La personne du Seigneur

ME 1886 page 101

 

Combien la personne du Seigneur est au-dessus de toute admiration et de toute louange! Un apôtre, parlant de lui, pouvait dire avec d'autant plus de raison qu'il le connaissait mieux: «Grand est le mystère!» Cependant le Seigneur était, sous un rapport, un d'entre nous tous, quelque élevé que nous le montre la révélation de sa personne. Personne ne connaît le Fils; et pourtant il nous laisse voir qu'il est ce que personne ne connaît. Quel autre que lui aurait pu dire, puisqu'il y est descendu: «Dieu est connu dans la mort?» N'est-ce pas en cela qu'est connu l'amour, l'amour de Dieu, amour qui n'est jamais réellement connu jusqu'à ce qu'il l'ait été là — dans la mort. C'était la faiblesse, sans doute, et si nous le considérons dans la position d'homme qu'il a prise, c'était la fin même de l'homme. Mais, en Lui, Dieu est connu en amour; il l'est dans le fait qu'il est descendu ici-bas, au milieu des hommes pécheurs. Dieu est connu par cet amour qui est venu jusqu'à nous. Il s'est anéanti lui-même, — non qu'il pût être autre que Dieu, et c'est là qu'est le mystère, — mais, quant à la «forme de Dieu», il s'est anéanti. C'est pourquoi, ayant pris la «forme d'esclave», il demeure toujours tel, — il reçoit tout. Même quand il prend possession du royaume, il va le recevoir dans un pays lointain, et lorsque par sa puissance parfaite il a tout assujetti, il le remet à Dieu le Père. Quand le temps est venu, il remet son esprit, mais c'est à son Père; il relève lui-même le temple de son corps, mais c'est par la gloire du Père qu'il est ressuscité d'entre les morts; il croît en sagesse, il dit ce qu'il connaît, mais il est la sagesse de Dieu; il ne peut rien faire de lui-même, il est obéissant, mais il est la puissance de Dieu et vivifie ceux qu'il veut: il a créé toutes choses et il les soutient par la parole de sa puissance. Et en ceci était sa perfection, c'est qu'ayant contre lui toute la puissance du mal, jamais il n'est sorti du sentier de l'obéissance et de la dépendance, jamais il ne s'est servi de sa puissance en faisant sa volonté. C'est ainsi qu'il a lié l'homme fort dans le désert, — et combien plus encore dans la mort; il aurait pu alors, même en restant dans la dépendance, avoir plus de douze légions d'anges, mais, ce n'eût pas été l'obéissance accomplissant les Ecritures.

Mais quel anéantissement ce fut lorsque Celui qui était Dieu descendit dans la mort, lorsque souffrant et obéissant, il introduisit dans la mort tout ce que Dieu était dans sa perfection morale, et le glorifia quand il le fallut, dans cette fin de l'homme amenée par le péché, dans ce qui manifeste la faiblesse de l'homme, dans le lieu du pouvoir de Satan! Oui, l'amour, la justice, la majesté, la vérité, tout ce que Dieu est, s'est trouvé glorifié là. Dieu est glorifié en lui, mais il l'a été dans la mort, et parce que c'était la mort dans tout ce qu'elle signifiait pour Dieu; mais tout était la puissance de l'amour, c'est-à-dire Dieu, dans l'anéantissement. Je ne veux point parler ici, l'ayant fait ailleurs, des passages qui, dans les écrits de Jean, montrent si distinctement la nature divine du Seigneur (*) et où il se manifeste, non avec une descendance généalogique, mais comme Dieu et prenant une place où il reçoit toutes choses. En m'occupant de lui, je ne cherche pas à remonter à Adam, Abraham ou David, mais je voudrais contempler ce fait merveilleux et insondable, Dieu devenu chair, avec les preuves qu'il en donne partout où il est, et, pour cela, je désire examiner, dans les évangiles, quelques faits qui manifestent Dieu en lui.

(*) Jean 5 donne clairement cette position du Seigneur, tandis que le chapitre 6 le présente plus distinctement comme homme, bien qu'il soit montré comme descendant du ciel et y remontant.

Lorsque le Seigneur avait à faire à des incrédules qu'il connaissait et devait traiter comme des adversaires, bien que sa divinité se montre, ce que Dieu est ne se manifeste pas du tout, sauf en ce qu'il connaissait tous les hommes, sans toutefois les juger encore. Ce n'est que forcé, par l'aveuglement volontaire et l'hostilité du coeur humain, à parler des choses telles qu'elles sont, ce n'est que pressé et forcé par la nécessité, pour ainsi dire, qu'il montre qu'il est Dieu: «Avant qu'Abraham fût, je suis. Ils prirent donc des pierres pour les jeter contre lui; mais Jésus se cacha». Il n'y a pas de révélation de lui-même au chapitre 8 de Jean. Il ne vient pas pour juger, et ainsi la femme n'est pas condamnée: «Va», lui dit le Seigneur, «et ne pèche plus». Il donne puissance divine à la loi, ou pour mieux dire, il est lui-même, par sa parole, puissance divine dans la conscience, — la grâce n'est pas en question, — aussi lisons-nous: «Et ils sortirent tous un à un». La puissance divine en lui, la Parole, réveille la conscience. Il est la lumière du monde, celui qui le suit ne marche point dans les ténèbres; mais ici, nous ne voyons pas un seul de ceux qui sont présents, être tel: c'est simplement la lumière luisant dans les ténèbres, et les ténèbres qui ne l'ont pas comprise.

Mais Christ est divin: il pouvait rendre témoignage de lui-même, et cependant il dit: «Selon que le Père m'a enseigné, je dis ces choses;» il reçoit tout, comme on le voit toujours dans l'évangile de Jean. Il n'y a, dans ce récit, rien d'inconsistant avec la grâce, mais simplement l'absence de tout ce qui y est contraire. Le Seigneur ne pouvait se contredire lui-même, mais il se montre seulement lumière dans les ténèbres. Il n'apparaît guère ici dans son caractère d'homme, car ce serait la grâce; mais d'autres cas se présentent où nous verrons la grâce à l'oeuvre. Nous allons les considérer.


Occupons-nous d'abord de la femme samaritaine (Jean 4). Ici, Jésus est loin de Jérusalem, loin des Juifs avec lesquels (non pas avec le peuple) il a toujours affaire en jugement, et nous voyons le grand changement opéré par le fait qu'il les quitte et se tourne vers le monde, pour amener les hommes à avoir affaire spirituellement avec le Père et avec Dieu, par la vie dans la puissance de l'Esprit. Ici Christ est l'homme rejeté et il le sent, mais par là il est introduit dans la conscience qu'il est le Donateur divin de la vie éternelle dans la puissance de l'Esprit. Toutefois, il nous est pleinement présenté comme homme. Les Jakin et les Boaz de la vérité chrétienne avaient été posés dans le chapitre 3; l'homme ou le Juif n'étaient rien; il fallait naître de nouveau, et le Fils de l'homme devait être élevé; Dieu avait aimé et avait donné. Maintenant Christ était rejeté — il quittait donc la Judée, où les pharisiens remplis d'envie ne voulaient pas de lui. Il fallait qu'il fût rejeté pour que nous eussions part avec lui, — c'est une chose triste à dire, mais il en est ainsi; — «à moins que le grain de blé ne meure, il demeure seul». Sans doute, il pouvait, en tout temps, vivifier qui il voulait; mais, sans sa mort, il était impossible que nous vissions Dieu en justice: et si quelqu'un avait pu recevoir une nouvelle nature sans sa mort, la vieille nature n'aurait pas été ôtée. Il faut que nous soyons ressuscités aussi bien que vivifiés, que nous ayons une nouvelle position aussi bien qu'une nouvelle vie, et cela n'a lieu que par la mort. Mais Christ était rejeté et il le sentait (plus tard il a pleuré sur la ville qui le rejetait), — il sentait plus profondément qu'aucun de nous ne peut sentir, et rejeté comme il l'était par les siens chez lesquels il était venu, nous le voyons ici consolé en contemplant les campagnes blanches pour la moisson.

Jésus, fatigué du chemin, était assis solitaire dans ce monde qu'il avait créé et où il était venu en amour. Il était là, un homme fatigué, sentant douloureusement la réjection de son amour, et, dans la position qu'il avait prise, lui qui avait créé toutes choses, il dépendait, pour avoir un peu d'eau, d'une pauvre femme accablée sous le poids du péché. Il se trouvait là où il ne pouvait venir qu'en grâce, le salut ne venait pas de la Samarie, mais des Juifs, — les promesses leur appartenaient, mais ils avaient tout rejeté, — et maintenant la grâce s'exerçait en dehors d'eux. Toutefois, c'était pour lui l'humiliation, c'était à cause de sa réjection qu'il fallait qu'il passât par la Samarie. Il se soumet aux circonstances et aux conditions humaines, et agit en grâce divine. Ici donc où se voit l'action de la grâce, de la libre grâce, nous le trouvons pleinement homme, un homme fatigué, rejeté, lié en esprit à suivre un chemin où il faut qu'il marche, et attendant de la bienveillance d'autrui le don d'un peu d'eau. La grâce est dans l'homme humilié et obéissant — là se montre ce que Dieu est. Il ne dit pas ici «Avant «Abraham fût, je suis», mais il dit: «Si tu connaissais le don de Dieu», c'est-à-dire la grâce, «et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire». Ce n'est pas ici le Dieu suprême, forcé, pour ainsi dire, de déclarer qui il est, à des adversaires sans coeur et sans conscience, mais c'est Dieu révélé dans sa nature, dans un homme humble, et par le fait qu'il était cet homme humble; assurément c'est bien là la grâce, si la grâce existe.

Quel coeur il y a dans les paroles que le Sauveur adresse à cette pauvre femme! Quel besoin de gagner la confiance d'une âme fatiguée! En même temps, c'était la simple expression de ce qui remplissait son coeur, de Dieu en bonté; et, quant aux circonstances, ce qui le manifestait c'était le poids que faisait peser sur lui le sentiment douloureux de sa réjection par son peuple bien-aimé. N'est-il pas merveilleux de l'entendre dire à ce moment même: «Le salut vient des Juifs». Il reconnaissait parfaitement les conseils et les voies de Dieu, mais, rejeté selon ces conseils, la grâce coulait librement au dehors — la grâce, expression naturelle de ce dont il était rempli. C'était l'amour, l'amour qui cherche à amener une âme fatiguée à se confier en Dieu en descendant jusqu'à mettre ses besoins aux pieds d'une telle femme, pour gagner sa confiance en un amour qui pouvait faire cela. «Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit:» — Dieu était là — «Donne-moi à boire», — il était descendu jusque-là, — «tu lui eusses demandé, et il t'eût donné», car il était le donateur. Quelle scène! quel abaissement! quelle merveille d'apprendre là ce qu'est Dieu, de l'apprendre par cet abaissement même!

Il n'y a pas de sentiment comparable à celui que donne la perception de la personne du Seigneur; or ses paroles et lui-même sont un: il était toujours absolument ce qu'il disait. Cependant, c'est entièrement dans sa nature humaine que je le considère ici; c'est le chemin pour le connaître et je l'apprends ici. En face de ses adversaires, il est simplement Dieu; en grâce il est un homme, quoique étant Dieu, et il n'est précieux comme homme que parce qu'il est dépendant, et qu'il l'est comme un homme. Mais en lui nous avons vu le Père.

Je n'aborde pas la question de l'état de la femme; c'est une autre partie du sujet de ce chapitre, mais lui, le Seigneur, est l'objet de l'adoration éternelle.


Je passe maintenant à l'histoire de la femme syro-phénicienne (Marc 7). Nous y lisons «qu'il ne put être caché». Ce n'est pas ici l'épanchement d'un coeur oppressé en présence du chagrin et de la misère, mais ce que Dieu, pour ainsi dire, doit être là où se trouve la foi: Il est lui-même — il ne peut se renier. Là encore la grâce s'élève au-dessus des promesses et de la malédiction, et Dieu est révélé.

Ce n'est pas toutefois comme dans le cas de la femme samaritaine. Là, le sentiment de sa réjection par son peuple bien-aimé avec tout ce qu'elle impliquait, pesant sur le coeur du Seigneur, en avait fait sortir tout ce qui s'y trouvait; c'étaient les profondes et divines effusions de la bonté, non pas accomplissant la promesse, mais trouvant sa consolation à se répandre librement en grâce là où il y avait un besoin, et non une promesse et un droit. L'amour rejeté se frayait de nouveaux canaux pour se répandre. Dieu donnait, et le faisait naturellement là où se trouvaient des besoins, et non pas là où étaient les promesses; il donnait la vie éternelle et amenait à lui en esprit et en vérité, car Dieu, tel qu'il est, était révélé: c'était le Père cherchant des adorateurs. Tel est le sujet de Jean 4, et c'est pourquoi nous y trouvons le coeur ouvert des Samaritains allant au delà de la promesse, connaissant plus que les Juifs dont l'orgueil s'en prévalait, et reconnaissant le Seigneur comme le Christ, le Sauveur du monde.

Le cas de la femme syro-phénicienne offre une scène différente. Le Seigneur se rend aux confins de la terre où il accomplissait sa mission terrestre; il va à l'écart pour être seul, et ne veut pas que personne le sache. Ici, nous ne le voyons pas rejeté, il travaille au milieu des pauvres du troupeau: c'étaient sa mission selon la prophétie et les desseins de Dieu relativement à Israël; quant à la place qu'il prend, il est le serviteur de cette mission et rien de plus. Il n'est pas rejeté par l'orgueilleuse Jérusalem, mais envoyé aux brebis perdues de la maison d'Israël. Il est dans sa mission, toutefois, dans ce chemin tracé par Dieu et non pas libre, il sort de la sphère du service actif et va jusqu'aux confins de la malédiction.

Mais, avant cela, d'importantes vérités morales avaient été mises en lumière: les observances cérémonielles, en Israël, avaient été mises en contraste avec les commandements de Dieu; bien plus, l'état du coeur de l'homme était venu en question, en contraste avec toutes ces ordonnances qui n'étaient rien d'autre et qui perdaient leur importance, non seulement en présence des commandements de Dieu, mais à cause de leur nature purement extérieure. Dieu regardait à ce qui venait du coeur, non à ce qui entrait dans le ventre; vérité bien simple, mais, pour l'homme, dure à apprendre. Dieu va droit à la vraie nature des choses en ce qui concerne l'homme, à ce qui sort du coeur, à ce qu'il est. Mais que sort-il de ce coeur? Les meurtres, les mauvaises pensées, toute espèce de mal; le Seigneur n'avait rien d'autre à en dire.

Il quitte alors cette scène de travail, il est personnellement seul. Il va vers les frontières de Tyr et de Sidon et entre dans une maison. Comme homme en vue, il n'aurait pas voulu que personne le connût, mais il ne put être caché. Nous venons, ensuite, à ce qui était connu. Il s'en va, comme j'ai dit, vers les confins de la malédiction, vers ces lieux qu'il présentait comme exemple de dureté de coeur — vers ce peuple sur lequel, comparé à Israël, reposait la malédiction de Dieu. Merveilleux éléments que ceux qui se trouvent rassemblés ici! Il cherchait à être seul, c'est-à-dire hors de la sphère de son travail. Il insiste sur sa mission comme envoyé, comme serviteur. Mais il y avait là un besoin, un besoin qui cherchait la bonté unie à la puissance, et Dieu était là. La pauvre femme attirée par cette bonté, est d'abord repoussée, à dessein, pour l'épreuve de sa foi. Quant aux disciples, ils auraient voulu se débarrasser d'elle, sans que la promesse fût reconnue, ni que, de fait, l'amour fût exercé, comme étant au-dessus de la promesse. Mais la femme fait appel à ce qui dépasse toute promesse. Elle reconnaît pleinement, à ceux qui ont la promesse, le droit de posséder, mais elle s'adresse à la bonté qui, après tout, s'élève au-dessus. Elle reconnaît l'absolue misère et l'entière méchanceté de l'homme sans titre aucun à quoi que ce soit; elle accepte la place d'un «chien», vil et souillé, — c'est ce que signifiait ce nom, — mais elle fait appel aux richesses d'une bonté qui, en miséricorde, pouvait descendre même jusque-là. Christ pouvait-il dire: «Non, Dieu n'est pas ce que tu crois?»

Non Dieu était manifesté là, et la foi avait tout ce qu'elle cherchait; elle l'avait trouvé, lui. Il n'était pas question de droit ou de bonté en l'homme; ce qu'il fallait, c'était la confession de son indignité et de l'absence de tout droit, — c'était un besoin qui trouvait sa ressource en la bonté de Dieu. Le Serviteur qui s'en tenait à sa mission comme à un service qu'il avait à accomplir, était, après tout, le Dieu de toute grâce, et Dieu était révélé en lui. En même temps qu'il reconnaissait les voies de Dieu en Israël, et qu'il était seul devant la malédiction et l'absence de tout droit, — ce que la foi reconnaissait, tout en y trouvant Dieu et son infinie bonté, — le serviteur d'Israël était Dieu manifesté en chair; il était la bonté au-dessus de tout mal, de toute malédiction; il était Dieu et Dieu manifesté. Ce que Dieu est se trouve révélé dans l'homme, dans le fait qu'il est devenu un Homme, car c'est là l'amour infini.


Mais il y avait plus encore que la révélation de sa personne et l'exercice de sa puissance: je passe à un autre cas, à la scène où se trouvent en présence le pharisien et la femme pécheresse (Luc 7). Nous ne trouvons pas ici l'état de réjection de l'homme et la libre grâce qui s'élève au-dessus de tout; mais le péché même avec sa dégradation, en contraste avec la justice humaine, — avec une condition légale dans laquelle l'homme se place, — et ce que notre précieux Sauveur était pour les pécheurs, Trois coeurs se rencontrent ici: celui de l'homme tel qu'il est dans sa propre justice, celui de Dieu dans un homme, et celui de la pauvre pécheresse dégradée, touchée par la grâce et gagnée, en un certain sens, d'une manière inconsciente (c'est-à-dire sans connaissance dogmatique), par ce qui était manifesté dans le Seigneur, l'amour d'abord et ensuite le pardon. L'homme légal pensait pouvoir juger, dans sa compétence humaine, si le Seigneur, ce prédicateur qui parcourait le pays, était réellement un prophète; mais il jugeait selon la justice humaine, estimant ce que l'homme devrait être pour Dieu, mais d'une manière purement extérieure. Il ignorait son propre coeur, le coeur et la lumière de Dieu, et même le coeur de cette pauvre femme. La lumière et l'amour, la lumière et la conscience, l'amour dans le coeur, c'est-à-dire Dieu, lui étaient également tout à fait inconnus. Dieu était dans sa maison, en lumière, comme il le montra, et en amour; mais le pharisien ne le découvre pas — il le méprise, ne lui fait aucun accueil, ne l'honore pas, et, jugeant d'après son propre coeur, il déclare que, ne lui ressemblant pas, Jésus ne pouvait être un prophète. La propre justice, la grâce divine et le péché se rencontrent ici dans la juxtaposition et le contraste le plus complets, en même temps que la lumière divine qui manifeste tout, brille dans la personne de l'humble prédicateur, du Fils de Dieu. Le pharisien est entièrement aveugle, tout en prétendant voir, il juge d'après son propre coeur et ne discerne ni la manifestation de Dieu en Christ, ni l'oeuvre de la grâce dans la femme pécheresse. La lumière et l'amour lui sont également étrangers.

Le Seigneur montre avec évidence qu'il est la lumière qui manifeste tout: il sait ce qu'il y a dans le coeur du pharisien, il connaît les péchés de la femme, il sait ce que le pharisien pense de lui et d'elle. Mais il y avait plus: sa grâce, la grâce qui était en Lui, avait attiré le coeur de cette pauvre pécheresse; la misère de cette femme était grande, sa honte ne l'était pas moins, son péché était affreux, le mépris l'accablait de toutes parts: un seul ne la méprisait pas, et celui-là, c'était Dieu. En lui, son coeur pouvait se confier. Plus sa détresse et son humiliation étaient profondes, plus sa consolation était grande en trouvant ce coeur du Sauveur; là, dans cette miséricorde, sa honte pouvait se cacher, car elle rencontrait la grâce au lieu du mépris. Tout cela, par grâce, avait gagné le coeur de la pécheresse et l'avait amenée à haïr et à reconnaître son péché. C'était le point de rencontre du péché et de la grâce, la confession d'un coeur convaincu de péché par la confiance en la bonté qu'il trouvait en Jésus; le péché était connu et Dieu était connu, parce que Dieu était vu en amour. Une vue divine avait remplacé l'aveuglement de cette femme; l'amour divin avait introduit la lumière divine, de sorte que Dieu et le péché dans l'homme étaient connus l'un et l'autre; il y avait confiance en Dieu, et un coeur sans fraude était le résultat de cette confiance en la grâce. Quelle oeuvre profonde il faut pour amener une âme à Dieu, pour lui faire juger le péché et connaître Dieu! Mais alors Christ est tout. La femme ne pensait guère à Simon et à ses hôtes; Jésus était là: lui seul l'occupait et absorbait ses pensées. Elle était délivrée de sa honte devant tous les autres, mais non de sa honte devant Dieu. Aussi pleurait-elle en silence et, de ses larmes, elle arrosait les pieds de Jésus. Il y avait de la hardiesse dans sa confiance, mais en même temps de l'humilité et de la gratitude dans sa hardiesse: elle couvrait ses pieds de baisers et dépensait pour lui ce qu'elle avait de plus précieux. Ensuite, comme, en grâce, il avait occupé de sa Personne le coeur de la femme, il s'occupe maintenant de ce coeur; il en a fini avec Simon et ceux qui l'entouraient — mais, à ce coeur, il veut donner la paix. Mais d'abord, il prend le parti de la femme, en montrant non seulement qu'il connaissait le coeur de Simon et tout ce qui s'y passait, mais qu'il y avait, outre l'aveuglement quant à sa Personne, une chose à laquelle le pharisien ne connaissait rien, c'est-à-dire le pardon. Dieu, quel bonheur pour elle!

Dieu connaissait tous ses péchés, et les lui avait pardonnés. Merveilleuse révélation! La grâce, qui révélait l'amour et la bonté, avait apporté avec elle le pardon, la pleine et parfaite délivrance de la part de Dieu. Quand le péché avait rempli l'âme de confusion devant Dieu, lorsqu'il était vu comme péché, parce que Dieu était vu en grâce, la grâce pouvait déclarer qu'il était absolument effacé, entièrement pardonné devant Dieu.

La personne de Christ avait attiré la femme pécheresse — elle aimait beaucoup. La grâce de Dieu en Christ l'avait pardonnée — de cela, ni de Dieu, le pharisaïsme ne connaissait rien. Le Seigneur prend en main la cause de la femme devant le mépris de Simon et montre ce qu'était le pharisien, ce que la femme était, ce qu'était Dieu, ce que lui, Jésus, était en lui-même. Ensuite, il s'occupe de la femme seule; il lui dit: «Tes péchés sont pardonnés». Les remarques de ceux qui l'entourent ne l'arrêtent pas; il continue: «Ta foi t'a sauvée — va-t'en en paix!» Il avait sondé le coeur du pharisien, sondé et amené dans la lumière celui de la femme, révélé celui de Dieu, et il avait conféré le pardon. La confession du péché et le pardon du péché (pour nous c'est la croix) sont le point où se rencontrent le pécheur selon la vérité et Dieu selon l'amour. Ici encore, nous avons Dieu révélé dans un homme, mais particulièrement à l'égard du péché.


Dans le premier cas que nous avons considéré, celui de la femme adultère, le Seigneur ne juge pas; il est avec des adversaires et se présente simplement comme étant Dieu, Celui qui s'appelle: «Je suis». Dans le cas de la femme samaritaine, il est rejeté des Juifs, et la grâce coule donnant la vie, jaillissant dans l'âme en vie éternelle, amenant au Père, à Dieu connu comme étant Esprit; la grâce vient là où il n'y avait point de promesse pour le salut, point de droit à la justice, mais seulement le péché et la misère. Chez la Syro-Phénicienne, où se trouve la foi, la grâce s'élève au-dessus de toutes les barrières; Dieu est révélé à la foi et doit être au-dessus de toutes, il doit être ce qu'il est en grâce; il ne peut se renier lui-même. La foi, pressée par le besoin à faire appel à ce que Dieu est en lui-même, en grâce, pénètre à travers toutes les barrières. Dieu ne peut alors être que ce qu'il est; il ne peut être renfermé par des barrières quand la foi a atteint jusqu'à lui, et, bien qu'il fût présent dans la personne d'un Serviteur envoyé vers ceux qui avaient la promesse, cependant lui-même était là.

Le récit de Luc 7 va plus loin; la lumière est là, et le pharisaïsme et le péché sont pleinement mis en évidence. Le complet et triste aveuglement du pharisien manifestait ce qu'est l'homme dans sa propre justice; il n'a absolument aucune perception de Dieu, ni de ce qui est en Dieu. Nous voyons ensuite un pécheur ayant une profonde et vraie perception de ce que Dieu est en grâce pour répondre aux besoins de l'homme; le pécheur est ainsi amené à Dieu selon la puissance de sa présence et la grâce de sa nature; Dieu étant connu, le pécheur est entièrement humilié devant lui, mais il est amené à Dieu selon ce qu'est Dieu; le lien de son coeur avec Dieu, avec un Dieu connu, est formé, et il reçoit le pardon, la paix et le salut. Ce cas va plus loin que les précédents, parce qu'il embrasse toute la question morale de l'état de l'homme devant Dieu; c'est la lumière dans le coeur et l'âme de l'homme tel qu'il est.

Le cas du paralytique en Matthieu 9, présente quelque chose de différent. Il ne s'agit pas de Dieu révélé en bonté selon sa nature, de ce qu'il est en Christ pour les hommes; nous le voyons sous un caractère relatif, celui de Jéhovah manifesté en Israël, comme au Psaume 103. Ce sont ses voies en grâce au milieu d'Israël; c'est bien ce qu'il est, mais selon la promesse et la prophétie.

Je ne veux pas entrer de nouveau dans le sujet que nous avons touché plus haut: la manifestation du coeur des trois personnes qui se rencontrent dans le récit de Luc 7: 36-50: le coeur du pharisien, celui de la pécheresse regardant à Christ, et, bénis soient sa grâce et son nom, le coeur de Dieu dont j'ai déjà parlé. La lumière et l'amour étaient là, entièrement inconnus, tous les deux, à Simon. Il était aveugle, bien qu'il crût voir. Christ, en qui se révèle le coeur de Dieu, est l'objet de notre adoration. Je voudrais seulement faire remarquer encore ces paroles: «Ta foi t'a sauvée», qui montrent comment Dieu reconnaît ce qu'il a lui-même opéré, comme étant ce qu'il voit dans le coeur du pauvre croyant convaincu de péché. Il y avait chez la femme des larmes et la repentance, un amour vrai pour le Sauveur, fruits excellents de la foi, mais la foi, par la grâce, lui donnait Christ; c'est pourquoi la foi la sauvait. C'était l'oeuvre de Dieu dans le coeur, oeuvre par laquelle Christ était discerné et apprécié. Le coeur de la femme était ainsi manifesté, mais c'était ce que Dieu avait opéré en elle, et qui fixait son coeur entièrement sur un autre; il n'était pas à lui-même son objet, il ne se réfléchissait pas sur lui-même: il ne connaissait et ne voyait que Christ. Il produisait des fruits exquis, excellents, que le Seigneur reconnaissait, mais sa foi la sauvait, parce qu'elle ne voyait que Christ. Mais ce qu'il y a d'excellent et que Christ reconnaît, donne de la valeur à ce qui était dans son coeur; bien qu'opéré par Dieu, sans doute, c'était en elle. Son action envers lui comme étant l'objet de son coeur, met au jour comment Dieu apprécie l'état d'un coeur qui a Christ pour objet. Le Seigneur ne dit pas: «La grâce t'a sauvée», bien que ce soit vrai; il ne dit pas: «Mon oeuvre, l'effusion de mon sang t'ont sauvée»; ç'aurait été parler de quelque chose en Dieu, de sa propre oeuvre; il parle à la pauvre femme de la valeur divine de quelque chose qui est dans son coeur. Quelle ineffable bonté, quelle tendresse divine! C'est un tableau merveilleux en contraste avec le pharisaïsme; mais nous pouvons laisser le pharisaïsme à lui-même, comme le fit le Seigneur, et voir Jésus reconnaissant ce qui était de Dieu dans le coeur qui s'était tourné vers lui. La pauvre femme désolée et solitaire pouvait s'en aller et dire: «Il a mis son approbation sur ce qui est dans mon âme», elle était consolée par son approbation, mais pensant toujours à lui et non à elle-même, car penser à l'approbation d'un père n'est pas penser à soi-même, ni à ce qui est approuvé. Sa foi l'avait sauvée et elle pouvait s'en aller en paix — la paix qu'elle avait reçue de Christ — et sa foi en la personne du Seigneur donnait aux paroles de Jésus l'autorité et la grâce divines.