«Toi-même et la doctrine»

Une parole pour ceux qui travaillent dans l'oeuvre du Seigneur

ME 1890 page 193

 

«Sois attentif à toi-même et à l'enseignement (ou à la doctrine); persévère dans ces choses, car en faisant ainsi, tu te sauveras toi-même et ceux qui t'écoutent» (1 Timothée 4: 16)

 

Ce sont là des paroles bien sérieuses et que doivent peser avec soin tous ceux qui ont à présenter aux âmes la parole de Dieu et la doctrine. Elles étaient adressées par Paul à son enfant bien-aimé, Timothée, et contiennent la plus précieuse instruction pour chacun de ceux qui sont appelés de Dieu à édifier ou instruire l'assemblée, ou à prêcher l'évangile. C'est assurément un grand et saint privilège que d'avoir part à un tel ministère, mais, en même temps, celui qui l'exerce se trouve sous une bien grande responsabilité.

Le passage cité plus haut place devant l'ouvrier du Seigneur deux devoirs des plus essentiels, auxquels il doit donner, avec prière et vigilance, l'attention la plus constante, s'il veut être un ouvrier utile dans l'Assemblée de Dieu, «un bon ministre de Jésus Christ». Premièrement, il doit être attentif à lui-même, et ensuite être attentif à l'enseignement ou à la doctrine.

Considérons, en premier lieu, cette injonction sérieuse: «Sois attentif à toi-même». Il serait difficile d'exprimer toute la portée morale de ces paroles. Elles sont importantes à observer pour tout chrétien, mais essentiellement pour l'ouvrier du Seigneur, à qui, d'ailleurs, elles sont spécialement adressées ici. Il a, plus que personne, besoin d'être attentif à lui-même. Il doit prendre garde à l'état de son coeur, à l'état de sa conscience, à son homme intérieur tout entier. Il a à se conserver «pur» lui-même (1 Timothée 5: 22). Ses pensées, ses affections, son esprit, son caractère, sa langue, tout doit être tenir sous le saint contrôle de l'Esprit et de la parole de Dieu. Il faut qu'il soit ceint de la vérité et revêtu de la cuirasse de la justice. Sa condition morale et sa marche pratique doivent répondre à la vérité qu'il annonce, autrement l'ennemi aura certainement l'avantage sur lui.

Celui qui enseigne devrait être la vivante expression de ce qu'il présente dans ses paroles; au moins tel devrait être le but poursuivi par lui avec sincérité, sérieux et persévérance. Il serait à désirer que cette mesure sainte fût constamment devant «les yeux de son coeur». Le plus excellent, hélas! manque et reste toujours au-dessous; mais si son coeur est vrai, si sa conscience est délicate, si la crainte de Dieu et l'amour de Christ occupent en lui la place qu'ils doivent avoir, l'ouvrier du Seigneur ne sera satisfait par rien de ce qui est au-dessous de la mesure divine, soit dans son état intérieur, soit dans sa marche. Ce sera son ardent désir, en tout temps et en tout lieu, de montrer dans sa conduite l'effet pratique de son enseignement, et d'être «le modèle des fidèles, en parole, en conduite, en amour, en foi, en pureté» (1 Timothée 4: 12).

Mais ne croyons pas que le serviteur du Seigneur ait à se placer comme un modèle pour ceux à qui il annonce la Parole, ou qu'il doive faire de sa propre expérience la mesure de son ministère. Un apôtre tel que Paul pouvait dire: «Soyez mes imitateurs»; mais où est le prédicateur, où est le docteur qui, de nos jours, oserait tenir un semblable langage? Et quant à son ministère, tout ouvrier du Seigneur devrait pouvoir dire: «Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais nous prêchons le Christ Jésus comme Seigneur, et nous-mêmes comme vos esclaves, pour l'amour de Christ» (2 Corinthiens 4: 5).

Cependant, nous ne devons jamais perdre de vue le fait moral si important que celui qui enseigne doit vivre la vérité qu'il prêche. Il est moralement dangereux à l'extrême pour un homme, d'enseigner en public ce que sa vie privée dément — dangereux pour lui-même, déshonorant pour le témoignage et préjudiciable pour ceux auxquels il a à faire. Quoi de plus déplorable et de plus humiliant pour un homme, s'il contredit dans sa conduite personnelle et sa vie domestique la vérité qu'il fait entendre publiquement dans l'assemblée! C'est une marche qui ne peut qu'aboutir aux plus funestes résultats.

Que ce soit donc le dessein bien arrêté et le but sérieux de tous ceux qui annoncent la Parole et qui présentent la doctrine, de se nourrir de la précieuse vérité de Dieu, de se l'approprier, de vivre et de se mouvoir dans son atmosphère, de sorte que leur homme intérieur soit fortifié et formé par elle, qu'elle habite richement en eux, et qu'ainsi elle puisse couler au dehors vers les autres avec sa puissance vivante, sa saveur, son onction et sa plénitude.

C'est une très pauvre chose, et même une chose fort dangereuse, que de se mettre à étudier la parole de Dieu simplement dans le but de préparer des conférences ou des sermons à débiter aux autres. Rien ne saurait être plus mortel ou plus desséchant pour l'âme. S'occuper de la vérité de Dieu seulement dans son intelligence, accumuler dans sa mémoire certaines doctrines, certaines vues et certains principes, et ensuite les produire au dehors avec quelque facilité de parole, est à la fois démoralisant et trompeur. Nous pourrions puiser de l'eau pour les autres, et n'être tout le temps nous-mêmes que des conduits couverts de rouille. Rien de plus triste que cela. «Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive», dit le Seigneur. Il ne dit pas qu'il puise. La vraie source et la puissance de tout ministère dans l'Eglise, sera toujours de nous abreuver nous-mêmes à l'eau vivifiante, et non d'en puiser pour les autres. «Celui qui croit en moi, selon ce que dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive couleront de son ventre», dit encore Jésus (Jean 7: 37, 38). Il nous faut demeurer tout près de la fontaine éternelle, le coeur de Christ, et y boire à longs traits et continuellement. Ainsi nos propres âmes seront rafraîchies et enrichies; des fleuves de bénédiction en couleront pour le rafraîchissement d'autres, et des flots de louanges monteront au trône et au coeur de Dieu par Jésus Christ. C'est là le ministère chrétien — c'est le christianisme même: toute autre chose est absolument sans valeur.

 

Arrêtons-nous maintenant un moment sur le second point de notre sujet; je veux dire la doctrine ou l'enseignement, car ce dernier mot donne la vraie portée de l'original. Combien de choses s'y trouvent renfermées! «Sois attentif à l'enseignement». Sérieux avertissement qui montre le soin et la sainte vigilance à apporter à l'enseignement par ceux a qui Dieu confie ce ministère. Dans quel esprit sérieux de prière et de constante attente à Dieu, dans quelle dépendance de lui ne faut-il pas demeurer pour savoir ce qu'il y a à dire et la manière de le dire! Dieu seul connaît l'état et le besoin des âmes. Nous ne savons pas ce qu'il leur faut. Nous pourrions offrir «la nourriture solide» à ceux qui ne sont capables de supporter autre chose que «le lait», et ainsi ne faire que du mal. «Si quelqu'un parle», dit l'apôtre, «qu'il le fasse comme oracle de Dieu». Il ne dit pas «selon les oracles de Dieu». Un homme peut se lever dans l'assemblée et parler pendant une heure, chacune de ses paroles étant en strict accord avec la lettre de l'Ecriture, et cependant n'avoir pas du tout parlé comme oracle de Dieu — comme étant l'organe de Dieu. Il peut avoir présenté la vérité, mais non la vérité nécessaire à ce moment.

Tout cela est bien sérieux et nous fait sentir l'importance de l'avertissement de l'apôtre: «Sois attentif à l'enseignement!» Combien est urgent notre besoin d'être dépouillés de nous-mêmes, pour dépendre entièrement de la puissance et de la direction de l'Esprit Saint! Là se trouve le précieux secret de tout ministère efficace, soit oral, soit écrit. On pourrait parler durant des heures et écrire des volumes, sans rien dire ou écrire qui ne fût scripturaire, mais si ce n'est pas dans la puissance de l'Esprit, nos paroles ne seront qu'un airain qui résonne ou une cymbale retentissante, et nos volumes un tas de papier sans valeur, Nous avons besoin de demeurer davantage aux pieds du Maître, de nous abreuver plus entièrement de son Esprit, d'être en communion avec son coeur, avec l'amour qu'il a pour les agneaux et les brebis de son troupeau. Nous serons alors dans une condition d'âme propre pour donner la nourriture au temps convenable.

Le Seigneur seul sait exactement ce dont ses bien-aimés ont besoin à chaque instant. Nous pourrions peut-être nous sentir profondément intéressés dans tel ordre spécial de vérités et juger que c'est ce qui convient à l'assemblée, et nous tromper tout à fait. Ce n'est pas la vérité, qui nous intéresse, mais celle qui répond aux besoins de l'assemblée, que nous avons à présenter, et pour le faire, il faut constamment nous attendre au Seigneur. Nous devrions regarder à lui avec sérieux et simplicité et lui dire: «Seigneur, que veux-tu que je dise à tes saints bien-aimés? Donne-moi pour eux le message qui leur convient». Alors le Seigneur se servirait de nous comme de ses canaux; la vérité coulerait de son coeur aimant dans les nôtres, et de nous elle se répandrait selon la puissance de son Esprit dans les coeurs des siens.

Oh! qu'il en fût ainsi de tous ceux qui parlent et écrivent pour l'Eglise de Dieu! Quels résultats nous pourrions attendre! Quelle puissance, quelle croissance et quels progrès manifestes dans la vie divine l'on verrait! Les vrais intérêts du troupeau de Christ seraient l'objet de tout ce qui serait dit ou écrit. Il n'y aurait rien d'équivoque; rien d'étrange ni de ce qui agit sur les sens, ne serait présenté. Il ne coulerait des lèvres ou des plumes que ce qui est sain, sobre et à propos. On ne ferait entendre que de «saines paroles» (1 Timothée 6: 3; 2 Timothée 1: 13), qui ne peuvent être condamnées, et on présenterait uniquement ce qui est bon pour l'édification.

Puisse chaque ouvrier du Seigneur, dans toute l'étendue de l'Eglise de Dieu, s'appliquer à lui-même l'avertissement de l'apôtre: «Sois attentif à toi-même et à l'enseignement,… car en faisant ainsi, tu te sauveras toi-même et ceux qui t'écoutent».

«Remets ces choses en mémoire, protestant devant le Seigneur qu'on n'ait pas de disputes de mots, ce qui est sans aucun profit, pour la subversion des auditeurs. Etudie-toi à te présenter approuvé à Dieu, ouvrier qui n'a pas à avoir honte, exposant justement la parole de la vérité» (2 Timothée 2: 14, 15).