La vie pratique des Thessaloniciens

ME 1886 page 16

 

Dans l'épître aux Thessaloniciens, nous trouvons la vie même du chrétien dans son premier jet, dans ses qualités intrinsèques, telles qu'elles se déployaient par l'énergie du Saint Esprit sur la terre, — la vie de Dieu ici-bas, dans les saints dont l'apôtre se souvenait avec tant de satisfaction et de joie dans ses prières. Trois grands principes, dit-il aux Corinthiens, forment la base de cette vie, et en restent toujours le fondement: la foi, l'espérance et l'amour (1 Corinthiens 13). Or ces trois choses formaient les mobiles puissants et divins de la vie des Thessaloniciens. Cette vie n'était pas seulement une habitude; elle découlait, dans son activité, de la communion immédiate avec sa propre source. Cette activité était vivifiée et entretenue par la vie divine, et par un regard continuel sur l'objet de la foi. Paul trouvait chez les Thessaloniciens, travail et peine et patience; ces choses se trouvaient aussi dans l'église d'Ephèse, telle que nous la voyons dépeinte dans l'Apocalypse: mais le travail des Thessaloniciens était un travail de foi; la peine qu'ils se donnaient, était celle de l'amour; leur patience, une patience nourrie par l'espérance. La foi, l'espérance et l'amour, sont, nous l'avons vu, les ressorts du christianisme dans ce monde; le travail, la peine, la patience continuaient à Ephèse, mais n'étaient pas caractérisés par ces grands et puissants principes: le travail, la peine, la patience, continuaient comme des habitudes prises, mais la communion manquait; le premier amour avait été abandonné.

La première épître aux Thessaloniciens est l'expression pratique de la puissance vitale, qui se déploie dans l'Eglise naissante; l'église d'Ephèse (Apocalypse 2), celle de son premier écart de la vérité. Dieu veuille que notre travail soit un travail de foi; qu'il tire sa force, son existence même, de notre communion avec Dieu notre Père; que ce travail soit, à chaque moment, le fruit de la réalisation de ce qui ne se voit pas, de la vie qui vit dans l'assurance immuable de la vérité de la Parole; qu'il porte ainsi l'empreinte de la grâce et de la vérité qui sont venues par Jésus Christ et en soit le témoignage. Dieu veuille que la peine que nous nous donnons pour servir, soit le fruit de l'amour; qu'elle ne soit pas accomplie comme devoir et obligation, bien que, de fait, cet accomplissement soit un devoir si nous savons que ce service est placé devant nous par Dieu; et que la patience qu'il faut avoir pour traverser ce désert, soit, non la nécessité où nous nous trouvons de marcher, parce que le chemin est devant nous, mais une patience nourrie par l'espérance, qui se rattache à notre vue de Jésus par la foi, et qui attend le Sauveur du ciel.

Ces principes, la foi, l'espérance et l'amour, forment notre caractère comme chrétiens; mais ce caractère ne saurait, ni ne devrait se former en nous, sans que la foi, l'espérance et l'amour aient des objets auxquels ils s'attachent: en conséquence, l'Esprit nous présente ces objets ici. Ils ont un double caractère: 1° le coeur s'appuie par la foi sur Jésus, l'attend, compte sur lui; se rattache à lui dans sa marche. Jésus a marché ici-bas; il nous représente dans le ciel; il nous soigne, comme un bon berger; il aime les siens, il les nourrit et les chérit: notre foi et notre espérance l'ont toujours en vue. 2° La conscience se tient devant Dieu notre Père: ce n'est pas un esprit de crainte: il n'y a aucune incertitude quant à notre relation avec lui; nous sommes enfants d'un père qui nous aime parfaitement; — mais nous sommes devant Dieu. La lumière a autorité et force dans la conscience; nous marchons dans la conscience que les yeux de Dieu sont sur nous, en amour, mais sur nous, et la lumière manifeste tout. Elle juge tout ce qui pourrait affaiblir la douce et paisible réalisation de la présence de Dieu, notre communion avec Jésus, notre confiance en lui, et l'intimité des entretiens de nos âmes avec le Sauveur. — Ces deux principes sont de toute importance pour la paix durable et pour le progrès de nos âmes. La vie s'affaisse, si elle n'est soutenue par eux; l'un des deux soutient la confiance; l'autre nous tient dans la lumière avec une bonne conscience. Sans celle-ci, la foi, pour ne pas dire davantage, perd sa vivacité; sans la confiance en Jésus, la conscience devient légale, et la force, la clarté, l'entrain spirituels nous manquent.

L'apôtre rappelle aussi le moyen employé par Dieu pour produire la confiance et la crainte de Dieu, savoir l'Evangile, la Parole, apportée en puissance et en pleine certitude à l'âme par le Saint Esprit. La Parole avait de la puissance dans le coeur des croyants à Thessalonique. Elle y arrivait comme la parole de Dieu; l'Esprit lui-même se révélait à l'âme en produisant en elle la conscience de sa présence, et la conséquence en était la pleine assurance de la vérité dans toute sa force, dans toute sa réalité. La vie de l'apôtre, toute sa conduite, confirmait le témoignage qu'il rendait, et en faisait partie: — il en est toujours ainsi; — le fruit du travail de Paul répondait dans son caractère à celui qui avait travaillé; le christianisme des Thessaloniciens ressemblait à celui de Paul, à la marche du Sauveur lui-même que l'apôtre suivait de si près. Il y avait beaucoup d'affliction; — car l'ennemi ne supportait pas un témoignage si clair, et Dieu accordait à un témoignage comme celui-là, la grâce de souffrir avec Christ et une grande joie du Saint Esprit. Heureux témoignage à la puissance de l'Esprit opérant dans le coeur! Or, quand le Saint Esprit agit ainsi dans les âmes, tout est en témoignage aux autres. Le monde voit qu'il y a chez les chrétiens une puissance qu'il ne connaît pas, des motifs dont il ne fait pas l'expérience, une joie dont il se moque, mais qu'il n'a pas; une conduite qui le frappe et qu'il admire, quoiqu'il ne la suive pas, une patience qui met à nu l'impuissance de l'ennemi pour lutter contre une force qui supporte tout, et qui est joyeuse en dépit de tout ce qu'il peut faire. Que faire de ceux qui se laissent tuer sans qu'ils en soient moins joyeux, qui le sont même davantage; qui sont au-dessus de tous vos motifs quand on les laisse tranquilles; et qui, quand on les opprime, se possèdent en parfaite joie, malgré tous vos efforts, les tourments ne les vainquant pas, mais leur prêtant seulement l'occasion de rendre un plus puissant témoignage qu'ils sont hors de votre pouvoir? Une vie passée dans la paix est tout entière un témoignage; et la mort de quelqu'un qui est heureux dans les souffrances, l'est encore davantage.

Tel est le chrétien, là où le christianisme existe dans sa force, dans son état normal selon Dieu: c'est-à-dire la Parole (de l'évangile) et la présence de l'Esprit, reproduites dans la vie, dans un monde aliéné de Dieu. Tel était de fait le christianisme des Thessaloniciens; et le monde, malgré lui, devenait un témoin de plus pour annoncer la puissance de l'évangile. Les fidèles de Thessalonique étaient des exemples pour les croyants d'autres endroits, et ils faisaient le sujet des entretiens et des récits du monde, qui ne se lassait pas de raconter ce phénomène si nouveau, si étrange, de gens qui avaient abandonné tout ce qui gouvernait le coeur humain, tout ce à quoi ce coeur était assujetti, et qui adoraient un seul Dieu vivant et vrai. La conscience naturelle rendait témoignage à l'unique Dieu des chrétiens. — Les dieux des païens étaient les dieux des passions, non de la conscience; et la conscience réveillée reconnaissait le seul Dieu, à qui elle se sentait responsable malgré elle. Ensuite, le monde annonçait aussi que ces chrétiens attendaient le Fils de Dieu du ciel; et ceci donnait une réalité vivante, une actualité à leur position et à leur religion. — Ils attendaient le Fils de Dieu du ciel. Heureux certes sont les chrétiens, qui, par leur marche et par toute leur conduite, poussent le monde à rendre témoignage à la vérité; qui sont si clairs dans leur confession, si conséquents dans leur vie, qu'un apôtre n'avait pas besoin de dire ce qu'il avait prêché au milieu d'eux, ni ce qu'il avait été parmi eux: le monde le disait pour lui et pour eux!

Ce que l'apôtre signale comme le témoignage que la fidèle marche des Thessaloniciens rendait au monde, renferme trois sujets capitaux: 1° Les Thessaloniciens avaient quitté leurs idoles, pour servir le Dieu vivant et vrai; 2° pour attendre du ciel son Fils, qu'il avait ressuscité d'entre les morts; 3° le Fils était un garant contre la colère qui allait être révélée.

Un simple fait — mais d'une immense portée — caractérise le christianisme. Le christianisme nous révèle un objet positif et le place devant nos âmes, et cet objet, ce n'est rien moins que Dieu lui-même. La nature humaine peut découvrir la folie de ce qui est faux: on se moque des faux dieux et des images taillées, mais on ne se dépasse pas soi-même, on ne se révèle rien. Un des plus fameux hommes de l'antiquité se complaît à nous dire, que tout irait bien si les hommes suivaient la nature il est clair qu'ils ne sauraient la dépasser et, de fait, le philosophe aurait raison, si l'homme n'était pas en chute. Mais exiger de l'homme qu'il suive la nature, est une confession qu'il est en chute, et qu'il est tombé au-dessous de l'état normal de cette nature. Il ne la suit pas dans une marche qui convienne à son état normal. Tout est en désordre; la volonté emporte l'homme et agit dans ses passions. L'homme a abandonné Dieu et a perdu la force et le centre d'attraction qui le retenait lui-même à sa place, et tout a sa place dans sa nature. Il ne peut recouvrer son état normal. Il ne peut se diriger, car loin de Dieu, il n'y a que la volonté propre qui conduise l'homme. Il y a des objets nombreux, qui fournissent occasion à l'action des passions et de la volonté, mais il n'y a pas d'objet, qui, comme centre, donne à l'homme une position morale régulière, constante et durable, en relation avec cet objet, de sorte que son caractère en porte l'empreinte et soit formé moralement selon la valeur de cet objet. L'homme doit, ou avoir un centre moral capable de le former comme être moral, en l'attirant vers ce centre, et en remplissant ses affections, de sorte qu'il soit le reflet de cet objet; ou bien agir par sa volonté; et, dans ce cas, il est le jouet de ses passions; ou bien encore, ce qui est la conséquence de ce dernier état, il faut qu'il soit l'esclave d'un objet qui a pris possession de cette volonté. Une créature qui est un être moral, ne saurait subsister sans un objet: se suffire à soi-même est le propre de Dieu. La paix qui subsistait dans l'inconscience du bien et du mal est perdue; l'homme ne marche plus comme un être qui, dans ses pensées, n'a rien qui soit étranger à son état normal, et a ce qu'il possédait dans cet état; qui n'a pas une volonté propre, ou, ce qui revient au même, qui a une volonté qui ne veut rien en dehors de ce qu'elle possède. L'homme n'est pas un être qui jouit avec reconnaissance de ce qui est déjà approprié à sa nature, et en particulier d'un être semblable à lui, d'un aide qui a la même nature que lui et qui répond à son coeur, — bénissant Dieu de tout. L'homme veut maintenant; et, tandis qu'il a perdu ce qui faisait la sphère de sa jouissance, il y a en lui une activité qui cherche, qui s'est rendue incapable de se contenter sans s'élancer plus loin, qui déjà, par cette volonté, s'est lancée dans une sphère qu'elle ne remplit pas, où l'intelligence lui manque pour tout saisir, et où la force lui fait défaut pour réaliser même ce que la volonté saisit. L'homme, et tout ce qui lui a appartenu, ne suffit plus à l'homme comme jouissance: il lui faut encore un objet. Cet objet sera au-dessus ou au-dessous de l'homme. S'il est au-dessous, l'homme se dégrade en prenant pour objet ce qui est au-dessous de lui-même: et c'est bien ce qui est arrivé. L'homme veut plus, selon sa nature même; le philosophe dont j'ai parlé en est témoin: son état était celui que l'apôtre dépeint au commencement de l'épître aux Romains, avec toutes les horreurs de la simple vérité. Si l'objet de la poursuite de l'homme est au-dessus de lui, et au-dessous de Dieu, il n'y a rien là encore qui gouverne sa nature, rien qui le mette à sa place; l'homme n'est pas revenu à Dieu, n'est pas relevé de sa chute, moralement. Un être bon ne saurait permettre que l'homme fisse de lui l'objet de son hommage, pour en exclure Dieu. Si un être mauvais y réussit, il devient pour l'homme un dieu, qui exclut le vrai Dieu, et dégrade l'homme dans ses relations les plus élevées; ce qui est la pire des dégradations. C'est là aussi ce qui est arrivé à l'homme. Et puisque ces êtres, qui sont devenus les objets de l'hommage de l'humanité égarée, ne sont que des créatures, ils ne sauraient gouverner l'homme que par ce qui existe et par ce qui agit sur lui: ils sont les dieux de ses passions; ils dégradent l'idée de la divinité; ils dégradent la pratique de l'humanité; la vie des humains est un esclavage à des passions jamais satisfaites et qui inventent le mal, quand l'excès dans ce qui est naturel, les a blasés et les a laissés sans ressource.

Tel était de fait l'état de l'homme dans le paganisme. L'homme, et par-dessus tout l'homme ayant la connaissance du bien et du mal, doit avoir Dieu pour objet, et comme un objet devant lequel son coeur peut rester en paix, et duquel il peut s'occuper avec joie, ou bien il est perdu.

L'Evangile, le christianisme, a donné à l'homme cet objet. Dieu qui remplit tout, qui est la source de tout, en qui toute bénédiction, tout ce qui est bon, se concentre, Dieu qui est tout amour, qui a toute puissance, qui embrasse tout dans sa connaissance, parce que tout, sauf l'abandon de lui-même par sa créature, n'est que le fruit de sa pensée et de sa volonté, Dieu s'est révélé à l'homme; il s'est révélé en Christ pour l'homme: pour que le coeur de celui-ci, occupé de Lui, avec une parfaite confiance dans sa bonté, le connaisse et jouisse de sa présence, et reflète son caractère. Le péché et la misère de l'homme, n'ont fait que fournir l'occasion à un déploiement infiniment plus complet de tout ce que Dieu est, — et des perfections de sa nature, — en amour, en sagesse, et en puissance; mais nous ne considérons ici que le fait qu'il s'est donné à l'homme comme objet. Toutefois, quoique la misère de l'homme n'ait fait que donner lieu à une révélation plus admirable de Dieu, Dieu lui-même a dû avoir un objet digne de lui, à l'égard duquel il pût déployer toutes ses affections, et qui fût le but de ses desseins: cet objet, c'est la gloire de son Fils, c'est son Fils lui-même. Un être d'une nature inférieure n'aurait pu être cet objet, bien que Dieu puisse se glorifier dans sa grâce envers un tel être. L'objet des affections, et les affections qui s'exercent à l'égard de cet objet, sont nécessairement corrélatifs. Ainsi Dieu a déployé sa grâce souveraine et immense à l'égard de ce qui était le plus misérable et le plus indigne, le plus nécessiteux: il a déployé toute la majesté de son Etre, toute l'excellence de sa nature, en rapport avec un objet, en qui il pouvait trouver toutes ses délices, et montrer ce qu'il était dans la gloire de sa nature. Mais c'est comme homme (merveilleuse vérité des conseils éternels de Dieu!) que cet objet des délices de Dieu le Père, a pris sa place dans cette glorieuse révélation, par laquelle Dieu se fait connaître à ses créatures. Dieu avait ordonné et préparé l'homme pour cela. Ainsi le coeur, instruit par l'Esprit, connaît Dieu révélé dans la grâce immense, dans l'amour qui descend du trône de Dieu jusqu'à la ruine et à la misère du pécheur; — il se trouve, en Christ, dans la connaissance et la jouissance de l'amour que Dieu a pour l'objet de ses éternelles délices, objet digne aussi de faire les délices de Dieu; il jouit de cet amour, ainsi que des communications par lesquelles Dieu le témoigne (Jean 17: 7, 8), et enfin, il a part à la gloire qui est la démonstration publique, devant l'univers, de l'amour que Dieu le Père a pour le Fils. Cette dernière partie de notre ineffable bonheur, est le sujet des communications de Jésus dans la dernière partie de l'évangile de Jean (chapitres 14, 15, et tout particulièrement chapitre 17).

Du moment que le pécheur est converti, il est introduit, quant au principe de sa vie, dans cette position et dans les relations avec Dieu dont nous venons de parler. Il n'est peut-être qu'un enfant, mais le Père qu'il connaît, l'amour dans lequel il est entré, le Sauveur sur lequel il ouvre les yeux, sont les mêmes dont il jouira, quand il connaîtra comme il est connu. Il est chrétien; il est tourné des idoles vers Dieu, et pour attendre son Fils du ciel.

On remarquera qu'il n'est pas question ici de la puissance qui convertit, ni de la source de la vie: d'autres passages en parlent clairement; — ce qui est présenté, c'est le caractère de la vie, dans sa manifestation. Or, ce caractère dépend des objets de notre vie. La vie s'exerce, se déploie, en rapport avec des objets, et acquiert ainsi son caractère. La source d'où elle découle, la rend capable de jouir des objets qui lui sont présentés, mais une vie qui n'a pas d'objet dont elle dépende, n'est pas la vie d'une créature. Vivre d'une vie absolue et indépendante, est la prérogative de Dieu. — Ceci montre la folie de ceux qui veulent une vie «subjective», comme on dit, sans qu'elle ait en même temps un caractère positivement «objectif», car son état subjectif dépend de l'objet dont elle s'occupe. C'est le propre de Dieu d'être la source de ses propres pensées, sans objet qui les forme; c'est le propre de Dieu d'être et de dire: «Je suis», et de se suffire à lui-même, parce qu'il est la perfection, et le centre et la source de tout; et de se créer d'autres objets, s'il veut en avoir d'autres que lui-même. En un mot, tout en recevant de Dieu une vie qui est capable de jouir de lui, le caractère moral de l'homme ne se forme pas en soi, sans un objet qui lui communique son caractère.

Or Dieu s'est donné à nous comme objet, et s'est révélé en Christ. Si nous nous occupons de Dieu en lui-même, en supposant pour un moment qu'il ait pu se révéler ainsi, le sujet est trop vaste pour nous. Dieu connu ainsi, si nous en étions capables, — serait une joie infinie, — mais pour cela il faudrait être Dieu, et la supposition est absurde. Dans ce qui est purement et absolument infini, il manque quelque chose pour une créature, quoique ce soit sa prérogative la plus élevée, que de jouir de ce qui est infini. Cette jouissance de l'infini par l'homme doit avoir lieu; d'un côté, c'est une nécessité pour l'homme, — pour qu'il soit à sa place, et que Dieu ait la sienne vis-à-vis de lui, — et d'un autre côté aussi, c'est ce qui l'élève d'une manière si admirable. Cette jouissance nous est donnée, et donnée dans une intimité précieuse, car nous sommes enfants, et nous demeurons en Dieu, et Dieu en nous. Mais dans l'infini absolu, il y a un certain poids pour le coeur: ce sentiment de Dieu seul nous oppresse. L'Ecriture parle de: «un poids éternel d'une gloire souverainement excellente». Il faut qu'il en soit nécessairement ainsi, si l'homme pense à Dieu, tel qu'il est en lui-même: la majesté de Dieu doit être maintenue quand nous pensons à lui comme Dieu, et son autorité, ses droits sur la conscience, doivent se faire sentir. Le coeur, Dieu l'a formé ainsi, a besoin de quelque chose qui ne rabaisse pas ses affections, mais qui ait en même temps le caractère de compagnon et d'ami, au moins de quelqu'un duquel le coeur peut s'approcher, comme ayant ce caractère.

C'est là ce que nous possédons en Christ, notre précieux Sauveur. Il est un objet pour notre coeur, un objet que nous voyons tout près de nous; il ne prend pas à honte de nous appeler frères; il nous a appelés amis; tout ce qu'il a entendu de son Père, il nous l'a communiqué. Est-il possible, en même temps, de détourner nos regards de Dieu? Au contraire, c'est en Christ que Dieu est manifesté, que les anges mêmes le voient: c'est lui qui, étant dans le sein du Père, nous révèle son Dieu et Père, et nous place dans cette douce relation d'enfant avec Dieu; à cet effet, il nous révèle son Père comme il le connaît lui-même; et non seulement cela, mais il est dans le Père et le Père en lui, de sorte que celui qui l'a vu, a vu le Père. Il nous révèle Dieu, au lieu de nous détourner de lui. En grâce, il l'a déjà révélé; nous attendons la révélation de la gloire en lui. Déjà sur la terre aussi, du moment qu'il est né, les anges ont célébré le bon plaisir de Dieu dans les hommes, car l'objet de ses éternelles délices était devenu homme, et maintenant il a accompli l'oeuvre qui rend possible l'introduction d'autres hommes — de pauvres pécheurs — dans la jouissance de cette faveur de Dieu de laquelle il jouit comme homme. Il en fait jouir les chrétiens avec lui-même. C'est ainsi que Dieu nous a réconciliés avec lui-même. Connaissant Dieu ainsi par la foi, nous nous détournons des idoles pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre son Fils du ciel. Le Dieu vivant et vrai est l'objet de notre joyeux service. Son Fils que nous connaissons, qui nous connaît, qui veut que nous soyons là où il est, qui nous a identifiés avec sa propre gloire, et sa gloire avec nous, — lui, homme glorieux pour toujours, et premier-né d'entre plusieurs frères, est l'objet de notre attente. Nous l'attendons du ciel, car là, dans le ciel, sont nos espérances et le siège de notre joie. Nous possédons comme l'objet de nos coeurs, l'objet qui les remplit et l'infini d'un Dieu d'amour, et l'intimité de celui qui a pris part à toutes nos infirmités, et qui, sans péché, a porté nos péchés. Quelle part nous avons!

Mais il y a un autre côté de la vérité. Les créatures sont responsables, et Dieu, quels que soient son amour et sa patience, ne peut pas permettre le mal ou le mépris de son autorité. S'il les tolérait, tout serait confusion et misère; Dieu lui-même perdrait sa place. Il y a un jugement, la colère à venir. Nous étions responsables, — nous avons manqué; comment donc jouir de Dieu et de l'Agneau de la manière dont nous avons parlé? Ici s'applique la troisième vérité dont l'apôtre parle, lorsqu'il dit: «Qui nous sauve de la colère à venir». L'oeuvre de Christ nous a mis parfaitement à l'abri de cette colère. Il s'est mis à notre place sur la croix, en tant que nom, sommes envisagés comme sous l'effet de notre responsabilité, et il a aboli pour nous le péché par le sacrifice de lui-même.

Voilà donc les trois grands éléments de la vie chrétienne: nous servons le Dieu vivant et vrai, ayant abandonné nos idoles extérieures et intérieures; nous attendons Jésus pour entrer dans la gloire, car la vie de Dieu nous a fait sentir ce que c'est que ce monde, et Jésus nous est connu; quant à nos péchés et à notre conscience, nous sommes parfaitement purifiés, nous ne craignons rien. Tel aussi était le témoignage que rendaient la vie et la marche des Thessaloniciens.