L'économe injuste

ME 1886 page 287 -  Luc 16: 1-13

 

Pour bien saisir la portée du chapitre 16 de Luc, il est nécessaire d'avoir compris le chapitre précédent.

Nous trouvons dans ce chapitre 15, la plus belle prédication de l'évangile qui ait jamais été faite dans ce monde. Les publicains et les pécheurs s'approchent du Seigneur pour l'entendre (verset 1), et il leur propose les trois paraboles du berger, de la drachme perdue, et enfin du fils prodigue, paraboles qui nous présentent le plein déploiement de la grâce de Dieu. Le prodigue est accueilli avec affection par le père; il est reçu dans sa maison, à sa table, et entend ces paroles consolantes: «Mangeons et faisons bonne chère; car mon fils que voici, était mort, et il est revenu à la vie». Comme quelqu'un l'a déjà fait remarquer, il y a une grande différence entre la bonté de Dieu et sa grâce; nous en trouvons un exemple dans la conduite du père. Il montra, sa bonté, quand il donna au plus jeune fils la part des biens qui lui revenait (car tous les pères n'auraient pas la condescendance de partager leurs biens avec leurs fils); mais quand, du pays éloigné, celui-ci s'en revint à la maison, pauvre et couvert de haillons, le père déploya sa grâce en le revêtant de la plus belle robe, en faisant tuer pour lui le veau gras, etc., choses qui ne faisaient nullement partie de ce qui lui revenait. C'est ainsi que Dieu nous a donné, à nous, pauvres pécheurs pardonnés, tous les trésors de son amour. Il nous a sauvés par grâce, nous a lavés dans le sang précieux de son Fils, et nous a fait asseoir à sa table.

Nous avons besoin, pour entrer dans l'intelligence du chapitre 16, d'avoir saisi par le coeur ce qu'est la pleine grâce de Dieu, parce qu'ici ce n'est pas l'évangile qui est présenté, mais plutôt les principes qui doivent diriger dans leur conduite des hommes sauvés par grâce.

Depuis le verset 25 du chapitre 15, jusqu'à la fin du verset 13 du chapitre 16, le Seigneur place devant nous deux tristes caractères: premièrement, le fils aîné, représentant l'homme à propre justice, qui ne se réjouit pas avec le père, et ne veut pas de même que le plus jeune fils jouisse de la bénédiction paternelle; en second lieu, l'économe injuste, au sujet duquel nous désirons présenter quelques courtes réflexions. On voit, par le premier verset du chapitre 16, que le Seigneur adresse à ses disciples la parabole de l'économe injuste, tandis qu'au chapitre 15, il parlait aux pécheurs et aux publicains. Le chapitre 16 est un enseignement pour les croyants, — le chapitre 15 une évangélisation pour le monde. Il est naturel qu'entre enfants de Dieu, nous nous entretenions de beaucoup de choses dont nous ne pouvons pas parler à des personnes inconverties, bien qu'à celles-ci nous puissions annoncer la bonne nouvelle du salut; ici, le Seigneur, parlant avec ses disciples, leur enseigne certaines vérités bien plus difficiles à comprendre que celles contenues dans la parabole du fils prodigue.

Remarquons que l'économe est accusé de dissiper les biens de son seigneur. Le fils prodigue (chapitre 15: 13) a dissipé les biens que le père lui avait donnés; l'économe injuste a dissipé ce qui était la propriété de son seigneur (verset 1). Il est, sans aucun doute, un type d'Israël qui, possédant toute la Palestine comme aussi toute bénédiction terrestre, était, dans ce sens-là, l'économe de Dieu, économe qui a tout dissipé. Les Juifs méprisaient les gentils, pauvres et ignorants, représentés par le fils prodigue, tandis que, après tout, ils étaient pires qu'eux: le fils prodigue est un insensé, l'économe infidèle un homme sans droiture et sans probité.

L'on voit dans les deux fils du chapitre 15, la différence de position et de responsabilité existant entre un gentil et un Juif; et nul doute que le Seigneur, dans la parabole de l'économe injuste qui a trait particulièrement à Israël, n'ait voulu répondre à la propre justice du fils aîné, et montrer ainsi aux Juifs ce qu'ils étaient en réalité. Mais n'y pouvons-nous pas trouver aussi une application à tout homme à qui ont été confiés quelques privilèges, quelques dons à administrer? N'y aurait-il pas, dans cette parabole, une application actuelle à la chrétienté et à chacun de nous? Nous trouvons, en effet, dans les versets 1, 2, du chapitre 16, l'homme responsable et injuste, chassé de son emploi, et aux versets 3-10, comment le chrétien peut remplacer l'homme qui a manqué à sa responsabilité.

Ce n'est pas le Seigneur Jésus qui loue l'économe infidèle, mais c'est son propre seigneur, son maître; de même, ce n'est pas sa fourberie qui est admirée, mais sa prévoyance à l'égard de l'avenir. Il était, de toute manière, un homme déloyal et peu droit; quand il voit qu'il a perdu son emploi, au lieu de mettre de l'ordre dans les livres, il ne pense qu'à s'assurer une position pour l'avenir.

C'est cette disposition à penser à l'avenir plutôt qu'au présent, que nous avons à remarquer en lui. Il aurait aussi bien pu prendre pour lui-même les cinquante mesures d'huile (verset 6), mais il préfère les faire gagner au débiteur, afin d'être reçu dans sa maison quand il n'aurait plus sa place.

En sacrifiant ainsi le présent à l'avenir, l'économe a fait un grand gain! Combien différemment agissent la plupart des hommes! Au lieu de penser à l'avenir, à cette éternité effrayante qui les attend, ils ne songent qu'au présent et sont prêts à sacrifier toute espérance relative à un bonheur éternel pour un peu de bien-être dans ce siècle mauvais.

Que mes lecteurs me permettent de m'arrêter un moment ici, pour leur demander s'ils ont une assurance à l'égard de l'avenir qui suivra, pour eux, cette vie si courte. Oh! cher lecteur, si jusqu'ici tu n'as pas cherché un salut éternel dans la personne de notre Seigneur Jésus Christ, et par le moyen de son oeuvre, ne tarde pas à le faire, ne laisse pas le séducteur te préoccuper des choses passagères de ce monde, ni t'empêcher de penser aux éternelles réalités de l'avenir. Que le Seigneur daigne nous réveiller tous, avant qu'arrive ce jour ou le Juge inexorable demandera à chacun un compte exact de tout ce qu'il aura fait dans cette vie. Le Seigneur veuille montrer à tous le péril qu'ils courent en attachant moins d'importance aux choses éternelles qu'à celles du temps présent!

J'ajouterai encore une pensée avant de terminer. Les «fils de la lumière», c'est-à-dire les chrétiens, sont moins prudents que les «fils de ce siècle». Si, comme nous le voyons dans le chapitre 15, nous sommes sauvés par la grâce parfaite, et si dans ce monde nous jouissons de la position de fils, aimés du Père, notre privilège, pour tout le temps que nous restons sur la terre, est de vivre entièrement pour Christ, de nous dévouer à son service de toutes nos forces. Tandis que l'économe injuste (Israël) est en dehors de la maison, nous sommes, nous chrétiens, les témoins de Dieu dans ce monde, et nous sommes, par conséquent, responsables de saisir toutes les occasions que le Seigneur nous donne de le servir, usant aussi, pour cela, des richesses injustes. Les richesses que nous pouvons avoir sont appelées injustes, parce que, pendant l'absence de Christ, au lieu d'être la récompense de la justice, comme le pensaient les Juifs, elles sont trop souvent le salaire et l'instrument de l'injustice. Ce que nous avons entre les mains n'est pas considéré comme étant définitivement nôtre, mais comme administré par nous dans ce monde.

Le grand principe que contient ce passage, et dont je désire que nous nous souvenions, est celui-ci: que nous qui sommes sauvés par grâce, nous avons le privilège de vivre entièrement pour Christ, nos pensées étant dirigées vers ce monde de félicité où nous serons bientôt. «On ne peut servir Dieu et les richesses». Que cette pensée, chers amis, soit imprimée dans nos coeurs, et prions le Seigneur de nous accorder de vivre uniquement pour lui, heureux de tout perdre dans ce monde, et d'obtenir la gloire éternelle avec notre adorable Seigneur Jésus.