si je ne sais pas que j'ai la vie éternelle, si je doute de mon salut éternel, si je ne connais pas Christ comme mon précieux Sauveur et Seigneur, — la portion, l'objet et le repos de mon coeur, — alors m'occuper de la mission du chrétien, c'est simplement me décevoir moi-même et m'aveugler sur ma véritable condition. Un salut, et un Sauveur et Seigneur que l'on connaît et dont on jouit, sont les conditions absolument essentielles pour accomplir cette mission.

Ayant dit cela, autant pour garder le lecteur de s'illusionner lui-même, que pour empêcher que notre sujet soit mal compris, nous nous arrêterons quelques instants sur ce beau passage que nous avons cité en commençant. Veuille l'Esprit Saint le dévoiler et l'appliquer à nos coeurs!

«En ces jours-là, comme il y avait là une fort grande foule, et qu'ils n'avaient rien à manger». Tel était le cas — de grands besoins et aucune ressource apparente pour y répondre. Mais Jésus était là, béni soit son saint nom! Il était là avec tout l'amour de son coeur et toute la puissance de sa main. Il était là, Celui qui, autrefois, avait nourri durant quarante ans dans le désert aride, un peuple de trois millions de personnes. Oui, il était là, et il aurait pu sans doute subvenir immédiatement et directement aux besoins de la multitude, sans appeler du tout à agir ses pauvres disciples incrédules et occupés d'eux-mêmes. Il aurait pu aussi faire venir du ciel des messagers angéliques pour pourvoir à ce que demandaient ces multitudes affamées.

Mais il ne fait ni l'un ni l'autre, parce que c'était le dessein de sa grâce d'employer ses disciples comme canaux de communication entre lui et la foule; et cela, non pas simplement comme instruments de sa puissance, ce que les anges eussent pu être, mais comme l'expression même de son coeur.

Et remarquons comment il le fait. S'il avait voulu se servir d'eux simplement comme instruments de sa puissance, il lui aurait suffi de placer dans leurs mains la manière et les moyens d'accomplir ses desseins. Mais non: il voulait faire d'eux des canaux à travers lesquels couleraient les tendres compassions de son coeur. Comment cela pouvait-il se faire? De la manière suivante: «Ayant appelé à lui ses disciples, il leur dit: Je suis ému de compassion envers la foule, car voici trois jours déjà qu'ils restent avec moi, et ils n'ont rien à manger. Et si je les renvoie à jeun dans leurs maisons, ils tomberont en défaillance par le chemin; car quelques-uns d'entre eux sont venus de loin».

Nous avons là le vrai secret de la préparation pour notre haute et sainte mission. Notre précieux Sauveur rassemble d'abord ses disciples autour de lui, et cherche à remplir leurs coeurs de ses pensées et de ses sentiments, avant de remplir leurs mains de poissons et de pains. C'est comme s'il avait dit: «Je suis ému de compassion, mais je désire que vous le soyez aussi. Je désire que vous entriez dans toutes mes pensées et mes sentiments, que vous pensiez comme moi, que vous sentiez comme moi. Je désire que vous regardiez avec mes yeux cette foule affamée, afin que vous soyez dans un état moral qui vous rende propres à être mes canaux de communication».

Cela est d'une beauté exquise. Quelqu'un dira: «Je désire être un tel canal, mais cela me semble beaucoup trop élevé, tout à fait au-dessus de moi. Comment puis-je atteindre à une telle hauteur?» La réponse est: Approchez-vous assez de Christ pour penser comme il pense, pour sentir comme il sent. Abreuvez-vous de son Esprit. C'est là, soyez-en sûr, le seul moyen d'être un canal de communication. Si je dis: «, Il faut que j'essaye de devenir un canal de communication», je parle en insensé et ne serai qu'une caricature. Mais si je m'abreuve à la fontaine du coeur de Christ, je serai rempli jusqu'à déborder; tout mon être moral sera imprégné de son Esprit, de sorte que je serai dans un état convenable pour qu'il se serve de moi, et je serai sûr de faire un juste usage des moyens, quels qu'ils soient, qu'il placera dans mes mains, c'est-à-dire que je les emploierai pour lui. Si j'ai les mains remplies de moyens, avant d'avoir le coeur rempli de Christ, je n'emploierai pas ces moyens pour lui; je m'en servirai pour ma propre gloire, et non pour la gloire de Dieu.

Frères, considérons bien cela. Examinons quelle est notre mission, et quel est le vrai secret pour l'accomplir. C'est un grand point d'avoir le coeur saisi par le fait que nous sommes appelés à être des canaux par lesquels le coeur de Christ puisse couler vers les siens et vers un pauvre monde. Cela est merveilleux, cela semble trop beau pour être vrai; mais, béni soit Dieu, cela est aussi vrai que merveilleux, Cherchons seulement à nous en pénétrer, à le croire, à nous l'approprier. Ne nous contentons pas de l'admirer comme une belle théorie, mais cherchons à ce que nos âmes en soient remplies par la puissance glorieuse du Saint Esprit.

Mais remarquez combien les disciples sont lents à répondre au désir du coeur de Christ à leur égard. C'était son dessein de grâce de les employer comme ses canaux envers la multitude, et de leur conférer cet immense privilège; mais eux, de même que nous, étaient peu capables de l'apprécier, et cela simplement parce qu'ils n'entraient pas dans ses pensées, et qu'ils ne saisissaient pas la gloire de sa personne. «Et ses disciples lui répondirent: D'où les pourra-t-on rassasier de pains, ici, dans le désert?» Dans une autre occasion, ils disaient: «Nous n'avons ici que cinq pains et deux poissons?» Ne savaient-ils pas, ou bien avaient-ils oublié, qu'ils avaient devant eux Celui qui a créé et qui soutient l'univers? A la vérité, il était là sous l'humble apparence de Jésus de Nazareth. Sa gloire divine était cachée à l'oeil naturel, derrière le voile de son humanité. Mais ils auraient dû mieux connaître qui il était et ce qu'il était, et savoir comment profiter eux-mêmes de sa présence glorieuse et de ses insondables richesses. Assurément, si leurs coeurs avaient saisi la gloire de sa personne, ils n'auraient jamais fait une semblable question: «. D'où les pourra-t-on rassasier de pains, ici, dans le désert?» Moïse autrefois avait dit: «D'où aurais-je de la chair pour en donner à tout ce peuple?» Le pauvre coeur incrédule exclut Dieu. Jéhovah demandait-il à Moïse de donner de la chair? Assurément non. Aucun homme n'aurait pu le faire, et un simple homme ne pouvait nourrir quatre mille personnes dans un lieu désert.

Mais Dieu était là. Oui, c'était Dieu qui, parlant par des lèvres humaines, avait dit: «Je suis ému de compassion envers la foule». C'était Dieu qui prenait connaissance de toutes les circonstances de chaque individu dans cette grande multitude de gens défaillants et affamés. Il savait exactement la longueur du chemin que chacun avait parcourue, et le temps précis depuis lequel chacun était à jeun. Il s'occupait des conséquences certaines de leur renvoi sans nourriture. C'est Dieu lui-même qui faisait entendre ces touchantes paroles: «Si je les renvoie à jeun dans leurs maisons, ils tomberont en défaillance par le chemin; car quelques-uns d'entre eux sont venus de loin».

Oui, Dieu était là dans toute la tendresse d'un amour qui pouvait tenir compte des plus petits détails de la faiblesse et des besoins d'une créature. Il était là aussi dans sa force toute puissante et avec ses ressources inépuisables, et pour rendre ses pauvres disciples capables d'être les dépositaires de ses pensées, les vaisseaux de sa bonté, les canaux de sa grâce. Et que leur fallait-il, afin d'être capables de remplir leur mission? Avaient-ils besoin d'être ou de faire quelque chose? Non, mais simplement de le voir et d'avoir recours à lui. Ils avaient à exercer cette foi simple, qui compte sur Dieu pour toutes choses et qui trouve toutes ses sources en lui.

Ainsi en était-il des disciples, ainsi en est-il de nous. Si nous désirons agir comme des canaux de la grâce de Christ, nous devons avoir affaire avec lui dans le profond secret de nos âmes. Il nous faut apprendre de lui; il faut nous nourrir de lui; nous devons connaître ce que signifie la communion avec son coeur; il nous faut être assez près de lui, pour avoir les secrets de sa pensée et pour manifester les desseins de son amour. Si nous voulons le refléter, il faut que nous le contemplions. Si nous voulons le reproduire, nous devons nous nourrir de lui, il faut qu'il habite dans nos coeurs par la foi. Soyons assurés de cela, que ce qui est en réalité dans nos coeurs se manifestera dans notre vie. Nous pouvons avoir une masse de vérités dans notre tête et une foule de paroles sur nos lèvres, mais si vraiment nous désirons être des canaux de communication entre son coeur et ceux qui ont des besoins sur la scène où nous passons, il nous faut habituellement nous abreuver de son amour. Il n'est pas possible de l'être d'une autre manière. «Celui qui croit en moi, selon ce qu'a dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive couleront de son ventre» (Jean 7: 38).

Là se trouve le grand secret de tout ce qui nous occupe: «Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive». Pour que les fleuves coulent, il nous faut boire. Cela ne peut être autrement.

Oh! si chaque membre de l'Eglise de Dieu était sous la puissance de ce grand principe, combien serait différent l'état de choses dont nous sommes témoins! Et en quoi gît l'obstacle? Nous ne sommes pas à l'étroit auprès de notre adorable Seigneur et Sauveur. C'est son désir de nous employer, juste comme il employait ses disciples dans l'occasion qui est devant nous. Il les rassemblait autour de lui, et, avec grâce, il cherchait à verser dans leurs coeurs la compassion qui remplissait le sien, afin qu'ils pussent sentir avec lui, ce qui est la qualification morale nécessaire pour agir pour lui. Nous pouvons toujours être sûrs que là où le coeur est rempli de Christ, la puissance pour agir ne fera pas défaut.

Mais, hélas! il en est de nous comme des disciples. Ils n'appréciaient pas la puissance qui se trouvait au milieu d'eux, et ils ne s'en servaient pas. Ils disaient: «D'où pourra-t-on?» alors qu'ils auraient dû dire: «Nous avons Christ». En pratique, ils ignoraient Christ, et c'est ce qui nous arrive aussi. Nous nous excusons de notre pauvreté, de notre indolence, de notre froideur, de notre indifférence, sous le prétexte que nous n'avons pas ceci, ou cela, ou autre chose; tandis que ce qui nous manque en réalité, c'est un coeur rempli de Christ, — rempli de ses pensées, de son amour, de sa bonté, de sa tendre sollicitude pour les autres, un coeur rempli de son renoncement et de son oubli de soi-même. Nous nous plaignons du manque de moyens, tandis que ce dont nous avons réellement besoin, c'est d'un bon état d'âme, — de la vraie attitude morale du coeur; et cela ne peut être produit que par une étroite intimité avec Christ, par la communion avec sa pensée, en étant abreuvé de son Esprit.

Nous voudrions que l'Eglise de Dieu prit sérieusement à coeur ce sujet. Nous voudrions voir chaque membre du corps de Christ agir comme un canal, par lequel sa précieuse grâce se répandît en flots de vie sur tous ceux qui l'entourent, — que chacun fût comme un ruisseau coulant avec sa vertu rafraîchissante, répandant sur son cours la verdure et la fraîcheur, et non une eau stagnante, image si frappante d'un chrétien qui n'est pas en communion avec le Seigneur.

Veuille le Seigneur ranimer tous nos coeurs, et nous rendre propres à accomplir notre haute et sainte mission comme canaux de la précieuse grâce de Christ au milieu d'un monde qui l'a rejeté.