Le résidu dans le passé et le présent

Une parole d'encouragement dans les jours périlleux

ME 1890 page 312

 

Quelques mots d'introduction

Nous désirons que le lecteur comprenne bien que, dans les pages qui suivront, nous n'avons nullement la pensée d'appliquer ce terme de «résidu» à aucun corps particulier de chrétiens. Notre vif et sérieux désir est que tout bien-aimé membre du corps de Christ soit trouvé dans la position et l'esprit du vrai résidu, au milieu de la ruine sans espoir de l'église professante.

Si quelque groupe de personnes prétendait dire: «Nous sommes le résidu», ou «nous sommes Philadelphie», il se montrerait, en principe et en esprit, n'être autre que Laodicée. «Mes frères, quel profit y a-t-il si quelqu'un dit?» Il ne s'agit pas de dire, mais de faire.

Cela dit, nous entrerons dans notre sujet.


Il est à la fois intéressant, instructif et encourageant, de retracer l'histoire, dans l'Ecriture, de ce qui est appelé le résidu. Nous pouvons remarquer, dès l'abord, que l'existence même d'un résidu est la preuve que le témoin ostensible ou corps professant a failli, qu'il soit juif ou chrétien. Si tous étaient fidèles, il n'y aurait aucun fondement moral à ce qu'un résidu existe, aucune nécessité à ce qu'un petit nombre se distinguassent de l'ensemble des professants. Le résidu, à une époque quelconque, se composera de ceux qui reconnaissent et sentent la chute et la ruine communes, qui comptent sur Dieu et s'attachent à sa Parole. Ce sont les grands traits caractéristiques du résidu dans tous les âges. Nous avons manqué, mais Dieu est fidèle, et sa miséricorde dure à toujours.

En étudiant l'histoire du résidu dans les temps de l'Ancien Testament, nous verrons que plus bas est l'état de la nation, plus est grand le déploiement de la grâce divine, et que plus les ténèbres morales sont profondes, plus éclatante brille la foi individuelle. Cela est plein d'encouragement pour tout sincère enfant de Dieu et vrai serviteur de Christ, qui reconnaît et sent le naufrage et la ruine sans espoir de toute l'église professante. C'est une chose réjouissante au delà de toute expression, pour toute âme fidèle, d'être assurée que, bien que l'Eglise ait manqué, le privilège de tout croyant est de jouir individuellement d'une aussi pleine et entière communion avec Dieu, et de poursuivre comme disciple un sentier aussi élevé que dans les jours les plus beaux de l'histoire de l'Eglise. L'Ecriture nous en présente plusieurs exemples.

Dans le chapitre 30 du second livre des Chroniques, nous avons le récit encourageant et rafraîchissant de la Pâque célébrée au temps du roi Ezéchias, alors que l'unité visible de la nation n'existait plus et que tout était en ruines. Nous ne citerons pas tout le passage, tout intéressant qu'il soit, mais seulement les dernières lignes comme venant à l'appui de notre thèse. «Et il y eut une grande joie à Jérusalem; car depuis les jours de Salomon, fils de David, roi d'Israël, rien de semblable n'avait eu lieu à Jérusalem». N'avons-nous pas là une belle illustration de la grâce de Dieu, venant au-devant de ceux de son peuple qui reconnaissaient leurs manquements et leurs péchés, et prenaient leur vraie place en sa présence? Ezéchias et ceux qui étaient avec lui, avaient la pleine conviction de leur pauvre condition, et c'est pour cela qu'ils ne célébrèrent pas la Pâque au premier mois. Ils profitèrent de la provision de grâce que nous trouvons mentionnée au neuvième chapitre du livre des Nombres, et célébrèrent la fête le second mois. «Car», lisons-nous, «une grande partie du peuple… ne s'étaient pas purifiés, et ils mangèrent la pâque, non comme il est écrit; mais Ezéchias pria pour eux, disant: Que l'Eternel, qui est bon, pardonne à tous ceux qui ont appliqué leur coeur à rechercher Dieu, l'Eternel, le Dieu de leurs pères, bien que ce ne soit pas conformément à la purification du sanctuaire. Et l'Eternel écouta Ezéchias et guérit le peuple» (versets 18-20).

Nous voyons ici la grâce divine répondant, comme elle le fait toujours, à ceux qui confessent sincèrement leurs manquements et leur faiblesse. Il n'y avait là ni présomption, ni prétention, ni dureté de coeur, ni indifférence. Ils ne cherchaient pas à cacher leur vraie condition, ni à s'imaginer que tout allait bien; non, ils prenaient leur vraie place, et se rejetaient sur cette grâce inépuisable qui ne manque jamais de se montrer envers un coeur contrit.

Et quel fut le résultat? «Les fils d'Israël qui se trouvèrent à Jérusalem célébrèrent la fête des pains sans levain pendant sept jours, avec une grande joie; et les lévites et les sacrificateurs louaient l'Eternel, jour après jour, avec les instruments de la louange de l'Eternel. Et Ezéchias parla au coeur de tous les lévites qui étaient entendus dans la bonne connaissance à l'égard de l'Eternel; et ils mangèrent pendant les sept jours les offrandes de la fête, sacrifiant des sacrifices de prospérités et exaltant l'Eternel, le Dieu de leurs pères. Et toute la congrégation résolut de célébrer encore sept jours; et ils célébrèrent les sept jours avec joie».

Nous pouvons être sûrs que tout cela était très agréable au coeur de Jéhovah, le Dieu d'Israël. Il est évident qu'il y avait faiblesse, manquement et insuffisance. Extérieurement, les choses étaient bien différentes de ce qu'elles avaient été aux jours de Salomon. Plusieurs, sans doute, regardaient comme une grande présomption de la part d'Ezéchias, de convoquer une semblable assemblée dans les circonstances où étaient et lui et le peuple. De fait, il nous est dit que son invitation si belle et si touchante fut accueillie avec des rires et des railleries dans le pays d'Ephraïm et de Manassé et de Zabulon. Trop souvent, hélas! il en est ainsi. Les actes de la foi ne sont pas compris, parce que la grâce de Dieu ne l'est pas.

Cependant «des hommes d'Aser, et de Manassé, et de Zabulon, s'humilièrent et vinrent à Jérusalem». Ils furent richement récompensés en venant à un festin de choses grasses, tel qu'il n'y en avait point eu depuis les jours de Salomon. Il n'y a point de limite à la bénédiction que la grâce a en réserve pour le coeur contrit et brisé. Si tous ceux d'Israël avaient répondu au touchant appel d'Ezéchias, ils auraient eu part à la bénédiction, mais ils ne s'humilièrent pas, et par conséquent ne furent pas bénis. Souvenons-nous de cela, et soyons sûrs qu'il y a là une leçon dont nous avons besoin. Prêtons donc l'oreille et apprenons.

Nous passerons maintenant au règne du pieux et dévoué roi Josias, au moment où la nation était à la veille de sa dissolution. Encore ici, nous ne nous arrêterons qu'aux dernières lignes du passage que nous avons en vue.

«Et les fils d'Israël, présents, firent la Pâque en ce temps-là, et la fête des pains sans levain, pendant sept jours. Et on n'avait point célébré en Israël de Pâque semblable depuis les jours de Samuel, le prophète; et aucun des rois d'Israël n'avait célébré une Pâque comme celle que firent Josias, et les sacrificateurs et les lévites, et tout Juda et Israël, qui s'y trouvèrent, et les habitants de Jérusalem. Cette Pâque fut célébrée la dix-huitième année du règne de Josias» (2 Chroniques 35: 17-19).

Quel témoignage remarquable! Dans la Pâque d'Ezéchias, nous sommes reportés au règne brillant de Salomon, mais ici nous avons quelque chose de plus beau encore. Et si l'on nous demandait ce qui jette une semblable auréole de gloire sur la Pâque de Josias, nous répondrons que c'est parce qu'elle était le fruit d'une sainte et respectueuse obéissance à la parole de Dieu, au milieu d'une ruine complète, au milieu de la corruption, de l'erreur et de la confusion. L'activité de la foi, dans un coeur obéissant et dévoué, ressortait d'autant plus sur le fond sombre de la condition de la nation.

Il y a en tout cela un grand encouragement et une puissante consolation pour tout coeur qui aime vraiment Christ. Plusieurs auraient estimé que c'était une grande présomption de la part de Josias d'agir comme il le faisait dans un semblable moment et de telles circonstances; mais c'était tout le contraire de la présomption, comme nous le montre le message envoyé au roi par la bouche de Hulda, la prophétesse: «Ainsi dit l'Eternel, le Dieu d'Israël, quant aux paroles que tu as entendues: Parce que ton coeur a été sensible, et que tu t'es humilié devant Dieu quand tu as entendu ses paroles contre ce lieu et contre ses habitants, et parce que tu t'es humilié devant moi, et que tu as déchiré tes vêtements, et que tu as pleuré devant moi, moi aussi j'ai entendu, dit l'Eternel» (2 Chroniques 34: 26, 27).

Nous avons ici la base morale de la remarquable carrière de Josias, et, assurément, on n'y voit nulle trace de présomption. Un coeur contrit, des yeux qui pleurent, et des vêtements déchirés n'accompagnent pas la présomption et la confiance en soi-même. Non; ces choses sont les précieux résultats de l'action de la parole de Dieu sur le coeur et la conscience, produisant une vie de profond dévouement personnel, réjouissante et édifiante à contempler. Plût à Dieu qu'elle se vît davantage parmi nous, et que la parole de Dieu agit sur notre être moral tout entier, de telle manière qu'au lieu de céder à la condition de choses qui nous entourent, nous fassions élevés au-dessus d'elles pour passer à travers comme des témoins de l'éternelle réalité de la vérité de Dieu et des vertus impérissables du nom de Jésus!

Mais nous devons laisser l'intéressante histoire de Josias et présenter à notre lecteur quelques autres exemples qui confirment notre thèse. A peine ce fidèle serviteur eut-il disparu de la scène, que toute trace de son oeuvre bénie fut effacée, et que le jugement, longtemps retenu par la patiente miséricorde de Dieu, fondit sur la nation coupable. Jérusalem fut réduite en ruines, son temple fut brûlé jusqu'en ses fondements, et ceux du peuple qui avaient échappé à la mort, furent emmenés captifs à Babylone. Là, ils suspendirent leurs harpes aux saules et pleurèrent sur la gloire disparue des jours d'autrefois.

Mais béni soit à jamais le Dieu de toute grâce! Il ne se laisse jamais sans un témoignage, et c'est pourquoi, durant la longue et triste captivité de Babylone, nous trouvons plusieurs des preuves les plus frappantes et les plus belles de cette vérité que, plus la ruine est grande, plus riche est la grâce, et que plus les ténèbres sont profondes, plus brillants sont les rayons de la foi individuelle. Il y avait alors comme toujours «un résidu selon l'élection de la grâce», une poignée d'hommes dévoués qui aimaient le Seigneur et étaient fidèles à sa parole au milieu des souillures et des abominations de Babylone; hommes prêts à braver la fournaise ardente et la fosse des lions, pour l'amour de la vérité de Dieu.

Les premiers chapitres du livre de Daniel nous montrent quelques-uns des magnifiques résultats de la foi et du dévouement individuels. Voyez, par exemple, au chapitre second, le verset 46. Où trouverons-nous dans l'histoire de la nation d'Israël, quelque chose de plus frappant que ce qui nous y est rapporté? Le plus grand monarque de la terre se prosterne aux pieds d'un captif exilé et rend ce merveilleux témoignage: «En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et le révélateur des secrets, puisque tu as pu révéler ce secret».

Mais où Daniel avait-il trouvé le moyen de révéler le secret du roi? Les versets 17 et 18 nous donnent la réponse: «Alors Daniel s'en alla à sa maison et fit connaître la chose à Hanania, Mishaël et Azaria, ses compagnons, pour implorer, de la part du Dieu des cieux, ses compassions au sujet de ce secret». Nous avons là une réunion de prières à Babylone. Ces hommes de Dieu étaient d'un coeur et d'une âme. Ils avaient été un dans leur refus de participer à la viande et au vin de la table royale; ils avaient résolu, par la grâce de Dieu, de fouler ensemble le saint sentier de la séparation, et maintenant ils se réunissent pour prier, et obtiennent une réponse signalée.

Y a-t-il quelque chose de plus beau? Quel encouragement pour les bien-aimés du Seigneur, même dans les plus sombres jours, à tenir ferme la parole de Christ et à ne pas renier son précieux nom! N'est-il pas rafraîchissant et édifiant de trouver durant la triste période de la captivité babylonienne quelques hommes d'un coeur vrai, en communion dans le chemin de la séparation et de la dépendance? Ils tenaient pour Dieu dans le palais du roi, et Dieu était avec eux, dans la fournaise et dans la fosse des lions, et leur accordait le haut privilège d'être devant le monde des serviteurs du Dieu Très-haut. Ils refusèrent les mets de la table royale; ils ne voulurent pas adorer la statue dressée par le roi; ils gardèrent la parole de Dieu et confessèrent son nom, sans se soucier en quoi que ce fût des conséquences. Ils ne dirent pas: «Il faut marcher avec notre époque; nous devons faire comme les autres; il n'est pas nécessaire de se singulariser; nous devons suivre extérieurement le culte public, la religion de l'Etat, tout en gardant pour nous-mêmes nos opinions particulières; nous ne sommes pas appelés à nous opposer à la foi de la nation. Etant à Babylone, nous avons à suivre la religion de Babylone».

Dieu en soit loué, Daniel et ses compagnons n'adoptèrent pas cette politique méprisable et servile. Non; et ce qui est encore plus, ils ne tirèrent pas de la ruine complète d'Israël comme nation, un argument pour abaisser la mesure de la fidélité individuelle. Ils sentaient cette ruine, et ne pouvaient pas ne point la sentir. Ils confessaient leur péché et celui de la nation; ils sentaient que le sac et la cendre leur convenaient; ils s'humiliaient profondément sous cette déclaration solennelle: «C'est ta destruction, ô Israël, que tu aies été contre moi». Tout cela n'était que trop vrai, mais ce n'était pas une raison pour se souiller en mangeant des mets de la table royale, pour adorer l'image du roi ou pour abandonner le culte du Dieu vivant et vrai.

Il y a là une abondance de précieux enseignements pour tous les enfants de Dieu dans le temps actuel. Il existe deux maux principaux, contre lesquels nous avons à être en garde. En premier lieu, c'est la prétention ecclésiastique, c'est de se glorifier d'avoir une position d'église, sans une conscience exercée et la sainte crainte de Dieu dans le coeur. C'est là un terrible mal à l'égard duquel tout enfant de Dieu devrait veiller avec un très grand soin. Il ne faut jamais oublier que l'église professante a été ruinée complètement et sans espoir, et que tout effort pour la restaurer est une illusion. Nous ne sommes pas appelés à organiser un corps, et nous n'avons pas les qualités requises pour cela. Le Saint Esprit forme le corps de Christ.

Mais, d'un autre côté, nous n'avons pas à faire de la ruine de l'Eglise un prétexte au relâchement quant à la vérité, ou dans notre marche personnelle. C'est un grand danger à éviter. Il n'y a aucune raison pour qu'un enfant de Dieu ou un serviteur de Christ, fasse ou sanctionne ce qui est mal, ou reste un seul instant associé avec quoi que ce soit qui n'a pas pour soi l'autorité de: «Ainsi a dit le Seigneur». Qu'est-il écrit? «Qu'il se retire de l'iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur». Quoi donc? Demeurer seuls? Ne rien faire? Non, grâces à notre Dieu! Il y a un chemin: «Poursuis la justice, la foi, l'amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d'un coeur pur», un coeur sans mélange, tout dévoué à Christ et à ses intérêts.

Mais poursuivons notre sujet, et examinons le chapitre 8 de Néhémie. Nous avons vu le résidu avant la captivité et durant cette période, nous sommes appelés maintenant à le considérer après la captivité, lorsqu'un petit nombre de Juifs eurent été ramenés dans leur terre chérie, par la riche miséricorde de Dieu. Nous n'entrerons pas dans les détails; nous nous contenterons de prendre un seul fait d'une immense importance pour l'Eglise de Dieu tout entière, dans le temps où nous sommes. Nous citerons quelques versets de ce beau passage des Ecritures: «Et ils lisaient distinctement dans le livre de la loi de Dieu, et ils en donnaient le sens et le faisant comprendre lorsqu'on lisait… Et le second jour, les chefs des pères de tout le peuple, les sacrificateurs et les lévites, s'assemblèrent auprès d'Esdras, le scribe, et cela pour devenir intelligents dans les paroles de la loi. Et ils trouvèrent écrit dans la loi que l'Eternel avait commandée par Moïse, que les fils d'Israël devaient habiter dans des tabernacles pendant la fête du septième mois… Et toute la congrégation de ceux qui étaient revenus de la captivité fit des tabernacles, et ils habitèrent dans les tabernacles; car les fils d'Israël n'avaient pas fait cela depuis les jours de Josué, fils de Nun, jusqu'à ce jour-là. Et il y eut une très grande joie. Et on lut dans le livre de la loi de Dieu chaque jour, depuis le premier jour jusqu'au dernier jour. Et ils célébrèrent la fête sept jours; et au huitième jour, il y eut une assemblée solennelle, selon l'ordonnance».

Scène frappante! Voilà un faible résidu rassemblé autour de la parole de Dieu, cherchant à comprendre la vérité et en sentant la puissance sur le coeur et la conscience. Quel fut le résultat? Rien moins que la célébration de la fête des tabernacles qui n'avait pas été observée depuis les jours de Josué, fils de Nun. Durant tout le temps des Juges, pendant les jours de Samuel, le prophète, et des rois, même durant les règnes glorieux de David et de Salomon, la fête des tabernacles n'avait pas été célébrée. Il était réservé à une poignée d'exilés revenus dans leur terre, au milieu des ruines de Jérusalem, de célébrer cette fête si belle, type du glorieux avenir d'Israël.

Etait-ce de la présomption? Non; c'était simplement de l'obéissance à la parole de Dieu. C'était écrit dans le livre — écrit pour eux — et ils agissaient selon ce qui était écrit. «Et il y eut une très grande joie». Il n'y avait aucune prétention, ils ne se croyaient pas être quelque chose, ils ne se glorifiaient pas et ne cherchaient pas à cacher leur vraie condition. Ils n'étaient qu'un pauvre résidu, faible et méprisé, prenant leur vraie place, brisés et contrits, confessant leur péché et reconnaissant leur ruine, sentant profondément qu'il n'en était pas d'eux comme du peuple aux jours de Salomon, de David et de Josué. Mais ils entendaient la parole de Dieu — ils entendaient et comprenaient; ils se soumettaient à sa sainte autorité et observaient la fête: «Et il y eut une très grande joie». Nous avons encore ici un exemple frappant et bien beau de ce fait que, plus la ruine est grande, plus riche se montre la grâce, et que, plus profondes sont les ténèbres, plus brillant est l'éclat de la foi individuelle. Dans tous les temps et dans tous les lieux, le coeur contrit et confiant rencontre une grâce illimitée et sans réserve.

Occupons-nous maintenant, pour un moment, de la dernière page des Ecritures de l'Ancien Testament, le prophète Malachie. Plusieurs années s'étaient écoulées depuis les heureux jours d'Esdras et de Néhémie, et nous trouvons ici le plus désolant tableau de la condition où Israël était tombé. Hélas! le déclin s'était bien vite accentué. C'était comme autrefois: «C'est ta destruction, ô Israël!» Citons quelques passages:

«Vous présentez sur mon autel du pain souillé, et vous dites: En quoi t'avons-nous profané? En ce que vous dites: La table de l'Eternel est méprisable… Qui même d'entre vous fermerait les portes? et vous n'allumeriez pas le feu sur mon autel pour rien! Je ne prends pas plaisir en vous, dit l'Eternel des armées, et l'offrande, je ne l'agréerai pas de vos mains… Vous dites: La table de l'Eternel est souillée; et ce qu'elle fournit, sa nourriture, est méprisable. Et vous dites: Voilà, quel ennui! et vous soufflez dessus, dit l'Eternel des armées, et vous apportez ce qui a été déchiré, et la bête boiteuse, et la malade; c'est ainsi que vous apportez l'offrande. Agréerais-je cela de votre main? dit l'Eternel» (chapitre 1: 7, 10, 12, 13. Voyez aussi chapitre 3: 5-9).

Quel déplorable état de choses! Combien il est triste à contempler! Le culte public de Dieu méprisé au plus haut point; les ministres de la religion ne travaillant que pour un salaire; la vénalité et la corruption introduites dans le saint service de Dieu; toute forme de dépravation morale pratiquée parmi le peuple. C'était la scène la plus triste de ténèbres morales, accablante au plus haut point pour tous ceux qui avaient à coeur les intérêts de l'Eternel.

Et cependant, au milieu même de cette triste scène, nous avons encore un exemple touchant qui justifie notre thèse. Comme toujours, nous y voyons un résidu, une petite compagnie de fidèles qui honoraient et aimaient le Seigneur, et qui trouvaient en lui leur centre, leur objet et leurs délices. «Alors ceux qui craignent l'Eternel ont parlé l'un à l'autre, et l'Eternel a été attentif et a entendu, et un livre de souvenir a été écrit devant lui pour ceux qui craignent l'Eternel, et pour ceux qui pensent à son nom. Et ils seront à moi, mon trésor particulier, dit l'Eternel des armées, au jour que je ferai; et je les épargnerai comme un homme épargne son fils qui le sert».

Quel délicieux tableau! Combien il contraste avec l'état général des choses! Parcourons l'histoire entière de la nation, et nous ne trouverons rien de pareil. Où lisons-nous qu'un «livre de souvenir a été écrit devant l'Eternel?» Nulle part; pas même pour les brillantes victoires de Josué et de David, ni pour les royales splendeurs de Salomon. On pourra dire, ce n'était pas nécessaire. Mais ce n'est pas la question. Ce que nous avons à considérer est le fait frappant que les paroles et les voies de ce faible résidu, au milieu même d'une méchanceté croissante, plaisaient tellement au coeur de Dieu, qu'il avait un livre de souvenir pour les enregistrer. Nous pouvons affirmer hardiment que les entretiens de ces âmes fidèles étaient plus agréables au coeur de Dieu, que les chantres et les sacrificateurs sonnant des trompettes aux jours de Salomon. «Ils ont parlé l'un à l'autre». «Ils craignaient l'Eternel et pensaient à son nom». Il y avait un dévouement individuel, un attachement personnel; ils aimaient le Seigneur, et c'était ce qui les attirait l'un vers l'autre.

Rien ne saurait être plus touchant. Plût à Dieu qu'il y eût au milieu de nous davantage de cet esprit! Nous en manquons beaucoup, malgré toute la connaissance dont nous nous glorifions. Ces fidèles ne faisaient pas des choses grandes et apparentes aux yeux des hommes, mais ils aimaient le Seigneur, ils pensaient à lui, et leur commun attachement à sa personne les portait à s'entretenir de lui. C'est ce qui donnait à leurs réunions un charme qui réjouissait le coeur de Dieu. Ils brillaient ainsi d'un vif éclat sur le fond sombre de la religion mercenaire et de la routine sans coeur dont ils étaient environnés. Ils n'étaient pas liés les uns aux autres par certaines vues ou certaines opinions communes, bien que, sans doute, ils eussent leurs vues et leurs opinions; ils n'étaient pas non plus tenus ensemble par des services ritualistes ou par des observances cérémonielles; non, ils avaient quelque chose d'infiniment meilleur et de bien supérieur à ces choses. Ils étaient unis ensemble par un profond et personnel dévouement au Seigneur; et c'est ce qui était agréable à son coeur. Il était las de ce système ritualiste et sans réalité que professait la masse, mais il était rafraîchi par le dévouement sincère de quelques âmes précieuses qui aimaient à se trouver ensemble le plus souvent possible, pour parler l'une à l'autre et s'encourager l'une l'autre dans le Seigneur.

Plût au Seigneur que nous rencontrions cela davantage parmi nous. Le but de ces lignes est de presser le lecteur à en chercher la réalisation. Nous redoutons extrêmement l'influence desséchante et paralysante du formalisme et de la routine religieuse. Nous sommes en danger de glisser dans une ornière et de continuer à marcher jour après jour, semaine après semaine, année après année, d'une manière pauvre, froide et toute de formes, offensante pour le coeur plein d'amour de notre adorable Sauveur et Seigneur. Il veut être entouré de disciples entiers de coeur, fidèles à son nom, à sa parole, et les uns aux autres, pour l'amour de lui; de disciples qui cherchent à le servir de toutes manières en attendant son apparition. Puisse l'Esprit du Seigneur opérer puissamment dans le coeur de tous les siens, guérissant, restaurant, revivifiant, et préparant un peuple qui salue à sa venue l'Epoux céleste! Ne cessons pas de le demander à notre Dieu.

Avant de terminer, je désire présenter encore au lecteur deux ou trois exemples tirés des précieuses pages du Nouveau Testament. Au commencement de l'évangile de Luc, nous avons un gracieux tableau d'un résidu se trouvant au milieu d'une profession vide et froide. Nous entendons les expressions spirituelles et sortant du coeur d'une Marie, d'une Elisabeth, de Zacharie et de Siméon. Nous voyons Anne, la prophétesse, parlant de Jésus à tous ceux de Jérusalem qui attendaient la rédemption. Je me rappelle avoir entendu mon ami cher et vénéré, J.N. Darby, dire à propos d'Anne: «Je ne sais pas comment elle s'arrangeait pour les trouver tous, mais elle y arrivait». Oui, elle y arrivait, parce qu'elle aimait le Seigneur et ceux qui lui appartenaient; elle était heureuse de les trouver et de leur parler de lui. Nous retrouvons ici le résidu de Malachie. Rien n'est plus touchant et plus rafraîchissant pour le coeur. C'était le fruit d'un réel et profond amour pour le Seigneur, en contraste avec les formes fatigantes et ennuyeuses d'une morte religiosité.

Passons maintenant à l'épître de Jude. Là, nous trouvons la chrétienté apostate sous toutes ses terribles formes de méchanceté, de même qu'en Malachie, nous avons vu le judaïsme apostat. Mais notre objet n'est pas de nous occuper de la chrétienté apostate: nous avons en vue le résidu chrétien. Grâces à notre Dieu, il y a toujours un résidu, distingué de la masse professante corrompue, et caractérisé par un sincère attachement à Christ, à ses intérêts et à chaque membre de son corps.

C'est à ce résidu que l'apôtre adresse son épître si importante et, si sérieuse. Elle n'est pas pour une assemblée particulière, mais il l'envoie «aux appelés, bien-aimés en Dieu le Père, et conservés en Jésus Christ: Que la miséricorde, et la paix, et l'amour vous soient multipliés!»

Leur position est bénie et leur part est précieuse. Ils sont appelés, bien-aimés et conservés, c'est leur position. La miséricorde, la paix et l'amour, voilà leur part. Et tout cela est présenté comme appartenant sûrement à chaque vrai et sincère enfant de Dieu sur la face de la terre, avant qu'un seul mot soit dit touchant le flot de l'apostasie qui allait sitôt se répandre sur toute l'église professante.

Nous répétons «à chaque vrai et sincère enfant de Dieu». Ce n'est pas assez d'être un professant baptisé, un membre inscrit d'un corps ecclésiastique, quelque respectable et orthodoxe qu'il puisse être. Dans l'église professante, comme autrefois en Israël, le résidu se composera de ceux qui sont fidèles à Christ, qui retiennent ferme sa parole en face de tout, qui sont dévoués à ses intérêts et qui aiment son apparition. En un mot, ce n'est pas être membre d'une église, ni avoir une communion nominale, fondée sur telle ou telle chose; c'est une réalité vivante que de faire partie du résidu. Ce n'est pas prétendre en être, en prendre le nom, mais c'est l'être vraiment en puissance spirituelle. Comme l'apôtre le dit: «Je connaîtrai, non la parole, mais la puissance».

Considérons, maintenant, les précieuses paroles d'exhortation adressées au résidu chrétien. Puisse l'Esprit Saint les revêtir de puissance pour le bien de nos âmes!

«Mais vous, bien-aimés, souvenez-vous des paroles qui ont été dites auparavant par les apôtres de notre Seigneur Jésus Christ». Ils sont dirigés vers les saintes Ecritures, et vers elles seules. Ce n'est pas vers quelque tradition que ce soit, ni vers les pères, ni vers les décrets des conciles, ni vers des commandements et des doctrines d'hommes; tout cela ne peut que troubler, remplir de perplexités et égarer. Nous sommes invités à nous tourner vers la précieuse et pure parole de Dieu, cette révélation parfaite que, dans son infinie bonté, il a mise entre nos mains, et qui peut rendre, même un petit enfant, «sage à salut», et faire qu'un homme «soit accompli et parfaitement accompli pour toute bonne oeuvre» (2 Timothée 3).

Que le Seigneur soit béni pour une si grande grâce! Nul langage humain ne saurait exprimer l'importance du fait de posséder, pour nous guider, une autorité divinement établie. Tout ce dont nous avons besoin, c'est d'être absolument et complètement gouverné par elle, de l'avoir cachée dans nos coeurs, agissant sur nos consciences, formant notre caractère, et gouvernant notre conduite en toutes choses. Donner à la parole de Dieu sa place, est un des points qui caractérisent le résidu chrétien. Ce n'est pas la formule sans valeur et sans fondement: «La Bible et la Bible seule, est la religion des protestants». Le protestantisme n'est pas l'Eglise de Dieu; il n'est pas le résidu chrétien. La Réformation a été le résultat d'une oeuvre bénie opérée par l'Esprit de Dieu; mais le protestantisme, dans toutes ses branches et dénominations, est ce que l'homme a fait de la Réformation. Dans le protestantisme, l'organisation humaine a déplacé l'oeuvre vivante de l'Esprit, et la forme de la piété a déplacé la puissance de la foi individuelle. Aucune dénomination, de quelque nom que vous l'appeliez, ne peut être regardée comme l'Eglise de Dieu, ni comme le résidu chrétien. Il est de la plus grande importance de le bien comprendre. L'église professante a manqué complètement; l'unité visible du corps a disparu sans espoir, comme nous le voyons dans l'histoire d'Israël. Mais, le résidu chrétien se compose de tous ceux qui sentent et reconnaissent sincèrement la ruine, qui sont gouvernés par la Parole et conduits par l'Esprit, se séparant du mal et attendant leur Seigneur.

Examinons de quelle manière ces traits se retrouvent dans les paroles que Jude adresse au résidu: «Mais vous, bien-aimés, vous édifiant vous-mêmes sur votre très sainte foi, priant par le Saint Esprit, conservez-vous dans l'amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ pour la vie éternelle».

Nous avons ici ce qui distingue le vrai résidu chrétien, et ce dont s'occupent entre eux ceux qui le composent. Et à qui s'adressent ces paroles? A ceux, en quelque lieu et à quelque époque que ce soit, qui sont désignés dans le premier verset: «Appelés, bien-aimés en Dieu le Père, et conservés en Jésus Christ». Rien n'est plus simple et plus précieux. Il est de toute évidence que ces paroles ne peuvent s'appliquer à ceux qui n'ont que la profession de christianisme, ni à aucun corps ecclésiastique. Elles ne s'appliquent qu'aux membres du corps de Christ, vivants en lui. Tous ceux-là devraient se trouver ensemble, s'édifiant sur leur très sainte foi, priant par le Saint Esprit, et se conservant dans l'amour de Dieu en attendant Christ.

Tel est le résidu chrétien, de même qu'en Malachie nous avons vu le résidu juif. C'est la position dans laquelle tous les vrais chrétiens devraient se trouver. Il n'y a là aucune prétention de se croire ou de faire quelque chose, nul effort pour nier ou ignorer le triste et sérieux fait de l'entière ruine de l'église professante. C'est le résidu chrétien au milieu des ruines de la chrétienté, le résidu fidèle à la personne de Christ et à sa parole. Ce sont les saints liés ensemble dans l'amour, le vrai amour chrétien; non l'amour d'une secte, d'un parti ou d'une coterie, mais l'amour dans l'Esprit, l'amour envers tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus Christ en pureté de coeur; l'amour s'exprimant par un vrai dévouement à Christ et à ses intérêts; un ministère d'amour envers tous ceux qui Lui appartiennent et cherchent à refléter sa personne dans toutes leurs voies. Ce n'est pas se reposer simplement dans une position, en restant indifférent à la condition d'âme — terrible piège du diable — mais c'est une salutaire union des deux dans une vie caractérisée par des principes sains et une pratique vraie; c'est le royaume de Dieu établi dans le coeur et se développant dans toute la vie.

Telle est donc la position, la condition et la pratique du vrai résidu chrétien. Et nous pouvons être sûrs que là où ces choses se trouvent, sont réalisées et manifestées, il y aura une aussi pleine jouissance de Christ, une aussi entière communion avec Dieu, et un aussi clair témoignage à la glorieuse vérité du christianisme tel que nous le présente le Nouveau Testament, que dans les jours les plus brillants de l'histoire de l'Eglise. En un mot, il y aura ce qui glorifie le nom de Dieu, ce qui réjouit le coeur de Christ, et ce qui parle, avec une puissance vivante, aux coeurs et aux consciences des hommes. Dieu veuille, dans son infinie bonté, nous donner de voir ces radieuses réalités se montrer dans ce jour sombre et mauvais, de manière à être un nouvel exemple de ce grand fait que, plus grande est la ruine, plus grande est la grâce; plus profondes sont les ténèbres, et plus brillent les rayons de la foi individuelle.

Jetons encore un coup d'oeil sur les épîtres adressées aux quatre dernières des sept églises mentionnées dans les trois premiers chapitres de l'Apocalypse. L'épître à Thyatire présente l'histoire de l'Eglise durant ces longs et tristes siècles du moyen âge, où d'épaisses ténèbres couvraient la terre, où la papauté, tache morale la plus sombre dans l'histoire du monde, régnait sous le caractère bien connu de Jésabel.

L'épître à l'assemblée de Thyatire présente un changement évident, quand on la compare aux trois précédentes, changement indiqué clairement par trois faits. Nous y trouvons premièrement un résidu et ensuite la venue du Seigneur, tous deux mentionnés pour la première fois; en troisième lieu, l'exhortation à écouter n'est plus adressée à l'assemblée, mais au vainqueur. Ces faits prouvent clairement, qu'à Thyatire, tout espoir de restauration de l'Eglise comme corps est abandonné. «Je lui ai donné du temps afin qu'elle se repentit, et elle ne veut pas se repentir». Il n'y a pas d'espoir pour ce qui concerne l'église professante. Mais ici, un résidu est distingué et encouragé — non par l'espoir de la conversion du monde, ou de la restauration de l'Eglise, mais par la bienheureuse espérance de la venue du Seigneur comme l'étoile brillante du matin. «Mais je vous dis à vous, savoir aux autres qui sont à Thyatire, autant qu'il y en a qui n'ont pas cette doctrine, qui n'ont pas connu les profondeurs de Satan, comme ils disent: je ne vous impose pas d'autre charge; mais seulement, ce que vous avez, tenez-le ferme jusqu'à ce que je vienne».

Nous avons donc ici une vue intéressante du résidu chrétien. Ce n'est pas l'Eglise restaurée, mais un certain nombre de fidèles formant un ensemble distinct, pur des enseignements de Jésabel et des profondeurs de Satan, et qui continue jusqu'à la fin. Il est très important de saisir le fait que les quatre dernières églises, c'est-à-dire les quatre états de l'Eglise qu'ils présentent, continuent ensemble, synchroniquement, jusqu'à la fin. Cela simplifie beaucoup le sujet et nous présente le résidu chrétien d'une manière pratique et très définie. Il n'est fait mention d'aucun résidu jusqu'à ce que nous arrivions à Thyatire. Alors tout espoir de restauration est perdu, et ce simple fait renverse complètement les prétentions de l'église de Rome. Elle nous est présentée comme un système apostat et idolâtre, menacé du jugement de Dieu, et le Seigneur s'adresse à un résidu qui n'a rien à faire avec elle. Voilà pour ce qui concerne la prétendue église infaillible et universelle de Rome.

Mais que dirons-nous de Sardes? Est-ce l'Eglise restaurée? Nullement. «Tu as le nom de vivre, et tu es mort». Cela n'est pas une église restaurée ou réformée, mais une chose morte, menacée de voir le Seigneur venir comme un voleur, au lieu d'être réjouie par «l'étoile brillante du matin». En un mot, c'est le protestantisme, «un nom» seulement, des oeuvres qui ne sont pas trouvées «parfaites» devant Dieu. Qu'y a-t-il donc? Le résidu chrétien. «Tu as quelques noms à Sardes qui n'ont pas souillé leurs vêtements — et ils (non pas tu marcheras) marcheront avec moi en vêtements blancs, car ils en sont dignes». Nous avons ici un contraste frappant entre une profession froide, morte et de nom, et un petit nombre de sincères et vrais serviteurs de Christ qui l'aiment et le suivent. C'est la différence entre la forme et la puissance, entre la vie et la mort.

Le contraste continue plus étendu et plus fort dans les deux dernières assemblées. Philadelphie présente le tableau d'un ensemble de vrais chrétiens, humbles et faibles, mais fidèles à Christ, tenant ferme sa parole et ne reniant pas son nom, ayant Christ et sa parole gardés soigneusement dans leur coeur et confessés dans leur vie — une réalité vivante et non une forme morte. Tout cela est d'une grande beauté morale; le coeur en est rafraîchi et édifié. C'est Christ lui-même dont les traits sont reproduits, par le Saint Esprit, dans le résidu. Il n'y a aucune prétention à être quoi que ce soit, ni aucune aspiration à de grandes choses: Christ est tout. Sa parole, son nom sont précieux. Il semble que, dans ces quelques lignes, se trouvent rassemblés et concentrés tous les traits moraux des divers résidus qui ont passé sous nos yeux.

Il n'est pas question d'un grand service, d'oeuvres remarquables, de quoi que ce soit qui frappe et éblouisse les yeux des hommes. Non; c'est quelque chose de beaucoup plus précieux au Seigneur; c'est la calme, complète et profonde appréciation de lui-même et de sa parole. Cela est d'un plus grand prix pour lui, que les services les plus éclatants, et les sacrifices les plus coûteux. Ce qu'il désire, c'est une place dans le coeur. Sans cela, tout est vain — cérémonies, sacrements, culte extérieur, activité religieuse — tout est absolument sans valeur. Mais la plus faible aspiration après lui provenant des affections du coeur, lui est très précieuse. Ecoutons ce que dit notre adorable Seigneur, quand il épanche son coeur à l'égard de ces chers Philadelphiens, le vrai résidu chrétien: «Voici ce que dit le saint, le véritable, celui qui a la clef de David, celui qui ouvre et nul ne fermera, qui ferme et nul n'ouvrira: Je connais tes oeuvres; voici, j'ai mis devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer, car tu as peu de force, et tu as gardé ma parole, et tu n'as pas renié mon nom. Voici, je donne de ceux de la synagogue de Satan» — ceux qui établissent leur position sur le fondement vanté d'une religion traditionnelle — «qui se disent être Juifs, et ils ne le sont pas, mais ils mentent; voici, je les ferai venir et se prosterner devant tes pieds, et ils connaîtront que moi je t'ai aimé». Précieux fait, base et garantie de tout, pour le temps et pour l'éternité! «Parce que tu as gardé la parole de ma patience, moi aussi je te garderai de l'heure de l'épreuve (*) qui va venir sur la terre habitée tout entière pour éprouver ceux qui habitent sur la terre (**)».

(*) Le lecteur doit distinguer entre «l'heure de l'épreuve», dont il est parlé ici, et «la grande tribulation» en Matthieu 24: 21. Cette dernière se rapporte exclusivement à Jérusalem et à la nation juive. La première viendra sur «la terre habitée tout entière».

(**) «Ceux qui habitent sur la terre», qui trouvent leur demeure ici-bas, en contraste avec ceux dont la bourgeoisie est dans le ciel.

Le Seigneur s'engage gracieusement à garder ses bien-aimés hors de l'heure terrible de l'épreuve qui fondra sur la terre entière. Il aura son peuple céleste avec lui, dans la demeure d'en haut, avant qu'un seul sceau soit ouvert, qu'une seule trompette ait sonné, qu'une seule coupe ait été vidée. Béni soit son nom pour cette joyeuse espérance! Puissions-nous vivre en elle, en attendant sa pleine réalisation!

Lisons le reste des paroles du Seigneur, si pleines de consolation et d'encouragement: «Je viens bientôt; tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne. Celui qui vaincra, je le ferai une colonne dans le temple de mon Dieu, et il ne sortira plus jamais dehors; et j'écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la cité de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem, qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu, et mon nouveau nom».

Quelle grâce brille dans toutes ces paroles! Jéhovah disait des paroles de grâce au résidu bien-aimé aux jours de Malachie: «Ils seront à moi, mon trésor particulier, dit l'Eternel des armées, au jour que je ferai; et je les épargnerai comme un homme épargne son fils qui le sert. Alors vous reviendrez, et vous ferez la différence entre le juste et le méchant, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas. Car voici, le jour vient, brûlant comme un four; et tous les orgueilleux, et tous ceux qui pratiquent la méchanceté seront du chaume, et le jour qui vient les brûlera, dit l'Eternel des armées, de manière à ne leur laisser ni racine, ni branche. Et pour vous…» Quels sont-ils? Ont-ils accompli de grandes choses, fait de grands sacrifices, eu une grande profession religieuse ou un nom célèbre? Non, mais «pour vous qui craignez mon nom, se lèvera le soleil de justice; et la guérison sera dans ses ailes; et vous sortirez, et vous prospérerez comme des veaux à l'engrais. Et vous foulerez les méchants, car ils seront de la cendre sous la plante de vos pieds, au jour que je ferai, dit l'Eternel des armées» (Malachie 3: 17, 18; 4: 1-3).

On voit par la comparaison des deux passages, qu'il y a des points de similarité et de contraste entre les résidus juif et chrétien. Nous ne pouvons les relever ici, car notre but était simplement de montrer que, dans les plus sombres jours, nous trouvons un résidu dévoué, cher à Dieu et à Christ, et à qui le Seigneur s'adresse dans les termes les plus tendres, qu'il console par les plus précieuses assurances, et qu'il réjouit par les plus radieuses espérances. C'est ce que nous avions surtout sur le coeur de présenter à toute l'Eglise de Dieu, dans le dessein d'encourager chaque membre du corps de Christ, sur toute la face de la terre, à se tenir à part de tout ce qui est contraire à ce qu'il nous a révélé dans sa Parole, et à être trouvé dans la position, l'attitude et l'esprit du vrai résidu chrétien, attendant la venue de notre bien-aimé Seigneur et Sauveur.

Je voudrais cependant faire ressortir un point qui distingue de la manière la plus claire les deux résidus. Le résidu juif est encouragé par l'espérance du lever du soleil de justice, tandis qu'au résidu chrétien est accordé un privilège beaucoup plus élevé, plus brillant et plus doux: celui d'attendre l'étoile brillante du matin. Un enfant peut comprendre la différence de ces deux choses. L'étoile du matin paraît dans le ciel longtemps avant que le soleil se lève; de même, l'Eglise rencontrera son Seigneur comme «l'Etoile brillante du matin», avant que les rayons du Soleil de justice ne tombent avec leur pouvoir salutaire, sur le résidu d'Israël.

Un mot encore, en terminant, sur Laodicée. Rien n'est plus frappant que le contraste qu'elle forme, sous tous les rapports, avec Philadelphie. En elle, nous avons la dernière phase du corps professant chrétien, juste avant qu'il ne soit rejeté comme une chose insupportable à Christ. Il n'est pas question d'immoralité grossière. Aux yeux des hommes, il peut y avoir une apparence respectable, mais pour Christ, c'est un état répulsif, caractérisé par la tiédeur et l'indifférence. «Je connais tes oeuvres, — que tu n'es ni froid, ni bouillant. Je voudrais que tu fusses ou froid ou bouillant! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche».

C'est une chose bien solennelle de trouver l'église professante dans une semblable condition. Combien rapidement nous passons de Philadelphie avec tout ce qu'elle avait de précieux pour le coeur de Christ, à l'atmosphère desséchante de Laodicée, où il n'y a pas un trait qui repose l'âme. Nous n'y voyons qu'une froide indifférence pour Christ et ses intérêts, réunie à la plus triste satisfaction de soi-même. «Tu dis: Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien; et tu ne connais pas que toi tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu; je te conseille d'acheter de moi de l'or passé au feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies».

Que c'est sérieux! Voilà des gens qui se vantent de leurs richesses, qui prétendent n'avoir besoin de rien, et Christ est dehors! Ils ont perdu le sentiment de la justice divine, symbolisé par «l'or», et de la justice humaine pratique, représentée par des «vêtements blancs», et cependant, ils sont remplis d'eux-mêmes, et de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font — tout le contraire de ceux de Philadelphie. Ici, il n'y a rien à reprendre; là, rien à louer. Ici, Christ est tout; là, il est en réalité dehors et l'Eglise est tout. Triste scène à contempler! Nous sommes à la fin; nous avons atteint la dernière phase de l'Eglise, comme témoin de Dieu sur la terre.

Cependant, même dans ce déplorable état de choses, la grâce infinie et l'immuable amour de Christ brillent dans tout leur incomparable éclat. Il est dehors — cela nous dit ce qu'est l'Eglise. Mais il frappe, il appelle, il attend — cela nous dit ce qu'il est. «Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j'aime; aie donc du zèle et repens-toi». L'or, les vêtements blancs et le collyre sont offerts. L'amour a divers services à accomplir; il se revêt de divers caractères, mais il est toujours le même amour. «Le même hier, et aujourd'hui, et éternellement», même quand il doit reprendre et châtier. Ici, son attitude et son action disent bien des choses, soit quant à l'Eglise ou à lui-même. «Voici, je me tiens à la porte, et je frappe: si quelqu'un entend ma voix et qu'il ouvre la porte, j'entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi».

Dans l'église de Sardes, le résidu est composé de «quelques noms», à Laodicée, il y a «si quelqu'un», un seul et encore avec «si». Mais si même il y a une seule oreille qui écoute, s'il y a un seul qui ouvre la porte, celui-là est assuré de jouir du grand privilège, de l'immense faveur de souper avec Christ, d'avoir pour hôte ce divin Sauveur et d'être le sien: «Moi avec lui et lui avec moi». Quand le témoignage d'ensemble est descendu à son point le plus bas, la fidélité individuelle est récompensée par une intime communion avec le coeur de Christ. Tel est l'amour infini et éternel de notre bien-aimé Sauveur et Seigneur. Oh! qui ne voudrait se confier en lui et le louer, l'aimer et le servir!

Et maintenant, cher lecteur chrétien, en prenant congé de vous, je voudrais vous supplier sérieusement et avec affection de vous joindre à nous pour demander à notre Dieu, au Dieu de grâce, de réveiller les coeurs de tous les siens par tout le monde, pour chercher à être des disciples plus prononcés, plus entiers de coeur, plus dévoués; pour se détourner de tout ce qui est contraire à sa Parole; pour être fidèles à cette Parole et à son nom, dans ces jours sombres et mauvais; et pour réaliser ainsi la vérité que nous avons cherché à faire passer devant vous dans ces pages, savoir, que plus grande est la ruine, plus riche est la grâce; plus profondes sont les ténèbres, et plus vif est l'éclat de la foi individuelle.


P-S.:

Je sens que je ne puis clore ces pages sans ajouter un mot sur la grande importance de maintenir, quant à l'évangile, un témoignage complet, clair et sérieux. «Fais l'oeuvre d'un évangéliste», est l'exhortation donnée par l'apôtre à son cher enfant Timothée, depuis sa prison à Rome, en vue de la ruine totale de l'église professante; et vraiment, les circonstances dans lesquelles ces paroles furent écrites, leur donnent un intérêt bien touchant. Quoi qu'il pût arriver, Timothée devait continuer à annoncer les bonnes nouvelles du salut de Dieu. Il aurait pu être tenté de désespérer et de dire: Tout est en ruines, les gens ne veulent pas écouter l'évangile, ils ne supportent pas «le sain enseignement».

La foi dit: Non; nous ne devons rien abandonner. L'évangile de Dieu doit être prêché à toute créature sous le ciel. Et bien que les hommes le rejettent, Dieu est glorifié par le précieux message de son amour proclamé aux pécheurs qui périssent. Nous aimerions à encourager tout évangéliste en lui rappelant que, si l'Eglise a manqué comme témoin de Dieu devant le monde, cependant l'évangile déploie ce qu'il est pour tout pauvre coeur brisé, pour tout pécheur perdu, qui veut se confier en lui. C'est la pensée qui nous a fortifié durant quarante-huit années de ministère comme évangéliste, alors que la condition de l'Eglise était des plus tristes à contempler.

Et en parlant de l'oeuvre d'un évangéliste, nous n'entendons pas la confiner à des prédications publiques, ce qui naturellement demande un don distinct de la part du chef de l'Eglise.

Nous estimons que c'est le doux privilège de tout enfant de Dieu d'être dans une condition d'âme propre à annoncer les bonnes nouvelles aux âmes individuellement, dans la vie privée. Il serait à désirer que cela se fît davantage. Quelle que soit notre position dans la vie ou notre sphère d'action, nous devrions sérieusement et avec prière chercher le salut de ceux avec qui nous sommes en contact. Si nous manquons en cela, nous ne sommes pas en communion avec le coeur de Dieu et la pensée de Christ. Nous voyons dans les évangiles et dans les Actes, plusieurs exemples de cette oeuvre individuelle. Ainsi «Philippe trouve Nathanaël», et «André trouve d'abord son propre frère Simon».

Puisse-t-il y avoir plus de zèle et de sérieux pour cette oeuvre personnelle si belle, agréable à Dieu. Nous demeurons facilement dans une sorte d'ornière, et sommes satisfaits quand nous avons invité des personnes à venir assister à une prédication. Cela est certes bon à sa place, et très important. Nous ne voudrions rien ôter à la valeur de ce service, mais, en même temps, nous ne pouvons nous empêcher de sentir combien nous manquons dans notre service d'amour envers les âmes.

Veuille le Seigneur réveiller les coeurs de tous ses bien-aimés, afin qu'ils prennent un intérêt plus vivant à l'oeuvre de l'évangélisation en public et à la maison, au près et au loin!