Extrait d'une lettre

ME 1889 page 416

 

Mon cher frère,

Mes pensées ont été dernièrement occupées plus que jamais du sujet que votre lettre suggère, c'est-à-dire d'être avec le Seigneur. Je suis sûr que ce dont nos coeurs ont besoin, c'est de le connaître d'une manière plus intime, plus profonde, plus heureuse et plus entière. S'il en était ainsi, nous soupirerions après lui, de telle sorte que rien d'autre que sa présence ne saurait nous satisfaire. Je connais des âmes qui sont dans cet état, et ce n'est pas la simple connaissance de la vérité qui les y a placées, mais l'intimité personnelle avec le Seigneur, par le Saint Esprit.

Je suis tombé l'autre jour, comme par hasard, sur quelques pensées d'un ancien auteur qui ont rapport à ce précieux sujet. Voici en substance ce qu'il dit: «Il est étrange que nous qui usons si continuellement de Dieu, de ses bontés et de ses miséricordes, et qui lui sommes si perpétuellement redevables, nous ayons après tout si peu d'intimité avec lui. De là vient que nous avons tant de répugnance à penser à la dissolution de nos corps et à notre entrée auprès de Dieu. Car nous n'aimons pas a nous hasarder là où nous ne sommes pas familiers, de peur de ne pas y être bienvenus. Nous aimerions mieux dépenser de l'argent dans une hôtellerie que d'avoir un logement gratuit chez un hôte inconnu. Mais si nous avons un intime ami, avec lequel nous ayons toujours vécu familièrement, nous irons chez lui hardiment et volontiers, comme si c'était notre propre maison, sachant bien qu'il n'y a pas de moment où nous puissions lui être importuns. Je ne veux pas vivre de Dieu et de ses bontés, de chaque jour, sans être aussi dans son intimité. Par sa grâce, je ne veux pas laisser passer un seul jour sans que cette intimité avec Lui ne soit renouvelée, en lui donnant quelque témoignage de mon amour pour lui, et en obtenant de lui quelque gage précieux de sa constante faveur envers moi».

Ce sont de belles paroles. Elles expriment une disposition d'esprit dont nous aurions tous besoin, dans ces jours où l'on poursuit la connaissance avec une activité si fiévreuse. Oui, il nous faudrait soupirer ainsi ardemment après Christ. Puisse l'Esprit Saint en nous, imprimer cette direction à nos coeurs! Pour plusieurs d'entre nous, c'est une leçon difficile à apprendre que d'aspirer à des jouissances qui sont au delà et au-dessus de ce qui répond aux besoins de notre nature. Nous sommes encore enclins à connaître Christ «selon la chair», et à désirer le trouver au milieu des relations et des circonstances de la vie humaine et là seulement.

Mais ce n'est pas là notre appel, — ce n'est pas la vie de résurrection, la vie céleste. C'est une chose difficile, je le sais, d'aller au delà; mais notre vocation nous y appelle. Nous aimons le chez-soi, et le respect, et la tranquillité, et tout ce qui charme dans nos relations et nos circonstances humaines, et nous aimerions à avoir Christ au milieu de tout cela. Mais le connaître Lui, et l'avoir de cette manière qui nous dit qu'il est un étranger sur la terre, et que nous avons à y être des étrangers avec lui, «cette parole est dure» à nos pauvres coeurs insensés. Le Seigneur, parmi d'autres choses, nous enseigne cette leçon dans l'évangile de Jean.

Les disciples s'affligeaient à la pensée de le perdre dans la chair, de le perdre quant à leur marche journalière et leurs rapports ici-bas. Mais il leur apprend qu'il était avantageux pour eux qu'il s'en allât, et qu'ils le perdissent dans ce caractère de sa vie terrestre avec eux, afin qu'ils pussent le connaître par le Saint Esprit et être avant longtemps avec lui dans le ciel (Jean 16).

Et c'est aussi ce que nous voyons dans le chapitre 20. Marie de Magdala aurait voulu connaître de nouveau le Seigneur, comme elle l'avait connu auparavant, mais cela ne pouvait pas être, et devait lui être refusé. C'était pénible, mais avantageux. Il était bon pour elle alors — de même que cela l'avait été pour les disciples, au chapitre 16 — de savoir qu'elle devait perdre Christ dans la chair, car elle apprenait qu'elle aurait dès lors communion avec lui dans le lieu bien plus désirable où il allait monter.

Il en est de même des quelques-uns, que le même chapitre nous fait voir rassemblés à Jérusalem, le soir du jour de la résurrection. «Les disciples se réjouirent quand ils virent le Seigneur». Mais cette joie était humaine. C'était la joie d'avoir recouvré, comme ils le pensaient, Celui qu'ils avaient perdu — Christ dans la chair. Mais immédiatement, le Seigneur les appelle à le connaître autrement et à avoir communion avec lui d'une autre manière, en entrant dans la paix que sa mort avait faite pour eux, et dans la vie que sa résurrection leur avait obtenue.

Il est salutaire pour nos âmes de considérer tout ce qui est ainsi placé devant nous, car nous sommes enclins à être satisfaits d'un tout autre ordre de choses. «La tristesse» qui remplissait «le coeur» des disciples à la pensée que leur Seigneur s'en allait; le «Rabboni» de Marie de Magdala;, «la joie» des disciples en voyant le Seigneur, montrent la disposition du coeur à se contenter de rester avec Christ au milieu des relations et des circonstances humaines, et non à aller avec Christ ressuscité dans les lieux célestes.

Mais je vous dis tout cela comme à celui qui a suggéré une pensée — je voudrais que ce fût l'expérience de l'âme, et je désire la faire.

Il est intéressant, en étudiant les épîtres aux Ephésiens et aux Hébreux, de voir comme l'une est la contre-partie de l'autre. La première nous envisage comme étant dans «le pays» — dans les lieux célestes, et là unis et associés à Christ. L'autre nous montre comme étant dans le désert, y poursuivant notre voyage, avec Christ à notre tête comme chef de notre salut, et nous ses compagnons.