Lettres de J.N.D.

 

Lettres de J.N.D. 1

Lettre de J.N.D. no 1 – ME 1891 page 3. 2

Lettre de J.N.D. no 2 – ME 1891 page 28. 4

Lettre de J.N.D. no 3 – ME 1891 page 51. 7

Lettre de J.N.D. no 4 – ME 1891 page 69. 8

Lettre de J.N.D. no 5 – ME 1891 page 90. 12

Lettre de J.N.D. no 6 – ME 1891 page 104. 13

Lettre de J.N.D. no 7 – ME 1891 page 131. 15

Lettre de J.N.D. no 8 – ME 1891 page 146. 17

Lettre de J.N.D. no 9 – ME 1891 page 163. 19

Lettre de J.N.D. no 10 – ME 1891 page 189. 21

Lettre de J.N.D. no 11 – ME 1891 page 229. 22

Lettre de J.N.D. no 12 – ME 1891 page 249. 25

Lettre de J.N.D. no 13 – ME 1891 page 276. 27

Lettre de J.N.D. no 14 – ME 1891 page 290. 29

Lettre de J.N.D. no 15 – ME 1891 page 312. 31

Lettre de J.N.D. no 16 – ME 1891 page 326. 33

Lettre de J.N.D. no 17 – ME 1891 page 349. 36

Lettre de J.N.D. no 18 – ME 1891 page 370. 38

Lettre de J.N.D. no 19 – ME 1891 page 338. 40

Lettre de J.N.D. no 20 – ME 1891 page 427. 42

Lettre de J.N.D. no 21 – ME 1891 page 432. 45

Lettre de J.N.D. no 22 – ME 1891 page 456. 47

Lettre de J.N.D. no 23 – ME 1891 page 471. 49

Lettre de J.N.D. no 24 – ME 1891 page 475. 51

 

Lettre de J.N.D. no 1 – ME 1891 page 3

Darby J.N.

à Mr M.

Nimes, 26 janvier 1851

Je vous remercie, cher frère, des nouvelles que vous me donnez de X…, et je bénis Dieu de tout mon coeur de ce qu'elles sont bonnes. En général, grâces à Dieu, c'est un moment où Dieu agit en amenant les précieuses âmes à la connaissance de Jésus. L'oeuvre est sans beaucoup d'apparence, mais elles viennent de tous côtés.

Voici ce que je crois être la vérité pratique à l'égard de la sacrificature. Il faut se souvenir qu'elle s'exerce en grâce pour nous, non sur notre demande, mais avant. C'est: «Si quelqu'un a péché, nous avons un Avocat», — non, si quelqu'un se repent et va vers Lui. Lorsque Jésus a lavé les pieds de ses disciples, ce ne sont pas les disciples qui l'avaient demandé. Cela étant compris, voici, il me semble, à l'égard de quoi la sacrificature s'exerce. Vous remarquerez que, dans ce passage (1 Jean 2: 1-12), il est dit «Jésus Christ, le juste», et qu'il s'agit de marcher dans la lumière, comme Dieu est dans la lumière (Voyez 1 Jean 1: 7). Or la justice de Dieu, qui est nôtre en Christ, nous a placés devant Dieu sans voile dans la lumière, et il s'agit d'y marcher étant sur la terre, quoique nous soyons faibles, tentés, et que nous bronchions trop souvent. Il ne s'agit pas d'y arriver par la sacrificature; nous y sommes, par la justice, en Christ; il s'agit de maintenir la communion avec Dieu dans cette lumière, de marcher sur la terre de manière à le glorifier comme nous le connaissons là, et ainsi d'être lumière. Nous étions ténèbres, nous sommes lumière dans le Seigneur. Christ aussi, comme présent devant Dieu pour nous, porte nos noms sur son coeur, de sorte que nous sommes l'objet des affections de Dieu selon sa réponse au coeur de celui qui nous présente. Puis il porte notre jugement selon la lumière et les perfections de Dieu, de sorte que la question de la justice n'intervient qu'en notre faveur, selon l'acceptation de Christ, et la question de l'amour, pour que nous soyons les objets de l'affection du Père pour Jésus, des droits de celui-ci sur le coeur du Père. L'activité de son intercession s'exerce pour nous faire obtenir ce qui est nécessaire, afin de nous maintenir en rapport avec la pleine affection et la sainteté du Père et de Dieu, selon la position dans laquelle Christ, notre Chef, se trouve. Cela s'accomplit en ce que nous obtenons toute la lumière et la force dont nous avons besoin. Il a commencé par obtenir pour nous le Saint Esprit, afin que nous connaissions la position dans laquelle nous sommes placés par lui, et que nous soyons moralement capables d'en jouir. Or si nous bronchons, ces relations, sans être aucunement changées, sont cependant troublées dans leur exercice, troublées précisément parce qu'elles existent: le Saint Esprit, qui en est la lumière et la force, est contristé; mais la grâce de Dieu en Christ envers nous, et notre justice devant Dieu, le Père, ne sont pas altérées. Est-ce que le Père peut admettre le péché et nous bénir, comme si rien n'était arrivé? Non, la chose est impossible, ce ne serait pas la bénédiction. Cependant rien ne nous est imputé. La sacrificature de Christ est le moyen par lequel toutes nos fautes et toutes nos faiblesses deviennent l'occasion de l'opération de la grâce qui nous purifie et qui nous affermit; les fautes extérieures deviennent le moyen d'une plus profonde connaissance de soi-même, d'un dépouillement beaucoup plus complet, et de l'expérience de la grâce qui est en Christ. Nos faiblesses nous font comprendre que la puissance de Christ repose sur nous, que sa grâce nous suffit, cette grâce qui nous enseigne à en avoir fini avec nous-mêmes pour ne vivre que de Christ. Nous acquérons ainsi plus de calme, plus de sainteté, plus d'humilité, en un mot plus de connaissance de Dieu et de Celui qui est dès le commencement; immense bénédiction, qui remplace notre misérable moi par le Seigneur lui-même! Nous nous approchons du trône de la grâce, y ayant déjà la sacrificature; la fonction de celle-ci s'exerce sans que nous le demandions, ainsi que je l'ai fait observer. Je ne puis que signaler ici le grand principe selon lequel cette sacrificature s'exerce. Si quelque détail vous manquait encore, vous pourriez, cher frère, m'en informer.

Quant à la question si des chrétiens peuvent être retranchés de cette terre, il n'est pas douteux qu'ils puissent l'être. 1 Corinthiens 11 le constate, ainsi que le cas d'Ananias et de Sapphira, et 1 Jean 5: 16. Il ne faut pas confondre le gouvernement de Dieu avec le salut. Dieu sait tout d'avance, et fait tout pour sa gloire; mais il gouverne de manière à manifester son caractère. Que les résultats de l'oeuvre de Christ soient pour l'éternité, je n'en doute pas, quoique nous soyons incapables de juger chaque cas individuellement. D'autre part, un homme qui a été très béni dans sa carrière en général, peut succomber et céder à Satan sur quelque point qui rende nécessaire l'intervention de Dieu en gouvernement. Mais l'éternité manifestera la souveraine grâce du salut qui nous place tous dans la gloire de Christ, et, en même temps, les fruits des travaux dont nous avons été rendus capables par l'Esprit et au sujet desquels, en ce qui concerne la récompense, son gouvernement s'exerce, Ceci est grâce sur grâce, et tout est arrangé d'avance par Dieu pour sa gloire, dans la manifestation de lui-même, pour l'éternel bonheur et l'instruction de ses créatures. «Pour ce qui est de s'asseoir à ma droite ou à ma gauche, n'est pas à moi pour le donner, sinon à ceux pour lesquels il est préparé par mon Père». Le châtiment s'exerce sur la terre: il peut aller jusqu'au retranchement, toujours «afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde», mais le péché qui va jusque-là nous sort du domaine de la charité de l'Eglise en intercession. Pierre, par exemple (Actes des Apôtres 5: 1 et suivants), s'indigne et n'intercède pas. Il est très important pour la gloire de Dieu et pour le bien de l'Eglise et pour notre sainteté, que les deux principes des privilèges de l'Eglise et de notre responsabilité, soient maintenus en plein. Or la responsabilité est toujours en rapport avec nos privilèges; on attend davantage, dit le Seigneur, de celui à qui il a été beaucoup donné. Les privilèges donnent la mesure de notre responsabilité et le courage nécessaire pour y faire face, parce que les privilèges, étant une grâce, deviennent un motif et une force (Voyez Philippiens 3). Il faut distinguer le salut, la rédemption absolument accomplie pour nous placer pour toujours, sans péché, dans la présence d'un Dieu d'amour, d'un Père, et la gloire qui est à la fin de la lice en rapport avec l'oeuvre de l'Esprit. On ne serait pas dans la lice, si l'on n'était pas sauvé. Israël combat en Canaan, parce qu'il y est et que son rachat d'Egypte est un fait accompli. Les cas d'Acan et de Gabaon montrent clairement la responsabilité — les faits qui se passent avant la prise de Jéricho, et cet événement lui-même, montrent que la toute puissance de Dieu est là pour celui qui sait s'en servir, quels que soient les exercices par lesquels nous devons passer. Seules la direction de Dieu et la spiritualité, nous rendent capables de savoir quand il faut insister sur la responsabilité et quand il faut annoncer la grâce. Seulement il faut se souvenir (je ne parle pas de la loi) que toute responsabilité dépend de l'existence d'une relation. Un fils est responsable de se conduire comme fils, parce qu'il l'est, un chrétien de se conduire comme chrétien, parce qu'il l'est, c'est-à-dire qu'il est sauvé, enfant de Dieu, cohéritier de Christ, ayant la vie éternelle, aimé comme Jésus est aimé. C'est ce qui donne sa forme à notre responsabilité.

Quant aux sacrifices pour le péché, vous en trouverez quelque chose dans les «Etudes sur la Parole de Dieu». Christ mange le sacrifice, en prenant sur son coeur tout ce qui, dans nos actes, pourrait nous empêcher d'être bénis, mais il le fait comme un service saint, accompli dans le lieu très saint, pour la joie de son amour. Nous le faisons, lorsque nous pouvons réaliser la valeur du sacrifice de Christ en faveur d'un chrétien qui a péché, ayant ainsi l'assurance de la faveur de Dieu envers lui, précieuse pensée à l'égard d'un membre de Christ et de la pleine restauration qui en est la conséquence. Mais il faut de la foi, il faut être en communion avec l'amour du Seigneur, pour faire cela en vérité. C'est la fonction d'un sacrificateur; elle s'accomplissait dans le lieu très saint; voyez Nombres 18, qui ne peut être qu'une figure.

Je crois qu'il est possible qu'un chrétien se suicide, mais cela suppose que Satan a gagné sur son esprit un ascendant qui revêtira le caractère de la folie ou de la mélancolie. Il ne peut y avoir, par conséquent, rien de plus pénible et de plus humiliant. Cela ferme la bouche à tous. Hélas! cher frère, ce fait est arrivé dernièrement à un jeune homme, qui avait glorifié le Seigneur dans sa conduite, mais qui, déjà auparavant, avait été troublé par un abattement profond. Pour moi, je trouve qu'un tel événement est un des plus solennels qui puissent arriver.

Je termine, cher frère, car le temps presse; je suis un peu surchargé d'occupations, quoique en réalité cela ne puisse pas se dire; bien plutôt, je suis faible pour accomplir tout ce que la bonté de Dieu met sur mon chemin.

Soyez assuré de toute mon affection. Je vous expédie la brochure que vous demandez. Saluez affectueusement nos chers frères. Je tiens plus à les voir qu'ils ne peuvent, je crois, le désirer, et j'ai une pleine confiance que Dieu m'accordera cette grâce.

Votre affectionné en notre précieux Sauveur et Maître.

Que Dieu bénisse votre travail!

 

Lettre de J.N.D. no 2 – ME 1891 page 28

Darby J.N.

à Mr M.

Saint-Hippolyte, mai 1851

Cher frère,

Je réponds brièvement à vos questions, selon ma capacité.

En général «âme» et «esprit» sont à peu près équivalents, étant employés d'une manière un peu vague en contraste avec le corps, pour signifier la partie spirituelle, immortelle, responsable, et intelligente de l'homme. Dans le passage que vous citez, l'apôtre, il me semble, prenait soin d'étendre la sanctification à l'homme tout entier, en désignant dans ce but tout ce qu'on peut distinguer en lui. Sans doute, l'Esprit a voulu nous faire distinguer ces choses en nous-mêmes. La différence entre elles me semble être celle-ci: il y a le corps, qui est serviteur de l'intelligence et de la volonté, en bien et en mal, et le canal des impressions de ce qui est en dehors de nous, le vase et l'instrument de nos passions; il n'est pas besoin que je m'étende sur cela. L'âme est la vie naturelle, où siègent les affections et toute l'action vitale qui nous distinguent de l'existence végétale; elle suppose une volonté et plus ou moins d'intelligence. Ainsi une bête a une âme, une âme inférieure, sans doute, sous tous les rapports, mais elle en a une; elle aime, elle connaît, elle veut: je ne dis pas une âme immortelle, mais une âme. Mais il est dit que Dieu souffla dans les narines de l'homme un souffle de vie; et l'homme est devenu une âme vivante, c'est là ce qui distingue essentiellement l'homme de la bête. Dieu a fait que toutes sortes d'animaux sortissent de la poussière pour être des êtres vivants, selon sa volonté suprême; mais il n'a jamais lui-même soufflé l'esprit de vie dans leurs narines; c'est pourquoi nous sommes (Actes des Apôtres 17) «la race de Dieu». Or nous pouvons nous élever en conséquence, pour nous rendre indépendants, raisonner sur Dieu, vouloir être comme lui, ou au contraire recevoir des communications que nous fait son Esprit, sentir notre responsabilité, nous soumettre à lui, vouloir subjectivement, c'est-à-dire obéir de coeur. Nous occuper de ses pensées, les recevoir comme soumis à lui, c'est la sanctification de l'Esprit. Les affections de l'âme peuvent avoir le moi pour centre, ou être ordonnées selon Dieu, et ainsi être sanctifiées. Souvent, comme j'ai dit, l'esprit, point de contact de l'âme avec Dieu, est compris dans l'expression «âme», puisque c'est par ce souffle (esprit) de vie que l'homme est devenu âme vivante. Le coeur est l'âme envisagée du côté des affections, et souvent les affections mêmes, comme nous disons: «de tout son coeur», «il a beaucoup de coeur», etc. L'esprit est l'âme envisagée du côté de son intelligence, par laquelle elle est placée sous la responsabilité. Si j'envisage l'âme par ce côté, elle sera elle-même appelée mon «esprit», si, du côté des affections, mon «coeur».

Dans la conscience, il y a deux parties; le sentiment de la responsabilité envers quelqu'un à qui on est redevable, et la connaissance du bien et du mal. La première partie existait dans l'innocence, et existe partout où la conscience de la relation, qui nous place dans la position de devoir, subsiste. La connaissance du bien et du mal, qui nous fait sentir en nous-mêmes la différence entre les choses bonnes ou mauvaises, convenables ou inconvenantes, nous l'avons acquise par la chute, — terrible connaissance, et aggravation de responsabilité pour un pécheur déjà responsable, mais nécessaire pour le tenir en bride et lui donner le vrai sentiment de sa responsabilité.

L'entendement ne diffère guère de l'esprit: c'est la faculté de l'âme par laquelle elle pense et juge, discerne et décide intérieurement; je ne dis pas, par laquelle elle est décidée; c'est, hélas! autre chose. Ephésiens 1: 18, il y a «coeur», dans l'original; Romains 7: 23, 25, «entendement» ou «esprit». Je crois que «souillure d'esprit» (2 Corinthiens 7: 1) est plutôt souillure dans les pensées, en contraste avec les actes du corps, et dont nous devrions être purifiés comme des actes.

Je n'entre pas dans les questions métaphysiques quant à la différence entre l'âme des hommes et celle des bêtes; vous trouverez que celle des bêtes est étrangère aux abstractions et que les hommes sont capables d'affections morales qui sont plus que la passion et l'instinct.

Quant à 1 Jean 3, vous remarquerez que Jean traite les sujets d'une manière abstraite et en rapport avec le caractère essentiel de ce dont il parle. S'il parle de Dieu, il n'est pas préoccupé de ses conseils, des plans de sa sagesse (comme cela arrive à Paul selon le don qui lui a été départi), mais de ce que Dieu est: Dieu est lumière, il est amour; c'est ce qui caractérise sa nature. Aussi Jean nous présente-t-il l'homme, comme étant naturellement en contraste avec cela: les ténèbres n'ont point de communion avec la lumière, celui qui hait est du diable, si l'on aime, si l'on pratique la justice, on est enfant de Dieu. C'est donc ce qui caractérise les deux familles que l'apôtre signale dans le passage que vous citez: le péché, la pratique du péché, caractérisent celui qui est enfant du diable; c'est sa nature selon la chair. Il y a opposition entre cela et Dieu. Celui qui peut être caractérisé par ces mots «il pèche», n'a pas connu Dieu, car Dieu est tout le contraire de cela. Or celui qui est né de quelqu'un, participe à sa nature, est caractérisé par la même nature; de sorte que celui qui est né de Dieu ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu. Ce n'est pas ici un progrès, c'est une chose vraie de quiconque est né de lui, en vertu de sa nature; c'est une nécessité de nature: la semence de Dieu demeure en lui; il ne peut pécher. Voilà quel est le caractère essentiel de cette nature. Or si nous faisons l'analyse de l'homme, nous savons que la chair lui reste, et que cette chair n'est pas née de Dieu; la nouvelle vie seule vient de Lui. C'est par elle que nous participons à la nature divine; mais le vieil homme, qui reste comme un adversaire, malgré nous, n'est pas moralement nous. Ce n'est ni notre volonté, ni notre jugement, ni notre désir, ni ce que nous sommes en vertu de ce qui constitue notre nature active et réfléchie; ce n'est plus moi, mais le péché qui demeure en moi, triste compagnie, mais triste, parce qu'elle est contraire à tout ce que je suis, à tout ce que j'aime, à tout ce que je trouve être ma joie en Dieu, et cela en vertu de la nature qui me caractérise et que Dieu m'a communiquée pour être moi réellement, tandis que je mortifie ma chair comme étant opposée à ce moi. Or Jean s'occupe du principe de cette vie comme caractérisant, comme étant le chrétien. En tant que chrétien, en tant que né de Dieu, il n'est pas ce dont il a été délivré; en tant que né de Dieu, il ne peut pécher; ce serait contraire à sa nature. Lorsqu'on comprend que l'apôtre parle du caractère essentiel de ce dont il traite, toute difficulté disparaît.

Paix vous soit, cher frère. Je vous écris de X…, où nos frères ouvriers du voisinage se sont réunis pour étudier la parole de Dieu.

Nous avons examiné avec profit ce qu'est un sectaire, puis l'imposition des mains brièvement, mais, je le pense, avec quelque accroissement de lumière, et nous avons lu la plus grande partie de Luc avec un grand intérêt, pour moi, du moins, et, je l'espère, pour d'autres. Je me réjouis de la bénédiction qui a lieu autour de vous, cher frère, plus que de la mienne, car, quoique bénissant Dieu pour sa grâce qui me rend heureux, j'aime certes les membres de Christ plus que moi-même; leur bénédiction et leur joie sont ma vie et ma joie à moi.

Saluez bien affectueusement tous les frères de ma part. J'avais pensé leur rendre visite: jusqu'à présent, j'en ai été empêché, mais j'ai à coeur de le faire; je n'en attends que le moment, mais je pense qu'un certain temps s'écoulera avant que je puisse réaliser ce projet. Que Dieu nous donne de nous recommander les uns les autres, à notre Dieu si fidèle, si plein de tendresse: je le fais pour vous et pour tous les frères. Nous sommes, grâces à Dieu, heureux dans notre réunion, et il y a passablement de bien dans ces contrées; les frères sont en paix et heureux ensemble et d'autres âmes sont amenées par grâce à jouir de la bénédiction. Paix vous soit. X. vous salue, il attend votre réponse.

Votre bien affectionné…

Lettre de J.N.D. no 3 – ME 1891 page 51

Darby J.N.

à Mr M.

11 mai 1852

Bien-aimé frère,

Je bénis Dieu de tout mon coeur pour la bénédiction qu'il vous accorde; il est doux de le voir, dans sa grande grâce, agir dans ce pauvre monde de péché. Il nous bénit aussi un peu ici, et il est très évident qu'il agit dans votre cher pays. Je dis «cher», car, quand il nous a été permis de nous intéresser à l'oeuvre de Dieu, le champ où il agit nous devient cher dans ce sens-là. Je suis en effet bien attaché à la France, et aux frères qui s'y trouvent: saluez-les beaucoup de ma part. Quand on n'a que le ciel, c'est le pays où se fait l'oeuvre qui attire le coeur.

Ayant peu de temps, je réponds brièvement à vos questions.

A l'égard de 1 Corinthiens 7: 11, je n'ai aucun doute que l'apôtre veut que la femme rejoigne son mari. Si le mari l'avait abandonnée, elle serait libre de rester seule comme elle est; mais si étant rétabli il désire qu'elle revienne, elle est toujours sa femme. Peut-être y a-t-il des raisons que la personne dont vous parlez n'avoue pas. Quoiqu'il en soit, je crois que sa place est avec son mari. Tout ce que l'apôtre dit est que, dans le cas où sa volonté n'est pas soumise et où elle s'en est allée, elle doit rester sans se remarier, ou se réconcilier avec son mari; c'est une parenthèse; le cas, pour moi, n'est pas douteux.

Quant à Jude, il y avait des hommes qui, tout en marchant avec les chrétiens, prétendaient leur être supérieurs. Or ils n'avaient pas vraiment l'Esprit. En contraste avec ceux-là, l'apôtre recommande aux fidèles de s'édifier sur leur très sainte foi, de prier par le Saint Esprit, de se garder par grâce dans la jouissance de l'amour de Dieu, par la diligence chrétienne, en ne contristant pas non plus le Saint Esprit, par la présence duquel l'amour, de Dieu était répandu dans leurs coeurs, et en réalisant cet amour, ou bien en y demeurant quand il y a de l'assurance et que l'on voit clair. Il s'agit dans cette épître de ce qui tendait à faire renier la foi; ainsi, au milieu des difficultés causées par les faux frères, les fidèles sauraient compter sur la bonté de Jésus pour jouir de la vie éternelle. Ainsi quant à eux-mêmes; quant aux autres, il fallait distinguer: on devait avoir compassion de quelques-uns qui étaient entraînés dans le mal, avoir peur en en retirant d'autres qui s'y enfonçaient avec une mauvaise conscience et une volonté corrompue.

Quant à 1 Corinthiens 10, je crois que déjà, dans l'Eglise, on commençait à se contenter d'être baptisé et de prendre la cène; ensuite on allait avec le monde. L'apôtre fait voir qu'on pouvait participer à ces ordonnances et être perdu après, comme ceux d'Israël sortis d'Egypte, et qu'on ne pouvait pas avoir communion en même temps avec Dieu et avec les démons; et c'était ce qu'ils prétendaient faire en pratique, en allant avec le monde dans ses idolâtries. Mais le fait est que, comme cela avait lien en Israël, on consacrait aux idoles tout ce qui se mangeait, et on aurait dû plutôt ne pas manger la viande. L'apôtre dit: Ce qui se vend à la boucherie, mangez-en sans vous inquiéter, d'où que cela vienne; car après tout, cela vient de Dieu. Mais si quelqu'un a conscience de l'idole, de sorte qu'il mange la viande comme ayant été offerte, alors, pour ne pas fortifier sa conscience et la rendre insensible en faisant du mal, on devait s'abstenir, et en toute occasion chercher l'édification d'autrui.

J'ai été très heureux de recevoir votre lettre et d'avoir de vos nouvelles et de celles des frères: je vous en remercie. Que la bonne et précieuse paix de notre Dieu soit avec vous et avec ces chers amis.

Votre tout affectionné.

Lettre de J.N.D. no 4 – ME 1891 page 69

Darby J.N.

à Mr M.

Février 1853

Bien-aimé frère,

J'ai été très content d'avoir un petit mot de vous.

Je commence tout premièrement par vos passages.

Esaïe 7: 16, est simple. Avant que l'enfant prophétique, Shear-Jashub, fût homme fait, la terre, devant les deux rois de laquelle Achaz avait peur, serait abandonnée, et un fléau auquel il ne pensait pas, serait la source des maux d'Israël, savoir l'Assyrien. Voici la force de la prophétie: le peuple avait manqué déjà; longtemps, la maison de David avait été leur appui: en Achaz, celle-ci s'était éloignée de l'Eternel. «Shear-Jashub» signifie: le résidu reviendra, c'est-à-dire Dieu donnait par l'Esprit de prophétie de la consolation à la foi, l'assurant que, quelle que fût la désolation d'Israël, un résidu hériterait des promesses; ensuite, qu'il y aurait de la vierge un fils qui serait «Dieu avec eux». Cependant il serait au milieu d'eux comme un enfant, nourri comme un autre dans le pays, en paix jusqu'à l'âge de l'intelligence. Je ne doute pas que le verset 16 ne se rapporte à Shear-Jashub, Emmanuel ayant été introduit par un élan prophétique assez commun, montrant de loin ce qui serait le vrai appui de la foi au moment de la prophétie, car si la maison de David s'adonnait à l'idolâtrie, quel espoir aurait une âme fidèle? Il n'y avait que le Messie. Ayant donné cette révélation, le prophète montre la folie de l'incrédulité qui jetait Achaz, par suite de sa peur des deux rois de Syrie et d'Israël, entre les mains du roi d'Assyrie, qui serait le vrai fléau d'Israël jusqu'aux derniers jours (il ne s'agit pas ici de la captivité, mais d'une attaque alors que Juda était dans la terre sainte), tandis que, avant qu'un enfant en bas âge fût grand, on n'entendrait plus parler ni de Retsin, ni de Pékakh. Achaz avait en effet cherché le secours du roi d'Assyrie.

Quant à 1 Jean 2: 28, ma conviction est que le vrai sens des mots: «que nous ne soyons pas couverts de honte, de par lui, à sa venue», c'est: chassés de sa présence. La déclaration de l'apôtre devait servir d'avertissement aux saints.

Je crois que, en 1 Corinthiens 7: 12, l'apôtre distingue entre une ordonnance positive du Seigneur et son expérience spirituelle, quelque grande qu'elle fût. On a pensé que cela touchait l'inspiration: c'est une méprise. L'apôtre était inspiré pour donner cette réponse et pour leur faire sentir la différence entre l'expérience même d'un apôtre et une révélation directe du Seigneur. Ce n'est pas que tout ce qui est dit dans la Parole soit inspiré: nous y trouvons les méchantes paroles de méchants hommes, même du diable; mais l'auteur sacré a été inspiré de Dieu en nous les donnant; et quand il nous donne ce qui vient directement de Dieu, c'est Dieu qui parle. L'apôtre distingue ici entre les deux choses, la spiritualité la plus élevée, et la révélation proprement dite.

Actes 15: 28, en a tourmenté plusieurs. Mais je crois que l'autorité de diriger et d'ordonner, dont il est ici question, avait été confiée aux apôtres lors de la fondation de l'Eglise: outre cela, le Saint Esprit avait rendu un témoignage positif; il l'avait fait même en descendant sur Corneille. Je ne dis pas que ce fût cela seulement, mais c'était un témoignage direct de sa part. Cette différence entre les apôtres des onze et le Saint Esprit, est reconnue ailleurs. Jean 15: «Il rendra témoignage de moi, et vous aussi, vous rendrez témoignage, parce que dès le commencement vous êtes avec moi». Ce n'est pas qu'ils auraient pu faire cela sans le secours du Saint Esprit (comparez 14: 26), car «il vous rappellera toutes les choses que je vous ai dites», ni que Paul eût pu, sans lui, avoir son expérience chrétienne: J'estime, dit-il, que moi aussi j'ai l'Esprit de Dieu (1 Corinthiens 7: 40). Jean 14: 26, va plus loin, mais montre les deux genres de témoignage, le Saint Esprit aidant dans l'un et agissant directement dans l'autre. Ainsi il dirigeait, moralement et spirituellement, le jugement des apôtres dans ce qu'ils ordonnaient comme revêtus d'une autorité de la part de Christ, autorité qu'ils exerçaient en son nom. Mais lorsque le Saint Esprit agissait, il parlait directement, — comme quand il dit: «Mettez-moi maintenant à part Barnabas et Saul» (Actes des Apôtres 13: 2), ou quand il descend sur Corneille. C'était lui-même, agissant en dehors d'un secours donné à des hommes, pour qu'ils puissent accomplir parfaitement leur tâche. Dans un certain sens, selon notre position, nous sommes aidés par le Saint Esprit, et quoique nous ne puissions prétendre ni à l'autorité publiquement conférée aux onze par Jésus, ni à être gardés de manière que notre parole ait autorité, cependant nous pouvons être remplis du Saint Esprit, de sorte que, pour le fond, ce que nous disons vienne de lui; et nous ne devons parler qu'en tant que cela a lieu. Notre parole ne fait jamais autorité, mais est vraie et nourrit, dans la mesure dans laquelle le Saint Esprit nous remplit. Mais nous avons à dire, et même, certainement, dans une mesure bien inférieure: c'est moi, et non pas le Seigneur, — bien que nous estimions avoir l'Esprit de Dieu. Mais, dans le passage des Actes (ainsi que dans le cas de Paul), il y avait autre chose, savoir l'autorité conférée de la part de Jésus. «C'est ainsi», dit Paul, «que j'en ordonne dans toutes les églises» (1 Corinthiens 7: 17); et, en Actes 15: 25, nous lisons: «Il nous a semblé bon», — sans que le Saint Esprit eût parlé ouvertement et directement, comme à Antioche, pour la mise à part de Paul et Barnabas, et en tant d'autres cas.

Que le salut ait été accompli pour tous, n'est pas une idée scripturaire ni exacte, bien que parfaitement vraie dans l'intention de bien des personnes qui s'expriment ainsi. Quand je par le de salut, pour être exact, il faut que quelqu'un soit sauvé, sans quoi le salut n'est pas. Christ apporte ce qui sauve; et, en général, quand on parle comme nous venons de dire, on entend qu'il a fait une oeuvre suffisante pour que tous soient sauvés, car il s'est donné lui-même en rançon pour tous; mais de fait, le salut n'est qu'à ceux qui croient. C'est la foi qui vaut le salut. Eux ne le veulent pas. Pour parler exactement, le salut n'est pas accompli pour tous; il ne l'est que pour celui qui est sauvé. Christ, en mourant, a fait une oeuvre ayant titre valeur intrinsèque infinie, et un aspect envers tous, qui leur laisse la responsabilité de la rejeter. Nous la rejetterions tous, élus ou non, si la grâce n'agissait pas; et cette grâce nous fait voir qu'il a porté nos péchés à nous, croyants, et ceux de tous les élus.

La fin de Jean 5 montre la responsabilité sous laquelle l'homme se trouve placé de recevoir le témoignage de Dieu; le commencement du chapitre fait voir que le péché nous rend incapables de profiter, par notre propre force, des moyens que Dieu nous donne; le milieu du chapitre, que Christ (ainsi que le Père) donne la vie par une puissance divine, et qui nous délivre du jugement à venir, parce que nous participons ainsi à l'oeuvre de Christ qui a subi ce jugement à notre place. Mais, en général, les personnes dont nous parlons veulent dire qu'une oeuvre suffisante pour sauver ceux qui y ont part par la foi, a été faite pour tous, ce qui est vrai, mais la manière de l'exprimer n'est pas exacte.

J'ai entendu parler de vos douleurs et de vos peines, cher frère, et j'y participe de tout mon coeur comme si j'y étais. Que Dieu nous garde dans sa grâce! Satan cherche à cribler les frères, de cette manière particulièrement; mais la grâce nous suffit. Que ce soit une occasion pour tous de s'humilier devant Dieu et de craindre pour eux-mêmes; qu'ils soient ainsi poussés à un esprit de dépendance plus absolue de Dieu et à chercher sa proximité et sa communion, sinon personne ne sait à quelle tentation il peut succomber. Hors de cette dépendance, quant à nous-mêmes, nous ne sommes que chair, en pratique; et, selon la chair, que pouvons-nous attendre de nous-mêmes, sinon le péché? Le nouvel homme est l'homme dépendant de Dieu; c'est le vieil homme qui essaie de se rendre indépendant, et quelle chute, hélas! Plus nous sommes élevés spirituellement, plus la chute est grande: de celui qui a écouté, il est dit: «la chute de cette maison a été grande».

«Les commandements de Christ» sont l'expression du chemin de sa vie divine et parfaite (non pas: fais ces choses et vis). C'est en y marchant que nous jouissons de tout ce qui est à nous en vertu de notre union avec lui en haut. L'expression de cette vie divine sur la terre dans laquelle, en y marchant, il est demeuré lui-même dans l'amour de son Père, est le chemin l'on en jouit.

Saluez affectueusement tous les frères. Je pense souvent à ces bien-aimés. J'ai une entorse; sans cela je serais en France. Que Dieu bénisse les frères abondamment et les enseigne à attendre Jésus de jour en jour, à être comme des hommes qui attendent leur Maître. La pensée de sa venue m'est toujours plus présente! Cher frère, qu'il en soit ainsi de vous tous. Je crains quelquefois qu'on ne le perde de vue, que le coeur ne dise: «Mon maître tarde à venir». On commence alors à manger et à boire avec les ivrognes, c'est-à-dire, on va plus ou moins avec le monde, et lors même qu'on ne le ferait pas, on marche dans l'esprit du monde. Que Dieu garde mes chers et précieux frères, — précieux à Jésus, et ainsi précieux à moi, — bien près de Jésus, pour qu'ils jouissent de lui, j'ose le dire, comme j'en jouis. Ce n'est pas que plusieurs d'entre eux n'en jouissent même davantage, mais c'est dire que je suis sûr que je trouve en lui ce qui vaut tout, ce qui exclut tout, comme objet, — ce qui satisfait, vivifie et remplit le coeur, ce qui est trop grand pour que le coeur le contienne, — ce qui révèle Dieu, et mon Père, et apporte, avec la joie, la certitude que c'est de Dieu, et éternel en Dieu. Je désire qu'ils jouissent de Jésus; et il est plein de grâce pour nous faire jouir de lui. C'est quand nous sommes faibles que nous sommes forts.

Saluez-les tous avec une sincère et réelle affection.

Votre affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 5 – ME 1891 page 90

Darby J.N.

 

à Mr M.

D'Angleterre, le 28 mars 1854

Bien cher frère,

La doctrine de la sacrificature de Christ est importante comme établissant, d'un côté, l'existence de la justice parfaite devant Dieu, en ce que Christ y est pour nous: et d'un autre, la dépendance continuelle de sa grâce et les rapports journaliers de nos coeurs avec lui dans tous nos besoins, nos faiblesses et nos chutes même. Non pas que nous allions chercher cette grâce ou que nous voulions l'allumer, pour ainsi dire, comme en doutant, mais nous savons qu'elle s'exerce continuellement pour nous, afin que nous vivions avec un coeur aimant et confiant, et avec une conscience délicate, bien que nous sachions que nous sommes faits la justice de Dieu en lui. Aussi, est-il important que nous n'ayons pas l'idée que l'intercession de Christ soit le moyen d'obtenir la justice; ce serait se placer sous la loi, et dans l'incertitude: ce serait toujours une justice exigée et non accomplie. Dieu aurait le caractère d'un juge, auprès duquel on n'oserait pas aller; et ceci, sous quelque forme que ce soit, est toujours, au fond, la loi; — puis on aurait recours à Christ pour apaiser et rendre propice Dieu le Père, Christ étant plus accessible que lui. Ceci n'est pas l'évangile, il s'en faut de beaucoup; mais Christ exerce sa sacrificature lorsqu'il s'est déjà assis à la droite de Dieu, car ainsi, ayant déjà fait la purification de nos péchés, la justice selon Dieu est établie devant Dieu, et c'est la nôtre: il est notre justice, et nous sommes faits la justice de Dieu en lui. Or ceci nous place dans la lumière, comme Dieu lui-même est dans la lumière, quant à notre vraie position devant lui; il n'y a plus de voile entre nous et lui, quel que soit notre degré de réalisation de cette position. Mais en même temps celui qui y est placé est, de fait, une créature faible, susceptible de faire des chutes, et ayant toutes sortes de besoins qui exigent des secours de la grâce.

Maintenant, c'est à la conciliation pratique de ces deux choses, notre état en Christ devant Dieu et notre état actuel pendant que nous sommes ici-bas, que la sacrificature de Christ s'applique. Quoiqu'il soit personnellement sacrificateur selon l'ordre de Melchisédec, il exerce sa sacrificature actuellement selon la similitude d'Aaron, la ressemblance étant toutefois modifiée par la dignité personnelle de Celui qui a une vie qui dure selon la durée du Fils de Dieu, et par l'efficace éternelle d'une oeuvre déjà accomplie sur laquelle l'exercice de sa sacrificature est basé. Il nous aime, et il nous sert dans son amour: la justice ne change pas, n'est jamais remise en question. Le Juste qui a glorifié Dieu au sujet de nos péchés est là, et il se prévaut de cette justice, pour tourner toutes nos faiblesses, nos besoins, même nos chutes, en occasions où la grâce du Père s'exerce en réponse à son amour: c'est la grâce du Père, car Christ est Avocat auprès du Père, et c'est son tendre amour qui s'occupe incessamment de nous dans tous les détails de nos besoins. Ainsi le coeur, comme j'ai dit, est tendre, confiant, dépendant, et la délicatesse de la conscience est maintenue, parce que, sans mettre de nouveau un instant la justice en question, toute faute occupe le Seigneur, mais en grâce. Que les voies de Dieu sont pleines de grâce et de bonté, et en même temps de sagesse envers nous!

Je ne doute nullement que tout ce qui se passe tend à amener les grandes puissances, occidentales et orientales, aux places où la prophétie les a mises. Il y a près d'un siècle et demi qu'on a jugé que la Russie est le «Gog» d'Ezéchiel… Dans tous les cas, tout s'achemine vers la fin. Il faut se confier en Dieu.

Je suis heureux, cher frère, des bonnes nouvelles que vous me donnez. Je craignais un peu le départ de notre frère M.; mais Dieu est fidèle. Qu'il daigne garder nos coeurs près de lui. Ainsi tout ira bien, sûrement bien, jusqu'à ce que, dans sa grande grâce, il nous prenne auprès de lui.

Saluez affectueusement tous les frères; cela m'a fait de la peine de ne pas les voir quand je suis allé en Suisse; mais vous savez que j'avais été retenu malgré moi quelques jours; on m'attendait pour une conférence, et en effet, je ne suis arrivé que juste à point.

Paix vous soit, bien-aimé frère.

Votre bien affectionné en Celui qui ne change pas.

Lettre de J.N.D. no 6 – ME 1891 page 104

Darby J.N.

 

à Mr M.

Bath, le 26 septembre 1855

Bien-aimé frère

J'avais un peu espéré vous voir avec le frère M., et je lui en avais même parlé; mais d'un côté les couches de sa femme l'ont retardé, et d'un autre, j'étais excessivement pressé de retourner en Angleterre. Toutefois, j'ai toujours l'espoir, si Dieu me le permet, de vous faire une visite, sans pouvoir cependant compter sur l'avenir, car, Dieu voulant, j'irai dans le midi, et spécialement à Pau cet hiver, et je passerai de là en Suisse.

Quant à votre question, cher frère, c'est un point d'un intérêt profond que de suivre les souffrances du bien-aimé Sauveur. Je trouve ce que vous avez dit, juste en général. Il y a quelque chose à ajouter, me semble-t-il, et je ne crois pas que «les douleurs de la mort», veuillent dire que Christ ait souffert après sa mort et avant sa résurrection. Il a «souffert», comme vous le dites, comme homme juste en butte à la méchanceté des hommes. Il y a eu aussi un autre côté de ses souffrances comme homme, non seulement l'isolement de son coeur, que personne n'a compris, mais le fait que, sensible à tous les outrages qu'on versait sur lui, il a cherché quelqu'un pour avoir compassion de lui, et n'a trouvé personne: c'est seulement ajouter le sentiment du coeur, à ses souffrances d'homme juste. Aux deux caractères suivants des souffrances du Sauveur, dont vous parlez, je n'ai rien à ajouter: que Dieu nous donne de les sentir! Je veux parler de ses souffrances, en voyant la gloire de son Père foulée aux pieds des hommes (et par les hommes, dont il prenait la cause en main en devenant homme). A cette souffrance cependant s'ajoutait, il me semble, la douleur profonde de voir l'amour de ce Père méprisé et rejeté par les hommes. Cela a dû être affreux pour lui. A la tombe de Lazare, sa détresse venait du sentiment qu'il avait de la manière dont la mort pesait sur l'homme, de l'état terrible où celui-ci se trouvait, sans pouvoir se délivrer. Je vois que ses souffrances en Gethsémané ont été différentes de ses souffrances sur la croix. Il avait été «tenté», au commencement de son ministère, par l'Ennemi, qui se servit des choses par lesquelles il espérait l'attirer en faisant agir sa volonté: grâces à Dieu, ce ne fut que pour être vaincu. L'homme fort a été lié, et le vainqueur s'est mis à piller ses biens. L'Ennemi, est-il dit, l'a quitté pour un temps. Mais non seulement l'homme était esclave de la puissance de l'Ennemi, de laquelle Christ vivant pouvait le délivrer; mais soit propre coeur était inimitié contre Dieu, et le Seigneur a dû supporter les conséquences de cet état, s'il persévérait dans l'oeuvre du salut. Cette inimitié s'étant pleinement développée et Satan ayant pris possession des coeurs des hommes par le moyen de la manifestation de Dieu que l'homme ne voulait pas, Satan revient comme Prince de ce monde, et, ayant la puissance de la mort, il vient faire peser sur l'âme du Seigneur toute l'horreur de la mort, la frayeur de la mort comme venant de lui, comme il est dit: «Mort âme est saisie de tristesse de toute part jusqu'à la mort». Ici, accablé et en agonie, sa communion avec son Père n'est pas interrompue, — son accès auprès de lui. Il prie plus instamment. Il subit la puissance de la mort de la part de l'Ennemi, parce que nous y étions; mais au lieu d'être séparé de Dieu par ce moyen, au lieu d'être au désespoir, il s'adresse plus ardemment à lui. Il vainc, et lorsque les instruments extérieurs de la puissance de Satan arrivent, ce sont eux qui tombent par terre; mais lui se livre; — c'était leur heure et la puissance des ténèbres. Sur la croix, la mort n'était pas la puissance de Satan qui en employa la frayeur pour détourner le Sauveur du chemin de l'obéissance et de la soumission à la volonté de Dieu; c'était la coupe elle-même qu'il buvait, le sentiment de l'abandon de Dieu, lorsqu'il a été fait péché. C'est sur la croix que l'oeuvre elle-même se fait. Il combat en Gethsémané et en appelle à Dieu; il souffre sur la croix; il souffre l'abandon de Dieu pour le péché. Mais parfait en obéissance, il boit cette terrible coupe et peut remettre son âme en paix entre les mains de son Père.

Là, je le crois, citer frère, ses souffrances se sont terminées, non qu'il possédât tout encore, ni qu'il fût glorifié, avant sa résurrection; mais, il me semble, qu'en disant au brigand: «Aujourd'hui, tu seras avec moi en paradis», c'était dire: Je n'attends pas d'avoir mon royaume, pour bénir, pour donner les fruits de ma mort. Le brigand avait dit: «Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume», il croyait au royaume à venir. La réponse du Seigneur impliquait ceci: Je fais encore une autre oeuvre que celle d'acquérir le royaume, je sauve les âmes: tu n'attendras pas pour être heureux que je vienne dans mon royaume; tu seras aujourd'hui avec moi, là où les esprits, où les âmes, peuvent jouir des délices de Dieu. Lorsqu'il est dit, Actes 2: 24: «Il a délié les douleurs de la mort», c'est une figure; ce sont les douleurs de la «mort». Le mot douleur, ici, signifie «douleur d'enfantement», et je crois qu'il parle en figure de cet enfantement de l'homme en résurrection, pour lequel la mort et le tombeau étaient comme des douleurs d'enfantement: la mort n'a pas pu le retenir. Ainsi, je ne pense pas qu'il parle de douleurs après la mort, mais de l'enfantement dans la mort, prise comme un tout.

Je bénis Dieu de tout mon coeur, cher frère, de la restauration de notre cher frère F. Que la grâce de notre Seigneur est précieuse; que nous devrions l'en bénir, et combien nous devrions nous tenir près de lui!

Il y a encore ce que nous lisons, Hébreux 2: 18: «Il a souffert, étant tenté», en ce que toutes les attaques de Satan ont été dirigées contre lui, pressé en toute chose par l'Ennemi, de sorte qu'il ne pouvait faire un pas dans la vie spirituelle dans laquelle il était engagé, sans rencontrer un obstacle pénible pour le coeur et sans le vaincre. Nous pouvons avoir communion, pleinement, avec les souffrances, en tant qu'expression de son amour jusqu'à la mort. Ce qu'il a supporté pour nous en buvant la coupe et en passant par les ténèbres, n'est pas notre portion, n'est pas la communion de ses souffrances: il a été là notre substitut (comparez 2 Timothée 2: 10).

Saluez bien affectueusement les frères. Ici, grâces à Dieu, le Seigneur nous bénit et nous encourage.

Votre tout affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 7 – ME 1891 page 131

Darby J.N.

 

à Mr M.

Pau, 23 mars 1857

Bien-aimé frère,

Je suis toujours plus profondément convaincu de l'importance de l'unité de l'Eglise, de ce qu'on appelle les principes qui nous réunissent, de la réalité d'une Eglise sur la terre, mais je ne pourrais nullement appeler une table dressée en dehors de nous, «une table de démons»; Dieu m'en garde! Il peut y avoir des personnes chrétiennes ignorantes, qui croient suivre la Parole en agissant comme elles font. Je déplore le fait que Dieu soit déshonoré par les divisions, et que des chrétiens forment des sectes et ignorent l'unité de l'Eglise ou la méprisent. C'est un immense mal, et plus je vais en avant, plus je le sens. Mais la table des païens était appelée «la table des démons», parce que les choses que les gentils offraient, ils les offraient à des démons et non pas à Dieu. Dans tout mal quelconque, l'Ennemi a sa part, mais il ne faut pas confondre les choses, et appliquer à tort des paroles si sérieuses.

Quant à la question, si l'on peut ou non appeler nos réunions «l'Eglise», et pourquoi; je réponds que, si ce n'était que l'emploi du mot, rien ne serait plus simple. Eglise, veut dire assemblée; et si deux ou trois sont réunis sur le principe de l'unité du corps de Christ, selon sa volonté, il y a une assemblée de Dieu. Si d'autres chrétiens ne veulent pas venir, c'est leur faute et leur perte. La difficulté que j'éprouve d'appeler une réunion de frères une église, est entièrement pratique une telle réunion est une assemblée de Dieu, et, si elle est fidèle, elle jouira de tous les privilèges essentiels, mais aussitôt qu'on dit: Nous sommes l'Eglise de Dieu, il y a toujours là un esprit sectaire; on considère les chrétiens qui n'en font pas partie comme étant hors de l'Eglise. Dans l'état de dispersion et de confusion où les chrétiens se trouvent à l'heure qu'il est, l'effet de cette pensée est des plus fâcheux.

L'assemblée de Dieu d'une localité se compose de tous les chrétiens qui s'y trouvent. Or l'ignorance et les préjugés les empêchent souvent de se réunir; ils ont tort, mais la puissance que nous possédons, nous, ne suffit pas pour les rassembler; et aussi longtemps que nous ne l'aurons pas, il ne nous convient pas de nous parer de ces beaux titres qui appartiennent de droit à l'assemblée de tous les enfants de Dieu. Le résultat serait que la majorité des enfants de Dieu se trouverait en dehors de l'Eglise de Dieu.

Pour ce qui regarde Galates 6: 17, la pensée est celle-ci, je crois. On mettait partout l'apostolat de l'apôtre en question, il justifie son titre à ce ministère. Or vous savez qu'on met des marques, les initiales du propriétaire, etc., sur le bétail, et on les mettait, dans ces jours-là, sur les esclaves. Or Paul avait, dans son corps, les marques qui restaient des coups qu'il avait reçus pendant son service, et il fait allusion à ces marques pour montrer qu'il avait les preuves de son apostolat sur son corps même, comme esclave de Christ.

Quant à 2 Corinthiens 4, il avait parlé, au chapitre 3, du reflet de la gloire de Dieu en la face de Moïse: ce reflet a dû être voilé. La loi était insupportable à l'homme. Mais la gloire de Dieu, manifestée dans la personne de Jésus ressuscité (comme Paul l'avait vu), tout en étant plus glorieuse, montrait que les péchés avaient été ôtés, car Celui qui les avait portés était dans la gloire de Dieu. Ainsi, on pouvait la contempler, car Jésus est dans cette gloire, parce qu'il a accompli la rédemption de celui qui la contemple. Or Dieu avait fait luire cette gloire dans l'apôtre, pour la faire briller au dehors par son moyen, pour manifester la connaissance de cette gloire.

Quant aux tables tournantes, je trouve que c'est une chose très fâcheuse. Si Dieu a donné une puissance aux nerfs, qui fasse tourner une table, comme il en a donné une pour lever le bras, je l'accepte comme fait, comme tout autre fait, comme j'accepte le fait du télégraphe électrique; mais aussitôt qu'on prétend faire parler les tables, c'est autre chose: on prétend faire revenir les âmes. Or Dieu ne nous a pas donné puissance sur les âmes, mais il a laissé au diable puissance sur ceux qui ne marchent pas avec lui. Ainsi, au lieu de faire revenir les âmes ou de les faire parler, là où on ne se fait pas illusion, on se place sous la puissance du diable, et on écoute sa tromperie. Je trouve fâcheux de faire même tourner les tables comme on le fait, en supposant que c'est purement une force physique donnée de Dieu, parce que lorsqu'on le fait de la sorte, je ne crois pas qu'on le fasse au nom du Seigneur Jésus; mais lorsqu'on prétend les faire parler, je trouve que c'est une profonde iniquité et s'amuser, si l'on ose le dire, avec le diable, et ce sera sûrement aux dépens de ceux qui le font. Je ne crois pas qu'on pratique ces choses impunément; dans les Etats-Unis, nombre de personnes sont devenues folles par ce moyen. Dieu est plein de miséricorde, et il peut, je le sais, nous épargner; mais celui qui s'amuse avec l'Ennemi ne peut pas compter sur la sauvegarde de Dieu.

Le Seigneur vous bénisse, bien-aimé frère, et vous aide dans votre travail pour son nom. Je suis très occupé, mais c'est un plaisir pour moi de communiquer ainsi avec vous.

Nous n'avons plus, pour ce qui est de notre traduction, qu'à terminer les Actes et l'Apocalypse, de sorte que, Dieu aidant, elle sera bientôt prête. Il faudra naturellement tout relire.

Les frères ici sont bien et heureux; il n'y a pas eu depuis l'année passée beaucoup de conversions.

Saluez bien les frères, les deux familles A., et la famille F.; je me souviens de leur bonne hospitalité avec plaisir. Saluez V. aussi, si vous le voyez, et le frère S., s'il arrive; et recevez vous-même, cher frère, l'assurance de ma cordiale affection fraternelle. A travers bien de la faiblesse, je jouis beaucoup de la Parole, et, je l'espère, du Seigneur tous ces temps-ci. La Genèse, les Psaumes, ainsi que Jean, m'ont beaucoup édifié, et en particulier l'histoire d'Abraham comme vie de foi et de communion, et de Joseph comme grâce et intégrité au milieu des torts et du mal.

Saluez aussi F. et C. — Paix vous soit.

Votre bien affectionné frère.

Lettre de J.N.D. no 8 – ME 1891 page 146

Darby J.N.

 

à Mr M.

17 mars 1858

Bien cher frère,

Votre lettre m'a réjoui. Je vous comprends parfaitement, et d'autant plus facilement que je crois que les frères d'ici font la même expérience, et que mon ministère en ce lieu-ci se rapporte à ce point de vue. Grâces à Dieu, les frères vont bien, et sont en général heureux; leur nombre a bien augmenté à Londres et en beaucoup d'autres endroits, et les conversions n'ont pas manqué et ne manquent pas. Toutefois, la première joie et le premier effet de vérités nouvelles et précieuses avaient baissé. La puissance de ces vérités sur la conscience, dans la patience de la foi, est notre affaire maintenant, je ne crois pas, son nom en soit béni, que Dieu nous laisse sans témoignage, mais, sous ce rapport, il y a bien à faire, en cherchant à élever la foi pratique des âmes à la hauteur de l'excellence et de la joie des vérités que notre Dieu nous a communiquées. Seulement souvenez-vous, cher frère, que la grâce du Seigneur nous suffit, qu'il aime son Eglise, qu'il prend son plaisir dans ses saints. Ainsi nous pouvons compter sur les soins de son amour. Ce que nous avons à chercher, c'est l'esprit d'intercession, — certains qu'il nous exaucera en bénissant son Eglise. La vérité s'étend maintenant bien au delà des limites des réunions des frères: réjouissons-nous en; si c'est par un esprit de dispute, réjouissons-nous en (*). Ce que nous avons à chercher, c'est de marcher dans la puissance de ces choses. Dieu saura maintenir son témoignage par ce moyen, et nous aurons dans le coeur la joie de son approbation.

(*) Comparez Philippiens 1: 12 et suivants

Au reste, ce dont vous parlez se fait jour partout. En Allemagne, les plus pieux et les plus fameux docteurs et professeurs déclarent publiquement ce qu'ils appellent «la sacrificature universelle des chrétiens»; ils entendent par là que tous peuvent exercer un ministère, selon leurs dons, que tous peuvent administrer les sacrements; seulement ils cherchent à montrer que les âmes débonnaires et pieuses ne s'en soumettront pas moins aux institutions humaines. Ils disent même que ce qu'on appelle les principes des frères (ils ne nomment pas les frères), forment la seule partie divine du ministère; tout le reste est humain. Mais, si Dieu agit, évidemment tout cela aidera à émanciper les âmes. Ce que je crains bien davantage, c'est que les frères se contentent d'être reconnus, au lieu d'agir et d'aller plus avant (sans étroitesse) selon leurs principes, de manière à demeurer un témoignage, et un témoignage toujours croissant, au lieu de s'enfoncer dans le monde, car cela ferait perdre sa saveur au sel. La seule valeur du sel est sa saveur; s'il la perd, il n'a aucune valeur quelconque.

Voici ma réponse à vos questions:

Je n'aurais pas de difficulté à être juré; je ne pourrais être juge, parce qu'un juge doit décider d'après des principes tout à fait étrangers au christianisme et au Nouveau Testament; mais le juré ne prononce que sur le fait, service très désagréable de toute manière, mais dans lequel on est soumis aux puissances établies. Comme juré, je ne dis pas autre chose si ce n'est que tel est le fait; j'éviterais de l'être, si je le pouvais; je me soumettrais, si je ne pouvais autrement.

Quand au verset 3 du chapitre 5 de la seconde épître aux Corinthiens, je l'entends comme vous pour le fond. C'est comme si l'apôtre disait, — car les Corinthiens laissaient à désirer quant aux preuves qu'ils donnaient de la vie spirituelle (comparez 1 Corinthiens 10, où l'apôtre suppose qu'on peut jouir des privilèges extérieurs sans avoir l'approbation de Dieu et la vie), — je parle, bien entendu, des vrais chrétiens, qui, lorsqu'ils revêtiront de nouveau le corps, ne seront pas nus quant à Christ et à la justice divine.

Je crois que Jacques 1: 9-12, parle des relations ordinaires des chrétiens. Le frère pauvre se trouve élevé et associé avec des personnes autres que ses compagnons selon le monde, le riche de son côté descend et se trouve l'heureux compagnon des héritiers de la vie avec lesquels, s'il n'avait pas été chrétien, il n'aurait pas eu les mêmes rapports. C'est un gain des deux côtés, car la façon et tout le train de ce monde passe. Le chrétien est tout content de respecter les convenances d'un monde dont il ne fait pas partie. Il laisse toutes choses où la providence les a placées. Il n'est pas jaloux des avantages d'un monde éloigné de Dieu. Il accepte ses arrangements, où qu'il se trouve, mais il est heureux d'y échapper par la grâce; et, au lieu de se tenir avec raideur, dans les formes qui nourrissent la vanité et la chair, il vit dans le témoignage continuel que ses joies, sa société, sa conversation sont ailleurs. C'est un immense avantage. Ce n'est pas la haine qui ferait descendre les autres, mais la douce conscience que nous sommes frères pour le ciel et pour l'éternité.

Je crois, quant aux versets 18 et 19 du chapitre 22 de l'Apocalypse, que le caractère du livre prête beaucoup à ce que l'homme y mette sa main et introduise les fruits de son imagination, et que Dieu a permis que, dans un témoignage aussi solennel, une sauvegarde spéciale fût placée à la fin où il y aurait grand danger que l'homme corrompît la Parole. Effacer du livre de vie — n'est pas ôter la vie. Le livre de vie est comme un registre: chacun qui s'y trouve placé est censé avoir droit aux choses dont il s'agit dans la liste, mais ce n'est pas une preuve définitive. De prime abord, chacun qui est enregistré a droit à ces choses, mais, si l'on démontre qu'il n'a pas ce qu'il faut pour être enregistré, on biffe son nom. Il n'est jamais dit que celui qui a la vie la perdra, bien au contraire; mais on peut être inscrit sur les registres publics (comme figure), comme l'homme de Matthieu 22: 12-14, qui était entré au festin sans robe de noce, — et être mis dehors.

Paix vous soit, cher frère. Je suis toujours heureux de recevoir vos lettres et d'avoir des nouvelles de nos chers frères de la montagne et de l'Ardèche.

Dieu nous ouvre des portes en Hollande: il y a cinq réunions au nord; les frères sont traduits devant les autorités, mais Dieu est là.

Saluez beaucoup nos frères A., P., F., F., et tous les frères.

Votre bien affectionné.

Lettre de J.N.D. no 9 – ME 1891 page 163

Darby J.N.

 

à Mr M.

3, Lonsdale Square, Londres, 30 janvier 1859

Bien cher frère,

J'ai appris indirectement que vos réunions ont été interdites, pour le moment du moins.

Je n'ai guère besoin de vous dire que ma pensée est avec les frères dans cette circonstance, et combien j'ai à coeur qu'ils soient de toute manière dirigés de Dieu dans ces difficultés. Déjà nous avons prié pour eux ici, et j'ai foi en Dieu, qui est au-dessus de tout et qui aime ses enfants et ne retire pas ses yeux de dessus les siens, qu'il prendra soin de vous et fera éclater sa grâce, et aussi sa gloire, en votre faveur. Tenez-vous, je vous en supplie, tous près de lui, afin que vous sachiez ce qu'il y a à faire en son nom, et que vous soyez encouragés, et que la clarté de sa face soutienne votre foi. Son appui vaut mieux que tout le reste. Ces choses n'arrivent pas par hasard, et rien n'échappe à Dieu. «L'affliction» est-il dit, «ne sort pas de la poussière»; et quels que soient les instruments, ce ne sont pas les habitants de ce monde qui en dirigent le cours. Pas même, en premier lieu, l'ennemi de nos âmes; c'est Dieu qui dit à Satan: «As-tu considéré mon serviteur Job?» — Dieu voyait que Job avait besoin de passer par l'affliction: l'ennemi lui-même n'était qu'un instrument. Les circonstances dans lesquelles les frères se trouvent, seront, sans doute, une épreuve, mais là où la grâce (que ce soit en tous!) opère dans les coeurs en bénédiction, on sent qu'on n'est pas de ce monde. Le coeur est mis en demeure de se dire: Est-ce que je m'attache à Christ pour l'amour de Christ, pour le suivre, parce qu'il a les paroles de la vie éternelle car, le suivre, c'est le servir, comme il dit; — ou bien suis-je disposé à accepter la marche du monde, tout au moins à transiger avec lui, pour avoir du repos dans le monde? — Question sérieuse pour le coeur. Je n'ai pas besoin de dire que, sauf dans les choses où la parole de Dieu engage la conscience, on doit se soumettre aux autorités, mais on ne transige pas avec le monde dans les choses de Dieu, pour rendre sa marche en apparence plus facile; — je dis, en apparence, car un pas en amène un autre, et on trouve toujours plus difficile de s'arrêter. Oh! que Dieu donne aux frères un esprit calme, patient; qu'ils s'attendent à Dieu, et qu'ils comptent sur lui, bien assurés qu'il ne retire pas ses yeux de dessus les justes, et qu'il interviendra quand le moment opportun arrivera! Qu'ils aient toute douceur, mais de la fermeté, en s'attendant à Dieu, et qu'ils s'adonnent à la prière! Il est impossible que Dieu abandonne les siens, quoiqu'il les éprouve. Oh! que Dieu tourne cette épreuve en bénédiction, et qu'elle pousse les frères vers Dieu et les rapproche de lui; qu'elle rende leur vie spirituelle plus profonde, et qu'elle soit le moyen de les amener à s'entretenir davantage avec Dieu.

 Je vous écris, cher frère, plutôt pour vous témoigner combien je prends part à votre épreuve, et vous dire que vos frères pensent à vous devant Dieu. Je compte sur lui; je n'ai jamais trouvé qu'il ait manqué aux siens, — jamais!

Saluez affectueusement tous les frères. Qu'ils prient beaucoup; cela leur donnera de la douceur et du courage en même temps. Ce n'est rien de nouveau que les chrétiens souffrent pour Celui qui les a tant aimés. Dieu a pris soin de ses chers enfants en France, jusqu'à présent; il ne change pas, et si les frères sont fermes et patients, ceci tournera en bénédiction positive. Que Dieu les garde! Il agit en France et ailleurs; je ne crois pas qu'il retire son témoignage. Il peut discipliner, pour que les frères rendent un témoignage plus net, plus brillant, plus céleste, mais il ne délaissera pas et n'abandonnera pas les siens qui se confient en lui. Ici, les frères vont bien, grâces à Dieu; ils augmentent beaucoup en nombre, et, je l'espère, en piété. Au reste, ils sont encouragés et heureux.

Encore une fois, saluez les frères avec l'assurance de mon affection fraternelle, je devrais dire de la nôtre.

Votre bien affectionné frère en Christ.

Lettre de J.N.D. no 10 – ME 1891 page 189

Darby J.N.

 

à Mr M.

Londres, 10 mars 1859

Bien-aimé frère,

Je vous remercie des nouvelles des frères que vous m'avez envoyées, et je bénis Dieu, de tout mon coeur, pour sa bonté envers eux, car en effet, ses voies ont été pleines de grâce à leur égard. Saluez-les de ma part. — Notre frère S. m'a aussi envoyé des nouvelles du cher P. La main de notre Dieu a été manifestée en sa faveur d'une manière qui rappelle ce que nous ne devrions jamais oublier, sa fidélité envers ses enfants. Pourquoi en douterions-nous? Il a pensé à nous avant que nous ayons cru en lui. Il est doux de compter sur lui en tout temps. Il est de toute importance que les chrétiens sachent en ces temps-ci s'appuyer directement sur lui, demeurer en lui, et puiser des forces dans sa communion.

J'arrive à vos passages, cher frère.

(1 Corinthiens 5). Cet homme était livré à Satan pour le salut de son âme. L'homme, même un apôtre, ne peut rien faire pour le jugement final d'un autre homme; il n'a rien à y voir. Mais je ne dis pas que, dans le cas qui nous occupe, ce fût seulement une peine corporelle. Le coupable a pu être très angoissé dans son esprit jusqu'à ce que sa volonté ait été brisée à l'égard de son péché. Le Saint Esprit est dans l'Eglise, — Satan, dans le monde. Ainsi, il n'y avait pas, pour cette âme, la sauvegarde contre les assauts de l'ennemi dont on jouit dans l'assemblée; mais bien que l'homme fût livré à Satan, l'action de celui-ci était bornée à ce qui devait produire l'effet voulu de Dieu. Le livre de Job nous instruit quant à ces voies de Dieu, seulement le Saint Esprit étant dans l'Eglise, — ici, puissamment dans l'apôtre, — ce dernier agit selon les voies de Dieu avec autorité, une autorité donnée pour l'édification, non pas pour la destruction. Que l'homme, par le Saint Esprit, ait pu agir ainsi, est d'une immense importance. — D'un autre côté, le jugement que Job portait sur lui-même était par l'Esprit de Dieu. Mais il y a, dans le chrétien qui a péché, une inquiétude dans laquelle Satan joue un grand rôle jusqu'à ce que la volonté soit brisée, celui qui a péché est misérable tout en s'irritant contre le peuple de Dieu, jusqu'à ce qu'il confesse ses péchés.

(1 Corinthiens 11: 27-29). Le jugement vient ici de ce que l'on s'est rendu coupable à l'égard du corps et du sang du Seigneur.

Je pense partir la semaine prochaine pour la Suisse. L'impression de la traduction du Nouveau Testament est achevée, ou s'achève en ce moment, et la préface, les errata, etc., seront plus faciles lors de ma venue que par lettre.

Paix vous soit, bien-aimé frère. Quant à ma santé, je vous remercie d'y avoir pensé. Je suis bien, mais le travail m'a fatigué corporellement, et la grippe a ajouté à cette fatigue. A Londres, le travail est énorme. Outre les articles pour les publications des frères, la correspondance, etc., je travaille habituellement de cinq heures du matin à onze heures du soir, et je ne suis plus jeune. Ce que je trouve fatigant, c'est que cela ne cesse pas un instant. On passe d'une chose à une autre, sans relâche. Grâces à Dieu, l'oeuvre va bien, et certainement le Seigneur se sert du témoignage des frères. Leur nombre augmente constamment, et l'oeuvre s'étend en province. Il ne se passe guère de semaine sans qu'il y ait plusieurs conversions, et je crois que l'oeuvre devient toujours plus profonde. Lundi, nous avons eu une bonne réunion de prières, un peu générale, pour Londres, où il y a 11 réunions, qui marchent toutes ensemble, comme une seule. Nous étions au moins 250; il y avait beaucoup de sérieux, et on sentait que les frères demandaient à Dieu, de coeur et en simplicité, un dévouement plus complet.

Saluez affectueusement tous les frères qui sont autour de vous; je les remercie de leur bon souvenir. Paix vous soit, cher frère, et que notre Dieu bon et fidèle, bénisse tous les bien-aimés frères autour de vous.

Votre affectionné.

Lettre de J.N.D. no 11 – ME 1891 page 229

Darby J.N.

 

à Mr M.

Londres, 19 décembre 1859

Bien cher frère,

J'ai été réjoui de recevoir de vos nouvelles et de celles de nos frères de X. J'avais appris que F. vous avait visités et je suis très heureux que vous ayez pu jouir de son ministère au milieu de vous. Cela encourage et édifie.

Je commencerai par vous dire un mot du réveil en Irlande, — qui s'est étendu en Ecosse et un peu dans le pays de Galles. C'est une oeuvre des plus extraordinaires. Des centaines de personnes ont été converties sous un vieux hêtre, dans la campagne d'un de nos frères; mais c'était, comme il est dit d'Israël aux derniers jours, — «comme la rosée qui n'attend pas l'homme». Cela s'est fait par la prédication, sans la prédication, et de toute manière, seulement les nouveaux convertis étaient pleins de Jésus. Un de nos frères a remarqué qu'aucun des convertis, et il y en a eu beaucoup, n'attribuait son réveil à un instrument quelconque, Dieu les avait visités. Jésus s'est révélé à eux; tous ont la certitude de leur salut, et sont heureux. Après six mois d'épreuve, très peu sont rentrés dans le monde, pas un sur cent, là où j'ai eu connaissance des détails et dans l'endroit où peut-être le plus grand nombre a été visité par la grâce. L'effet sur la population non convertie a été frappant, à Belfast, ville de 120 000 habitants: il y avait un cirque où 30 personnes assistaient au spectacle, tandis qu'au même moment 2300 se trouvaient à la réunion de prière, outre une foule qui ne put entrer. Il faut ajouter que c'est un peuple adonné à la boisson. Un jour de marché, une auberge, dans un petit bourg, a fait une recette de 1500 à 1700 francs; 12 aubergistes ont été convertis pendant le réveil; la même chose est arrivée ailleurs. Dans le petit district de Coleraine, la taxe sur les boissons fortes a diminué de 10 000 francs par mois; dans les fabriques, au lieu de s'amuser et de faire des sottises aux heures de relâche, on avait des réunions de prières. Souvent, pas toujours, les personnes convaincues de péché tombaient sans force sur le carreau, poussant des cris, implorant la miséricorde de Dieu, et invoquant le nom de Jésus, — incapables de se tenir debout; on les transportait ailleurs et ou priait avec elles. Cela est arrivé à 100 personnes dans une seule réunion. Quelquefois cela n'arrivait pas pendant la prédication; on restait pour prier, et l'on tombait frappé. Cela n'a guère produit d'excitation, point d'évanouissements de femmes, mais il y avait une grande solennité, la conscience de la présence de Dieu. On a trouvé des personnes gisant sur la route à 2 ou 3 heures du matin. Un homme entre à Belfast dans un cabaret, pour boire: il tombe sur le plancher et crie en demandant miséricorde; d'autres entrent, et en voilà cinq dans le cabaret par terre, implorant la miséricorde de Dieu. Il y a eu quelques cas d'une espèce d'extase. J'ai vu une jeune fille qui est restée 19 heures sans bouger, n'ayant aucune conscience de ce qui se passait autour d'elle; elle ne dormait pas. Plus tard, elle est sortie de cet état très heureuse, et disant qu'elle était très heureuse tout le temps. Quelques personnes sont restées une semaine sans manger. Une jeune fille a dit: «Si je tombe, que je ne me relève jamais!» Elle est tombée dans son jardin, n'a pu se relever, et est morte dans les 24 heures. Un jeune homme était convenu avec d'autres jeunes gens qu'il prétendrait être frappé, et demanderait aux autres de prier autour de lui (comme on le faisait généralement). Des personnes sérieuses s'approchèrent pour les voir, il était mort. Ceci a été bien constaté; on en a douté, la chose a été examinée et trouvée parfaitement exacte. Les catholiques romains qui ont été frappés, et il y en a un certain nombre, ne voulaient entendre parler que du Seigneur Jésus et demandaient aussitôt les Ecritures. Ceux qui niaient la divinité de Jésus et l'expiation (les sociniens,) admettaient ces vérités tout de suite. On ne tombait pas toujours. Pendant que j'étais dans le nord de l'Irlande, un de nos frères est allé prêcher à une certaine distance dans la grange d'un homme pieux; dans la première soirée, 16 personnes sont tombées converties; dans la seconde, 16 ont été converties, mais aucune n'est tombée.

Ces détails peuvent vous donner quelque idée de ces scènes remarquables. Je pense bien que là où les conversions n'ont pas été réelles, les gens rentreront dans leurs allures ordinaires, — peut-être la boisson sera moins l'habitude de la population, mais je crains que ce ne soit en résultat un jugement sur l'église professante. Je ne crois pas qu'elle ait été amenée à croire que l'Esprit de Dieu est dans l'Eglise. Déjà le clergé cherche à arrêter le ministère des gens non consacrés, car une entière liberté a existé par la puissante action de l'Esprit. Les ministres consacrés écoutaient souvent dans leurs temples ou leurs chapelles, et les nouveaux convertis appelaient le monde, en le suppliant de venir à Jésus. Mais les derniers jours s'approchent, et Dieu se montre en bonté; on a vu qu'il n'est pas loin de nous. Que Dieu vous bénisse, cher frère, en vous consacrant entièrement à l'oeuvre. Il nous a suscité ici quelques bons ouvriers: un capitaine de l'infanterie de marine, qui a quitté le service et tout ce qu'il y a dans le monde; un ministre national aussi, qui a laissé les systèmes et s'est mis à l'oeuvre en venant au milieu de nous. A Londres, dans le voisinage, et ailleurs, nous avons eu quelques gouttes de cette bonne pluie qui est tombée en Irlande; sans doute, nous avons nos épreuves aussi, mais Dieu, dans sa bonté, est avec nous.

Quant à vos questions, cher frère, un «mystère» dans le Nouveau Testament, est une chose connue par la révélation, mais inconnue sans elle; une chose à laquelle on est initié par le christianisme. Ainsi «le mystère de la foi» est l'expression de ces divines vérités que nous ne connaissons que par la foi en Christ.

J'ai écrit, en anglais, un article sur la justice de Dieu, que Mr R. a traduit. La justice de Dieu est la justice parfaite qui est en Dieu lui-même, mais elle a été démontrée en ce que Dieu a placé Christ à sa droite (Jean 16: 10) (je ne parle pas de la condamnation, dans laquelle elle sera manifestée aussi), parce que Christ l'a parfaitement glorifié. Il a glorifié Christ en lui-même (Jean 17: 4, 5; comparez 13: 31, 32); voilà la justice! Or l'oeuvre de Christ a été accomplie selon la volonté et les conseils de Dieu à notre égard: ainsi elle est valable pour nous. Dieu est juste en nous pardonnant, et comme Christ a été fait péché pour nous, a pris cette place devant Dieu, nous avons sa place devant Dieu, — nous sommes faits «justice de Dieu» en lui. Nous nous trouvons avoir, selon la justice de Dieu, la même place que lui devant Dieu: il est notre justice. Il a pris cette place en justice, comme homme; c'est la nôtre, en justice, par lui; — et Dieu est juste, c'est sa justice de nous placer là, autrement Christ n'aurait pas le fruit du travail de son âme. Ainsi en possédant la gloire, nous sommes «faits la justice de Dieu en Christ». Dieu est juste en ce que nous y sommes. Merveilleuse vérité! — envers nous, grâce infinie, mais justice, en tant que Christ l'a mérité! C'est la gloire de Jésus de nous avoir là.

«Ceux de la synagogue de Satan» (Apocalypse 3: 9), et il y en avait historiquement, étaient de vrais Juifs, s'appuyant sur la religion de la chair. Je crois qu'à la fin il y aura des gens qui auront ce caractère, sans qu'ils soient Juifs de race, des gens qui, comme vous dites, judaïsent, non par ignorance, mais en s'opposant à la vérité. Je crois que la formation de Philadelphie a pour effet de laisser la masse professante dans l'état de Laodicée. Vous remarquerez que la menace à Laodicée n'est pas mise à exécution; l'accomplissement peut avoir lieu après l'enlèvement, la menace a lieu avant.

Quant aux versets 17 et 18 de ce même chapitre, ils dépeignent, sans doute, les choses qui subsistent actuellement, mais quand elles sont arrivées au terme de la patience de Dieu, ce qui n'est pas encore le cas. Je ne doute pas qu'après l'enlèvement de l'Eglise, l'état de dégradation de ce système ne soit complet (voyez 18: 2; comparez Jérémie 51). Le jugement arrive aussitôt qu'il en est ainsi.

J'écris à la hâte. — Saluez, je vous prie, très affectueusement les frères. Je pensais être en France avant aujourd'hui; Dieu voulant, j'y arriverai cette semaine.

Votre tout affectionné en Jésus.

Lettre de J.N.D. no 12 – ME 1891 page 249

Darby J.N.

 

à MM. de M. et G.

20 décembre 1863

Chers frères,

Ce que vous me présentez comme motif de votre démarche, en m'adressant la demande de consentir à une conférence, n'a aucun fondement dans les faits. Mr de M. a dû en convenir. Je suis peiné d'être forcé de relever cette erreur, mais, dans les tristes circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, il importe d'être exact. Quoique ce soit là pour mon coeur un triste commencement de correspondance, je passe outre. — Vous attirez mon attention sur la doctrine émise dans mes écrits et, si vous y ajoutez le fond de l'article incriminé qui se trouve dans l'Echo du témoignage, je n'ai aucune objection à accepter la responsabilité de ce qui y est enseigné. Mais vous savez, chers frères, que dans une lettre qui est une accusation portée contre tous les frères de toutes les assemblées de la Suisse, les doctrines que j'ai enseignées sont traitées comme des profondeurs de Satan, si évidentes qu'il ne s'agit pas de prier d'être éclairé sur ces doctrines, mais d'en être gardé.

Parler après cela de discussion est un peu singulier, me semble-t-il, et hors de sa place.

Mais si Mr G. tient à reproduire ces accusations devant les «frères à l'oeuvre et des frères recommandables par leur âge, leur expérience et leur piété», et que Mr G. réussisse à les réunir, je ne manquerai pas de comparaître pour répondre à ces accusations sous le poids desquelles je me trouve placé, en arrivant en Suisse. Quant aux faits qui se rattachent à la division survenue dans l'assemblée des frères à L., cette division est arrivée pendant mon absence en Amérique et, sauf le fait général qu'il y avait des difficultés à L., et qu'on accusait ma doctrine, j'ignorais tout jusqu'au moment de mon arrivée en Suisse. Je laisse donc tout cela à ceux qui y ont pris part, c'est à eux à décider s'ils veulent s'en rapporter à une conférence. Je me borne à dire que, si l'on tient à m'accuser au sujet de mes doctrines, je comparaîtrai pour répondre sur ce point, si une telle réunion s'y prête. Mais j'ajoute une remarque, à mes yeux très importante. Je nie hautement et absolument la compétence d'une conférence quelconque pour décider le plus petit point de discipline ou de doctrine pour la plus petite assemblée de la Suisse. Une telle réunion peut tendre à écraser par le poids de son opinion la conscience d'une petite réunion fidèle, elle peut soulever des questions et des difficultés pour toutes les assemblées, mais elle n'a aucun droit de résoudre la plus petite question, aucune compétence pour le faire. Le Seigneur lui-même a placé la responsabilité et l'autorité ailleurs. Il a promis sa présence à une assemblée réunie en son nom — non à une conférence rassemblée pour discuter. — La responsabilité repose sur les troupeaux, l'autorité s'y trouve, non que les individus aient cette autorité, mais parce que le Seigneur y a promis sa présence, et à moins de renier une assemblée comme assemblée (je ne parle pas des réclamations fraternelles qui, je le pense, sont toujours permises, étant faites dans l'amour), j'accepterais le jugement disciplinaire de la plus petite assemblée marchant dans l'unité de l'Eglise, dans les choses qui la regardent. Dans le cas actuel, vous parlez des faits qui se rattachent à la division survenue dans l'assemblée de L. Est-ce que la conférence doit prononcer son jugement sur ces faits et sur les individus qui y ont pris part? Supposons qu'on accuse Mr G. d'avoir chassé les autres ouvriers et une partie de l'assemblée par sa manière d'agir, ainsi que cela aura probablement lieu, est-ce que la conférence décidera la question et prononcera sur une longue suite de petits détails qui ont eu lieu dans le courant de plusieurs années? Mr G. aura naturellement aussi ses griefs. Or si une conférence composée de frères à l'oeuvre et de frères d'expérience, entre dans ces questions et arrive à une résolution quelconque, c'est un synode presbytérien. Vous me direz: Pourquoi supposer cela? Je réponds: Parce que vous en parlez dans vos lettres qui s'y rapportent, dont l'une dit que le temps est venu d'en appeler au jugement d'une conférence, tandis que l'autre demande que les faits qui se rattachent à la division survenue à L. soient examinés dans une conférence. Je ne dis ces choses qu'à titre d'observation. J'ai répondu directement pour ce qui me concerne. Je répondrai aux accusations qu'on a portées contre moi, si les frères trouvent bien de se réunir pour les considérer. Qu'une conférence se tienne là où il y a de la confiance, soit pour l'édification comme nous en avons souvent eu, soit pour examiner quelque question, lorsque cette confiance existe, je le comprends. Mais une conférence dans le but de juger la conduite soit de Mr G., soit de ceux qui l'ont quitté — c'est tout autre chose.

Si l'on prend une décision, quelle conscience serait, selon la Parole, liée par cette décision? Si l'on n'en prend pas, comment la confiance y gagnera-t-elle? Pour ma part, je désire ardemment l'union et la confiance, mais pour cela, je crois qu'il s'agit de l'état des âmes devant Dieu. C'est à d'autres à juger si une conférence où l'on s'accusera l'un l'autre y contribuera.

Votre affectionné frère…

Lettre de J.N.D. no 13 – ME 1891 page 276

Darby J.N.

 

à Mr M.

Londres, 18 septembre 1861

Bien-aimé frère,

Je commence par vos questions. Il y a un gouvernement de Dieu, et cela, me semble-t-il, sous un double rapport: 1° des lois générales auxquelles, sauf délivrance spéciale, les saints sont soumis comme les autres ce qu'on sème, on le moissonne. 2° la discipline particulière à laquelle les chrétiens sont soumis «Il ne retire pas ses yeux de dessus les justes». Même le jugement du grand jour est le résultat du gouvernement de Dieu (Romains 2: 6-10). C'est là un principe qui tient à la nature immuable de Dieu lui-même, seulement les saints n'existent que par la grâce. La grâce souveraine de Dieu n'affaiblit jamais ces principes, mais, en nous amenant à vivre selon eux, elle nous introduit dans une position où ils feront notre joie et notre bonheur. La grâce spéciale ne peut jamais être la négation du caractère de Dieu; mais elle nous rend tels, que Dieu nous bénit selon ce caractère. Il y a bien plus que cela dans la grâce, mais la grâce fait cela. Ce qui jette de l'obscurité sur le sujet, c'est qu'on n'est pas au clair quant à la grâce. Le chrétien est gouverné, après avoir été sauvé. Il est soumis au gouvernement de Dieu, sauf interposition spéciale de la part de Dieu (et pas un passereau ne tombe à terre sans notre Père); mais tout premièrement, il est sauvé et, partant, chrétien. La rédemption de son âme est parfaite, il a la vie éternelle; mais il a beaucoup à apprendre, beaucoup à corriger. Le gouvernement de Dieu s'occupe de lui, le discipline pour qu'il participe à la sainteté de Dieu. Ayant la vie, étant enfant, le chrétien devrait marcher comme enfant de Dieu, ne pas avoir un autre objet que Christ, ou une autre marche que celle de Christ. Marchant selon l'Esprit, il jouira de la communion du Père et du Fils.

J'ai été singulièrement frappé il y a quelque temps, en lisant l'épître aux Philippiens (qui nous fournit l'expérience d'un chrétien, d'un homme qui avait des passions pareilles aux nôtres), de ce que jamais il n'est question dans l'épître, ni du péché, ni de la chair (sauf pour dire qu'on n'a pas confiance en elle). L'Ecriture nous y présente le chrétien marchant selon la puissance de l'Esprit, et supérieur à la chair et à toutes les circonstances. Cela ne veut pas dire que la chair ne fût pas en Paul; il avait dans ce moment une écharde dans la chair: mais la marche normale du chrétien, c'est de marcher selon l'Esprit.

Maintenant, Dieu nous tient dans sa main, nous surveille, comme ses enfants, — nous instruit, nous corrige. «Père saint, garde-les en ton nom» dit le Seigneur. Il veut nous détourner du mal, broyer ce qui est dur, encourager par sa bonté. Il est important de remarquer que les devoirs et même les affections découlent d'une relation déjà établie; — et le fait qu'une relation ne peut se dissoudre, ne fait autre chose que rendre les devoirs perpétuels. Un enfant est nécessairement toujours enfant de son père; — c'est pourquoi il a des devoirs d'enfant, des affections filiales. Le gouvernement de Dieu à l'égard des chrétiens s'exerce en vue de cette relation, pour nous y maintenir, et nous y ramener, si nous manquons. Le salut est le salut, «par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés». Ensuite Dieu s'occupe, dans sa grâce immense, de la conduite des siens.

Pour ce qui regarde Romains 9: 4, Israël est appelé le premier-né de Dieu. Dieu l'avait appelé d'entre les nations pour être à lui. Ainsi, en Exode 4: 22, 23, et Deutéronome 14: 1, et en d'autres passages, comme Osée: «J'ai appelé mon Fils hors d'Egypte», si ce titre a été transporté à Christ lui-même et aux enfants selon l'Esprit, l'idée de la relation subsistait déjà à l'égard du peuple.

Quant aux soeurs dont vous me parlez, j'ai plus de difficulté à vous répondre, parce qu'il s'agit de foi. Je crois qu'une femme chrétienne aimerait beaucoup mieux laisser son avenir matériel à Dieu et ne pas se faire une position à part, même pour son bien: je n'en doute nullement; je crois que c'est le chemin de la foi. Mais je comprends que s'il y a des enfants, la prudence humaine pourrait penser aux enfants sans que ce fût de l'avarice, mais ce n'est pas la foi; si c'est pour garder l'argent pour soi, c'est de l'avarice, au fond. Je n'ai aucun doute que le chemin de la foi soit de laisser faire, et de ne pas séparer ses intérêts de ceux de son mari.

Quant à ma santé, cher frère, je vous remercie de vous en informer; je suis beaucoup mieux que l'année passée. Je pensais il y a un peu plus d'un an que ma carrière active était terminée. Dieu ne l'a pas voulu, et tout en vieillissant, je travaille comme par le passé. Je viens de faire une tournée dans l'est de l'Angleterre, d'où je suis revenu très heureux. Le nombre des frères augmente rapidement en beaucoup d'endroits, et de nouvelles réunions se forment. Dieu aussi, dans sa bonté, suscite quelques nouveaux ouvriers, quoiqu'il en manque toujours; mais, certainement, nous avons des sujets d'actions de grâce, et de l'encouragement de la part de Dieu. Qu'il nous donne d'en profiter pour le bénir et pour nous dévouer à son service. Je me réjouis de ce que Dieu vous bénit aussi. Mon coeur est avec les frères. Je vis, comme dit l'apôtre, quand ils sont fermes dans le Seigneur. Quoi qu'il nous manque bien des choses en fait de spiritualité, je crois que la venue du Seigneur a plus de puissance sur les frères que dans les temps passés; on sent que les temps se hâtent. Que Dieu veuille produire ce sentiment chez tous.

On m'a mandé que notre frère P. L. vient de mourir. Le voilà en repos et dans le ciel; on est heureux de savoir que ceux qui n'ont pas su marcher avec nous sur la terre sont du moins auprès du Seigneur lui-même dans le ciel. On m'a dit aussi que ce qu'on appelle l'église libre, fait des efforts pour s'établir dans vos montagnes. Que Dieu vous garde fermes dans la marche de la foi. Ce n'est qu'une triste copie du nationalisme, sans son prestige, un système aussi étroit que lui, et reconnaissant tout aussi peu la présence et l'action du Saint Esprit, et sans l'excuse d'être lié par des formes anciennes. Le nationalisme est l'incrédulité quant à cette présence et à cette action. L'église soi-disant libre, établit librement cette incrédulité, voilà tout. Mais pour tenir ferme et garder le terrain pour le Seigneur, il faut du dévouement, il faut que le Seigneur soit avec nous; autrement, ce qui est de la chair plaît à la chair, et l'on y court. Et pour avoir à cet égard le Seigneur avec nous, il faut que nous fassions son oeuvre, sinon, comment voulez-vous que la grâce n'opère pas ailleurs? Cela ne se pourrait pas. Que Dieu donne du dévouement aux frères, et par de meilleurs motifs que celui de tenir éloigné d'eux ce qui n'est pas selon sa grâce.

Saluez bien affectueusement tous les frères.

Paix vous soit. Que Dieu nous donne à tous de nous tenir près de lui; c'est là notre joie, notre sagesse et notre force.

Votre bien affectionné frère…

Lettre de J.N.D. no 14 – ME 1891 page 290

Darby J.N.

 

à Mr M.

Londres, 26 avril 1862

Bien-aimé frère,

J'ai mis bien du retard à répondre à votre lettre, quoique je fusse heureux d'avoir quelques mots de vous et quelques nouvelles des frères; mais j'ai été en course en Irlande, et plus occupé que de coutume avec les imprimeurs.

Ces incrédules dont vous parlez se sont montrés ici aussi, en Angleterre. C'est ce que j'en ai vu la dernière fois que j'étais en France (un ouvrage de Mr Renan sur Job) qui m'a poussé à écrire quelque chose contre eux, ici en Angleterre. Ce que j'ai vu, c'était que Satan cherchait à populariser l'incrédulité de la même manière dans les deux pays. En Allemagne, ces choses sont vieilles, et même on les abandonne; il y a une réaction assez forte contre elles; on en est fatigué, tandis qu'en France, et encore davantage en Angleterre, elles sont nouvelles. Je publie actuellement un volume de 450 pages, contre ces hommes (ce qui a été en partie mon occupation; L. F. à Valence, en a vu le commencement). Ils sont excessivement superficiels et faibles, mais plausibles pour ceux qui ne connaissent pas la Parole et sont prédisposés à l'incrédulité. Ils affirment des choses tout à fait fausses et controversées, mais la plupart des gens ne peuvent pas naturellement en démontrer la fausseté. Mais n'avons-nous pas appris à attendre de pareils jours et l'activité de Satan de ce côté-là? Il nous fallait apprendre ce que Dieu avait prédit, ce qui est doux dans la bouche, mais amer quand il faut l'expérimenter; mais voici la réponse: Christ ne veille-t-il pas sur sa propre maison? Abandonne-t-il son Eglise? A-t-il perdu de sa toute-puissance dans les cieux et sur la terre? Nullement. Il est aussi puissant, aussi plein d'amour, aussi affectionné à son Eglise que par le passé. Voilà notre bonheur et notre ressource. On peut compter sur lui; toute la rage de l'ennemi ne peut rien contre sa puissance, et n'échappe pas à sa vigilance. Notre grande affaire, cher frère, c'est de nous tenir près de lui et en toute simplicité de coeur et de compter sur sa bonté.

J'ai été instruit et édifié récemment par la lecture de la 2e épître à Timothée. Les chrétiens avaient abandonné Paul, pas exactement Christ, mais ils n'avaient pas la force spirituelle nécessaire pour tenir ferme en face de l'ennemi et demeurer à la hauteur de la marche fidèle de l'apôtre. Eh bien, nulle part nous ne voyons la même énergie, ou des exhortations aussi ardentes pour être de bon courage; cela se résume dans ces mots: «souffrir les afflictions de l'évangile, selon la puissance de Dieu». Ce sont des temps très heureux sous ce rapport. La marche chrétienne se dessine et se simplifie; et si l'ennemi travaille, Dieu travaille aussi.

Sous certains rapports, je craindrais l'église libre autant que les rationalistes. Je reconnais bien la différence; mais lorsqu'on a besoin de la puissance de Dieu, une marche à demi mondaine, l'absence d'une foi qui tranche avec le monde dans les choses de Dieu, affaiblit le chrétien plus que l'acharnement de ses ennemis, — avec 300 hommes, Gédéon pouvait vaincre; avec 30 000 d'une autre qualité d'âme, il ne le pouvait pas. Il s'agit, dans nos temps, d'une marche vraiment dévouée. Vous avez raison quand vous dites que ces messieurs ne sont pas en état de faire face aux rationalistes: ils ne reconnaissent pas franchement l'autorité absolue et l'inspiration parfaite et divine de la parole de Dieu. Ils transigent souvent, ils ne parlent pas avec la conviction profonde que cette Parole est la parole de Dieu. Aussi que voulez-vous qu'ils fassent?

C'est un peu plus ou un peu moins: ce n'est pas Dieu. Puis, ne reconnaissant pas les vérités qui se rapportent aux économies, ils ne savent pas comment répondre aux objections qu'on met en avant. S'ils parlent des Juifs comme étant l'Eglise, et avancent que tout est une seule et même chose, on peut montrer dans l'Ancien Testament des choses que le Nouveau ne reconnaît pas: le gouvernement de Dieu n'est pas sa grâce souveraine. Alors on jette sur Dieu la faute de sa propre ignorance. J'ai examiné ce que ces hommes ont allégué contre la Parole; je l'ai trouvé faible et mal fondé. Ils se répètent les uns les autres, sans examiner à fond ce qu'ils disent. J'ai pu m'en assurer, même quand ils parlent de la science. Ce qu'il nous faut maintenant, c'est le dévouement, c'est d'être pénétrés de l'autorité divine de la Parole, d'être imbus de la Parole; c'est de marcher dans la foi personnelle du Seigneur Jésus, et de lui obéir, en gardant ses commandements. Voilà le chemin du bonheur dans ces derniers jours, comme au reste dans tous les temps: affection sincère pour tous les chrétiens, mais les pieds dans le chemin étroit. On cherche beaucoup à nous faire sortir de ce chemin; cela a très mal réussi aux âmes qui ont tenté de suivre ces conseils. Sous prétexte de plus de largeur et même d'évangélisation, dans le mouvement souvent béni en détail, mais fiévreux, de ces jours, ils ont quitté le chemin tracé (j'en suis convaincu) par la Parole: la conséquence a été l'éloignement du Seigneur; quelquefois, hélas! la largeur du péché. Nous avons fait des expériences de ce genre ici, et, grâce à Dieu, avec de l'activité pour l'évangélisation, assez réjouissante; ceux qui avaient été entraînés un peu par l'excitation de ce qu'on appelle le réveil, en sont revenus, sauf un ou deux, qui n'ont pas bien tourné. Le genre du christianisme, là où il y a eu des conversions, est très faible, il y a eu très peu de conviction de péché: Dieu a agi, mais l'homme aussi beaucoup; Dieu, dans sa bonté, s'est servi de ce qui a été présenté, en plusieurs cas, pour la conversion des âmes et s'en sert encore pour rendre attentives les masses. Mais on comptait les convertis par les émotions, et naturellement, une foule de personnes n'ont été atteintes qu'en apparence. En Irlande, au commencement, l'oeuvre a été de Dieu, et Dieu y agit encore, l'homme y a été pour peu de chose, mais alors l'homme a voulu avoir une place, et dans une multitude de cas l'effet apparent a disparu avec l'émotion par laquelle il avait commencé. Toutefois Dieu agit, et beaucoup, sans cette excitation et en dehors d'elle. Les conversions se multiplient. Aussi les réunions des frères deviennent nombreuses, et de nouvelles se forment en bien des endroits. Nous avons eu quelque peine avec un frère qui prétendait à une élévation spirituelle, destinée à tout dominer; mais en général les frères vont bien; il y a de l'affection et de la vie.

Quant à Matthieu 7: 6, je crois que le Seigneur nous dit de ne pas présenter les choses spirituelles dont l'âme peut jouir lorsqu'elle est près de Dieu, aux moqueurs et aux incrédules. S'ils veulent écouter, ne leur présenter que l'évangile est bon; mais il y a des cas où cela même aussi est impossible. Il faut s'attendre à trouver dans ce monde des gens qu'on doit laisser à Dieu; la foi n'est pas de tous. Il faut, et c'est pénible, en prendre son parti dans ce monde; mais en aucun cas, on ne doit présenter ces choses aux hommes moqueurs, les choses que Dieu communique comme privilège à l'âme pieuse, ce qui a du prix pour lui en tant que chrétien qui a les confidences de son Maître.

Paix vous soit, cher frère; toujours heureux d'avoir de vos nouvelles et de celles des frères, je me recommande à leurs prières.

Votre affectionné frère en Jésus…

Lettre de J.N.D. no 15 – ME 1891 page 312

Darby J.N.

 

 à Mr M.

X., près d'Ottawa, 27 août 1863

Bien cher frère,

J'ai reçu aussi de la part des chers frères F. et C. quelques nouvelles de l'Ardèche et de la Drôme, mais j'ai été très heureux de recevoir votre lettre. Je me réjouis aussi de ce que vous ayez pu visiter le département de Saône et Loire; je ne pense pas que ce département ait été beaucoup visité. Vous auriez dû me donner un peu plus de détails; depuis le séjour de J. et d'un autre frère dont j'oublie le nom, à Chapelle Thècle, j'en ai eu peu de nouvelles.

Quant à l'oeuvre ici, Dieu a daigné, dans sa bonté, bénir mon travail. Il y a eu des conversions; plus d'une réunion qui ne faisait pas de progrès, a été affermie; le nombre des frères a augmenté, et l'oeuvre a pris plus d'ensemble et d'assiette dans le pays: il y a eu peut-être 120 personnes ajoutées. Ce pays n'est pas comme le vieux monde, mais, sauf quelques grandes villes, la population est disséminée sur une grande surface. J'ai visité une contrée de 1200 kilomètres de longueur, en largeur 200 kilomètres peut-être. Mais il y a des districts habités par des frères, où les cerfs et les castors parcourent encore le pays ou font des digues sur les terres que les frères ont à ferme, et où, il y a cinq ans, on trouvait aussi des ours. Dans ce temps-là, c'était une forêt interminable et, encore maintenant, la forêt couvre la plus grande partie du pays. Le long du lac, la contrée est cultivée.

Ici, près d'Ottawa, où je me trouve dans ce moment, Dieu nous a bénis. Un frère que nous aimions beaucoup, était enlacé dans une réunion aux trois quarts dissidente dans sa marche, bien que lui vît plus clair. Dieu, dans sa providence, a brisé tout cela; nous n'y étions pour rien; je m'attendais à Dieu, plusieurs frères de la réunion gémissaient. Ce frère étant absent à une conférence très bénie, que nous avons eue à 500 kilomètres d'ici, ceux qui formaient la réunion dissidente ont déclaré vouloir être dissidents réformés; à son retour, il les a quittés. Nous sommes ici une réunion d'au moins 60 personnes. C'était autrefois une petite poignée de 15 frères seulement. Le Seigneur ajoute chaque semaine de nouvelles âmes. Je crois devoir les quitter, en grande partie pour m'occuper du Nouveau Testament français; mais j'aimerais bien y rester davantage. Je pense visiter demain une réunion à Ottawa, nouveau siège du gouvernement. Il y a là un frère, ancien de l'église libre ou de l'église nationale, qui a reçu du bien à Toronto; il m'invite. Puis il y a une réunion, mais je ne sais si elle est fidèle; je l'espère; puis aussi à Clinton, il y a eu du bien quand j'y étais, à 550 kilomètres d'ici. Je pense me rendre à Détroit plus loin encore, dans les Etats-Unis, pour voir les frères français. Ils sont dans un triste état, je les ai déjà visités; ils sont venus principalement des contrées de Montbéliard. L'un s'est fait consacrer, pour obtenir plus de respect, par un Américain qui, du reste, ne comprend pas le français. Quelques-uns ont quitté la réunion. Il prêche un dimanche, on prend la cène l'autre. Enfin Dieu peut y mettre sa bonne main; cet homme parle bien, mais il n'a guère de sérieux, ni de spiritualité.

J'ai encore une ville à visiter, puis je pense tourner mes pas vers New-York et l'Europe, si Dieu me le permet; mais l'oeuvre est loin d'être achevée ici, même pour le temps présent. Peut-être Dieu me permettra de revenir l'été prochain, car il y a beaucoup à faire. A Hamilton où j'ai travaillé, et où Dieu a beaucoup béni mon travail, ils sont extrêmement heureux, et en général les réunions vont bien. Je ne sais si vous avez appris que deux ministres nationaux sont venus au milieu de nous; le ministre baptiste de Hamilton aussi, et un ancien de l'église libre du même endroit.

Voilà un court résumé de l'oeuvre, mais cela ne donne guère une idée de la bonté de Dieu; j'ai tellement senti que Dieu m'a conduit, qu'il a préparé les circonstances et les coeurs pour ma visite, qu'il m'a dirigé là où je devais aller, au moment où cela convenait, que j'ai été touché de sa bonté. Du reste, ma visite a certainement été une visite de foi, et Dieu bénit la foi, et se trouve toujours avec elle: c'est ce que j'ai éprouvé. C'est ce que vous éprouverez aussi, cher frère: dans le nouveau, comme dans l'ancien monde, Dieu est avec celui qui compte sur lui, et qui cherche à faire sa volonté, à le servir. Quel encouragement dans le premier chapitre de Josué, pour celui qui entre dans le combat de la foi: «Seulement fortifie-toi et sois de bon courage. Personne ne subsistera devant toi, tous les jours de ta vie, je ne t'abandonnerai pas, je ne te délaisserai pas; — ne l'ai-je pas commandé?» Tout le pays nous est donné, seulement il faut y mettre la plante de nos pieds. Que Dieu nous donne plus de courage, plus d'énergie spirituelle, plus de dévouement, qu'il nous donne de vivre davantage en sa présence! Quelle réalisation de la puissance de la vie divine dans ces paroles: «Portant toujours dans nos corps la mort du Seigneur Jésus, afin que la vie de Jésus se manifeste dans nos corps mortels». Oui, que trous sachions nous dévouer, plus complètement! Je ne parle pas de dévouement extérieur. Pour le travail, on aurait de la peine à travailler plus que je ne le fais; mais je parle de ce dévouement intérieur, de cette vie dans laquelle rien ne se trouve, quant aux mouvements intérieurs du coeur, que Christ seul; c'est de là que découle la bénédiction et le travail qui se caractérise par la présence et la puissance de Dieu; et c'est là que nous manquons.

Saluez bien affectueusement tous les frères. Que Dieu leur donne de vivre dans la communion du Seigneur, dans une communion étroite avec lui, et de le glorifier en toutes choses.

D'après ce qu'on m'a dit, vous avez de nouveau le frère V. avec vous.

J'ai peu de nouvelles d'Angleterre, sauf que le nombre des frères augmente beaucoup. En Allemagne et en Hollande, cela va bien, et les frères, en Suisse, ont éprouvé la fidélité du Seigneur.

Paix vous soit, bien-aimé frère.

Votre affectionné en Jésus…

Lettre de J.N.D. no 16 – ME 1891 page 326

Darby J.N.

 

à Mr M.

Dublin, 14 novembre 1865

Bien-aimé frère,

Ma réponse a été retardée par des occupations qui ne me laissaient pas un moment de loisir, occupations heureuses, mais qui absorbaient tout mon temps des travaux de cabinet, aussi bien que des réunions, tous les jours; puis des courses lointaines pour visiter les assemblées éloignées de Londres. Etant enfin un peu moins occupé ici, je prends la plume pour vous écrire quelques mots.

Le fait est que les «derniers jours» se font sentir toujours davantage, et les devoirs du témoignage s'accumulent et deviennent plus pressants.

Je sais bien, cher frère, que les agents de Béthesda cherchent à détruire la discipline en prétextant la ruine de l'Eglise; mais c'est là précisément un motif pour agir d'une manière opposée à ce relâchement. Etant dans le mal, c'est tout naturel qu'ils cherchent à annuler la discipline, et vous trouverez que ceux qui veulent s'y soustraire sont toujours ceux auxquels elle s'applique; on est allé (non que je pense que tous accepteraient cela) jusqu'à faire imprimer un document, signé par les frères d'une réunion, insistant sur ce que, si l'on acceptait ou permettait, le sachant et le voulant, la fornication dans une assemblée, l'assemblée n'en serait pas souillée, et qu'on devrait les recevoir comme les autres. Ils ont aussi publié plusieurs traités, pour montrer qu'aucun péché, aucune doctrine, si mauvaise qu'elle soit, ne peut souiller une assemblée, et que seule la personne qui y participe en serait souillée. Aussi ont-ils soigneusement cherché à nier l'unité et à faire des assemblées des corps entièrement indépendants les uns des autres. Mais cela a plutôt fait du bien, car c'était lever le masque. 2 Timothée 2 insiste particulièrement sur la fidélité pratique quand l'Eglise est comme «une grande maison». Celui qui se purifie de ces vases à déshonneur, sera un vase à honneur; nous marchons avec ceux qui invoquent le Seigneur d'un coeur pur. Celui qui invoque le nom de Christ doit s'éloigner de l'iniquité; mais se séparer ainsi du mal, et accepter le mal, — cela ne peut aller ensemble: il faudrait alors renoncer à toute assemblée quelconque. Or Christ a pourvu à la petitesse des assemblées, en déclarant que là où deux ou trois sont assemblés en son nom, il y est; et c'est là aussi ce qui donne son autorité à la plus grande, à la mieux ordonnée des assemblées. L'apôtre nous ordonne d'ôter le méchant du milieu de nous. A quoi bon se réunir pour adorer et glorifier le Seigneur, si nous sommes obligés de recevoir les méchants à sa table; à quoi bon se séparer du nationalisme, — voire même du papisme? Non. Ce principe qu'on veut faire valoir n'est que l'iniquité qui ne veut pas de la discipline, ou le manque de foi qui recule devant la peine que la discipline nous procure nécessairement. Certes, je n'irais pas à une réunion qui m'obligeât ainsi à me dire un avec la méchanceté: or nous sommes tous un seul corps en tant que nous participons à un seul pain (1 Corinthiens 10: 17).

Quant à la vie des saints de l'Ancien Testament, il n'y a pas de doute qu'ils n'aient eu «la vie», mais il y a une grande différence entre eux et nous, non dans l'essence de la vie, car ils étaient nés de Dieu, mais en ceci, que ce n'est pas tout que nous ayons reçu la vie, en tant que vivifiés par Christ: nous sommes vivifiés avec lui, ressuscités ensemble. Nous recevons le Fils, ainsi nous avons la vie éternelle (1 Jean 5); mais le Fils que nous recevons ainsi, est le Christ mort et ressuscité; ainsi nous recevons la vie, en tant que ressuscités par la même puissance qui a ressuscité Christ (Ephésiens 1; 2). Nous vivons devant Dieu ainsi, selon sa puissance en résurrection et dans la position dans laquelle le Christ ressuscité se trouve. Il y a rédemption, quant à notre position, aussi bien que le fait de la communication de la vie divine. Il y a aussi la présence du Saint Esprit qui s'y rattache et qui devient en nous une fontaine jaillissante en vie éternelle (comparez Galates 4: 1-7). C'est la vie, non pas en espérance de ce que Dieu fera, tandis qu'il supporte le pécheur (Romains 3: 25, 26; 4: 21). La justice de Dieu est le fondement de notre position actuelle, et nous croyons en Celui qui a ressuscité Jésus (Romains 4: 24; 3: 26; et ajoutez Ephésiens 2, et Jean 10: 10). Ainsi le fait que nous sommes ressuscités avec Christ, que nous partageons sa vie en tant que ressuscité, — qu'il est, dans cet état, notre vie (comparez Colossiens 3: 1-3; 2 Corinthiens 4: 10); que l'Esprit est vie à cause de la justice, que celui qui a le Fils (la vie éternelle qui avait été auprès du Père et avait été manifestée) a la vie, puisque nous la possédons comme étant au delà de la mort et de l'accomplissement de la rédemption, et par conséquent dans la force et dans l'intelligence de l'Esprit qui demeure en nous. Ceci n'est pas la vie, mais influe immensément sur son caractère et sur sa puissance.

Il se peut bien qu'il y ait chez la personne dont vous parlez quelque péché caché; si ce n'est pas le cas, et même si c'est le cas (tout en insistant sur le recours qu'elle doit avoir à Jésus, toujours bon et fidèle pour lui être en aide), il est de toute importance pour la paix comme pour la victoire même, qu'on apprenne et qu'on reconnaisse ce qu'on est, aussi bien que ce qu'on a fait la paix n'est pas solide tant qu'on n'en est pas là. On petit avoir le pardon de ses péchés passés, et ne pas avoir la connaissance de soi-même: «Ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu». L'apôtre fait une différence formelle entre ces deux choses, je veux dire comme doctrine. Après avoir démontré que tout le monde est sous le péché, et coupable, il montre la justification par la foi dans le sang de Jésus; puis, Romains 4, Christ livré pour nos offenses et ressuscité pour notre justification, — mais tout ceci pour les péchés. Cette partie va jusqu'à la fin du verset 11 du chapitre 5. Depuis le verset 12, vous avez deux chefs de race, de la race charnelle et de la race spirituelle: Adam et le Sauveur. Ici, il ne s'agit plus des péchés, mais du péché. Il ne pardonne pas, il condamne (8: 3); mais nous sommes morts, nous ne sommes pas dans la chair. On se condamne, comme Dieu nous condamne, mais le péché dans la chair, a été condamné à la croix; mais Christ a été [sacrifice] pour le péché, puis mort au péché, et nous faisons notre compte que nous sommes morts au péché et vivants à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur. Du chapitre 3: 20 à 5: 11, il s'agit des péchés; du chapitre 5: 12 jusqu'à la fin du chapitre 8, il s'agit du péché. Maintenant, il se peut que cette personne ait besoin de l'apprendre, c'est une chose d'expérience, d'expérience pénible, comme à la fin du chapitre 7 de la même épître, mais cela nous force à nous soumettre à la justice de Dieu, à nous rejeter sur Christ. Nous ne sommes pas dans la chair, mais dans l'Esprit, si l'Esprit de Dieu demeure en nous. C'est le moyen aussi de remporter la victoire, car nous avons la conscience que Dieu est pour nous; et le péché n'aura pas domination sur nous, car nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce. Mais il faut que tout cela se passe dans la conscience et en regardant à la grâce en Jésus, à la pure et souveraine grâce; le désespoir à l'égard de la chair nous mène droit à lui. Voilà le remède pour cette jeune personne, mais c'est Dieu qui est le médecin. C'est pourquoi il faut le prier; puis il se sert de la vérité, et ainsi, dans sa grâce, de nous, comme instruments; toutefois, lui seul fait l'oeuvre.

Je suis toujours heureux, cher frère, d'avoir de vos nouvelles à tous, et, si le fait d'avoir poursuivi l'oeuvre dans un autre continent fait que je vous vois moins, cela n'éloigne nullement mon coeur, mais me fait désirer davantage de vos nouvelles.

Nous avons aussi des Français en Amérique, et des Suisses de langue française; les frères français viennent principalement des environs de Montbéliard. J'ai de bonnes nouvelles du Canada; une excellente lettre d'un frère, ancien ministre national, qui travaille au milieu des Indiens. La langue est un obstacle; il n'y a point de Nouveaux Testaments, ou presque point, guère de cantiques, et de mauvais. Il y a pourtant une réunion maintenant en mohawk et des conversions. Ils se réunissent entre eux et parlent leur propre langue; quelques-uns savent un peu l'anglais et interprètent pour nous. Ce frère G. dont j'ai parlé sait un peu l'obbijeway, mais le mohawk est plus difficile. L'ouvrier du Seigneur qui a trouvé la paix par mon moyen, et parlait très bien l'anglais et prêchait en mohawk aux Peaux rouges, est mort, mais l'oeuvre, grâces à Dieu, a continué.

Saluez affectueusement tous les frères, et en particulier M., H., F., et ceux que vous m'avez nommés.

Votre bien affectionné frère…

Lettre de J.N.D. no 17 – ME 1891 page 349

Darby J.N.

 

à Mr M.

Toronto, 9 février 1865

Bien-aimé frère,

J'ai été très heureux de recevoir votre lettre, et des nouvelles des bien-aimés frères en France; au reste, dans ce moment, j'en ai de plusieurs côtés; de sorte que je suis riche en nouvelles, ce qui me fait grand plaisir.

Ma traversée, cher frère, a été orageuse et fatigante; mais j'ai pu parler du Seigneur à plusieurs personnes, ce qui m'a réjoui, et j'ai trouvé quelques chrétiens. Il y avait six Français sur le vaisseau, qui ne savaient pas un mot d'anglais je leur ai servi d'interprète. Ils se rendaient sauf un seul, dans une petite colonie française où l'on sèche la morue. Je n'ai pas eu le mal de mer.

Ici, grâces à Dieu, les choses vont bien; sans doute, il pourrait y avoir plus de dévouement, et c'est ce que je demande pour les frères, mais il y a du bien. Le nombre des frères s'est considérablement augmenté, et augmente toujours; nous en avons reçu trois, ici, aujourd'hui; de nouvelles réunions se sont formées, et des portes s'ouvrent. Les personnes qui ont été ajoutées l'ont été plutôt comme fruit de la vie dans les assemblées, que par le moyen de dons remarquables; cela est un sujet de joie, toutefois, je demande à Dieu de nous accorder des dons, car il y a beaucoup à faire partout.

Il y a beaucoup plus de personnes étrangères assistant aux réunions, sans être invitées, que précédemment, et aussi une grande attention. J'ai déjà visité quelques nouveaux endroits où j'ai eu de nombreuses réunions, et Dieu suscite des hommes qui paraissent prendre intérêt à l'oeuvre, mais il y a peut-être manque d'énergie de ce côté-là.

Quant à moi, certainement Dieu m'a béni dans mon travail. Je ne sais si je pourrai visiter l'ouest des Etats-Unis cette fois-ci; il y a une oeuvre là aussi, mais il faut du temps, et je n'en ai pas beaucoup. Les frères de la Suisse qui y sont établis vont mieux; ils sont en assez grand nombre. Trois d'entre eux sont venus à une conférence que nous avons tenue ici, la distance est de 380 lieues. Les Français sont plus rapprochés d'ici, ils viennent du pays de Montbéliard, la vie spirituelle laisse à désirer parmi eux. Ceux qui sont fidèles se sont joints à une petite réunion de langue anglaise qui marche bien, dans cet endroit-là. Il y a aussi une quantité d'âmes éparpillées dans ce vaste pays, isolées les unes des autres et sans ressource spirituelle extérieure. Notre conférence a été extrêmement bénie, plus d'une âme nouvellement venue au milieu des frères et utile dans son voisinage y a assisté; ces amis ont trouvé un amour fraternel qui les a beaucoup fortifiés, de l'instruction et de l'affermissement, et ont été encouragés. Tous nous en avons abondamment joui, et la présence de Dieu s'est fait richement sentir. Le ministre baptiste qui a été éclairé la dernière fois que j'étais ici et qui, uni aux frères, travaille dans le Massachussetts, est encouragé dans son oeuvre; son frère vient de quitter les sectes; c'était un grand pas pour lui; le premier a aussi assisté à notre conférence et s'en est retourné tout joyeux.

Au reste, ce que nous avons à faire, c'est de travailler en regardant au Seigneur. Toutefois, je désire ardemment, dans ces derniers jours, que le témoignage soit plus puissant, mais pour cela il faut, comme vous le dites, non seulement la théorie, mais la réalisation de la vérité, le dévouement, l'oeil net. Oh! que Dieu les donne aux siens! Je crois que l'attente du Seigneur prend une certaine force dans les âmes; on l'attend davantage; non seulement on croit à sa venue, mais on l'attend. Mais avec toute cette profession (du moins en Amérique, bien que les Etats-Unis soient le pays peut-être le plus démoralisé du monde), je suis toujours plus convaincu de l'état de ténèbres dans lequel le monde évangélique se trouve; il ne reçoit pas la doctrine de Paul. J'ai été très frappé, ces temps-ci, d'Ephésiens 4 et 5, comme mesure de marche chrétienne: le nouvel homme créé selon Dieu, — le Saint Esprit; être imitateurs de Dieu, aimant comme Christ nous a aimés — être lumière dans le Seigneur. Quel tableau! J'envoie un petit article là-dessus, à notre frère B. qui, je le suppose, l'insérera dans son journal.

A vos questions, maintenant.

La justice de Dieu, Romains 3: 21, est la même que celle dont l'apôtre parle dans les versets 25, 26; seulement, dans ces deux derniers versets, elle n'est pas présentée d'une manière abstraite, mais s'applique à deux objets distincts: 1° les péchés des fidèles de l'Ancien Testament, montrant comment Dieu était juste en les supportant; 2° la justice en ce que Dieu est juste en justifiant celui qui croit en Jésus, justice maintenant pleinement manifestée et sur laquelle nos âmes se reposent. L'oeuvre de Christ est l'explication du premier point; elle est aussi le fondement connu de notre justification.

Quant à l'interprétation des Ecritures, en tant que nous sommes humbles, et conduits par le Saint Esprit, nous serons d'accord. La foi est la même chez tout vrai chrétien. Hélas! nous dépassons souvent ces limites-là. L'esprit de l'homme est actif; il se fourvoie naturellement, ou il suit les traditions qui le détournent également de la vérité. L'oeil n'est pas net, tout le corps n'est pas plein de lumière, voilà la différence. Au reste, la foi est un don de Dieu. Il ouvrait leur intelligence pour leur faire comprendre les Ecritures. Quand l'esprit de l'homme s'en occupe, il se fourvoie toujours. Du reste, cela ne touche nullement la question de l'inspiration; l'usage que je fais de la Parole n'a rien à faire avec le fait que le Saint Esprit l'a inspirée ou non. Je peux interpréter même un écrit humain, cela ne touche en rien la question de son authenticité, mais c'est justement parce que les Ecritures sont divines, qu'aussitôt que l'esprit de l'homme s'en occupe, il s'égare. Un écrit humain n'a qu'une portée humaine, et, plus ou moins, l'esprit de l'homme sait ce qu'il veut dire. Il n'en est pas ainsi des Ecritures, et l'homme n'est pas à même, comme homme, d'en saisir la portée, quoique les paroles soient simples. Il faut ici comprendre les choses, pour saisir le sens des mots. Quand je dis «né de Dieu», que veut dire cela? Il faut comprendre la chose pour expliquer les mots de là les erreurs d'interprétation. Il est écrit «Ils seront tous enseignés de Dieu». Quand nous dépassons cet enseignement, nous suivons notre fantaisie, ce ne sont plus les Ecritures. La grâce et la paix soient avec vous, bien-aimé frère. Saluez bien affectueusement tous les frères. On me dit que G. s'est bien fatigué; il faut qu'il se repose un peu (cela lui fera du bien), puis, Dieu aidant, il reprendra ses travaux. On me dit que E. est parti pour Vevey. Tout cela dessine bien les positions.

Que Dieu vous bénisse et qu'il soit avec tous les frères et les tienne près de lui.

Votre toujours affectionné.

Lettre de J.N.D. no 18 – ME 1891 page 370

Darby J.N.

 

à Mr M.

New-York, décembre 1860

Bien cher frère,

La différence entre les deux vérités que j'ai fait remarquer à V. et que vous me rappelez, ne manque pas d'importance. Quand je dis que Christ est mort et ressuscité pour moi, je parle d'une oeuvre accomplie pour moi, oeuvre qui a effacé mes péchés et qui me justifie devant Dieu. Quand je dis que je suis mort et ressuscité avec Christ, j'en ai fini (pour la foi) avec la nature qui a produit ces péchés; je fais mon compte que je suis mort et vivant à Dieu par Christ. Mais je vais plus loin; je parle d'association avec lui dans sa résurrection, de sorte que cela me conduit à l'union. Je dis individuellement, je suis en Christ: c'est plus que de dire: il a été ressuscité pour ma justification; Romains 8 suppose cela, mais n'explique pas comment on y est arrivé. Ce chapitre nous dit quelle est notre position en Christ devant Dieu, non ce que Dieu a été et ce qu'il a fait pour nous. Ensuite, on est ainsi membre de Christ (voyez Ephésiens 2). Nous avons été ressuscités avec lui, et Dieu nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Jésus Christ, en vertu de notre union avec lui. Je n'existe plus quant au vieil homme; je l'ai dépouillé, et non seulement j'ai été vivifié, mais j'ai revêtu le nouvel homme; j'en ai fini avec le péché et avec Adam, et je suis en Christ et uni à Christ devant Dieu. Le fait que Christ est mort et ressuscité pour moi, m'introduit, comme un racheté, dans le désert; c'est la doctrine de l'épître de Pierre: j'ai une espérance vivante du ciel. Le fait que moi je suis mort et ressuscité avec lui, m'introduit en Canaan: c'est la doctrine des Ephésiens

Cela vous montre aussi, cher frère, combien est dans le faux, celui qui nie que nous sommes dans le désert. Toute l'épître de Pierre est nulle pour lui, et il n'a que quelques versets de Jean, l'épître aux Ephésiens, et peut-être encore Romains 8: 1. L'épître aux Colossiens, tout en tendant vers le ciel, ne nous y place pas; notre vie est cachée avec Christ en Dieu, mais nous cherchons les choses qui sont en haut. C'est la rédemption qui nous introduit dans le désert. Qu'est-ce que ce monde, si ce n'est un désert? Le salut, même la justification, sont ainsi placés à la fin de la carrière chrétienne; dans l'épître aux Philippiens, notre bourgeoisie est dans le ciel, mais nous n'y sommes pas.

Les exagérations font du mal et sont un mauvais signe quant à l'état de l'âme de celui qui s'y jette. Canaan et le désert, constituent les deux parties de la vie chrétienne qui suivent la rédemption; Christ n'a pas prié que nous soyons ôtés du monde, et si nous y sommes et qu'il ne soit pas un désert pour nous, tant pis pour nous! N'a-t-on pas besoin de manne? C'est dans le désert seul que nous la trouvons, ainsi que les tendres soins de Dieu lui-même, qui nous conduit à travers les difficultés par un chemin connu de lui seul. Le même genre de doctrine s'est montré en ce qu'on a nié la sacrificature de Christ pour nous, et le fait qu'il est notre Avocat auprès du Père. On est parfait en Christ, disent-ils, nous n'avons donc pas besoin du Sacrificateur et de l'Avocat. On perd ainsi l'esprit de dépendance, on est dur, sec, content de soi-même et loin de Dieu. Les soins de Christ, la tendre affection du Père, s'appliquent à notre position dans le désert; envisagés comme assis dans les lieux célestes, nous sommes parfaits; tout le développement de la vie chrétienne est dans le désert, par le moyen de ce qui est céleste, mais dans le désert. Les combats avec les malices spirituelles sont dans les lieux célestes. C'est dans le désert que nous avons nos sens exercés pour discerner le bien et le mal; c'est dans le désert que nous sommes éprouvés, que notre foi est mise à l'épreuve. Il n'y a pas de creuset dans le ciel; c'est dans le désert que nous agissons par amour, ce qui est la seconde partie de nos privilèges divins. La doctrine générale du Nouveau Testament nous place dans le désert avec une espérance céleste; le mystère nous montre comme unis à Christ et assis en lui, dans les lieux célestes.

J'ai été très heureux d'avoir des nouvelles des frères, et je vous prie de les saluer affectueusement de ma part.

J'ai été jusqu'ici principalement dans l'Ouest. Là, il y a certainement progrès la moitié des frères y sont de langue française il y a maintenant 9 ou 10 réunions avec 200 frères. A Greenville (Illinois), il y a eu beaucoup de bien; Détroit est en progrès; l'oeuvre s'étend aussi parmi les Américains, et jusqu'à St-Paul (Minnesota), sur le Mississipi, où il y a une réunion. Au Canada, où j'ai fait une courte visite, ils vont bien, mais manquent un peu d'activité pour faire prendre de l'accroissement aux âmes. L'oeuvre a fait cependant quelques progrès parmi les Indiens, et trois nouvelles réunions se sont formées parmi les blancs (colons anglais). Nous avons besoin d'ouvriers. Puis l'habitude qu'on a prise sur ce continent de se transporter d'un endroit à un autre, tend à disperser les réunions. Quelquefois tel frère qui établit une ferme ailleurs devient un noyau pour une nouvelle réunion, mais il arrive aussi qu'on s'isole, et la vie s'éteint en grande partie. La vérité se répand beaucoup; nos livres et nos traités sont recherchés de près et de loin: ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan, toutefois la vérité, se répand. Pour la moralité, l'Amérique est un triste pays; la corruption règne, les assassinats sont journaliers dans les grandes villes; puis les églises, comme on les appelle, sont composées de mondains avoués, qui fréquentent les bals et tous les amusements du jour; cependant il y a des besoins et l'on gémit.

Dites-moi, cher frère, ce qu'est devenu un nommé X., qui, disait-on, se mettait à l'oeuvre de vos côtés? Je ne connais pas son nom d'une manière exacte. Dieu soit béni de ce que le cher frère M. est mieux. Tenons-nous près du Seigneur; les temps se hâtent, ce sentiment devient très fort chez nos frères anglais, et je le partage en plein. Quel bonheur de savoir que tout sera bientôt fini; tous les jours je sens davantage que nous n'appartenons pas du tout à ce monde, ni à ce désert, mais réellement au ciel, et le bonheur qu'il y a dans ce sentiment est infini. Sans doute, sa gloire dépassera toutes nos pensées. Mais Dieu nous a révélé ces choses par son Esprit, et nous avons reçu, non l'esprit du monde, mais l'Esprit qui est de Dieu, afin que nous connaissions les choses qui nous sont gratuitement données de Dieu. Bientôt nous serons avec le Seigneur, et le bonheur d'être dans sa présence sera parfait.

Je suis ici dans un petit logement à New-York, où nous commençons à nous réunir; nous sommes 18 personnes, mais tout est à faire.

Saluez les frères.

Votre bien affectionné…

Lettre de J.N.D. no 19 – ME 1891 page 338

Darby J.N.

 

à Mr M.

Boston, mars 1867

Bien cher frère,

La distance est telle qu'il faudra bien des semaines pour que vous puissiez recevoir une réponse à vos lettres, quelle que soit la diligence que je mette a vous répondre.

Quant à vos questions: il me semble que, dans 1 Jean 3, il n'est question de vie qu'au verset 14, et la raison en est, à ce qu'il me paraît, celle-ci: La vie simplement, et la mort, sont mises en contraste; mais la vie éternelle, cette vie éternelle qui est descendue du Père dans la personne du Fils, est le sujet de l'épître, et le verset 15 reprend cette idée pour dire qu'il est évident qu'un meurtrier n'a pas cette vie.

Quant à la seconde question, celle de la délivrance, je crois qu'elle se rapporte à la distinction qui est faite à l'égard du mot rédemption, et même du mot salut; mais nous attendons la rédemption de nos corps, et ceci est très important parce qu'ainsi la délivrance n'est pas une simple question de puissance, mais de justice. Il faut la puissance, — la résurrection en est témoin — la puissance divine, mais il faut la justice: or c'est la croix du Christ qui a établi la justice, en tant que justice et droit, mais pas encore comme résultat. C'est lorsque Christ reviendra que la puissance s'exercera en vertu de la justice et pour donner effet à cette justice en jugement contre Satan et pour nous. Jusqu'à la croix, la justice était réellement contre nous, et, dans un certain sens, Satan avait un droit sur nous: depuis la croix, il n'en a aucun. Mais la puissance qui fait droit, s'exercera quand Christ reviendra. C'est pourquoi il est dit dans les Psaumes, à l'égard de la terre: «Le jugement reviendra à la justice». Pilate avait entre ses mains le jugement conféré par Dieu, et Christ était le juste; quand le Christ reviendra, le jugement et la justice iront ensemble. Pour nous, c'est un peu différent, parce que nous avons le droit, le privilège, de souffrir avec lui; mais la rédemption se rapporte aux deux, savoir que nous, les rachetés, nous sommes établis en justice, justes devant Dieu, «justice de Dieu en lui», et nous attendons la délivrance, la rédemption complète. Ainsi, quant à Satan, tous ses droits, si nous pouvons les appeler ainsi, ont été détruits sur la croix; Christ ayant pris notre place devant Dieu, Satan les a perdus. J'ai le droit de me dire mort, racheté, appartenant à Christ; mais la puissance qui chassera de fait Satan du ciel, ne s'exercera que lorsque Christ prendra sa puissance et agira en roi; mais alors tout sera fait, non seulement par sa puissance, mais selon la justice, selon les droits qui lui appartiennent par la rédemption qu'il a accomplie, ayant, comme homme, parfaitement glorifié Dieu sur la croix. Les droits et l'exercice de sa puissance, sont des droits justes selon la justice de Dieu: il les possède en justice. Grâces à Dieu, cette justice est pour nous, est nôtre; elle est, justement et en toute-puissance, contre Satan, et cela dans l'homme, mais dans l'homme qui nous a rachetés et qui, en résultat, nous associe avec lui-même. Voilà pourquoi l'on peut dire que Satan a été «mis dehors», à la croix, parce que la justice, l'oeuvre qui l'exclut, a été alors accomplie; mais l'exercice de la puissance qui fera valoir ses droits, n'aura lieu que quand il se lèvera du trône de son Père où il siège en justice, attendant ce qui reste, savoir que ses ennemis soient mis pour le marchepied de ses pieds.

Dieu soit béni, cher frère, de ce que l'oeuvre marche dans vos contrées. Saluez les frères bien affectueusement de ma part. Ce sera une joie pour moi de les revoir, Dieu sait s'il trouvera bon de me l'accorder. Souvenons-nous qu'il faut de la foi pour l'oeuvre. Jésus a dû dire, et plutôt que nous, parce qu'il n'avait pas encore souffert: «J'ai travaillé en vain» quand il s'agissait d'un résultat apparent. Ce n'est pas tout à fait notre cas; mais il y a des moments où il faut s'en rapporter à lui et non pas regarder aux fruits, si nous voulons lui être fidèles.

Ici, Dieu nous bénit; c'est le jour des petits commencements. Il y a beaucoup de profession: on est mieux vu quand on est membre d'une église; — mais en même temps les membres des églises vont au théâtre, au bal, s'enivrent, et personne ne possède la paix; mais les âmes gémissent. Mes quelques compagnons étaient tout découragés à New-York, — pas moi; je sentais que je pouvais prier pour l'oeuvre, et maintenant la bénédiction commence à être évidente. Beaucoup d'âmes sont exercées, plusieurs ont trouvé la paix, quelques-uns ont été délivrés de l'influence des hérésies qui courent partout ici, et se sont décidés pour le Seigneur, quoique encore nos réunions au local ne soient guère fréquentées, On n'y vient que quand il y a des besoins. Nous sommes une trentaine pour rompre le pain. Je retournerai à New-York, s'il plaît à Dieu, la semaine prochaine. Ici, à Boston, où je viens de passer un mois, c'est la même histoire, seulement ayant quelques connaissances américaines, des frères gagnés à la vérité, j'ai eu plus de portes publiques ouvertes, et les âmes jouissent d'un évangile plein et simple, qu'elles n'entendaient jamais. C'est étonnant quelle eau rafraîchissante est cet évangile ici pour les pauvres âmes affaissées. Nous avons une petite réunion qui va bien et qui s'accroît peu à peu; il y a eu au début une difficulté à surmonter, car les quelques personnes qui avaient un peu compris l'évangile et les privilèges des chrétiens, étaient toutes tombées dans des hérésies abominables; et en même temps que ces vérités, elles buvaient ce poison-là. On nie l'immortalité de l'âme, mais grâces à Dieu, beaucoup de personnes ont été délivrées. Dans l'Ouest, cela ne va pas mal; la vérité se propage. Dans le Michigan et le Wisconsin, il y a progrès sensible. Grâces à Dieu, Celui que nous servons suffit à toutes les circonstances, qui sont difficiles ici, et pour notre faiblesse, la difficulté est encore plus grande.

Je comprends que notre cher frère D., que je vous prie de saluer de ma part, ainsi que le cher M (Dieu veuille lui faire beaucoup de bien), se fasse vieux. Je sens la différence qu'apporte mon âge; je n'ai plus la même énergie pour entreprendre; et je n'en avais jamais beaucoup. Enfin, nous sommes comme instruments ce que Dieu veut que nous soyons; si seulement nous savions mieux fournir notre carrière, mais Dieu est fidèle et il est bon. Voilà ce que je sais; et, grâces lui en soient rendues, c'est lui qui fait l'oeuvre.

Adieu, cher frère, que Dieu vous bénisse, ainsi que tous les frères; qu'il les tienne bien près de lui, c'est ce qu'il nous faut.

Paix vous soit.

Votre bien affectionné…

Lettre de J.N.D. no 20 – ME 1891 page 427

Darby J.N.

à Mr M.

Toronto, 2 octobre 1869

Bien cher frère,

De mon côté aussi, j'ai été heureux d'avoir des nouvelles des frères et de vous.

Je remercie sincèrement les frères de l'intérêt qu'ils me portent, et leur affection m'est bien précieuse. En rendant grâces à Dieu, je puis dire que je me trouve mieux qu'avant ma maladie, seulement la tête me fait un peu mal dès que je la fatigue trop, chose qu'il n'est pas facile d'éviter, quand il y a beaucoup à faire. Puis, à 69 ans, on ne gagne pas des forces nouvelles; mais je suis bien et je travaille comme de coutume, ce dont je bénis Dieu de tout mon coeur. Je n'avais pas pris assez de nourriture, ce qui, joint à beaucoup de fatigue, a amené un mal subit et inflammatoire, l'état grave dans lequel, en effet, je me suis trouvé. Dieu, dans sa grande bonté, m'a rétabli, et je n'ai pas eu de médecin.

Grâces à Dieu, la fatigue précédente n'a pas été sans fruit. Il y a maintenant une bonne réunion à New-York; ils sont heureux, et, par la grâce de Dieu, l'assemblée s'accroît peu à peu, et la lumière se répand. Je pense y retourner; c'est un champ bien difficile: l'argent, le plaisir, dominent les coeurs, et ce qu'on appelle des églises, sanctionne et même pratique le mal. Sans doute, il y a des chrétiens sincères, mais la majorité dans les «églises» n'est pas convertie, et le niveau de tous ceux qui les composent a proportionnellement beaucoup baissé. Un frère (ministre baptiste) a été pleinement affranchi, et voit clair, mais il a quitté New-York. A Boston, les frères vont bien, et peu à peu prennent de l'accroissement… Il y a maintenant près de 600 frères au Canada, et environ 300 dans les Etats-Unis; mais le progrès est lent. On vient ici plein de l'espoir de s'élever dans le monde: le progrès (non pas le progrès dans la grâce), voilà l'idée américaine, elle est aussi, quoique à un moindre degré, celle du Canada. Il y a une centaine de frères de langue française dans l'Ouest, et d'autres qui écoutent volontiers. Les Indiens (peaux rouges) vont bien et font beaucoup de progrès; il y en a près de trente maintenant qui rompent le pain, et s'édifient dans leur langue; quelques-uns annoncent l'évangile à leurs compatriotes, et l'un d'entre eux commence à le faire aussi en anglais. L'année passée, il n'y avait pas d'ouvriers au Canada, l'on s'y était un peu endormi: à présent, il y en a quelques-uns. Notre conférence à Guelph a été extrêmement bénie, et les fruits se montrent de plusieurs côtés; il y a un mouvement de l'Esprit de Dieu, non pas très saillant, mais assez général pour exciter notre reconnaissance.

Vous me parlez du déclin de la piété dans vos montagnes, et de la mondanité incrédule qui, même là, commence à poindre. C'est un fait universel sous diverses formes: le matérialisme, les plaisirs, l'incrédulité, s'élèvent partout; la volonté de l'homme tient à se faire valoir. C'est un point capital, un signe des derniers temps, aboutissant à Babylone, que de tomber sous l'influence de la superstition, selon l'esprit du dragon et de la bête, ou que l'incrédulité, la simple volonté de l'homme, gouverne le coeur. Il est bon que les frères y fassent attention et se tiennent de plus en plus éloignés de toute conformité avec le monde. D'un côté, les formes chrétiennes s'en vont; de l'autre, elles deviennent de grossières superstitions, de l'idolâtrie. Les frères doivent être un témoignage entre ces deux formes de mal, tenant d'une part ferme la vérité par la puissance de l'Esprit, et d'autre part rendant culte en Esprit et en vérité: la réalité du christianisme doit se montrer dans leur marche; mais pour pouvoir se maintenir, quand les béquilles d'anciennes habitudes n'existent plus, il faut une foi vivante et personnelle, il faut vivre dans la communion du Seigneur. Ce qui apparaît dans vos montagnes se montre partout; les choses vieilles s'écroulent, l'homme veut être le maître, ou se réfugie dans la superstition pour tenir tête à cet effondrement, car le monde n'a pas de ressources. Le chrétien soumis et tranquille se tient éloigné de tout le mouvement du siècle, mais le courant de la mondanité est toujours plus fort; il faut être une chose ou l'autre: si un homme n'est pas franchement chrétien, il est plus qu'en danger d'être entraîné. Suppliez les frères de marcher de droit pied, d'avoir Christ pour leur tout, comme il est en eux tous, et cherchez à nourrir de Christ tous ceux qui en ont le besoin, en public et en particulier. Alors la marche sera facile et heureuse, à travers ce pauvre monde où nous attendons le Seigneur. Que les frères l'attendent toujours, et pour l'attendre réellement, il faut savoir qu'il nous a sauvés, et ensuite l'aimer. Ce n'est pas la prophétie cela, c'est Christ, «l'étoile brillante du matin», et le coeur désire le voir et être toujours avec Celui qui nous a tant aimés.

Quant à Hébreux 9: 26, c'est un verset bien important. La doctrine met en contraste le sacrifice du Christ avec les sacrifices judaïques. Ceux-ci se répétaient, ils n'avaient aucune vraie valeur. Si le sacrifice du Christ avait été semblable, Christ aurait dû souffrir plusieurs fois. Ces sacrifices étaient réellement, par leur répétition, une preuve que le péché était toujours là. C'est l'opposé, quand il s'agit de Christ, mais son sacrifice a un double effet: 1° l'annulation, la mise de côté, du péché de devant les yeux de Dieu, comme il est dit en Jean 1: «l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde» (non les péchés); ceci ne sera pleinement accompli, dans son résultat, que dans les nouveaux cieux et dans la nouvelle terre où la justice habite, mais l'oeuvre, en vertu de laquelle ce résultat aura lieu, est accomplie, et la foi en reconnaît l'efficacité. 2° Il y a l'acte de porter nos péchés, les péchés de plusieurs, oeuvre absolument efficace pour nous justifier de toutes choses. Dans le grand jour d'expiation, il y avait la même différence: le sang était mis sur le propitiatoire, c'était le lot de l'Eternel; puis les péchés du peuple étaient confessés sur la tête du bouc Azazel. Or dans l'oeuvre de sa mort, le Christ a tellement glorifié Dieu, que non seulement il nous a rachetés, mais nous a acquis la gloire de Dieu, objet de notre espérance, en sorte que, outre le fait béni que nos péchés sont ôtés, que nous en sommes lavés, la portée de l'oeuvre est immense pour la gloire de Dieu et pour notre part dans cette gloire dans laquelle Christ, homme, est entré comme notre précurseur. En résultat, le péché qui s'étale devant les yeux de Dieu maintenant, sera complètement remplacé par la justice; nous le savons maintenant et nous jouissons, dans nos consciences, de l'efficace de l'oeuvre (voyez Jean 12: 31, 32). Nous pouvons appliquer le verset des Hébreux, déjà par rapport à notre position devant Dieu: il nous a réconciliés. La réconciliation de toutes choses, dans les cieux et sur la terre, aura lieu plus tard; mais l'oeuvre qui produit ce résultat a été faite une fois pour toutes dans le sacrifice parfait du Christ, dans lequel tout ce que Dieu est, justice, amour, majesté, vérité, a été pleinement glorifié.

Paix vous soit, cher frère, par l'efficace parfaite de ce précieux sacrifice.

Saluez avec affection les frères. Notre cher Mr W. a perdu sa femme; je pense le voir demain. Que Dieu vous garde tous. J'aimerais bien voir les frères, mais s'ils marchent fidèlement à la gloire du Seigneur, je serai content.

Votre affectionné…

 Lettre de J.N.D. no 21 – ME 1891 page 432

Darby J.N.

 

à Mr M.

21 septembre 1868

Bien cher frère,

Ce serait une joie pour moi de voir les frères en France; je dois beaucoup à leur affection, que je leur rends de tout mon coeur. Il en est de même pour les frères d'Allemagne. Quelle douceur de me retrouver au milieu d'eux, et si Dieu me conserve les forces nécessaires, j'espère bien les voir encore face à face; mais, le 17 novembre, je pars, Dieu voulant, pour les Antilles. Ce qui me retient en outre en Amérique, car je me dois également aux frères ailleurs, c'est que l'édition du Nouveau Testament que j'ai publiée en Angleterre est épuisée, et qu'on demande cette traduction partout: je la revois pour qu'elle soit aussi parfaite que possible. Cela me retient dans mon cabinet, car je ne puis faire ce travail en voyageant, ainsi que d'autres travaux du même genre qui m'occupent, mais que j'aurais pu différer. Je ne pense pas rester longtemps aux Antilles; ces frères sont un peu isolés, et, quant aux visites, délaissés; mais ce n'est pas un champ de travail pour moi et mon séjour ne se prolongera guère au delà de deux ou trois mois. Après l'hiver, qui est du reste la meilleure saison pour visiter les contrées tropicales, j'espère, si Dieu le permet, visiter les frères en Europe. Physiquement, je craignais un peu ce voyage et ce climat, mais, quand le devoir et le service de ce précieux Sauveur sont là, tout devient simple.

L'oeuvre s'étend en Amérique; il y a maintenant une cinquantaine d'assemblées, quelques unes formées tout récemment. Dieu a suscité quelques ouvriers: deux sont d'origine française, parlent français et anglais couramment et se consacrent à l'oeuvre; l'un travaille à New-York où il trouve les portes ouvertes, et des âmes très intéressantes qui viennent chercher la vérité auprès de lui. A Québec, un frère anglais a été le moyen d'un beau réveil, dans cette ville très morte, et à la campagne. On venait en foule l'entendre; beaucoup de personnes ont été converties, beaucoup affranchies; un certain nombre ont quitté les divers systèmes et ne savent trop que faire. On craint l'opprobre. En attendant, la petite réunion a plus que quintuplé. A Toronto, il y a progrès, à Ottawa aussi, passablement de conversions; le Canada supérieur, plus à l'ouest, est un peu stationnaire; toutefois, une nouvelle réunion s'est formée, et à Guelph et Shanty-Bay, il y a eu des conversions, et le nombre des frères a augmenté. Il y a maintenant aussi une réunion à Chicago, grande ville extrêmement corrompue, une autre de langue français à Beaver-Creek; à Greenville, où il y a de la bénédiction, elle est de langue anglaise, beaucoup d'Américains s'étant joints aux frères, et ces derniers, sauf un et quelques femmes, comprenant l'anglais. Il y a trois nouvelles réunions dans le Michigan, et partout beaucoup d'âmes qui recherchent la vérité; puis une réunion à San-Francisco en Californie, qui augmente peu à peu, enfin quelques frères se sont établis dans la Caroline du Nord, et s'occupent de l'oeuvre. Les traités se répandent partout, la vente en augmente toujours, bien que lentement.

Voilà un résumé succinct de l'oeuvre qui se fait; c'est peu de chose; toutefois le témoignage est établi sur ce vaste continent. Dans le Canada supérieur, il devrait s'augmenter, mais vous savez ce que sont les chrétiens, ce que nous sommes tous, si la grâce ne nous garde. Il n'y a pas de mal positif, mais en quelques lieux, il y a un certain degré de sommeil.

Quant à votre question, je crois qu'en général les promesses aux sept églises appartiennent à tous les chrétiens, et en particulier à celui qui a des oreilles pour écouter ce qui est dit aux assemblées. Mais je pense que celui qui est dans les circonstances spéciales auxquelles telle ou telle promesse s'applique, et qui remporte la victoire, jouira davantage de la promesse spéciale. Mais elle ne l'est pas toujours; ainsi, par exemple, tous les saints mangeront du fruit de l'arbre de vie, tandis que «manger de la manne cachée», se rapporte d'une manière spéciale à la fidélité déployée dans les circonstances de l'église de Pergame. Chacun est invité à être fidèle de cette manière, mais l'appel s'adresse d'une façon particulière à ceux qui traversent les circonstances indiquées dans l'adresse à l'église. Je pense que celui qui fait preuve ici de fidélité et a éprouvé la fidélité de Christ dans ce combat, pourra bien le connaître particulièrement ainsi, dans la gloire. Il me semble qu'Abraham jouira plus que nous de l'accomplissement des promesses faites à sa postérité, cependant nous en jouirons tous, car ce que Dieu est, en accomplissant ces promesse, il l'est pour nous tous, et nous trouverons tous nos délices dans tout ce qui est en lui. Des chrétiens également sincères réalisent davantage un côté particulier de ce que Dieu est; si une âme éprouve la fidélité de Dieu dans des circonstances difficiles, elle saisira, de ce côté-là, la valeur de ce que Dieu est. A Thyatire, la promesse est générale, et par conséquent s'applique à l'Eglise tout entière. A Philadelphie, c'est le cas de tout chrétien de ne plus jamais sortir dehors, mais, être «une colonne dans le temple de Dieu» est un encouragement particulier, et, bien que nous ayons tous toute la force du Christ pour nous soutenir, dans la gloire, les fruits de la fidélité se montrent néanmoins dans la récompense accordée; ils seront, je le suppose, goûtés d'une manière spéciale par ceux qui ont compté sur la fidélité du Seigneur pour accomplir la tâche à laquelle la promesse est faite.

On me fait des questions pendant que j'écris cette dernière partie de ma lettre, mais j'espère qu'en somme vous me comprendrez sinon écrivez-le moi.

Saluez les frères; j'espère les voir. Je ne puis plus faire les longues courses à pied que j'ai faites autrefois; cependant, Dieu m'a conservé mes forces; sa précieuse Parole m'est toujours plus claire, toujours plus précieuse, et elle demeure éternellement. Quelle grâce! Quel bonheur que le nôtre!

Votre bien affectionné…

Lettre de J.N.D. no 22 – ME 1891 page 456

Darby J.N.

 

à Mr M.

Kingston (La Jamaïque), 20 avril 1869

Bien cher frère,

Nos lettres se sont croisées. C'est à la Barbade, non pas à la Jamaïque, que Dieu nous a plus particulièrement bénis. La Barbade est une petite île, mais très peuplée: le témoignage y a eu un grand retentissement. Ici, à la Jamaïque, les frères ne vont pas mal, mais jusqu'ici, sans grand mouvement; ils ont besoin qu'un ouvrier vienne au milieu d'eux. Les communications ne sont pas faciles, faute d'auberges et de routes, en dehors des grandes lignes de communication. Pour voyager dans l'île un mois, les messieurs du pays ont l'habitude d'acheter une voiture et des chevaux qu'ils revendent ensuite. Pour ma part, j'ai préféré louer, mais la voiture seule m'a coûté 25 francs. Une fois arrivé, j'ai joui de l'hospitalité des frères. Ils sont très aimables et accueillants. J'ai fait 160 kilomètres à cheval, quand je me trouvais dans les montagnes, et autant pour le retour. Le pays est magnifique. Dans la saison des pluies, on a beaucoup de peine à voyager; en ce moment, l'eau manque entièrement dans bien des endroits.

Il y a à la Jamaïque, quatre réunions considérables, deux petites, et des frères éparpillés; en général, ils marchent fermement.

Je pense tenir des réunions sur la venue du Seigneur: je ne sais ce que cela produira de sa part. L'émancipation des nègres avait ruiné le pays, car ils ne veulent pas travailler. Dans les îles françaises, on les force au travail, et cela va matériellement mieux, mais les Anglais n'approuvent pas ce procédé.

Au Canada, l'oeuvre progresse d'une manière tout à fait remarquable, les conversions se comptent par centaines; plusieurs nouvelles réunions se sont formées où les jeunes âmes marchent bien et s'affermissent dans la foi.

Je passe à vos questions: Le langage d'Esaïe 53: 7, 8, est un peu difficile, mais nous en avons une traduction, Actes 8: 32, 33. Je pense que les paroles: «Qui racontera sa génération», équivalent à peu près à ce qui est dit: «Personne ne connaît le Fils, sinon le Père». Personne ne pouvait rendre compte de ce qu'il était, ni des principes de sa vie ici-bas. Dieu avait été assez manifesté pour être rejeté par les malheureux humains; mais, malgré cette manifestation, ils ne pouvaient pénétrer jusqu'aux ressorts de sa vie, ni de la carrière qu'il a fournie ici-bas. Ceux qui ont connu un prisonnier peuvent être des témoins à sa décharge en racontant ses antécédents; mais le Fils de Dieu n'avait ni amis, ni connaissances; il a dû être lui-même son propre témoin, que personne n'a compris; mais il a accompli sa tâche.

Quant au Psaume 116: 15, je ne pense pas que les traducteurs de Genève veuillent dire autre chose que ce qui se trouve dans l'ancienne traduction, mais l'expression dont ils se servent me paraît peu heureuse. Le sens du passage me semble être celui-ci: Dieu tient grand compte des siens, et si le monde les met à mort, lui ne les oublie pas; leur mort a une grande importance à ses yeux, quelque méprisés qu'ils soient. Il semble les négliger en laissant le monde sévir contre eux, mais il n'en est pas ainsi. Comparez la promesse faite aux fidèles de Smyrne.

Je pense que nous partirons pour l'Europe, au plus tard, au commencement du mois de mai. Après un court séjour en Angleterre, Dieu aidant, j'espère visiter le continent.

Saluez les frères de ma part. Je me réjouis de tout mon coeur de la bénédiction que Dieu leur a accordée.

 «Ce jour-là» (2 Timothée 1: 12, 18; 4: 8), c'est, je le suppose, le jour dans lequel tous rendront compte de leurs oeuvres; tel est le sens ordinaire de ces mots pour les méchants; c'est le jour du jugement, soit terrestre, soit devant le grand trône blanc, mais plus particulièrement la venue, l'apparition du Seigneur. Quand il s'agit des fidèles individuellement, le souhait de l'Esprit ajoute toujours la «miséricorde» à la grâce et à la paix (voir le commencement des deux épîtres à Timothée). La seconde épître a un caractère tout particulier: l'apôtre s'en va avec la conscience que le bien-être de l'Eglise de Dieu s'en ira avec lui. Il désire, plus qu'ailleurs, que les fidèles se fortifient, mais il sent que la gloire de l'économie chrétienne va s'éclipsant. Il retourne en pensée, à la catégorie des fidèles de l'ancienne économie, à la foi qui est de tous les temps, mais en se maintenant sur le terrain chrétien (2 Timothée 1: 3, 5). L'heure était venue où le jugement commencerait par la maison de Dieu; dans les derniers jours, on aurait à se retirer de ce qui s'appelait l'église (chapitre 3: 5). Or ceci fait passer le jugement devant les yeux de l'apôtre, ainsi que la miséricorde, dont nous avons toujours besoin individuellement, et particulièrement en vue du jugement. En un mot, la ruine de l'Eglise individualise le chrétien; il est toujours individuel dans sa conscience et devant le tribunal de Christ. Ainsi Jude, qui annonce si clairement le jugement de la chrétienté, commence par la miséricorde (verset 2), et termine son épître (verset 21) par la même pensée. Les privilèges ne sont nullement abrogés, mais l'état de l'ensemble introduit la pensée du jugement à venir, et alors l'individu paraît sur la scène avec la responsabilité qui pèse toujours sur lui: l'impression que nous en recevons est plus mélancolique encore en 2 Timothée, car l'apôtre contemplait la ruine de son oeuvre. Dans un certain sens, il avait, comme le Seigneur, travaillé en vain, quant à ce qui devait se former sur cette terre, le peuple de Dieu ici-bas; mais ses affections chrétiennes sont en pleine vigueur et s'expriment à l'égard d'Epaphrodite en vue du jugement. Pour ma part, je trouve tout cela bien solennel. L'Eglise comme un tout est perdue, dans la seconde épître à Timothée, quant à ses privilèges et à sa puissance spirituelle. On se retire de la forme de la piété, et les Ecritures deviennent, pour l'homme de Dieu, le guide sûr de sa conduite et de sa foi. On sait de qui on a appris les vérités que nous professons.

 Lettre de J.N.D. no 23 – ME 1891 page 471

Darby J.N.

 

à Mr M.

Barbados, 11 février 1869

Bien cher frère,

Je ne doute nullement que nous ne devions prêter serment quand le juge nous y appelle, par la raison même qui nous empêche de jurer. Dans ce dernier cas, on introduit Dieu légèrement, «cela vient du mal», tandis qu'en prêtant serment quand, le juge m'y appelle, je reconnais l'autorité de Dieu en celui qui le représente. A cet égard, on est adjuré (voyez Lévitique 5: 1, correctement traduit). Lorsque le souverain sacrificateur adjura Christ, celui-ci répondit tout de suite. Cela ne vient pas de moi; c'est un serment volontaire qui est défendu: «Tu ne te parjureras pas, mais tu accompliras tes voeux à l'Eternel; mais moi je vous dis: Ne jurez pas du tout». Le serment devant le juge est ce dont il est question dans le chapitre 5 du Lévitique. Je ne sais comment cela est rendu en français; mais le sens est celui-ci: s'il y a péché et que tu entendes la voix d'adjuration et que tu sois témoin; si tu as vu ou entendu, si tu ne le déclares pas, alors tu porteras ton iniquité. Quelques expressions de Paul m'offriraient un peu plus de difficulté, mais je pense qu'il introduit Dieu comme témoin de ce qu'il dit, comme si je disais: Dieu sait de quelle manière sainte je me suis conduit au milieu de vous. Ce n'est pas un serment, mais un appel à l'oeil de ce Dieu qui voit tout, et qui rendait témoignage à Paul, à l'égard de sa marche (1 Thessaloniciens 2: 10).

Sur les Antilles, je n'ai rien de bien saillant à vous raconter. Il y a ici une cinquantaine de frères assez intelligents et affectueux, montrant un certain désir d'entendre la Parole et de connaître la vérité telle que les frères l'ont reçue. En tout cas, grand sérieux, et beaucoup d'attention dans les réunions.

Le pays est plus européen dans ses moeurs, il y a plus de blancs que de noirs, une petite station militaire, etc. Dans le Démérara (Guyane), ce qui répond à votre Cayenne, colonie de beaucoup plus étendue par son territoire que la Grande Bretagne, la population n'est pas plus nombreuse que dans ce petit îlot, mais dans un triste état moral. Les noirs et les gens de couleur ne veulent pas travailler, et déclinent; on a fait venir pour les remplacer des Chinois, puis des Hindous qui vont à peu près nus. Au temps de l'esclavage, le mariage était presque inconnu; il est plus fréquent maintenant, mais le concubinage n'en est pas moins commun. Les frères, cela va sans dire, sont très décidés à cet égard, mais il faut exercer la discipline sur des parents qui admettent la chose pour leurs enfants demeurant chez eux, ou vice-versa. On a été ferme avec un bon résultat, mais je pense que la majorité des frères sont nés de liaisons illégitimes; on y pense à peine; leurs parents, les mères en tout cas, avaient été esclaves. Ils marchent bien, mais il y a beaucoup d'ignorance, plusieurs ne savent pas lire.

Il y a quatre réunions, environ 350 personnes qui prennent la cène, un désir, croissant d'entendre la vérité, des âmes sont ajoutées; moins de blancs qu'ici, ou de personnes qui sont dans le petit commerce.

A St-Christophe, il y a une petite oeuvre commencée par le frère C., mais les ouvriers manquent; cela promettait pourtant.

Quant à la Jamaïque, je ne l'ai pas encore visitée; c'est une île magnifique, mais ruinée par l'émancipation des nègres. On y trouve cinq réunions, outre des frères éparpillés, deux ou trois ensemble ici et là. Je ne sais pas au juste le nombre des frères: je crois qu'ils vont bien; mais là aussi, les ouvriers font défaut, et le manque de routes rend le travail difficile.

Voilà une petite esquisse (autant que je puis la fournir) de l'état de choses dans ce qui n'est pas proprement un pays, mais, sauf le Démérara et la grande île de la Jamaïque, de petits îlots éparpillés dans l'Océan, ayant entre eux des communications peu fréquentes.

Notre visite a encouragé les frères, et ils ont été affermis dans la vérité qu'ils avaient reçue. Dieu aidant, nous pensons revenir en Europe vers la fin d'avril, et j'espère visiter le Continent.

Vos lettres m'ont bien réjoui; si les frères vont bien, je suis heureux. Les temps s'avancent rapidement, tout tend à la fin, et c'est notre joie et notre sûreté pratique, d'attendre le Seigneur que nous aimons et qui nous a tant aimés. Assurez M. et Mme D. de toute ma sympathie. Le Seigneur fait contribuer toutes choses, quelque pénibles qu'elles soient, au plus grand bien de ceux qui l'aiment. Puis, quand nos pauvres corps seront glorifiés, nous oublierons tout, sauf la grâce qui a été la cause de nos peines et qui les aura accompagnées.

Saluez le frère G., on me dit qu'il s'affaiblit, ce n'est pas étonnant. En tout cas, nous cheminons vers le ciel, mais nous devrions demander au Seigneur de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson.

Paix vous soit, bien-aimé frère.

Votre toujours affectionné…

 

P. S. — Les passages où Paul en appelle à Dieu, sont: Romains 1: 9; 2 Corinthiens 1: 23; Philippiens 1: 8; 1 Thessaloniciens 2: 5, 10.

Lettre de J.N.D. no 24 – ME 1891 page 475

Darby J.N.

 

à Mr M.

Londres, 31 mai 1870

Bien cher frère,

Il paraît, en effet, que, par la bonté de Dieu, ces études sur les épîtres aux Romains, aux Colossiens, aux Ephésiens et le commencement de la seconde aux Corinthiens, ont été bénies, car on m'en a écrit de Suisse dans ce sens.

Quant à vos questions, je vais tâcher d'y répondre:

1°  (Jean 1: 4). — La vie était la lumière des hommes. La venue sur la terre de la Parole faite chair, était la présence de la vie éternelle dans sa Personne, et manifestait ce que Dieu était en grâce pour les hommes, et ce que l'homme est comme objet parfait du bon plaisir de Dieu. Mais il y a quelque chose de particulier dans l'expression. Dieu, en tant que Dieu, est la lumière; mais il y a quelque chose de plus précis ici. On voit Proverbes 8, que la sagesse divine trouvait ses délices dans la partie habitable de la terre et que son bon plaisir était dans les enfants des hommes; en sorte que cette lumière de la vie se rapportait spécialement aux hommes, était une lumière adaptée tout particulièrement à eux. Ce que Dieu révèle de lui, se révèle dans l'humanité et en rapport avec l'homme. Tout ce qu'il est, moralement, est manifesté dans l'homme et pour les hommes. C'est là que les anges même voient Dieu.

2°  L'Esprit doit bien être présent là où il y a une assemblée, autrement rien ne se fera bien; c'est aussi l'Esprit qui la réunit, mais le centre d'une assemblée réunie est Christ; on a pour Christ des affections qu'on ne peut avoir pour l'Esprit; c'est Christ qui est mort pour nous, c'est lui qui s'est fait homme, lui qui était dans la gloire du Père. Mais j'ajoute que ce n'est pas dans une assemblée qu'il demeure, mais dans la maison de Dieu comme un tout.

3°  Quant à la table du Seigneur, le nom de Seigneur est un nom d'autorité; quand on parle de communion, le mot employé est Christ. On s'était servi du nom du Seigneur pour embarrasser quelques âmes.

 

Saluez notre cher frère D., et assurez-le de ma vraie sympathie. Nous sentons tous deux, à notre âge, que le monde n'est pas notre repos, mais la perte d'un enfant n'en est pas moins pénible.

Saluez affectueusement tous les frères. Ici, il y a grand désir d'entendre la Parole. Les réunions se multiplient beaucoup; en général les frères sont unis, mais l'oeuvre prend une grande extension en Allemagne aussi.

J'écris à la hâte, au moment de mon départ de Londres pour l'Amérique. M. W. a été très malade, condamné des médecins, mais il est beaucoup mieux. J'espère, si Dieu m'en conserve la force, me rendre en France l'hiver prochain.

Il y a beaucoup de conversions au Canada, et l'on m'y demande. La vérité se répand beaucoup aussi aux Etats-Unis.

Paix vous soit.

Votre affectionné frère…