Fragments de lettres

 

Fragments de lettres. 1

ME 1886 page 58. 1

ME 1886 page 98. 2

ME 1886 page 137. 3

ME 1886 page 157. 4

ME 1886 page 237. 6

ME 1886 page 417. 7

 

ME 1886 page 58

Chicago (Illinois), décembre 1872

Bien cher frère

… Une chute qui exige l'excommunication, n'est pas le commencement du mal dans un chrétien. L'âme a dû s'affaiblir dans sa communion, ne pas s'être tenue près de Dieu. Il ne s'agit pas de la sincérité dans ces cas. Poussé, en avant par le courant de l'oeuvre qui est devant soi, on ne se place pas assez devant Dieu, on ne se juge pas soi-même, on n'est pas à nu devant Dieu, on est plus à l'oeuvre qu'à lui, le coeur n'est pas sondé et on ne se connaît pas, on ne sait pas si l'on est dans la communion du Seigneur ou non. Si le coeur se plaçait devant lui, on ferait bientôt la découverte qu'on ne l'est pas, et l'on chercherait sa face.

On fait la découverte du mal dans sa racine, devant Dieu, ou dans ses fruits, devant le diable, et si la première alternative est négligée, la seconde a lieu tôt ou tard; et c'est une agonie pour l'âme que d'avoir déshonoré le Seigneur. J'espère au moins que d'autres craindront et seront sur leurs gardes.

Mais il y a un point qui, en grande partie, me fait écrire. D'après votre lettre, il semble que c'est la réunion des frères à l'oeuvre qui a prononcé l'excommunication. Maintenant, je ne mets nullement en question la justice de l'acte. Mais c'est l'assemblée à laquelle il appartient habituellement, ou celle où la faute a été commise, qui aurait dû le faire. Que les ouvriers eussent refusé de travailler à l'oeuvre avec lui — bien; quand même l'assemblée eût refusé de l'excommunier; mais une réunion de frères à l'oeuvre n'est pas l'assemblée, et la différence pratique est celle-ci: que la conscience de l'assemblée n'est pas purifiée. Paul a forcé l'assemblée de Corinthe à mettre dehors l'incestueux, afin qu'elle fût une pâte vraiment nouvelle, puis après il leur dit: «Vous vous êtes montrés purs dans cette affaire». Si l'assemblée ne se sent pas en état de le faire, cela place les frères dans la conscience de leur état, et s'ils appellent d'autres frères expérimentés à leur venir en aide, c'est très bien, car le corps est un; mais c'est l'assemblée qui excommunie pour se purifier, et ceci est de toute importance; c'est l'essentiel de la discipline, et il se pourrait que les ouvriers ne fussent pas les personnes les plus propres à cela. J'ai vu un peu cette tendance en France, et cela ne place pas les assemblées devant Dieu dans la conscience de leur propre responsabilité, ce qui est de toute importance. Je pense que l'assemblée de X a, au moins tacitement, ratifié la sentence prononcée, et que notre pauvre frère s'y est soumis. Tant mieux; ce n'est pas pour affaiblir cela que j'écris. Ce qu'il a à faire, lui, c'est de s'humilier profondément devant Dieu et même devant les frères, pour que son âme soit restaurée. Ce serait le plus mauvais signe s'il cherchait à se soustraire au jugement prononcé, a cause de la forme. Cela m'ôterait tout espoir d'une restauration prochaine dans son cas. J'écris comme avertissement général à l'égard de ce qui me paraît important. Ce que les frères ont à faire maintenant, c'est sa restauration, mais j'entends par là une vraie restauration de son âme. Je le crois sincère, et que sa conscience n'a pas perdu sa sensibilité. Mais il y a plus que cela, dans le vrai repentir être devant Dieu au sujet de ce qu'on a fait, et du déshonneur fait au nom de notre précieux Seigneur. Cherchez à ramener son âme par cette voie-là. Il comprendra mieux la grâce après, s'il revient ainsi, et le plus vite sera le mieux; le coeur s'accoutume à l'éloignement…

ME 1886 page 98

Belleville (Canada), 21 septembre 1876

Cher B.,

Vous avez bien fait de compter sur l'intérêt que je vous porte. Il n'y a pas de perte plus réelle, plus sensible, que celle d'une femme bien-aimée, mère de vos enfants, aide que Dieu a donnée, amie de votre coeur. Nous sommes dans le monde de la mort et de la souffrance; mais le Fils de Dieu y est entré après la mort et l'a vaincue, et prend part à toutes nos souffrances dans le chemin de sa volonté. Il vaut la peine d'être abattu quand il y a un Dieu qui console ceux qui sont abattus. Quelle grâce, quand on pense que le Saint et Souverain, qui habite l'éternité, s'abaisse pour penser — et cela avec une tendresse infinie — à toutes nos épreuves et à toutes nos infirmités; et que même son Esprit, qui demeure en nous au milieu de ces infirmités, intercède en nous quand nous ne savons pas ce qu'il faut demander. Il fait aussi que toutes choses coopèrent au bien de ceux qui l'aiment. Si le repos était ici-bas, ce serait autre chose, mais il n'en est pas ainsi. Nous sommes en pèlerinage et Dieu nous le fait sentir dans les circonstances. Il nous détache des choses les plus chères d'ici-bas, il nous sèvre, et ainsi, sans nous en apercevoir, nous mûrissons pour le ciel. Il y a une différence étonnante entre une âme sevrée et dont la volonté a été brisée et soumise, et une âme qui, tout en cherchant à faire le bien, le fait selon sa volonté propre. Puis, cher B., Dieu vous conduira. Il prend connaissance de vos difficultés; je pense spécialement à vos enfants. Seulement tenez-vous près de lui, consultez-le; présentez-lui vos difficultés et vos requêtes; par-dessus tout, vivez avec lui dans votre âme, vous nourrissant du pain de vie. Cela soutient, remplit les affections et le coeur, et l'on marche content. La paix de Dieu qui surpasse toute intelligence garde le coeur.

Le rapport que vous m'avez fait des circonstances de l'oeuvre m'a vivement intéressé. Je ne sais, mais je doute que cela continue. Si les frères continuent à se tenir franchement hors du camp, on ne les supportera pas très longtemps. Toutefois, Dieu agit d'une manière si remarquable dans ces jours-ci, qu'il est difficile de dire ce qui en résultera. J'espère seulement que ces chers frères se tiendront spirituellement et dans leur marche personnelle en dehors de l'église-monde, du camp.

J'ai toujours dit: «Les pieds dans le chemin étroit, le coeur aussi large que possible». Si nous ne pouvons pas annoncer toute la vérité qui convient à ceux auxquels nous nous adressons, nous ne saurions être fidèles. Lorsque Moïse dressa son tabernacle hors du camp, ceux qui cherchaient l'Eternel y allaient. Josué n'en sortait pas. Moïse apportait le témoignage à ceux qui étaient dans le camp. Dans notre vie spirituelle et céleste, — car Josué est le Christ céleste, — on ne peut nullement rentrer dans le camp; on est dans le tabernacle dressé au dehors, on porte le témoignage. Mais Moïse y entrait, s'intéressant au peuple mais n'en étant pas. On ne saurait se mêler du mal et être en témoignage à ceux qui y sont. Mais la grâce et la patience sont nécessaires. «Si tu sépares, dit Dieu à Jérémie (chapitre 15), ce qui est précieux de ce qui est méprisable, tu seras comme ma bouche». Ce verset a beaucoup agi sur mon coeur, lorsque je commençai il y a cinquante ans, car, dans peu de jours, il y aura cinquante ans que je suis sorti hors du camp.

Saluez cordialement les frères… L'oeuvre ne va pas mal ici. On a un peu négligé les réunions déjà formées, mais les conversions continuent et beaucoup de nouvelles réunions se forment. Dans ce moment les anciennes aussi se raniment, je le crois, et se consolident. Il y a un tout nouvel élan dans les Etats-Unis… Paix vous soit, cher frère; que le Seigneur vous soutienne et garde vos chers enfants à l'ombre de son aile.

ME 1886 page 137

Zurich, 7 juin 1878

Cher B.,

J'avais déjà appris votre chute, mais j'ignorais les détails, et j'ignorais aussi que vous eussiez été réintégré… Etant réintégré par l'assemblée, je vous reçois comme pardonné de la part de Dieu, et comme son enfant reconnu de lui, comme étant de l'assemblée ainsi que tout autre frère, comme moi-même; car nous sommes tous des pécheurs pardonnés.

Mais personnellement, je puis vous dire ce que je pense. Vous n'avez jamais connu le fond de votre coeur, vous n'avez jamais été réellement affranchi. Quand ceci est le cas, il y a toujours trop de confiance en soi-même. Puis, votre activité et l'acceptation de vos travaux par d'autres, vous ont caché l'état intérieur de votre âme; et cette activité même a eu pour effet de rendre votre conscience toujours moins sensible au mal qu'il y avait dans le coeur. Dieu, dans sa souveraine et fidèle grâce, et dans sa miséricorde, n'a pas permis que cela allât plus loin. Je ne crois pas du tout que vous ayez manqué de sincérité, mais l'activité, quand on n'est pas dans la présence de Dieu, quand le coeur ne se juge pas, a toujours la tendance d'endurcir. Vous serez beaucoup plus heureux maintenant que tout est connu; et Dieu a permis que le tout fût connu des hommes aussi, parce qu'il y avait, chez vous, la tendance d'avoir bonne opinion de vous-même. Car il est fidèle dans toutes ses voies, et nous ne sommes, sauf en grâce, que de misérables créatures qui ne valent rien.

Votre part, à présent, cher B., est de vous tenir tranquille. Ne pas le faire serait même plutôt une preuve que vous n'êtes pas foncièrement humilié. La soumission à votre position et à ce changement pénible dans vos relations avec les autres, sera, au contraire (en supposant, naturellement, la sincérité de ces dispositions), une preuve que vous réalisez votre position avec Dieu. Cela ne signifie pas que Dieu ne vous donne pas plus tard à vous occuper de son service, soit ailleurs, soit où vous êtes maintenant, quand le temps aura fait sentir à tous que vous êtes un homme changé, et que la confiance sera rétablie. Pour le moment, votre affaire est avec votre propre coeur.

Lisez seulement en Nombres 19: Ceux qui avaient touché le péché, même dans le service du Seigneur, étaient impurs jusqu'au soir, et, ce qui est si frappant, si quelqu'un mourait subitement dans la tente, tout était rendu impur. Ce n'est pas pour montrer que le péché soit inévitable, mais que, quelle qu'en fût la source, il est insupportable pour Dieu, bien que cela fût accompagné d'une révélation quant au moyen de s'en purifier.

Restez donc tranquille; ainsi tout sera rendu plus clair, et en ne pas trop vous hâtant, le chemin vous sera toujours plus clair à vous-même, en ce que votre âme sera toujours plus près de Dieu.

Votre affectionné frère en Christ.

ME 1886 page 157

Zurich, 11 juin 1878

Cher B.,

Il arrive souvent, quand Dieu exerce une âme, qu'il la remonte; puis elle retombe dans l'abattement; comme un homme qui est en danger de se noyer, remonte à la surface et respire, sans quoi il périrait, puis s'enfonce, car il n'est pas encore sur la terre ferme où sa bouche peut respirer naturellement. Ainsi Dieu remonte l'âme et elle retombe, jusqu'à ce que l'oeuvre soit foncièrement faite. Quand l'âme est réellement affranchie, elle ne pense pas à son état, sauf à se juger lorsque cela est nécessaire, chose très importante à sa place. Lorsque l'enfant prodigue trouva son père, il n'avait pas à penser s'il serait reçu ou non, ni à son état, ni s'il se trompait en se croyant sur la bonne route. Le long du chemin, de telles questions pouvaient bien surgir. Mais une fois auprès du père, il n'avait à penser qu'à ce que le père était de fait pour lui, et la manière d'être du père le montrait. Aussi, nous n'entendons plus parler de l'enfant prodigue, mais du père et de ce qu'il faisait.

Ceux qui parlent des chapitres 6 et 10 de l'épître aux Hébreux, ne sont sûrement pas affranchis; seulement, dans ces cas-là, ils ont, en général, prêté le flanc à Satan d'une manière positive. Je ne crois pas que, lorsqu'on est vraiment sorti du chapitre 7 aux Romains, on y rentre. On peut bien avoir reçu le pardon de ses péchés, avoir été joyeux, mais on ne se connaît pas, et il faut se connaître pour être affranchi. On s'est souvent mépris sur ce point. La joie était bien fondée, mais n'était pas l'affranchissement. Cette joie découle du pardon des péchés et non de l'affranchissement du péché. L'épître aux Romains, jusqu'au chapitre 5: 11, parle du premier; 5: 12, jusqu'à la fin de 8, du second.

Ayant parlé de la joie du pardon que vous avez éprouvée après avoir tout reconnu, Dieu a permis l'abattement, pour que vous sachiez qu'il y a une autre oeuvre à faire. Vous êtes facilement remonté et vous avez vécu un peu trop de sentiment. Maintenant, il vous faut faire l'expérience de ce que la présence de Dieu veut dire. Ce n'est pas que votre joie ne fût pas réelle et juste, mais il y a une autre oeuvre à faire. — Si même quelques-uns sont durs envers vous, Dieu s'en sert pour vous faire du bien. Je ne doute ni de votre sincérité, ni de votre salut; mais Dieu veut non seulement que nous disions: Nous serons tous manifestés devant le tribunal de Christ, — il veut que nous ajoutions: Je suis manifesté à Dieu. Soyez beaucoup devant lui. Je répète que je ne crois pas qu'on rentre dans les expériences de Romains 7, quand on en est sorti, mais vous ne faites que d'y entrer. Je ne désire pas du tout que vous doutiez de votre salut. Il se peut que le bouclier de la foi tombe après qu'on est sorti de Romains 7, alors ce n'est pas une question qu'on a à résoudre, mais à peu près le désespoir. Mais la différence entre l'état du chapitre 7 aux Romains et la liberté chrétienne, c'est que l'on a conclu, dans le premier cas, de ce qu'on est à ce que Dieu sera; dans le dernier cas, ayant une vraie connaissance expérimentale de soi-même, et sachant — ayant la conscience — qu'il n'existe en nous aucun bien, nous comprenons premièrement que nous dépendons de ce que Dieu est, et puis que, morts au péché, pleinement condamné dans la mort de Christ, nous sommes en Lui devant Dieu. Alors, Christ étant en nous, nous nous tenons pour morts, et la puissance de l'Esprit de vie nous donne le pouvoir de réaliser cela. Comparez Colossiens 3: 3; Romains 6: 6-11, et 2 Corinthiens 4: 10.

Vous n'y êtes pas encore, mais Dieu travaille en vous pour vous y amener. L'humiliation extérieure vous était nécessaire, et vous avez à y penser.

Mais, en tout cas, l'oeuvre intérieure doit se faire. Le combat continuera jusqu'à la fin, bien qu'il y ait beaucoup plus de repos vers la fin; mais, jusqu'à ce que nous soyons affranchis, le péché nous domine. Quand nous le sommes, Christ est notre force. La dépendance continuelle et la vigilance sont nécessaires, il faut veiller et prier pour ne pas entrer dans les tentations, mais la force du Seigneur est là, au lieu que nous soyons subjugués par le péché. Que Dieu vous tienne près de lui. Ne vous retirez pas s'il sonde votre coeur; c'est pour vous faire du bien à la fin. C'est sa grâce infinie quand, malgré tout, il continue à s'occuper constamment de vous.

Votre affectionné en Christ.

ME 1886 page 237

1874

Cher frère,

Votre expérience n'a rien d'étonnant dans un cas où il y a tendance à rentrer en soi-même, et quand la conscience y est réellement engagée. Il ne paraît pas, d'après ce que vous me dites, que vous ayez été beaucoup travaillé avant d'avoir été amené à la foi. Dans ce cas, il faut faire l'expérience après la conversion. Moi, j'ai été travaillé jusqu'au fond de mon âme, avant d'avoir une trace de paix, et ce n'est qu'après six ou sept ans que j'ai été affranchi. Or, quand on ne fait pas, d'abord, l'expérience de ce qu'on est, et qu'il y a beaucoup de retour sur soi-même, il faut y passer, et s'il y a de la négligence, Satan en profite pour mettre tout en doute, pour nous faire demander si l'on ne s'est pas trompé, pour donner la pensée qu'on a commis le péché contre le Saint Esprit, expérience très commune, bien que l'idée même ne se trouve pas dans la Parole. Mais toujours est-il que, dans ces cas, on n'a pas cessé de lier l'état de son âme avec la question de l'acceptation. Or quiconque fait cela est sous la loi, et celui qui est sous la loi ne se croit pas déjà perdu; il peut accepter la chose comme une vérité, et en rapport avec sa culpabilité, mais cela signifie qu'on a mérité la condamnation, en sorte qu'on craint la condamnation, et c'est autre chose que de se croire déjà perdu. Quand on lie son état à la question d'acceptation, un état meilleur ferait sortir de la difficulté. La loi suppose toujours la possibilité d'un état qui donnerait la paix, d'un état de «salvabilité». Or cela n'existe pas comme état. Si l'on est déjà perdu, la question n'est plus à résoudre. Or cette condition peut se prolonger, parce que si l'on n'est pas en la présence de Dieu, on n'arrive pas franchement et réellement à la conscience de son état; et il le faut pour avoir une paix solide. Car aucun état actuel ni espéré n'est la justice de Dieu. Quand cette oeuvre est complète, on cesse de regarder à soi-même, non pour cultiver la piété et marcher dans la communion, mais pour résoudre la question si nous sommes dans la faveur de Dieu. Nous sommes agréables dans le bien-aimé, la justice de Dieu en lui. Il comparait dans la présence de Dieu pour nous, nous avons la conscience de notre relation, nous crions: Abba, Père, dans la même relation que Christ avec Dieu, dans la faveur divine. Nous cherchons à nous tenir près de Dieu, de notre Père; nous cherchons à ne pas contrister le Saint Esprit, à plaire à Christ et à ne pas lui déplaire, mais selon la relation et la faveur dans laquelle nous sommes, «comme les élus de Dieu, saints et bien-aimés». Les affections se rapportent à la relation, non pas notre jugement de la relation aux affections. «Tu aimeras», ceci est toujours la loi. Ce n'est pas: «Dieu a tant aimé». Nous sommes consommés en amour en demeurant en lui, et nous l'aimons (nous devrions l'aimer), parce qu'il nous a aimés le premier. L'amour, pour un supérieur, consiste dans un profond sentiment de son amour qui attache notre coeur à lui, et nous fait sentir combien peu nous l'aimons (quand un devoir s'y rattache), comme nous devrions l'aimer.

On se nourrit de Christ, on se juge en tout ce qui ne lui plaît pas; mais, parce qu'on se doit à lui, on voudrait se dévouer à lui. Sauf ce jugement de soi-même, et la vigilance toujours nécessaire, on pense à lui et pas à soi; on peut écarter ce qui est mauvais en se jugeant; on fait du progrès en pensant à lui. On a conscience que rien ne nous sépare de lui, de l'amour de Dieu en lui. Je tire une juste et sainte conclusion (Romains 5), que si je suis réconcilié, je serai sauvé par sa vie.

Mais nous nous glorifions même en Dieu. Mais si je dis: Dieu est pour moi, rien ne me séparera de son amour (pleinement manifesté en Christ), j'y suis. Quel bonheur! C'est la joie présente qui fera aussi notre joie éternelle. Qu'on exerce toute diligence, toute vigilance; qu'on veille et qu'on prie pour ne pas être trompé par l'ennemi; c'est ce qu'il faut, on en a d'autant plus besoin si l'on s'est éloigné de Dieu pour que nous nous retrempions dans son amour. Mais, quand on en a fini avec soi-même comme n'ayant aucun bien en soi, on ne l'y cherche plus. Seulement il faut en venir là, alors on sait que, par la croix de Christ, on en a fini avec le péché dans la chair, car il y a été condamné et jugé tout entier. Alors on pense à l'amour et à Dieu, au lieu de penser à soi; on se nourrit du pain descendu du ciel, on s'attache à Christ, on sent qu'il est précieux et le tout de nos âmes. Mais, je le répète, c'est ce qui est en lui qui nous occupe, non pas ce qui est en nous. Cela vaut mieux.

Paix vous soit, cher frère. Cherchez sa face et diligemment, mais commencez par la confiance en lui. Il en est digne. Tel qu'il est, vous pourriez l'avoir si vous étiez la femme de mauvaise vie.

Votre affectionné frère.

ME 1886 page 417

1874

Bien-aimé frère,

Je suis bien aise, au moins, que vous soyez encouragé. Se juger soi-même est souvent nécessaire et utile, mais si cela produit de la méfiance c'est un mal; l'esprit du légalisme s'y trouve; on juge du coeur de Dieu d'après ce qu'on trouve dans le nôtre; triste moyen, si nous voulons le connaître. La loi dit: Aimez; c'est une exigence juste. Mais l'évangile, Christ lui-même, dit: «Dieu a tant aimé», c'est de là que découle la nouvelle nature et la puissance pour vaincre le péché. Exiger l'amour ne fait pas aimer, et exiger la sainteté ne rend pas saint. Mais aussi le fait que nous avons une nouvelle nature, ne donne pas la liberté; le désir de la sainteté, sans doute, mais non la force ni la liberté. La rédemption nous donne, premièrement, la liberté, nous plaçant devant Dieu justifiés et rendus agréables dans le Bien-aimé; la conscience est purifiée, et on reconnaît l'amour qui est en Dieu. Puis surgit la question de la domination du péché, et si nous ne sommes pas au clair quant à la rédemption, la liberté dans l'âme est perdue. C'est ce qui reste encore à résoudre, en partie, dans votre âme. Vous parlez d'en avoir fini, pratiquement, avec soi-même et de se tenir pour mort. Mais c'est par cette dernière vérité qu'il faut commencer, et cela en tant que crucifié avec Christ. Vous êtes morts, dit Dieu (Colossiens 3). La foi reconnaît cette vérité, et l'expérience qui précède n'est que le moyen pour nous faire découvrir qu'on ne réussit pas à se délivrer, ni a mourir. Il faut faire son compte qu'on est mort. L'expérience est utile pour nous faire sentir le besoin d'un libérateur, notre propre faiblesse. Quand on en a fait la découverte, on comprend que Dieu, en envoyant son Fils, a condamné le péché dans la chair. Il n'y a aucune acceptation du péché dans la chair. L'on comprend qu'il a été condamné, mais dans la croix de Christ, l'affaire étant réglée par cette grâce souveraine; le péché qui nous a tourmenté a été jugé, puis, ayant été jugé dans la croix de Christ, nous avons le droit de nous tenir pour morts; la pratique vient après. Dieu dit: Vous êtes morts, crucifiés avec Christ. J'accepte, bien convaincu qu'il n'existe pas de bien en moi, et je fais mon compte que je suis mort. Alors après je porte, plus ou moins fidèlement, dans mon corps, la mort du Seigneur Jésus, mais c'est une conséquence, conséquence importante, car notre communion en dépend. Mais aussi il est important de regarder constamment vers Jésus et vers l'amour du Père, parce que cela encourage. Il y a une bonté positive en lui, une force aussi qu'il exerce en notre faveur, mais en regardant vers lui on est illuminé. Ce n'est pas seulement que notre état s'améliore, mais la grâce qui est en lui, au-dessus de tout ce que nous sommes, se révèle au coeur, et nous savons où est la force, et quelle est la grâce sur laquelle nous pouvons compter. Si vous êtes tenté, éprouvé, regardez tout droit vers lui; peu à peu, vous vous habituerez à croire à sa bonté, bien qu'il faille la retrouver constamment; mais le regard dirigé vers lui le fait connaître au coeur. C'est de regarder vers lui qui nous délivre de nous-mêmes, qui exclut la pensée du moi, et nous sanctifie bien davantage, d'une manière pratique…

Saluez bien cordialement les frères. Que Dieu garde nos chers frères de la Suisse, leur fasse faire toujours du progrès, et les détache toujours davantage de ce pauvre monde.


1874

Bien-aimé frère,

Votre lettre contient deux questions auxquelles j'aurais dû répondre plus tôt. Premièrement, quand un frère excommunié par l'assemblée, et qui demeure ailleurs, cherche à être réintégré, c'est bien à l'assemblée qui se trouve dans l'endroit où il demande la réintégration, à juger de son état au moment où il la demande. C'est là, naturellement, que cet état se montrera. Mais il convient, comme vous le dites, que l'assemblée, dans laquelle il cherche à être admis, se mette en communication avec celle dont il a été exclu. Celle-ci peut avoir connaissance de bien des choses qui devraient être mises en règle et que l'autre ignore, puis la communauté d'intérêts et l'unité de l'Esprit sont maintenues par ce moyen.

Quant à la seconde question: L'empire romain peut être en possession des contrées dont vous parlez, au moins du pays du roi du Midi, non pas, à ce que je crois, du pays du roi du Nord; mais le corps de l'empire romain se trouve à l'ouest de l'Europe. La Palestine sera le centre du combat. Il y aura Gog, d'un côté, et la Bête de l'autre.

Saluez affectueusement les frères.