Le livre de Jonas

ME 1890 page 51

 

Le livre de Jonas. 1

Chapitre 1er 1

Chapitre 2. 5

Chapitre 3. 9

Chapitre 4. 12

 

Chapitre 1er

Le livre du prophète Jonas a un caractère propre qui le met à part de tous les livres prophétiques de l'Ancien Testament. Il ne renferme pas une seule prophétie, sauf le message que Jonas proclame à Ninive, si même on peut l'appeler une prophétie. A part cela, nous n'avons aucun récit de ce qu'il eut à communiquer comme prophète. Qu'il accomplit sa charge comme tel, ressort clairement d'un passage du second livre des Rois. Nous y lisons que Jéroboam, fils de Joas, roi d'Israël, «rétablit la frontière d'Israël, depuis l'entrée de Hamath jusqu'à la mer de la plaine, selon la parole de l'Eternel, le Dieu d'Israël, qu'il avait dite par son serviteur Jonas, le prophète, fils d'Amithaï, qui était de Gath-Hépher» (14: 25). Rien d'autre ne nous a été conservé. Tout l'enseignement du livre se trouve dans l'histoire personnelle de Jonas, ou plutôt dans sa conduite, lorsqu'il a reçu de l'Eternel la mission d'aller et de crier contre Ninive, dont la méchanceté était montée devant Dieu. Le livre a donc, pour ainsi dire, un caractère parabolique: Jonas, soit dans son infidélité, soit lorsqu'il est sous le jugement qu'elle attire sur lui, offre une instruction morale et typique. C'est ce trait qui, dans tous les âges, a rendu ce livre si plein d'intérêt dans ses diverses applications.

Les faits qui nous y sont présentés, sont très simples. Envoyé par l'Eternel pour prêcher contre Ninive, Jonas s'enfuit et descend à Joppe; ayant trouvé là un navire allant à Tarsis, il paie son passage, et s'embarque «pour aller avec eux à Tarsis, de devant la face de l'Eternel». Telle était la vaine pensée du prophète, comme c'est souvent encore maintenant celle de plus d'un enfant de Dieu. L'Eternel fait lever une tempête sur la mer, et le vaisseau est en danger de périr. Se voyant en face de la mort, les mariniers, dans leur terreur, crient chacun à son dieu, et cherchent à alléger le navire en jetant leur cargaison par-dessus bord. Durant ce temps, Jonas, à cause duquel cette «grande tempête» avait été soulevée, dormait profondément. Insensibilité étrange! Le maître du vaisseau l'éveille au sentiment de leur danger par ces paroles solennelles: «Que fais-tu dormeur? Lève-toi, crie à ton Dieu! Peut-être Dieu pensera-t-il à nous, et nous ne périrons pas». Ensuite l'équipage jette le sort, avant la pensée instinctive — éveillée, sans doute, par la puissance divine — que la tempête était occasionnée par la présence de quelque pécheur parmi eux. Dieu dirige tout, et le sort tombe sur Jonas. Les marins lui demandent alors la cause du mal qui leur arrivait, son occupation, d'où il venait, quel était son pays et son peuple. Jonas leur confesse toute la vérité, et leur dit même qu'il s'enfuyait de devant la face de l'Eternel. Ils sont frappés de crainte, en apprenant que Dieu avait soulevé la tempête à cause du prophète, et lui demandent ce qu'il y avait à faire. Jonas répond aussitôt que l'unique moyen de salut pour eux est de le jeter à la mer. Avec une réelle bonté de coeur, ils refusent de le faire et s'efforcent de regagner la terre. Mais ils ne le peuvent pas, et après avoir demandé à l'Eternel de ne pas mettre sur eux la culpabilité d'un sang innocent, ils prennent Jonas et le jettent à la mer. L'effet est instantané; la mer en fureur s'apaise, et impressionnés par ce qu'ils viennent de voir, ils craignirent beaucoup l'Eternel, lui offrirent un sacrifice et firent des voeux.

Telle est l'esquisse du premier chapitre; nous avons maintenant à en rechercher la signification.

En premier lieu, Jonas est un type de la nation juive sous un caractère particulier. Ninive représente le monde, la gloire orgueilleuse du monde qui ne connaît que sa propre importance — le monde, ennemi déclaré du peuple de Dieu simplement à cause de son orgueil. Comme telle, elle était sujette au juste jugement d'un Dieu saint. D'un autre côté, Israël était le chandelier de Dieu sur la terre, responsable par conséquent de rendre témoignage à Celui et pour Celui qui, par sa grâce, l'avait appelé, l'avait séparé des autres nations de la terre, avait fait de lui son peuple et habitait au milieu de lui entre les chérubins. Nous lisons dans Esaïe: «Fais sortir le peuple aveugle qui a des yeux, et les sourds qui ont des oreilles. Que toutes les nations soient réunies ensemble, et que les peuples se rassemblent!

Qui d'entre eux a déclaré cela, et, nous a fait entendre les choses précédentes? Qu'ils produisent leurs témoins et qu'ils se justifient, ou qu'ils entendent, et disent: C'est la vérité! Vous êtes mes témoins, dit l'Eternel, vous et mon serviteur que j'ai choisi, afin que vous connaissiez, et que vous me croyiez, et que vous compreniez que moi je suis le Même: avant moi aucun Dieu n'a été formé, et après moi il n'y en aura pas. Moi, moi, je suis l'Eternel, et hors moi il n'y en a point qui sauve» (43: 8-11). Telle était la position que Dieu avait donnée à Israël au milieu du monde. Et comme le Dieu qu'il connaissait et avec qui, sous son nom d'Eternel, il avait été mis en relation, était un Dieu juste, «dont les yeux sont trop purs pour voir le mal», la mission d'Israël était de crier contre Ninive (le monde), parce que son iniquité était montée devant l'Eternel.

Comment Israël a-t-il rempli sa mission? La conduite de Jonas donne la réponse. «Il se leva pour s'enfuir à Tarsis, de devant la face de l'Eternel». C'est, en quelques mots, l'histoire d'Israël comme messager de Dieu. Les Israélites consentaient volontiers à être élevés par leurs privilèges au-dessus des nations environnantes. En cela, leur orgueil trouvait sa satisfaction. Mais c'était tout autre chose, quand il s'agissait d'accepter la responsabilité de leur position. Rien n'est plus triste, sous ce rapport, que leur histoire, depuis le jour où ils furent tirés d'Egypte jusqu'à la destruction du temple, par Nébucadnetsar.

Ils ne se servirent de la lumière qu'ils possédaient, que pour s'élever eux-mêmes et s'établir dans leur propre justice, jusqu'à ce qu'enfin, si l'on peut employer ce langage, ils forcèrent Dieu à les quitter. Non seulement ils s'enfuirent de devant la face de l'Eternel plutôt que de remplir leur mission envers le monde, mais ils tombèrent moralement au-dessous du niveau des nations contre lesquelles ils avaient à rendre témoignage (voyez, par exemple, Jérémie 32: 28-35; Ezéchiel 8; 9; 16: 44-49, etc.). Oui, l'Eternel dit, par la bouche de Jérémie: «Courez çà et là par les rues de Jérusalem, et regardez et sachez et cherchez dans ses places si vous trouvez un homme, s'il y a quelqu'un qui fasse ce qui est droit, qui cherche la fidélité, et je pardonnerai à la ville. Et s'ils disent: L'Eternel est vivant! en cela même, ils jurent faussement» (Jérémie 5: 1, 2).

Jonas s'enfuyant à Tarsis, de devant la face de l'Eternel, est donc une image fidèle d'Israël s'éloignant de Dieu, au lieu de proclamer son message au monde. Peut-être pouvons-nous voir, dans le vaisseau partant de Joppe et offrant au prophète un moyen aisé d'échapper, le chemin de dégradation morale que suivit Israël. Les vaisseaux étaient le moyen de faire le commerce avec les gentils, et c'est par là que les Israélites se familiarisèrent avec les nations du monde, prirent leurs habitudes et leurs manières de faire, et perdirent leur puissance de témoignage. Ainsi Israël, comme le prophète, ayant tourné le dos à l'Eternel et repoussé les avertissements de sa grâce et de sa longanimité, tomba sous ses jugements et ses châtiments. C'est ce que nous représente le grand vent qui se déchaîne sur la mer, et la grande tempête qui menace de briser le navire. Mais quoique les spectateurs — les marins — fussent saisis de frayeur et criassent chacun à son dieu en voyant la violence terrible de la tempête, c'est-à-dire des jugements de Dieu, la nation coupable restait si insensible qu'elle semblait profondément endormie, nullement émue par le mugissement des flots qui étaient près de l'engloutir.

Nous n'avons pas besoin d'entrer dans les détails de cette narration si frappante comme type. Nous y voyons clairement ressortir les voies de Dieu envers son peuple d'autrefois, sur le terrain de sa responsabilité comme chandelier de Dieu dans le monde. Mais deux autres points doivent être relevés. L'infidélité d'Israël fait que les gentils sont aussi enveloppés dans les jugements de Dieu. Au lieu d'être un moyen de lumière et de bénédiction, Israël devient une occasion de jugement. Mais, en second lieu, après que la colère d'un Dieu saint a visité son peuple, la cause en étant connue, et la tempête étant calmée, les gentils se tournent vers l'Eternel, et reconnaissent sa puissance et sa gloire. «Les hommes craignirent beaucoup l'Eternel, et offrirent un sacrifice à l'Eternel, et firent des voeux». Il en sera ainsi après l'apparition du Seigneur. C'est ce que l'on peut voir dans plusieurs passages des prophètes, et en particulier dans le suivant: «C'est pourquoi, attendez-moi dit l'Eternel, pour le jour où je me lèverai pour le butin. Car ma détermination c'est de rassembler les nations, de réunir les royaumes pour verser sur eux mon indignation, toute l'ardeur de ma colère; car toute la terre sera dévorée par le feu de ma jalousie. Car alors, je changerai la langue des peuples en une langue purifiée, pour qu'ils invoquent tous le nom de l'Eternel pour le servir d'un seul coeur» (Sophonie 3: 8, 9).

L'histoire de Jonas s'applique, en second lieu, au serviteur Jonas, comme prophète, était un serviteur de l'Eternel, chargé, comme nous l'avons indiqué, d'une mission spéciale envers le monde. En accord avec la dispensation d'alors, c'était un message de jugement, et non de grâce et de miséricorde. Mais le prophète s'enfuit, non devant l'opposition de ceux à qui il était envoyé, mais de devant la face de Celui qui lui avait confié sa mission. Plus d'un serviteur, oubliant la source de sa force, aussi bien que le secret de sa sauvegarde, n'a pas pu faire face à la puissance de l'ennemi; mais Jonas cherche à se cacher dans le monde, loin de Celui qui l'avait appelé à être son serviteur. Elie fuit de devant Jésabel; mais Jonas fuit de devant l'Eternel. Quel contraste complet il présente en cela avec notre précieux Sauveur, le témoin fidèle! Christ pouvait dire: «C'est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir, et ta loi est au dedans de mes entrailles, J'ai annoncé la justice dans la grande congrégation; voici, je n'ai point retenu mes lèvres, tu le sais, ô Eternel! Je n'ai point caché ta justice au dedans de mon coeur; j'ai parlé de ta fidélité et de ton salut; je n'ai point celé ta bonté et ta vérité dans la grande congrégation» (Psaumes 40: 8-10). D'autre part, Jonas s'enfuit plutôt que d'annoncer le message de son Dieu. De fait, la responsabilité de rendre témoignage est toujours la plus grande pierre de touche. Dans le cas du Seigneur lui-même, ce fut son témoignage qui lui attira la haine du monde (Jean 7: 7). C'est là que Jonas manqua et peut-être encore sur un autre terrain. La possession de la vérité, si on ne la communique pas, produit constamment l'exaltation du moi et l'orgueil pharisaïque; et là où ces sentiments sont nourris dans le coeur, il y aura toujours de l'indifférence, sinon du mépris, pour le bien-être des autres. Jonas était un Juif; Dieu lui-même l'avait séparé du monde, mais ce n'était pas une raison pour que son coeur n'eût aucune pitié pour le monde. Il en était pourtant ainsi, et son véritable état d'âme se montre par sa désobéissance ouverte envers son Seigneur.

Il est important aussi de remarquer combien se trompe elle-même une âme qui est dans une mauvaise condition. Jonas confesse aux marins qu'il craint l'Eternel, le Dieu des cieux, qui a fait la mer et la terre, et cependant il croit pouvoir se cacher à ses yeux. Mais si le serviteur mis à l'épreuve essaye d'oublier Dieu, Dieu n'oublie pas son serviteur, et il ne peut pas lui permettre de méconnaître son autorité. Il le poursuit donc par la tempête; il commande au vent orageux de s'élever, non pas assurément pour la destruction de son serviteur, mais pour éveiller en lui le sentiment de sa position et de son danger. Oui, le Seigneur aime trop bien ses serviteurs pour permettre qu'ils continuent dans leur rébellion. Mais, tandis qu'il poursuit Jonas, celui-ci dort, au milieu même des signes de la présence et de la puissance de Dieu. Comment ne pas se souvenir, par voie de contraste, de la tempête soulevée sur une autre mer, et durant laquelle Celui qui a fait la mer dormait sur un oreiller? Dans le premier cas, la tempête ne s'apaise que lorsque Jonas est jeté à la mer; dans l'autre, le Seigneur, éveillé par les prières instantes de ses disciples, manifeste sa gloire et affirme sa puissance en reprenant le vent et en disant à la mer: «Fais silence; tais-toi».

Les voies de Dieu à l'égard de Jonas, telles que nous les voyons dans ce chapitre, mettent en lumière un principe très important. Lorsqu'Israël a manqué à sanctifier le nom de l'Eternel, l'Eternel déclare qu'il sanctifiera son propre nom (voyez Ezéchiel 36: 16-23). Il en est ainsi avec ses serviteurs. S'ils ne le glorifient pas dans le témoignage qui leur est confié, il se glorifiera en eux par les châtiments que sa main leur infligera. Jonas se montre serviteur infidèle, un homme qui ne peut pas glorifier le nom de son Dieu devant un monde orgueilleux et méchant. Dieu alors intervient et étend son bras sur lui, et par le jugement dont il le frappe, il fait surgir lui-même la louange du coeur des païens. C'est un principe très important; il nous apprend qu'alors même que Dieu nous fait l'honneur d'être ses serviteurs, nous ne sommes nullement nécessaires à l'accomplissement de ses desseins. Comprendre cela nous rendra humbles, en même temps que nos coeurs seront remplis de louanges envers notre Dieu, pour le grand privilège qu'il nous accorde d'être, d'une manière quelconque, associés à l'accomplissement de ses divins conseils.

Pour conclure, il sera profitable de poser deux questions. En premier lieu, jusqu'à quel point l'histoire d'Israël, que nous présente ce récit, préfigure-t-elle celle de l'Eglise comme vase du témoignage de Dieu? Hélas! la réponse à cette question nous est pleinement donnée dans le message adressé aux sept églises (Apocalypse 2; 3). Secondement, demandons-nous si, comme serviteurs du Seigneur, nous sommes plus fidèles que Jonas? Si plusieurs d'entre nous ne sont pas, comme lui, ensevelis dans un profond sommeil, aujourd'hui que se font entendre déjà tous les bruits précurseurs du jugement qui vient?

Veuille le Seigneur lui-même nous éveiller tous à la réalité de notre condition, afin que nous ne restions pas plus longtemps insensibles au danger qui menace un monde impie.

Chapitre 2

Le premier verset de ce chapitre nous apprend que l'Eternel avait préparé un grand poisson pour engloutir Jonas, et que Jonas fut dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits. C'est ce fait qui est la clef pour l'interprétation du chapitre 2, car notre Seigneur rattache expressément cette circonstance à sa propre mort. Il dit: «Car comme Jonas fut dans le ventre du cétacé trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre (*)» (Matthieu 12: 40). Il est d'un grand intérêt de voir comment Jonas, placé sous le jugement de Dieu, devient un type de Christ rejeté et souffrant la mort.

(*) L'incrédulité a vu une inexactitude dans ces paroles; elle allègue que le Seigneur ne fut effectivement que deux nuits dans le sépulcre; mais c'est ignorer la manière dont les Juifs comptaient le temps. Pour eux, une partie d'un jour renfermait le jour tout entier. Notre Seigneur adopte simplement leur manière de parler.

L'étude du chapitre 1, nous a montré que le prophète était un type de la nation juive, ou plutôt du résidu qui prend toujours la place de la nation devant Dieu. Ayant été infidèle à sa mission envers le monde, le peuple juif a été rejeté de Dieu comme vase de son témoignage, et a appelé sur sa tête ses jugements, qui ont passé sur lui comme des vagues et des flots. C'est dans cette position que nous le voyons personnifié par Jonas, au commencement du chapitre 2. Or c'est dans cette place même que Christ est descendu en grâce, dans son inépuisable amour pour son peuple. Il a été rejeté, non par son Dieu, assurément, — loin de nous cette pensée, — mais par «les siens», vers lesquels il était venu. Leur iniquité, si horrible qu'elle fût, n'a fait cependant qu'accomplir les conseils de Dieu, et est devenue en même temps l'occasion de déployer les profondeurs de l'amour de Christ. La nuit même où il fut livré, il prit du pain et rendit grâces, et de la coupe il dit: «Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est versé pour plusieurs en rémission de péchés» (Matthieu 26). Il se laissa ainsi conduire comme un agneau à la boucherie, et se plaça volontairement sous le jugement de Dieu tout entier, afin de faire propitiation pour les péchés du peuple. Toutes les vagues et tous les flots de Dieu passèrent sur sa tête. Ils avaient passé, ou plutôt, au point de vue prophétique, ils passeront sur le résidu à cause des péchés du peuple; ils ont passé sur la tête de Christ, parce que, dans sa grâce, il a pris la place du peuple devant Dieu, et qu'il est mort pour cette nation, afin que dans la suite, Dieu puisse avec justice, sur la base de l'expiation, accomplir tous ses conseils de grâce envers Israël, le peuple qu'il a aimé.

C'est de cette manière que Jonas dans le ventre du poisson devient une figure de Christ dans le tombeau. Conduit par l'Esprit de Dieu, le prophète emploie des expressions qui ne s'appliquent pas seulement aux circonstances où il se trouvait, mais qui ont une portée beaucoup plus étendue. Il y a un exemple du même genre dans le Psaume 42, qui commence le second livre du recueil. Dans ce livre, le résidu est vu comme «jeté hors de Jérusalem, et la ville comme livrée à l'iniquité». Il se trouve donc sous les jugements de Dieu, et ainsi se sert des mêmes paroles que Jonas: «Toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi» (Psaumes 42: 7); mais ce passage n'a sa pleine signification que si nous le considérons en rapport avec la place que le Seigneur a prise, lorsqu'il s'est identifié, non seulement avec son peuple, mais aussi avec leurs péchés, quand il les a portés en son propre corps sur le bois.

Nous pouvons maintenant continuer à étudier les voies de Dieu envers Jonas, comme envers le résidu, ainsi que les présentent les paroles que le prophète prononce. Il nous est dit d'abord: «Et Jonas pria l'Eternel, son Dieu, des entrailles du poisson». Il a pris la bonne direction. Il avait tourné le dos à Jéhovah et s'était enfui; mais maintenant, sous le coup de la verge divine, non seulement il est arrêté, mais ses regards sont attirés en haut vers Celui de devant qui il avait cherché à se cacher. Bienheureux effet du châtiment, lorsqu'il a amené l'âme à reconnaître sa dépendance et à s'humilier sous la puissante main de Dieu. «Quelqu'un parmi vous est-il dans la souffrance, qu'il prie», dit Jacques. Oui, comme le chant de louange est l'expression de la joie de l'âme, la prière est celle de sa tristesse. Ainsi Jonas dit: «J'ai crié à l'Eternel du fond de ma détresse, et il m'a répondu. Du sein du shéol, j'ai crié; tu as entendu ma voix». Puis le prophète raconte tout ce qui s'est opéré en lui, et par quoi son âme a été restaurée (versets 2-7). Il nous sera profitable d'en remarquer les différents degrés.

En premier lieu, il reconnaît la main de l'Eternel: «Tu m'as jeté dans l'abîme». Il ne s'embarrasse pas dans la considération des causes secondes, comme c'est si souvent notre cas, ce qui nous fait perdre toute la bénédiction qui se trouve dans les voies de Dieu envers nous. Jonas ne pense ni à la tempête, ni aux marins. C'était l'Eternel qui l'avait jeté dans l'abîme. Il en fut ainsi de notre Seigneur, mais d'une manière infiniment plus parfaite, lorsque souffrant sur la croix, il dit: «Tu m'as mis dans la poussière de la mort» (Psaumes 22). Quel repos d'âme pour nous de prendre tout ce qui nous arrive, et c'est notre privilège de le faire, comme venant directement de la main du Seigneur lui-même! C'est ce qui étouffe tout murmure, ce qui ouvre l'oreille à la voix divine et place l'âme dans une condition propre à profiter de la discipline par laquelle on a à passer. De plus, Jonas confesse que la main de l'Eternel était sur lui en jugement. Toutes les figures dont il se sert le montrent: les mers, le courant, les vagues, les flots, bien que littéralement vrais dans son cas, sont partout, dans les Ecritures, les symboles représentant la colère judiciaire de Dieu. Le prophète se sentait ainsi rejeté loin de la face de Dieu, et son âme défaillait en lui (verset 5, 8). Autrement dit, comme Paul, bien que d'une autre manière, il portait en lui-même la sentence de mort. Il est amené à sentir son entier néant devant Dieu, et d'autant plus que c'était à cause de son péché. De rebelle fuyant loin de la présence divine, le voilà changé en un pénitent qui n'a rien à présenter pour se justifier de ce qu'il a fait, et qui reconnaît ne mériter autre chose que le jugement qu'il subit. C'est la seule vraie place pour l'âme, soit d'un pécheur, soit d'un enfant de Dieu tombé en faute; c'est la seule place où Dieu peut la rencontrer, sur le terrain d'une expiation accomplie, avec le pardon et la grâce qui restaure.

Voyons maintenant comment l'Eternel répond au cri du prophète. Jonas dit: «J'ai crié; tu as entendu ma voix». Et plus loin: «Quand mon âme défaillait en moi, je me suis souvenu de l'Eternel, et ma prière est venue jusqu'à toi, dans le temple de ta sainteté» (versets 3, 8). Qu'est-ce qui pourrait montrer d'une manière plus frappante la grâce de Dieu et la tendresse de son coeur? Son but dans ses voies ayant été atteint, il répond immédiatement au cri de son serviteur. Dans la folie de notre manque de foi, nous sommes souvent tentés de penser qu'il ne peut nous pardonner après nos égarements et nos rébellions. Mais sa grâce ne manque jamais; il regarde vers les siens; son oreille est toujours ouverte à leur cri: car sa manière d'agir envers nous ne dépend pas de ce que nous sommes, mais uniquement de ce qu'il est en lui-même. Satan voudrait toujours nous tromper, comme il a trompé Eve dans le jardin d'Eden, et nous faire douter de la bonté de Dieu; de là l'importance d'apprendre à connaître le caractère et les voies de Dieu d'après sa Parole et d'après la révélation qu'il a faite de lui-même dans le Seigneur Jésus. On trouve bien des exemples dans les Ecritures qui montrent comme Dieu est prêt à répondre au cri des siens, quelle qu'ait été leur conduite. Le Psaume 107 est un des plus frappants, comme aussi Osée 14, et le message du Seigneur à Pierre au matin de sa résurrection (Marc 16: 7).

Ces paroles du prophète: «J'ai crié à l'Eternel du fond de ma détresse, et il m'a répondu», devraient descendre profondément dans nos coeurs. Elles sont un précieux encouragement pour les âmes timides, et surtout pour ceux qui sont tombés en faute, car elles enseignent que si nous avons manqué, Dieu n'attend rien sinon que nous revenions à lui. Nous avons une ancre dont aucune tempête ne peut relâcher le câble, lorsque nous avons appris cette simple vérité, que Dieu ne change jamais sa manière d'être envers nous, que son amour reste toujours le même — soit que nous ayons cédé au péché, soit que nous marchions dans la jouissance de la lumière de sa face. Et c'est précisément à cause de cet amour immuable qu'il nous châtie et nous afflige. «Celui que le Seigneur aime, il le discipline, et il fouette tout fils qu'il agrée». C'est sur ce principe qu'il agit envers Jonas, et le résultat en est que le prophète peut déclarer: «Je suis descendu jusqu'aux fondements des montagnes; les barres de la terre s'étaient fermées sur moi pour toujours; mais, ô Eternel, mon Dieu, tu as fait remonter ma vie de la fosse» (verset 7).

Ainsi restauré, le prophète peut rendre témoignage de la folie du péché. «Ceux qui regardent aux vanités mensongères abandonnent la grâce qui est à eux». Et ce témoignage est certainement vrai; tous nos coeurs peuvent y apposer leur sceau. Chaque fois, en effet, que nous avons été séduits par les vanités mensongères de la chair, du monde ou du diable, n'avons-nous pas éprouvé la vérité de la déclaration du prophète? Ah! oui; «il y a telle voie qui semble droite à l'homme (lorsqu'il est sous la puissance de ces séductions), mais des voies de mort en sont la fin». La grâce ne se trouve jamais dans le sentier du péché. Sous l'influence de cette vérité, qui a pénétré dans l'âme de Jonas par une expérience pratique, il s'écrie: «Mais moi, je te sacrifierai avec une voix de louange; je m'acquitterai de ce que j'ai voué». Il reconnaît ainsi la source de sa préservation et de sa bénédiction; il loue et rend grâces.

Mais il va un pas plus loin. «La délivrance est de l'Eternel». Et aussitôt après ces paroles, nous lisons: «L'Eternel commanda au poisson, et il vomit Jonas sur la terre». Il y a là évidemment une préfiguration remarquable de l'affranchissement. Tous les exercices d'âme de Jonas le conduisent à cette magnifique conclusion: «La délivrance est de l'Eternel», et aussitôt il est mis en liberté. Il en est ainsi de l'âme qui s'est écriée: «Misérable homme que je suis! qui me délivrera de ce corps de mort? Je rends grâces à Dieu (voilà la réponse) par Jésus Christ notre Seigneur» (Romains 7). L'âme a trouvé la délivrance et en jouit. Précieuse conclusion, pouvons-nous dire encore, et pour le pécheur et pour l'enfant de Dieu troublé: «La délivrance est de l'Eternel». C'est ce qui apporte la paix à l'âme, ce qui fait taire tous les doutes et les raisonnements, ce qui met fin à la recherche de soi-même et tourne les yeux en haut vers l'unique source de bénédiction et d'affranchissement. La connaissance de cette vérité est essentielle à tout l'ensemble de la vie chrétienne, et procure un ineffable repos à l'âme fatiguée de ses fardeaux et de ses luttes. «La délivrance est de l'Eternel». Alors nous n'avons plus qu'à dire, avec le roi d'Israël: «Nous ne savons ce que nous devons faire, mais nos yeux sont sur toi», et nous trouverons, comme lui, que le Seigneur interviendra avec sa miséricorde pour nous délivrer et faire au delà de toutes nos pensées et de toute notre attente.

On saisira aisément l'application prophétique de la délivrance de Jonas au résidu juif dans l'avenir. Nous avons déjà appelé, l'attention sur l'identité des expressions employées par le prophète et celles que nous trouvons dans le Psaume 42. Les voies du Seigneur envers les fidèles du résidu seront précisément ce que nous avons vu dans l'histoire de Jonas. En faisant passer sur eux toutes ses vagues et ses flots, l'Eternel, par ces exercices de leurs âmes, atteindra leurs consciences, produira en eux le sentiment de leur culpabilité et de leur absolue impuissance, de sorte que leurs yeux se tourneront vers lui et que de leurs coeurs sortiront des cris et des supplications pour être secourus et délivrés. Alors, comme dans le cas de Jonas, l'Eternel qui aura veillé avec une tendre compassion sur son peuple, répondra instantanément à leur cri et apparaîtra pour leur délivrance. Alors ils diront: «Voici, c'est ici notre Dieu; nous l'avons attendu, et il nous sauvera; c'est ici l'Eternel, nous l'avons attendu. Egayons-nous et réjouissons-nous dans sa délivrance (lisez Esaïe 11; 12; 25; 26; et Zacharie 12-14).

Chapitre 3

Dès que Jonas eut été délivré, «la parole de l'Eternel vint à lui une seconde fois, disant: Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie-lui selon le cri que je te dirai». Si l'Eternel avait déchaîné contre son serviteur le vent et la tempête, et l'avait jeté dans l'abîme, au sein de la mer, c'était pour le restaurer ainsi que pour le châtier, et afin de le placer dans une condition d'âme propre à être le messager de la volonté divine. Le prophète ne cherche donc plus à fuir, mais se lève et va à Ninive, selon la parole de l'Eternel. C'est toujours ainsi que l'Eternel agit avec les siens. Si nous nous détournons du sentier qu'il nous à tracé, nous rencontrerons certainement le châtiment, et l'objet qu'il poursuit ne sera atteint que lorsque, par grâce, sans doute, nous serons retournés vers le sentier que nous n'avions pas voulu suivre, et que nous y serons entrés. C'est le principe qui se trouve dans ces paroles du psalmiste: «Avant que je fusse affligé, j'errais; mais maintenant je garde ta parole».

Cet enseignement se trouve, pour ainsi dire, à la surface de notre chapitre, mais la portée typique en est beaucoup plus profonde. Jonas, en figure, est un homme ressuscité, selon ce qu'il dit: «Du sein du shéol, j'ai crié». Jéhovah l'avait fait descendre dans la mort. En même temps, nous devons nous rappeler que Jonas est identifié avec le résidu. Il y a donc une double signification symbolique. Israël, dans la personne de Jonas, est vu comme mis de côté, comme vase de témoignage, à cause de son infidélité. Au jugement de l'homme, la lumière est éteinte, toute espérance pour le monde a disparu pour toujours. Lorsque toutes les vagues et les flots de Dieu roulaient sur les têtes de ceux qu'il avait choisis pour être ses témoins sur la terre, quelle possibilité restait-il d'un autre témoignage dans le monde? Pour emprunter les paroles du psalmiste: «Feras-tu des merveilles pour les morts? ou les trépassés se lèveront-ils pour te célébrer? Racontera-t-on ta bonté dans le sépulcre, ta fidélité dans l'abîme? Connaîtra-t-on tes merveilles dans les ténèbres, et la justice dans le pays de l'oubli?» (Psaumes 88: 10-12).

La réponse à ces questions ne se trouve que dans la mort et la résurrection de Christ. Toute espérance, en tant que fondée sur la responsabilité de l'homme, était anéantie; mais Dieu, dans sa grâce et sa miséricorde, envoya son bien-aimé Fils qui s'identifia avec son peuple, descendit dans sa compassion dans la place même où celui-ci gisait mort dans ses fautes et ses péchés, et mourut lui-même, en se chargeant de toute la responsabilité des coupables, afin de glorifier Dieu sur la scène même où ils l'avaient déshonoré. Ainsi que Christ lui-même le dit: «Comme Jonas fut dans le ventre du cétacé trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l'homme (le Messie rejeté) sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre». Mais il n'était pas possible qu'il fût retenu dans les liens de la mort, soit que nous envisagions la gloire de Dieu ou les droits de sa propre personne; c'est pourquoi, il ressuscita le troisième jour comme premier-né des morts, et c'est de lui, l'homme ressuscité, que Jonas est une figure. Comme ressuscité, il est le témoin fidèle et véritable (ce qu'il avait toujours été); et Israël étant actuellement mis de côté, il peut, pour accomplir les desseins de Dieu, rendre témoignage aux gentils. L'issue montre en figure que la réjection des Juifs est la réconciliation du monde (Romains 11). Les deux choses sont dans notre chapitre — le fait historique de la mission de Jonas, et ce dont cette mission est l'emblème.

Jonas, maintenant obéissant, va à Ninive. Mais avant de nous dire quelle fut sa prédication, l'Esprit de Dieu appelle notre attention sur la grandeur de la ville. C'était une cité grande devant Dieu, de trois journées de chemin. Tel était le résultat de l'activité de l'homme dans son éloignement de Dieu. Et l'homme se glorifie de la grandeur, de la pompe et de la magnificence de ses oeuvres qui le portent à dire comme Nébucadnetsar: «N'est-ce pas ici Babylone la grande, que j'ai bâtie pour être la maison de mon royaume, par la puissance de ma force et pour la gloire de ma magnificence?» Et enivré de son propre orgueil, il ne prend pas garde, si même il se le rappelle, que le jugement de Dieu a été prononcé sur toutes ses oeuvres. C'est ce jugement, que Jonas avait à proclamer en face de la gloire orgueilleuse du monde: «Encore quarante jours, et Ninive sera renversée».

Le caractère de ce message demande notre attention. Il annonce le jugement, sans aucune offre quelconque de miséricorde, même si le peuple se repentait. Cela peut paraître étrange, mais il faut se rappeler que la prédication de Jonas avait uniquement rapport au jugement de Dieu sur la terre. Comme règle générale, les prophètes de l'Ancien Testament ne vont pas jusqu'à l'éternité, c'est-à-dire que les jugements dont ils menacent et les bénédictions qu'ils promettent, sous la condition de l'obéissance ou de la repentance, sont confinés à ce monde. Le jugement qui aura lieu, quand les secrets de tous les coeurs seront manifestés, n'entrait pas dans le champ de leur ministère. En rapport comme ils l'étaient avec le royaume, ils parlaient seulement des voies de Dieu, de ses droits, de sa justice, et de son gouvernement, déployés sur cette scène.

Considéré au point de vue typique, le message de Jonas a une autre signification. Le nombre quarante a une portée distincte dans la parole de Dieu. On peut le voir dans les quarante années de la traversée du désert par Israël, les quarante jours de la tentation du Seigneur, etc. Ce nombre exprime la durée de l'épreuve complète. Si nous appliquons cette pensée au passage qui nous occupe, en nous rappelant que Ninive représente le monde vu surtout sous l'aspect de son exaltation orgueilleuse contre Dieu, nous avons simplement l'annonce du fait que le monde, après avoir été mis à l'épreuve de toutes manières, sera détruit par le jugement. La croix de Christ a été le point culminant de l'épreuve que Dieu a faite du monde; c'est pourquoi le Seigneur, anticipant sa mort, a dit: «Maintenant est le jugement de ce monde». Un jugement sans appel a été prononcé sur le monde dans la mort de Christ; là, Dieu a manifesté ouvertement et devant tous, le caractère du mal qui est attaché au monde, mal irrémédiable, car il a accepté d'être conduit par Satan pour crucifier le Fils bien-aimé de Dieu. Il est vrai que Dieu retarde l'exécution du jugement, parce que, dans la mort de Christ a été posé le fondement selon lequel Dieu peut avec justice offrir le salut à ce même monde coupable et perdu, et accomplir ses conseils de grâce en rédemption. Mais le jugement n'a pas été rapporté, et il ne pouvait l'être d'une manière conséquente avec la gloire de Dieu. Il a seulement été suspendu, parce que le Seigneur «est patient envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance». Mais après ces paroles, Pierre continue en disant: «Or le jour du Seigneur viendra comme un voleur; et, dans ce jour-là, les cieux passeront avec un bruit sifflant, et les éléments, embrasés, seront dissous, et la terre et les oeuvres qui sont en elle seront brûlées entièrement» (2 Pierre 3: 9, 10). Oui, il reste vrai que «encore quarante jours, et Ninive sera renversée».

L'effet de la prédication de Jonas fut merveilleux. «Les hommes de Ninive crurent Dieu, et proclamèrent un jeûne et se vêtirent de sacs, depuis les plus grands d'entre eux jusqu'aux plus petits». La chose commença par le roi qui, ayant entendu la parole, «se leva de son trône, et ôta de dessus lui son manteau, et se couvrit d'un sac et s'assit sur la cendre». De plus, d'accord avec ses grands, il fit annoncer par un édit que ni homme, ni bête, ni gros, ni menu bétail, ne goûtassent de rien, ni pâture, ni eau. En un mot, un jeûne universel fut proclamé. Tous devaient être vêtus de sacs et crier à Dieu avec force, et revenir chacun de leurs mauvaises voies, dans l'espérance que Dieu reviendrait de l'ardeur de sa colère, pour qu'ils ne périssent pas (versets 5-9). Le lecteur remarquera qu'ils crurent DIEU. Au chapitre premier, nous avons vu les marins crier à l'Eternel, parce que c'était la gloire de l'Eternel dans sa relation avec un Juif, qui avait été manifestée par ses jugements. Ici, il s'agit du monde en relation avec Dieu, et cela explique la différence. Et comme on est dans ce chapitre sur le terrain de la relation de Dieu créateur avec ses créatures, les animaux et le bétail sont aussi mentionnés, car la création tout entière sera un jour délivrée de l'esclavage de la corruption, pour jouir de la liberté des enfants de Dieu (Romains 8).

Le Seigneur fait allusion d'une manière frappante à la repentance des Ninivites. «Des hommes de Ninive se lèveront au jugement avec cette génération et la condamneront, car ils se sont repentis à la prédication de Jonas, et voici, il y a ici plus que Jonas» (Matthieu 12: 41). Quelle preuve, en effet, de la dureté des coeurs de ceux à qui le Seigneur était venu prêcher la repentance, parce que le royaume des cieux s'était approché, qu'ils fussent restés insensibles à ses appels appuyés par les miracles qu'il accomplissait au milieu d'eux. Les Ninivites étaient des païens; les Juifs étaient le peuple élu de Dieu, et Celui qui était au milieu d'eux était leur propre Messie, Jéhovah le Sauveur; mais ils furent sourds à ses tendres et pressantes invitations (Matthieu 23: 37). Quelle démonstration plus évidente pouvait-il y avoir de l'entière dépravation de leurs coeurs? Et les hommes de «cette génération-ci» sont-ils meilleurs? En même temps que continue, dans la miséricorde de Dieu, l'exercice du ministère de la réconciliation (2 Corinthiens 5), la proclamation solennelle se fait entendre: «Encore quarante jours, et Ninive sera renversée». Mais qui y fait attention? Quelques-uns ici et là, par grâce, prêtent l'oreille; mais la masse, le monde, est aussi insensible qu'aux jouis du Seigneur. Bien plus, supposons que quelque messager de Dieu se tint aujourd'hui au milieu de l'une de nos grandes cités, Londres, Paris ou Berlin, et y fit entendre le message de Jonas, comment serait-il reçu? Ce n'est pas trop de dire qu'on le regarderait comme un fanatique et un fou. Oh! qu'il serait à désirer que l'on comprît mieux que l'augmentation de lumière et de privilèges accroît aussi la responsabilité et la condamnation, quand on refuse la lumière et que l'on méprise les privilèges. Quel beau spectacle que celui de la repentance de Ninive. Elle préfigure le temps où les nations serviront d'un même accord l'Eternel.

Le chapitre se termine en nous montrant comment Dieu agit en rapport avec la repentance des Ninivites. «Et Dieu vit leurs oeuvres, qu'ils revenaient de leur mauvaise voie; et Dieu se repentit du mal qu'il avait parlé de leur faire, et il ne le fit pas». Nous voyons encore ici ce qu'est le coeur de Dieu envers l'homme, qu'il ne prend pas plaisir à la mort du méchant, et que s'il fait annoncer le jugement, c'est dans le but de détourner les pécheurs de leur mauvaise voie. Les hommes de Ninive ignoraient ce que Dieu ferait. Ils disaient seulement: «Qui sait? Dieu reviendra et se repentira». Et Dieu répondit à leur faible foi, comme il le fait toujours, et les sauva de la destruction. C'est parler à la manière des hommes, ai-je besoin de l'ajouter, que de dire que Dieu se repentit. Son but était de produire la repentance chez les hommes de Ninive, et cela ayant eu lieu, il pouvait, d'une manière conséquente, avec ses voies gouvernementales, montrer sa compassion et pardonner. Quel encouragement pour le pécheur dans ce récit!

«Celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui». Mais, béni soit le nom du Seigneur, il est aussi écrit: «Celui qui entend ma parole, et qui croit celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement; mais il est passé de la mort à la vie» (Jean 5: 24).

Chapitre 4

L'instruction du chapitre 4 se tire, comme celle du premier, de la conduite du prophète. A la fin du chapitre 3, nous voyons le déploiement de la grâce de Dieu envers les Ninivites repentants. En fait, c'est la révélation du coeur de Dieu. Le premier verset de notre chapitre montre en contraste le coeur de Jonas. Comme il est écrit, Dieu ne prend pas plaisir à la mort du pécheur; mais Jonas trouve cela «très mauvais et en est irrité». Non seulement il était hors de la communion des pensées de Dieu, mais en complet et positif antagonisme avec elles. Semblable au frère aîné dans la parabole du fils prodigue, il était irrité de voir ceux qui n'avaient aucun droit auprès de Dieu, trouver miséricorde devant lui. Par là, il montrait qu'il n'était point entré dans la pensée de la grâce. Combien souvent cela ne nous arrive-t-il point! Quoique nous soyons nous-mêmes les objets de la miséricorde, et que, à part la souveraine grâce de Dieu, nous ne puissions avoir aucune position devant lui, cependant, dans la folie de nos sentiments et de nos pensées, nous désirerions que les autres fussent traités sur le pied de la justice. On voit des exemples frappants de cette disposition, aux jours apostoliques, dans les luttes que Paul eut à soutenir. Pierre même craignit de maintenir la vérité de la grâce (Galates 2), c'est pourquoi l'apôtre Paul, conduit par l'Esprit Saint, non seulement lui résista en face, mais s'est attaché à montrer, et dans son épître aux Galates, et dans celle aux Romains, que le Juif, aussi bien que le gentil, n'avait aucun droit à faire valoir auprès de Dieu, et que si Dieu avait traité Israël sur la base de la justice, il n'aurait pas plus échappé au jugement que les gentils. Mais Dieu a renfermé tous, Juifs et gentils, dans la désobéissance, afin de faire miséricorde à tous (Romains 11). L'homme naturel ne saurait comprendre la grâce de Dieu.

Mais allons un peu plus au fond, et cherchons les motifs de l'irritation de Jonas. Nous lisons: «Et il pria l'Eternel, et dit: Eternel, je te prie, n'était-ce pas là ma parole, quand j'étais encore dans mon pays? C'est pourquoi j'ai voulu d'abord m'enfuir à Tarsis, car je savais que tu es un Dieu qui fais grâce et qui es miséricordieux, lent à la colère et grand en bonté, et qui te repens du mal dont tu as menacé; et maintenant, Eternel, je t'en prie, prends-moi ma vie, car mieux me vaut la mort que la vie» (versets 2, 3).

C'est-à-dire qu'il avait craint que Dieu ne montrât de la miséricorde envers Ninive, et que, désirant lui-même le jugement et la destruction, il n'avait pas désiré être le héraut du message divin. Quelle étroitesse et quelle dureté de coeur! pourrions-nous dire. Mais il y a plus que cela dans cette prière insensée. On y voit l'essence même du moi qui veut se glorifier dans sa propre importance. Annoncer le message du jugement à l'impie Ninive, était une chose que Jonas était tout disposé à faire — pourvu qu'il fût assuré de l'exécution du jugement, car ainsi le prophète aurait été exalté à ses propres yeux, et aux yeux de tous ceux qui croyaient à la vérité de sa mission. Nous voyons plus tard Jacques et Jean dire au Seigneur: «Veux-tu que nous disions que le feu descende du ciel et les consume, comme aussi fit Elie?» Mais le Seigneur les censura fortement; car Dieu n'avait pas envoyé son Fils dans le monde pour le juger, mais afin que le monde fût sauvé par lui. Jonas était animé du même esprit que ces disciples; seulement il alla plus loin qu'eux, et s'opposa à la manifestation de la miséricorde. Et la raison en était que, si la proclamation d'un jugement sans merci exaltait le prédicateur, le déploiement de la grâce mettait de côté le messager et exaltait Dieu. Comme quelqu'un l'a dit, Jonas, au lieu de se soucier de Ninive, ne pensait qu'à sa propre réputation de prophète. Misérable coeur de l'homme, incapable à ce point de s'élever jusqu'à la pensée de Dieu! Jonas ne pensait qu'à lui-même, et l'affreux égoïsme de son coeur cachait à ses yeux le Dieu de grâce, fidèle à son amour pour ses créatures impuissantes. Et nous pouvons ajouter qu'il était entièrement sans excuse. Il dit: «Je savais que tu es un Dieu qui fais grâce», et cependant il était irrité et mécontent du caractère du Dieu qu'il connaissait!

Si grands sont sa colère et son désappointement, qu'il demande à Dieu de prendre sa vie. Bien triste état d'âme car qu'est-ce qui produisait en lui ce désir? Le fait que Dieu avait épargné Ninive, et en même temps de se voir, en apparence, mis de côté, lui et sa prédication! Telles sont la petitesse et l'étroitesse du coeur de l'homme, lorsqu'il est occupé de lui-même, de son importance, de son orgueil et de sa réputation. Le cas d'Elie qui, à cause d'une certaine ressemblance, se présente naturellement à l'esprit, est très différent. Dans son doute et l'abattement de son coeur, Elie se figure que tout son travail a été entièrement vain. En réponse à la question de l'Eternel: «Que fais-tu ici, Elie?» il répond: «J'ai été très jaloux pour l'Eternel, le Dieu des armées; car les fils d'Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels et ils ont tué tes prophètes par l'épée, et je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l'ôter» (1 Rois 19: 10). Pour le moment, en voyant de tous côtés la puissance de l'ennemi, il a perdu confiance en Dieu. Sans doute, il était aussi désappointé de ce que l'Eternel n'était pas intervenu en jugement, pour venger l'honneur de soit nom comme prophète. Mais c'était tout à fait autre chose que le désir de Jonas. Celui-ci ne pensait ni à la gloire de l'Eternel, ni à la pauvre et coupable Ninive, mais uniquement à sa réputation de prophète. Rien assurément de plus humiliant que son état d'âme.

D'un autre côté, peut-il y avoir quelque chose de plus touchant que la tendre bonté de l'Eternel envers son serviteur mécontent et chagrin? Il ne lui dit qu'un mot: «Fais-tu bien de t'irriter?» C'est tout. Dieu agit comme le ferait une mère avec un enfant impertinent. Elle sait qu'il serait inutile de raisonner avec lui, tandis que sa mauvaise humeur se donne carrière; elle ne fait donc aucune attention à ses folles paroles, mais attend qu'il se soit calmé; c'est ainsi que l'Eternel agit avec Jonas. Combien souvent ne nous est-il pas arrivé dans notre folie et avec le même esprit que Jonas, d'accuser les voies de Dieu et de préférer que nos propres désirs eussent été accomplis, ce qui, Dieu nous l'eût-il accordé, aurait rempli de douleur le reste de notre vie! Mais le Seigneur nous aime plus que nous ne nous aimons nous-mêmes.

Jonas ne répliqua rien à la tendre remontrance de l'Eternel; son irritation était trop grande. «Et Jonas sortit de la ville, et s'assit à l'orient de la ville; et il se fit là une cabane, et s'assit dessous à l'ombre, jusqu'à ce qu'il vit ce qui arriverait à la ville». Pauvre Jonas! Il espérait évidemment encore que l'Eternel détruirait Ninive, malgré la repentance de ses habitants; si peu il comprenait le coeur de Celui qui lui avait confié son message. Mais Dieu en avait fini pour le présent avec Ninive. Il s'était repenti «du mal qu'il avait dit qu'il leur ferait; et il ne le fit pas». C'était une chose irrévocable, et il ne pouvait pas, en restant fidèle à son saint nom, satisfaire les mauvais désirs de Jonas. C'est pour cela que son attention, dans son amour et sa grâce, se portait maintenant sur son serviteur pour le corriger et l'instruire, aussi bien que pour expliquer et justifier ses propres voies. Nous lisons donc: «Et l'Eternel Dieu prépara un kikajon et le fit monter au-dessus de Jonas, pour faire ombre sur sa tête, pour le délivrer de sa misère, et Jonas se réjouit d'une grande joie à cause du kikajon».

Il est extrêmement touchant de voir comment Dieu veille sur son opiniâtre serviteur, prend soin de lui et s'efforce de le convaincre du peu de raison qu'il a de s'irriter. Pourquoi le prophète se réjouit-il maintenant d'une grande joie? C'est à cause du soulagement que lui apporte l'ombre du kikajon. De même que son irritation, sa joie est totalement égoïste. Aussi «Dieu prépara un ver le lendemain, au lever de l'aurore, et il rongea le kikajon, et il sécha. Et il arriva que quand le soleil se leva, Dieu prépara un doux vent d'orient, et le soleil frappa la tête de Jonas, et il défaillait, et il demanda la mort pour son âme, et dit: Mieux me vaut la mort que la vie». Entièrement absorbé dans le cercle de sa propre personne, il est malheureux et misérable, maintenant que le kikajon qui lui avait donné du soulagement, a été détruit, et peut-être aussi à cause de ses souffrances physiques. C'est à ce point que Dieu l'a conduit, et il intervient encore une fois et dit à Jonas: «Fais-tu bien de t'irriter à cause du kikajon? Et il dit: Je fais bien de m'irriter jusqu'à la mort». Il s'était irrité, parce que Ninive n'avait pas été renversée, et maintenant il s'irrite, parce que le kikajon a été détruit, et dans les deux cas son irritation provient de l'influence que l'une et l'autre chose ont ici sur lui; tel était le triste état de son pauvre coeur rempli d'étroitesse. C'est sur ce dernier point que l'Eternel le prend, en lui disant: «Tu as pitié du kikajon pour lequel tu n'as pas travaillé, et que tu n'as pas fait croître; qui, né en une nuit, a péri en une nuit; et moi je n'aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ne savent pas distinguer entre leur droite et leur gauche, et aussi beaucoup de bétail!»

De cette manière, Jonas fut convaincu par ses propres paroles, et Dieu fut abondamment justifié par la pitié même que Jonas avait senti pour le kikajon avec lequel il n'avait aucun lien de relation, et qu'il n'appréciait qu'à cause du bénéfice qu'il en tirait. Ainsi Dieu a toujours gain de cause quand il est jugé (Romains 3: 4). Il y avait deux choses que le prophète n'avait pas encore apprises, et beaucoup de chrétiens sont dans le même cas. En premier lieu, c'est que «les compassions de l'Eternel sont sur toutes ses oeuvres» (Psaumes 145: 9). Nous le voyons d'une manière touchante, dans ces paroles «et aussi beaucoup de bétail». Ces compassions se verront bientôt, lorsque Christ prendra en mains sa juste puissance et régnera sur la terre. Mais le coeur de Dieu est toujours le même, et il l'a prouvé en ce «qu'il a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle»; il l'a prouvé dans le fait que Christ a goûté la mort pour tout (Hébreux 2), aussi bien que dans la prolongation du jour de la grâce dans sa patience, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance (2 Pierre 3), et finalement, il le montre dans son dessein de réconcilier toutes choses avec lui-même, par la mort de Christ, soit les choses qui sont sur la terre, soit les choses qui sont dans les cieux (Colossiens 1). Mais pour entrer dans ces choses, il nous faut perdre la vue de nous-mêmes, laisser là nos pensées et nos tendances égoïstes, et être remplis de pensées et d'affections divines.

La seconde chose que Jonas n'avait pas apprise, c'est que Dieu «est bon, prompt à pardonner, et grand en bonté envers tous ceux qui crient à lui» (Psaumes 86: 5). C'est cette leçon que Pierre enseignait aux Juifs (Actes des Apôtres 2: 21), sur laquelle Paul insistait avec force auprès des croyants juifs de son temps (Romains 10: 11-13), et c'est cette même vérité que plusieurs de nous, bien qu'ils la reconnaissent des lèvres, ont besoin de réaliser aujourd'hui avec plus de puissance. Si la grâce est souveraine, comme elle l'est assurément, elle est à cause de cela même sans restriction, et coule en flots de bénédictions partout où Dieu le veut. Oh! combien souvent, semblables, en folie, à Jonas, nous rétrécissons le coeur de Dieu; mais le résultat final montrera qu'il a été au-dessus et au delà de toutes nos pensées. Et, en attendant, que cette parole, «quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé», instruise, console et encourage nos coeurs.

En terminant, remarquons que ce n'est pas un petit honneur pour Jonas d'avoir été pris même dans sa désobéissance, son irritation et son égoïsme, pour être un moyen de manifester la pensée et le coeur de Dieu. Cela aussi vient de la grâce, de sorte qu'à Dieu en appartient toute la louange.

«Il est doux de voir enfin, après tout, la docilité de Jonas à la voix de l'Eternel, manifestée par l'existence de ce livre, de voir l'Esprit se servir de celui-là même qui a manqué, pour faire ressortir ce qui est dans le coeur de l'homme, vase du témoignage de Dieu; puis (en contraste avec le prophète racontant fidèlement toutes ses fautes) la bonté de Dieu à la hauteur de laquelle il n'a pu s'élever ni se soumettre» (*).

 (*) Etudes sur la Parole.