Lettres de J.N.D.

 

Lettres de J.N.D. 1

ME 1892 page 3 - Lettre de J.N.D. no 25. 2

ME 1892 page 6 - Lettre de J.N.D. no 26. 3

ME 1892 page 35 - Lettre de J.N.D. no 27. 5

ME 1892 page 49 - Lettre de J.N.D. no 28. 6

ME 1892 page 73 - Lettre de J.N.D. no 29. 8

ME 1892 page 93 - Lettre de J.N.D. no 30. 9

ME 1892 page 114 - Lettre de J.N.D. no 31. 11

ME 1892 page 136 - Lettre de J.N.D. no 32. 12

ME 1892 page 153 - Lettre de J.N.D. no 33. 14

ME 1892 page 169 - Lettre de J.N.D. no 34. 15

ME 1892 page 190 - Lettre de J.N.D. no 35. 17

ME 1892 page 193 - Lettre de J.N.D. no 36. 18

ME 1892 page 213 - Lettre de J.N.D. no 37. 19

ME 1892 page 238 - Lettre de J.N.D. no 38. 21

ME 1892 page 248 - Lettre de J.N.D. no 39. 22

ME 1892 page 249 - Lettre de J.N.D. no 40. 22

ME 1892 page 270 - Lettre de J.N.D. no 41. 23

ME 1892 page 271 - Lettre de J.N.D. no 42. 23

ME 1892 page 286 - Lettre de J.N.D. no 43. 24

ME 1892 page 308 - Lettre de J.N.D. no 44. 26

ME 1892 page 309 - Lettre de J.N.D. no 45. 27

ME 1892 page 337 - Lettre de J.N.D. no 46. 27

ME 1892 page 338 - Lettre de J.N.D. no 47. 28

ME 1892 page 339 - Lettre de J.N.D. no 48. 28

ME 1892 page 340 - Lettre de J.N.D. no 49. 28

ME 1892 page 358 - Lettre de J.N.D. no 50. 29

ME 1892 page 372 - Lettre de J.N.D. no 51. 30

ME 1892 page 399 - Lettre de J.N.D. no 52. 31

ME 1892 page 418 - Lettre de J.N.D. no 53. 31

ME 1892 page 418 - Lettre de J.N.D. no 54. 31

ME 1892 page 430 - Lettre de J.N.D. no 55. 33

ME 1892 page 431 - Lettre de J.N.D. no 56. 33

ME 1892 page 458 - Lettre de J.N.D. no 57. 35

ME 1892 page 477 - Lettre de J.N.D. no 58. 37

 

ME 1892 page 3 - Lettre de J.N.D. no 25

à Mr M.

Londres, 30 décembre 1870

Bien cher frère,

 

J'ai été heureux de recevoir de vos nouvelles. Nous pensons beaucoup à nos chers frères de France, et en particulier à ceux de Paris; de ceux-ci nous ne recevons pas de nouvelles. La main de Dieu est trop évidente pour que nous ne la reconnaissions pas. Deux de nos frères et quatre soeurs sont allés à Sedan pour soigner les malades; l'un des frères, médecin chirurgien, a soigné beaucoup de malades pendant je ne sais combien de semaines, et presque tous ayant été guéris, et renvoyés, préoccupé des misères qui viennent à la suite de la guerre, il s'est mis à fournir de la nourriture aux gens du pays. Il a succombé en huit jours à la petite vérole; l'autre frère étant déjà malade de la dysenterie épidémique qui régnait, son cousin a dû l'aller chercher; les quatre soeurs sont maintenant de retour. Ils avaient apporté 30.000 fr. à peu près. Un frère qui est allé trouver le Docteur à son lit de mort lui apportait encore 25.000 fr. Cette nouvelle ressource a permis de fournir 1.000 bonnes rations de soupe par jour, jusqu'au mois d'avril. Quelques dames protestantes dévouées s'occupent de ce service; trois de ces dames, m'a-t-on dit, sont chrétiennes. Je craignais un peu pour ces frères l'excitation des circonstances, mais je bénis Dieu de ce qu'il y a eu au moins ce témoignage d'intérêt chrétien porté de la part de nos amis à ces pauvres malheureux. J'ai été réjoui de leur dévouement, et j'admets que le Seigneur lui-même se laissa mouvoir par les circonstances, seulement je crains qu'il n'y aurait peut-être pas eu le même fruit dans les circonstances ordinaires, aussi Dieu a permis que ces frères montrassent ce dévouement, puis il les a rappelés.

J'ai reçu des nouvelles de trois frères français prisonniers en Allemagne. Les deux premiers sont à Coblentz, et les frères d'Elberfeld ont l'espoir de les recevoir chez eux. Cela dépend naturellement des autorités, mais il est doux de penser que l'amour fraternel cherche à adoucir les horreurs de la guerre. Que ce soit un lien de plus pour nos coeurs!

Quant au Nouveau Testament français, il n'y aura pas de changement important; pour la traduction presque point; mais trois ou quatre nouveaux manuscrits très anciens ayant été publiés depuis la première édition, je les ai collationnés pour rendre le texte plus exact en quelques endroits. Pour l'âme, le texte ne sera guère autre qu'il n'était.

Quant à 1 Corinthiens 12, les dons se rapportent au Saint Esprit qui les distribue, étant ici-bas, à qui il trouve bon; mais à l'égard du don, celui qui le possède est serviteur de Christ; il y a, par conséquent, plusieurs administrations, mais un seul Seigneur. — On aurait pu supposer que, le Saint Esprit étant sur la terre, et le Seigneur, homme, dans le ciel, il s'agissait d'une chose inférieure à ce qui est proprement divin, aussi est-il ajouté: «diverses opérations», et «un seul Dieu qui opère tout en tous». Parmi les païens, il y avait plusieurs esprits, voire «une légion» d'esprits, mais parmi les chrétiens, il n'y a qu'un seul Esprit. Vous trouverez que Dieu, le Seigneur, l'Esprit, dans ces passages, différent de «Père, Fils et Saint Esprit». Dans le dernier cas, ce sont les personnes qui subsistent dans l'unité de la Déité; mais les termes Dieu, Seigneur, Esprit, sont plutôt officiels, les deux derniers en tout cas, et ce que ces titres sont en position et en opération.

Quant au «plus d'honneur» donné à «ceux qui sont moins honorables», cela signifie qu'on peut avoir un don plus en évidence, tandis qu'un autre frère, par une tranquille sagesse, sera beaucoup plus utile sans jamais paraître; et, en général, que l'on ne doit pas juger de l'importance d'un membre par son apparence extérieure.

Saluez cordialement les frères. Ici, ils vont bien, grâces à Dieu; leur nombre aussi augmente beaucoup, mais les flots du mal et de l'incrédulité montent rapidement. Toutefois le Seigneur est fidèle, et l'on peut, en tout temps, s'attendre à lui.

Votre bien affectionné en Christ…

ME 1892 page 6 - Lettre de J.N.D. no 26

à Mr M.

London (Canada), 25 septembre 1872

Bien-aimé frère,

J'ai été hier réjoui de recevoir des nouvelles de vous et des autres frères que vous nommez. Je craignais un peu que le zèle ne se fût évaporé chez quelques-uns, car il faut une foi personnelle et une vraie liaison de coeur avec le Seigneur pour rechercher ses intérêts et le bien des âmes. Un frère est allé, je crois, dans le Gard, où un ouvrier fait grand besoin. Que Dieu donne à beaucoup d'estimer toutes choses comme une perte pour l'amour de Christ, et pour le suivre sans réserve. Quant à l'oeuvre, je suis plutôt encouragé. X. a été très utile, ici en Amérique, parmi les Français et les Suisses; ils ne vont pas mal. J'ai eu de bonnes réunions parmi ces frères. Je ne crois pas qu'il y en ait un seul qui puisse dire qu'il soit venu ici avec Dieu, et le plus grand nombre se trouvent chargés de dettes. Parmi les Américains, il y a un certain mouvement. En général, ils ne cherchent pas la vérité, se contentant de la forme de la piété, et d'appartenir à une église quelconque. Toutefois la vérité a pénétré jusqu'à un certain point: il y a des ministres qui la prêchent, qui enseignent la venue du Sauveur, la présence du Saint Esprit, et reconnaissent que tout est en ruine et que les sectes sont une chose mauvaise, tout en y restant. Cependant quelques-uns, sentant que cela n'est pas bien, ont quitté leurs systèmes, et d'autres sont travaillés à ce sujet. Mais il est triste de voir des ministres prêchant que tout ce qu'ils suivent est mauvais et le suivant néanmoins. Je crois que, tout en ayant reçu beaucoup de vérités, la pleine grâce leur manque et ainsi la confiance en Dieu. Sans ces choses, on n'a pas de force pour suivre le Seigneur. Qu'on cherche la communion constante avec lui, qu'on connaisse que la force est là pour tenir la chair pour morte et marcher selon je le veux bien: souvent on le néglige; mais qu'on n'affaiblisse pas la grâce, seul moyen qui nous rende capables de marcher dans cette communion et dans cette force. Cependant la vérité se propage considérablement, et bien que les pasteurs officiels veuillent qu'on reste stationnaire, une à une les âmes se détachent; je crois que les consciences de plusieurs, en voyant cela, se réveilleront peu à peu. J'ai peine à croire que tous continuent à dire: nous faisons mal, mais nous le ferons toujours. Dans une localité, il y a un mouvement considérable dans les âmes; quelques-unes se sont entièrement détachées des systèmes, quoiqu'elles ne rompent pas encore le pain. On a à veiller ici contre toute sorte d'opinions hérétiques ou simplement de volonté propre: aussi la Parole a peu d'autorité; en général, chacun a son opinion. Toutefois, dans l'endroit dont j'ai parlé, il y a beaucoup d'âmes pieuses.

Ici, dans le Canada, il y a du bien, mais plutôt un certain affaissement, ce qui est l'ordinaire après un réveil accompagné de quelque excitation. Il y a en même temps des fruits évidents de l'oeuvre, mais il faut des soins continuels, si l'on veut que les âmes glorifient le Seigneur. Aussi faut-il prier continuellement pour elles. C'est lui qui seul peut stimuler les âmes à rechercher sa gloire et à se juger elles-mêmes, sans quoi on ne peut rester près du Seigneur, et jouir de sa force. Pour ma part, je crois que le chrétien ne devrait jamais perdre la conscience qu'il est aimé comme Jésus est aimé, — la conscience de la clarté de la face du Père, et de cette faveur qui est meilleure que la vie. Si je marche fidèlement et dans sa présence quand je me trouve plus directement devant lui, je n'ai pas à m'occuper de moi-même, mais de lui; sinon sa présence me force à m'occuper de moi-même.

Quant au passage que ceci me rappelle, il faut se souvenir que le Saint Esprit s'occupe, dans les épîtres de Pierre, du gouvernement de Dieu, c'est-à-dire de ses voies envers nous sur la terre; dans la première épître, en faveur des siens, dans la seconde, contre les méchants. Ainsi il est dit que les justes sont sauvés difficilement, mais il s'agit des troubles et des épreuves par lesquels il faut qu'ils passent, — le jugement sur la maison de Dieu ici-bas. En 2 Pierre 1: 10, 11, au lieu d'entrer comme à travers le feu, en étant sauvé comme Lot ou Noé, ce qui arrivera à quelques-uns qui ne veulent pas marcher avec Dieu, on peut entrer joyeusement, dans la plénitude de la paix et de la joie, témoignage de la pleine victoire de l'Esprit de Dieu sur le monde. On le voit journellement dans ceux qui meurent; l'un peut dire tout juste qu'il est en paix, et que sa confiance est en Christ; chez l'autre, la mort est un véritable triomphe. Ceci est la même chose en principe, mais Pierre parle plutôt des derniers jours que de marcher fidèlement en dehors du monde: le feu qui sépare n'est pas nécessaire, on jouit de sa portion et l'on entre dans le royaume avec triomphe. Quelle différence entre Ananias et Sapphira, et Etienne, quand même tous sont morts et que la vie de tous a été tranchée. Mais, je le répète, Pierre a en vue les derniers jours, où l'effet de la marche sera manifesté dans les voies de Dieu envers les siens.

Saluez cordialement tous les frères. Que nos chers frères ouvriers se dévouent selon la volonté de Dieu et soient dirigés par lui.

Votre bien affectionné frère…

ME 1892 page 35 - Lettre de J.N.D. no 27

à Mr M.

Nimes, 1er mars 1872

Bien cher frère,

Je comprends bien l'état dont vous parlez, car en Allemagne il manquait complètement, quoique la question de l'affranchissement y fût la grande affaire. En général, dans ce pays, les frères marchaient assez bien avec les misères qui, hélas! se trouvent partout; mais l'intelligence de notre position chrétienne, des choses dans lesquelles nous sommes introduits par l'affranchissement, manquait souvent. Si une âme est convaincue de péché, elle a besoin d'affranchissement; une fois affranchie, tout le reste dépend de la mesure dans laquelle Christ est précieux pour le coeur. Le danger d'une simple prédication d'affranchissement, est que l'on s'en contente. Avec elle, on peut mener une pauvre vie (quoique sans scandale), parce que, affranchi de la crainte qui accompagne le légalisme, on n'a pas d'objet qui engage les affections dans un meilleur chemin. Ce n'est pas que de plus grandes connaissances puissent, à elles seules, garantir l'âme de décadence spirituelle: on peut être superficiel avec beaucoup de lumières acquises; mais quand la conscience et les besoins du coeur sont liés à Christ, qui rend la première plus délicate et clairvoyante, plus forte pour se maintenir dans le droit chemin, et qui répond aux autres, alors les connaissances nourrissent l'âme. Mais ce qui est essentiel, c'est que Christ soit tout. Nous avons cherché et demandé cela à Dieu, ici, au milieu des frères, autant que la connaissance.

Quant à l'Italie, je n'ai pas grand chose à vous dire. Dieu a ouvert ce pays, ainsi que l'Espagne, à l'évangile, d'une manière tout à fait remarquable; nous devons l'en bénir. Mais si l'on veut voir la ruine de l'Eglise et ses effets, c'est là qu'il faut aller. Chaque secte cherche à accaparer ceux que Dieu amène à sa connaissance, — les introduisant dans l'état où elle se trouve, et dans un relâchement moral qui brise le coeur. Aussi, en général, ces églises à peine établies dégringolent. On cherche maintenant à monter une espèce d'église libre, mais les choses restent à peu près dans la même confusion que jamais et plutôt dans un état pire. Toutefois il ne manque pas d'âmes qui ont reçu la vie, et j'ai bon espoir que Dieu agira. Il n'y a qu'une toute petite poignée de frères, mais ils vont bien. S'il y avait un frère capable, pour la langue et pour la doctrine, il y aurait bien à faire, mais il faudrait de la patience et de la fermeté. Au reste, notre consolation, c'est que le Seigneur, fils sur la maison de Dieu, veille sur les siens et sur l'oeuvre. Que l'Esprit de Dieu opère en ce moment, la chose est, grâce à Dieu, évidente; la France s'en ressent aussi. Qu'il daigne susciter des ouvriers dans sa grâce. La bénédiction en Suisse est aussi bien réjouissante. Un ancien camarade de X. est bien béni au Canada. Dans une localité nouvelle, il y a eu une centaine de conversions; mais il nous faut instamment demander à Dieu que ceux qui sont convertis ne soient pas du monde, mais glorifient le Seigneur en ayant leurs affections fixées sur les choses qui sont en haut, où Christ se trouve. On se contente de ne pas scandaliser le monde et les chrétiens, mais souvent on sait peu ce que c'est que d'avoir Christ habitant dans le coeur, par la foi, de se nourrir de lui, de vivre de chaque parole qui sort de la bouche de Dieu. Or il faut que l'ouvrier apporte Christ ainsi. Christ, ainsi connu et prêché, attire le coeur et réveille la conscience, non seulement à l'égard des choses extérieurement mauvaises, mais à l'égard de l'état même de l'âme. La conscience reconnaît les droits du Seigneur sur nous, sur nos affections; on s'humilie, et le coeur devient droit devant lui. Ce que je désire ardemment, c'est que Christ soit glorifié dans l'Eglise, et qu'il y ait une véritable épître de Christ connue et lue de tout le monde. Qu'il veuille le faire dans sa grâce. Tenons-nous près du Seigneur, cher frère, afin qu'au moins, pour notre part, il en soit ainsi, et que le témoignage soit là pour les autres. Pour nous, ce sera jouir de Christ; pour eux, ce sera le voir reflété dans notre conversation. Notre frère X. a été arrêté par une laryngite, grande discipline pour une âme ardente comme la sienne, mais sûrement fruit de l'amour de Celui qui nous garde. Dieu veuille continuer à faire reposer sa bénédiction sur vos travaux. Saluez affectueusement tous les frères.

Nous n'avions pas, ou plutôt on n'avait pas invité à notre conférence; un ou deux frères sont venus pour un temps; mais en général, le but était de réunir ceux qui pensaient se mettre à l'oeuvre.

Votre affectionné frère…

ME 1892 page 49 - Lettre de J.N.D. no 28

à Mr M.

Concord (Etats-Unis), 25 avril 1873

Bien-aimé frère,

J'ai été heureux de recevoir votre lettre et des nouvelles des frères des Cévennes, et je bénis Dieu, particulièrement, de ce qu'il a suscité quelques ouvriers. Mon âge et l'étendue actuelle de l'oeuvre rendent mes visites moins fréquentes, mais mon coeur reste attaché aux frères de vos côtés, comme si j'étais au milieu d'eux. Nous nous reverrons, grâces à Dieu, là où nous nous raconterons mutuellement les merveilles de sa grâce. Si je me rends en Italie, d'où je reçois de très bonnes nouvelles, bien que ce ne soient que de petits commencements, il se pourrait que je visse les frères en passant; mais tout cela est entre les mains de Dieu. Je pensais me rendre en Nouvelle Zélande, où il y a eu un mouvement en bien au milieu de certains frères, relâchés quant à la discipline; mais comme je pensais partir, on a supprimé le service par San Francisco, et je rentrerai, Dieu voulant, en Europe, au mois de mai. Ces onze derniers mois, j'ai fait environ seize mille kilomètres de terre et de mer, par une chaleur accablante, ou par un froid extraordinaire, et me voici, par la bonté de Dieu, debout et en bonne santé. J'ai été un peu fatigué par la chaleur, mais les âmes cherchaient la vérité, et je parlais treize heures par jour. La chaleur et les moustiques m'ont fait perdre le sommeil, mais, grâces à Dieu, je me suis bientôt remis. Le Seigneur a été avec moi dans cette tournée d'une manière toute spéciale, ou plutôt, il agit, en ce moment, dans les Etats-Unis, d'une manière bien réjouissante. L'état de choses dans les soi-disant églises est épouvantable; tout est permis: bals masqués, loterie, tromperie, bazars, pièces de théâtre dans l'église même, pour faire de l'argent, et une indifférence à la moralité, dont on ne se fait pas une idée; on échappe à toute discipline, si l'on donne de l'argent. Le monde s'en moque, dans les journaux. De plus, toutes les hérésies imaginables ont cours sans qu'on s'en inquiète; on nie la résurrection, on nie l'immortalité de l'âme, on croit ce que l'on veut, ou l'on ne croit rien. Eh bien, Dieu agit; les âmes pieuses commencent à sentir que cet état de choses est intolérable. On sonde la Parole, et il y a un intérêt pour elle, comme on n'en a jamais vu. Des incrédules avoués prennent part à leurs réunions de prières, sans qu'on y prenne garde. Eh bien, dans mes réunions, tout cela a été mis en évidence, d'une manière pénible, sans doute, mais Dieu était là, et le résultat a été très bon. Les réunions des frères s'accroissent; quatre ont été formées dans l'Ouest; deux ministres presbytériens ont quitté leur système et sont à l'oeuvre, ainsi qu'un ministre baptiste. L'esprit des chrétiens se réveille partout, et c'est la chose intéressante dans ce moment. La vérité se répand; les hérésies et les erreurs fourmillent; pour sortir du mauvais état dans lequel on se trouve, on veut être parfait dans la chair; tout cela n'empêche pas que la vérité soit goûtée et gagne les coeurs; on sent partout, dans ce vaste pays, que les frères possèdent la vérité et qu'il y en a qui veulent marcher en dehors du mal. C'est une petite nuée, mais qui présage, je n'en doute pas, beaucoup de pluie. L'oeuvre se fait maintenant au milieu des Américains d'origine, ce qui n'a guère été le cas jusqu'ici. Tous sentent que le Seigneur agit. Le mal est démontré par la lumière, et ce qui restait caché sous des formes pieuses se manifeste tel quel. C'est un tout petit commencement, mais l'oeuvre et le témoignage de Dieu se font sentir.

Je suis sur le point de retourner en Angleterre; à 73 ans, il n'est pas facile de dire, même selon l'homme: je reviendrai ici, comme je le dirais si j'étais plus jeune, mais c'est Dieu qui fait l'oeuvre. Il est doux de sentir que Christ nourrit et chérit l'Eglise, comme un homme, sa propre chair; c'est là notre confiance, et ma consolation de tous les jours. Ce à quoi je tiens, ce que je demande à Dieu, c'est que les frères marchent fidèlement selon le Seigneur, qu'ils ne se mondanisent pas, et qu'il y ait de la sainteté, qu'ils marchent avec Dieu et dans sa communion, comme des pèlerins et des étrangers, manifestant clairement qu'ils cherchent leur patrie; — qu'ils se nourrissent de Christ, et qu'ainsi ils vivent de lui. Que tout ce qui sort de leur bouche ou qu'ils pratiquent, procède de Christ demeurant dans leurs coeurs par la foi; que la vie intérieure soit maintenue dans sa communion!

Saluez affectueusement les frères. Je m'intéresse à l'oeuvre, comme si c'était la mienne, et elle est à nous tous ensemble, devant Dieu, comme étant la sienne. Paix vous soit, cher frère, et que sa grâce soit richement avec vous et avec tous les frères…

Votre affectionné en Jésus…

ME 1892 page 73 - Lettre de J.N.D. no 29

à Mr M.

Londres, 19 septembre 1873

Bien cher frère,

Je bénis Dieu de ce qu'il continue son oeuvre dans vos contrées. J'espère que tout ceci réveillera la Drôme qui dormait un peu et depuis trop longtemps. Mon coeur et mes prières sont avec nos chers frères pour qu'ils soient abondamment bénis dans leur travail. Que Dieu les tienne près de lui. Le travail même, si nous ne nous tenons pas près de lui, nous dessèche et nous expose aux ruses de l'ennemi. La présence du Seigneur seule nous garde et nous garantit de ses attaques, mais il faut la conscience de sa présence, car aussitôt que nous la perdons, voilà la volonté qui s'élève; et le moi est toujours exposé à l'ennemi. Le travail doit découler immédiatement de Christ. «Je vous envoie», dit le Seigneur, et cela est toujours vrai à chaque instant. Mais le coeur devrait être près du Seigneur et dans sa communion, pour apporter de sa part de la vérité et de la grâce toutes fraîches comme elles sont venues par lui. Si l'on ne s'adresse pas aux âmes, de sa part, on reçoit ses impressions, soit des circonstances, soit des personnes au milieu desquelles on se trouve. Le Seigneur était toujours sensible aux circonstances, mais il était toujours lui-même, manifestant le Père dans ces circonstances; et nous devrions toujours être la manifestation de Christ aux personnes, dans les circonstances où nous nous trouvons. Or cela nous est impossible, si nous ne sommes pas assez avec lui pour les dominer par la conscience de sa présence. Que Dieu nous fasse la grâce d'être diligents dans la recherche de sa communion, afin que notre âme soit vidée de tout pour être remplie de lui, et cela n'a lieu que dans la communion du Seigneur — on ne connaît l'état de son âme que là.

Quant à vos passages, il est clair que les saints viendront avec le Seigneur, quand il apparaîtra pour juger, mais il y a deux genres de jugements; le jugement guerrier et la séance judiciaire (Apocalypse 19; 20). Ce dernier jugement sera de longue durée, voyez la fin de Matthieu 19. Le passage 1 Corinthiens 6: 2, semble parler davantage de ce dernier genre de jugement, car il est question de capacité de discerner. Quant au jugement des anges (verset 3), rien n'en est dit, que je sache, sinon ici, de sorte qu'il faut prendre la chose simplement comme elle est dite. Nous participons avec Christ, à toute sa gloire. Jude 14, 15, montre que les fidèles viennent avec Christ et prennent part au jugement, mais c'est là le jugement, guerrier et non une séance judiciaire. Le jugement continue pendant toute la durée des mille ans, mais cela ne s'applique pas aux anges, mais bien au monde et à Israël.

Quant à 2 Thessaloniciens 1: 12, la première partie est simple: «Que le nom de notre Seigneur Jésus Christ soit glorifié en vous». La seule question est jusqu'à quel point la seconde partie — «et vous en lui» — se vérifie aussi ici-bas. Le verset 12 se rapporte aux deux versets précédents, et la première partie est évidemment fondée sur le verset 11. La dernière partie s'accomplira pleinement quand il reviendra, mais je crois que l'apôtre pense à une pleine réalisation de Christ dans le coeur, à «une riche entrée dans le royaume éternel», et que, dès à présent, on réalise la gloire de Christ dans le coeur. Nous sommes en Jésus; en réalisant ce qu'il est, on est glorifié en lui; on le sera pleinement plus tard.

Toutes les nouvelles que j'ai reçues des Etats-Unis démontrent qu'une impulsion a été donnée à la vérité, qui se propage par la grâce.

Je suis à Londres dans ce moment, au sujet du départ pour l'Egypte d'un frère, précédemment ministre presbytérien, et déjà missionnaire dans ces contrées, qui a reçu la vérité lorsque j'étais aux Etats-Unis; un autre qui s'était rendu en Egypte a donné sa démission. Ceci a naturellement réveillé l'opposition; on doit s'y attendre et il faut combattre le bon combat de la foi.

Tout ce que je demande, c'est que Dieu nous garde de la mondanité et nous donne de lui être dévoués. Saluez affectueusement les frères.

Votre affectionné frère en Christ…

ME 1892 page 93 - Lettre de J.N.D. no 30

à Mr M.

Auckland, Nouvelle-Zélande, 14 septembre 1873

Bien cher frère,

Je réponds à votre lettre, quoiqu'il doive s'écouler environ deux mois avant que vous receviez celle-ci. Après avoir passé presque une année aux Etats-Unis, je viens de traverser l'Océan Pacifique, franchissant une distance de 2.000 lieues, soit 9.600 kilomètres, précédés de 3.200 kilomètres en chemin de fer sans descendre de voiture, sinon pour les repas. Notre Dieu m'a non seulement gardé, mais donné un voyage des plus favorables. Ce qui change tout ici, c'est que nous avons le soleil au nord. Le printemps est sur le point de commencer. Nous avons abordé dans quelques îles de l'océan, visité un petit royaume civilisé et christianisé, puis d'autres encore sauvages, mais où l'on trouve des missionnaires. Ici, quelques réunions de frères m'attendent depuis deux ou trois ans. Dieu a agi, dans sa grâce, pour les délivrer d'une fausse voie, mais ils ont besoin d'être visités, enseignés, encouragés dans la bonne voie, et c'est pourquoi je suis venu, quoique un peu vieux pour entreprendre de tels voyages. J'ai trouvé à Auckland une bonne réunion de 70 personnes que Mr W. a déjà visitées. Il y a d'autres assemblées où j'espère aller. Il faut que les âmes soient solidement établies dans la grâce et dans le vrai chemin, car les éléments qui viennent d'Europe ne sont souvent pas des meilleurs; mais la grâce suffit pour les nouveaux pays comme pour les vieux. Les conversions n'ont pas manqué, soit ici, soit en Australie, colonie plus avancée que celle-ci. Un frère irlandais, actuellement en Australie, a été particulièrement béni du Seigneur au milieu d'eux. Si Dieu, dans sa bonté, me garde, j'espère être de retour en Europe l'été prochain, en traversant de nouveau l'Amérique du nord, un désert absolu, long de plus de 2.000 kilomètres.

J'arrive à votre question: Les soeurs n'ont rien à faire avec l'examen des questions qui surgissent dans l'assemblée. Mais, s'agit-il de l'action de l'assemblée comme un tout, elles en font partie, et quand les frères, après avoir examiné la chose, en nantissent l'assemblée, les soeurs y sont ou peuvent y être. Elles sont libres de parler avec leurs maris en particulier, ou même de communiquer avec un frère sage et responsable, car elles peuvent connaître des faits destinés à influer sur le jugement de ceux qui s'enquièrent de l'affaire; mais elles ne prennent aucune part publique à l'activité ecclésiastique. Comme je l'ai dit, elles se trouvent faire partie de l'assemblée, quand celle-ci agit définitivement, mais la chose importante est, que le Seigneur s'y trouve. Lorsque des frères se consultent, Dieu les aide par son Esprit, s'ils s'attendent à lui; de plus, le Seigneur se trouve dans l'assemblée, et avec l'action de l'Esprit, son autorité s'y exerce; mais la femme ne peut se mêler de son administration; c'est chose défendue par la Parole. Je n'ai jamais vu une femme s'occuper du gouvernement ou de l'administration d'une assemblée, sans qu'il en résultât du mal.

Je ne savais pas que le cher frère M. fût délogé. On sent de telles pertes, mais notre Dieu fait toutes choses bien. Pour notre frère, c'est un gain; mais l'assemblée doit s'en ressentir. Que le Maître de la moisson daigne susciter des ouvriers dans sa moisson! Nous dépendons de lui, on le sent toujours davantage.

L'épître aux Romains envisage toujours le chrétien comme marchant de fait sur cette terre, quoique vivifié de la vie de Christ, et justifié. Dès lors il est appelé à se donner à Dieu, à s'offrir à lui en sacrifice vivant, étant mort au péché, et vivant à Dieu. Dans l'épître aux Ephésiens, nous sommes une nouvelle création, assis dans les lieux célestes; dès lors, appelés à être des imitateurs de Dieu lui-même, et à manifester son caractère d'amour et de lumière, comme Christ l'a fait. Dans l'épître aux Colossiens, l'apôtre veut que les affections, le propos arrêté du coeur soit là où Christ se trouve, le chrétien étant envisagé comme mort et ressuscité, mais pas encore comme assis dans les lieux célestes.

Vous le dites, cher frère, le temps se hâte. Soyons prêts; les choses que j'ai crues depuis bien des années prennent pour moi une réalité qu'elles n'ont jamais eue. Tout passe, tout est néant, sauf Christ et ce qui est de lui. Son amour est parfait, il est le seul bon, il est le seul bien au milieu d'un monde sans Dieu, dont on ne se rend bien compte que par ce contraste; et si nous ne sommes pas du monde, c'est par sa pure grâce, afin que nous vivions pour lui. Si nous regardons en arrière, à la fin, nous verrons que cela seul est la vie.

Saluez affectueusement tous les frères. Je suis bien aise que vous ayez vu le cher L. F. dans vos montagnes; il y a longtemps que je n'ai eu de ses nouvelles.

Adieu, cher frère, que Dieu soit abondamment avec vous, et qu'il garde nos bien-aimés qui sont autour de vous, dans sa communion et sous la clarté de sa face; qu'ils jouissent de lui et ne contristent pas son Esprit.

Votre affectionné en Lui…

ME 1892 page 114 - Lettre de J.N.D. no 31

à Mr M.

Liverpool (Amérique), août 1874

Bien cher frère.

Ce que j'ai dit à l'égard des dons (1 Corinthiens 12), se rapportait aux noms avec lesquels ils sont en relation; Dieu, le Seigneur, le Saint Esprit — non pas aux personnes comme telles, le Père, le Fils, et le Saint Esprit; mais à l'ordre divin dans les voies de Dieu en grâce. Dieu, dans ce caractère, source de tout, en grâce; Jésus Christ, le Seigneur, position qui lui a été conférée, et dans laquelle il est entré comme homme; puis celui qui opère tout, le Saint Esprit. Vous avez le même ordre, dans Ephésiens 4: 4-6. Le don est le fruit de l'action du Saint Esprit qui distribue à qui il veut; puis la possession du don appelle à un service qui s'accomplit sous l'autorité du Seigneur Jésus Christ, mais pour ne pas laisser supposer que cette action n'est pas proprement divine, il est ajouté: «Dieu opère tout». En Ephésiens 4, les dons sont envisagés autrement. Ils viennent de Christ monté en haut. Ce sont les soins de Christ pour son corps, et non seulement la puissance du Saint Esprit qui habite ici-bas, et dont l'exercice doit être réglé pour l'édification de tous: deux ou trois seulement devaient parler; une langue étrangère, bien qu'inspirée, était prohibée, s'il n'y avait pas d'interprète. Aussi n'est-il pas dit que ces dons dussent continuer; et de fait, les dons de puissance, les signes, n'ont pas continué; tandis que les dons d'Ephésiens 4, qui sont purement pour l'édification de l'Assemblée, continueront, car Christ ne peut cesser de prendre soin de son Eglise. Les apôtres et les prophètes en sont le fondement (chapitre 2).

Je suis à Liverpool, comptant partir mardi prochain, 11 août, pour Boston. Beaucoup de portes s'ouvrent dans les Etats-Unis, autrement je ne me serais pas rendu dans ce pays lointain. Les ouvriers sont un peu novices pour l'oeuvre qu'il y a à faire, et de tous côtés on demande à s'instruire, non sans opposition, cela va sans dire, mais on est fatigué de l'état des églises diverses; aussi, bien que je sois vieux, j'ai senti que je devais m'y rendre, mais je serai content d'un peu plus de tranquillité. Pour pouvoir bien travailler, il faut que nous soyons parfois recueillis devant le Seigneur; il faut que sa présence tienne la principale place dans nos coeurs, pour que nous travaillions de sa part, et que ce ne soit pas de la routine.

Je suis heureux d'apprendre que cela va passablement en France. Dans la haute Drôme, il y a eu plusieurs conversions, et dans le Gard ils reprennent un peu de vigueur.

Je pars, Dieu voulant, demain matin pour Boston et n'ai guère le temps d'ajouter grand-chose.

Il est vrai que, dans l'épître aux Romains, le chrétien est envisagé comme étant sur la terre, mais vivant en Jésus, et justifié, se tenant pour mort au péché; dans l'épître aux Colossiens, il est ressuscité, mais encore sur la terre: son espérance est dans le ciel; dans l'épître aux Ephésiens, il est assis dans les lieux célestes; ayant été autrefois mort, quant à Dieu, dans ses péchés, il est devenu une toute nouvelle création. Vous trouverez que la vie chrétienne est beaucoup plus développée dans les Colossiens que dans les Ephésiens, toutefois, la présence de l'Esprit n'est pas le sujet des Colossiens. Dans les Ephésiens, vous trouvez plus de contraste entre les privilèges chrétiens et l'ancien état loin de Dieu. D'une manière générale, nous trouvons, dans les Ephésiens, Juifs et gentils faits un; dans les Colossiens, les gentils seulement; dans les Ephésiens, le chrétien en Christ; dans les Colossiens, Christ dans le chrétien. Ce ne sont que quelques suggestions pour la lecture de ces épîtres.

Saluez affectueusement tous les frères. Paix vous soit, bien-aimé frère; puissiez-vous jouir beaucoup de Sa présence.

Votre affectionné en Jésus…

ME 1892 page 136 - Lettre de J.N.D. no 32

à Mr M.

Boston, le 29 mars 1875

Bien cher frère,

Quant à moi, je suis assez bien, malgré mes 75 ans, mais je sens quelle différence ils font pour le travail: je ne saurais m'en étonner, mais Dieu est bon, et je travaille encore en attendant que le Seigneur vienne pour nous prendre. Toutefois je le trouve bon de me placer en face du départ pour être avec lui.

Il y a du bien ici, soit à New York, soit à Boston: à New York, il y a des conversions et des âmes ajoutées; les frères aussi sont unis et heureux. J'y ai tenu une petite réunion française; nous avons eu quatre conversions, dues non seulement aux réunions, mais aussi à une soeur de langue française qui s'occupait des âmes. A Boston, il s'agissait plutôt de répandre la vérité, les auditeurs venaient tous les jours, et même deux fois par jour, à une réunion de lecture où la vérité a été annoncée et discutée, la Parole en main; il en est sorti du bien; plusieurs âmes ont trouvé la paix et ont appris à attendre le Seigneur; d'autres ont été affermies et éclairées, quelques-unes même ajoutées à l'assemblée. Dieu agit, mais le gâchis d'opinions dans ce pays est affreux. Cela a été mis en évidence par ces lectures. Le public soi-disant chrétien est profondément indifférent aux idées qu'on soutient, quand même ce serait nier la divinité du Sauveur, et l'existence du diable; les pasteurs orthodoxes ne se font pas scrupule de faire échange de chaires avec les incrédules. A Concord, dans le New Hampshire, il y a aussi du bien; le champ est très vaste, avec peu d'ouvriers. Toutefois Dieu agit, et crée des besoins. Je pense me diriger ces jours-ci vers l'Ouest.

Voilà, cher frère, notre petite histoire, Dieu a suscité deux nouveaux ouvriers, ce qui est une grande grâce, et même un troisième qui, je l'espère, sera utile.

Pour ma part, je prends le passage de 1 Corinthiens 9, comme vous le prenez; il ne m'a jamais présenté la moindre difficulté, car l'on sait bien qu'on peut prêcher et être perdu, et je ne pense pas que Paul ait douté de son salut. Si je dis: Je ne sors pas de peur de m'enrhumer, je ne pense pas m'enrhumer en restant à la maison. S'il avait dit: De peur qu'après avoir cru je ne sois pas un réprouvé, ce serait autre chose, mais il agissait en chrétien lui-même, afin qu'il ne fût pas perdu lui, après avoir prêché à d'autres. C'est bien ce qu'il faut faire. Je vois aussi clairement que Dieu nous fait passer par le désert après nous avoir rachetés, et qu'il faut atteindre le but. Lorsque je dis par le Saint Esprit: Je suis en Christ, il n'y a pas de «si». J'y suis, et je le sais selon Jean 14. Mais quand je pense à la traversée du désert, au but à atteindre, je dis «si», mais avec ce «si», j'ai la certitude que Dieu me gardera jusqu'à la fin; voyez 1 Corinthiens 1, et Jean 10. De sorte qu'il y a dépendance, mais pleine certitude, car Dieu est fidèle. Nous sommes gardés par la puissance de Dieu, mais nous avons besoin d'être gardés. Grâce à Dieu, cela ne peut pas manquer. Le désert n'est pas dans les conseils de Dieu, mais il est dans les voies de Dieu; il peut faire passer une âme directement en paradis, et nous sommes déjà rendus propres pour l'héritage des saints dans la lumière; mais en général il nous fait traverser le désert en nous éprouvant. En Exode 3: 17, il n'est pas question du désert; en Exode 15, pas davantage, et de fait la mer Rouge et le Jourdain se confondent ensemble, s'identifient: c'est la mort et la résurrection de Christ, mais, par la première, on sort de l'Egypte; par le second, on entre en Canaan: la mer Rouge est la mort et la résurrection de Christ pour nous; le Jourdain, notre mort et notre résurrection avec lui; l'arche se trouve dans le Jourdain jusqu'à ce que le peuple ait passé. Il n'y a pas d'arche dans la mer Rouge. Deutéronome 8 explique le désert. Il n'y avait pas là de circoncision, la manne et l'eau du rocher y étaient bien, — et c'est une immense grâce, — mais non pas le blé du pays: l'opprobre d'Egypte n'a été ôté qu'à Guilgal. Il y a des chrétiens qui ne sortent du désert qu'à leur lit de mort. C'est une chose d'être fidèle, même dans le chemin du monde, c'en est une autre, d'être assis ou de combattre dans les lieux célestes.

Saluez affectueusement les frères. J'espère que les ouvriers, — vous ne me les nommez pas, — sont soutenus et bénis. Que Dieu les garde dans l'humilité et dans le dévouement, et dans une étroite communion avec le Seigneur, source de toute force, en sorte que le secret du Seigneur soit avec eux. Je me réjouis de coeur de la bénédiction que Dieu répand sur vous.

Votre affectionné frère en Jésus…

ME 1892 page 153 - Lettre de J.N.D. no 33

à Mr M.

New York, le 27 mars 1877

Bien cher frère,

Quant à votre question, je crois qu'en 2 Corinthiens 2 et 7, l'apôtre parle de la même circonstance, seulement il y mêle toutes ses affections pour les Corinthiens, toutes les craintes pour eux par lesquelles il avait passé. La crainte de s'être aliéné le coeur des Corinthiens, par la sévérité de sa première lettre, allait chez lui jusqu'au point de regretter de l'avoir écrite, et l'empêchait de rester à Troas, etc. Il raconte cela pour les rassurer à l'égard de son affection pour eux. Rien ne montre plus que ces deux épîtres les exercices de son âme dans ses soins pour les brebis. Le retour de Tite avec de bonnes nouvelles l'avait remonté.

Quant à l'Ardèche, je crois que nous avons tous à remercier Dieu de ce qu'il a mis sa bonne main dans cette affaire, tout en nous humiliant devant lui pour tout ce qui s'est passé, et encore davantage pour l'état qui a donné lieu à ce désordre. J'espère que Dieu y mettra encore sa bonne main, car il reste des plaies à guérir. Toutefois je sens profondément la bonté de Dieu, en gardant la grande majorité des réunions en paix. Pensons avec prière et humiliation de coeur à ces frères de V. et des O, afin que Dieu, dans sa grâce, les ramène et donne la paix partout; car les fruits de la justice sont semés dans la paix. L'état de choses à V. a été déplorable; c'était une lutte entre individus, et on n'a guère recherché la présence de Dieu. X. n'a fait que souffler le feu, mais le désir de mon coeur est que ce frère aussi soit ramené à une marche humble, car je me rappelle le temps où il marchait bien.

Ici, Dieu agit puissamment; on cherche la vérité et on sonde la Parole, comme on ne l'a jamais fait jusqu'ici; aussi le nombre des frères s'est augmenté, et ils marchent bien et en paix. La foi à la venue du Sauveur pénètre partout, on est mécontent de l'état de mort où les soi-disant églises se trouvent. Naturellement, l'action de la Parole excite de l'opposition, et le clergé s'oppose maintenant, non seulement aux frères, mais aussi à l'activité des membres de l'association chrétienne des jeunes gens. Le christianisme réel, et ce qui est simple profession, se dessinent à travers tout cela. C'est une oeuvre de patience où il faut s'attendre à Dieu, mais il agit dans sa grâce. Ce que je désire, c'est que la mondanité ne s'empare pas des frères, qu'il n'y ait pas de conformité avec le monde. S'il en est ainsi, leur témoignage n'en est pas un; ils ne servent à rien, étant comme le sel qui a perdu sa saveur. Que Dieu les garde.

Je ne sais si je vous ai parlé de la différence entre les épîtres aux Romains, aux Colossiens et aux Ephésiens. Voici quelques pensées que vous pourrez utiliser en les lisant: L'épître aux Romains prend le côté de la responsabilité de l'homme, et envisage le chrétien comme homme (comme nous le sommes), vivant sur cette terre, ayant toutefois sa vie en Christ, et étant justifié. Alors la grâce, en Christ, jusqu'au verset 11 du chapitre 5, répond à sa culpabilité, à ses péchés. Il a été livré pour nos offenses. Depuis le verset 12, c'est l'état de l'homme; le péché d'un seul l'a ruiné, c'est le péché dans la chair. Le remède est que nous sommes morts avec Christ, et que nous sommes en Christ devant Dieu. Dans l'épître aux Colossiens, nous sommes ressuscités avec Christ, mais encore sur cette terre; c'est la vie, Christ notre vie; auparavant nous vivions dans les péchés, maintenant nous sommes morts et ressuscités avec lui, mais toujours sur cette terre. Il ne s'agit pas du Saint Esprit, dans les Colossiens, mais de la vie. Un autre côté de la vérité est mis en avant: nous étions morts dans nos péchés, mais maintenant nous sommes vivifiés avec Christ, mais pas encore assis dans les lieux célestes. Ayant été vivants dans le péché, la mort au péché est nécessaire: nous l'avons en Christ, ce qui se trouve déjà dans l'épître aux Romains. Dans les Colossiens, nous sommes ressuscités aussi, puis étant morts dans nos péchés, nous sommes vivifiés avec lui. Or dans les Ephésiens, nous ne sommes envisagés que comme morts dans nos péchés, et maintenant créés à nouveau, puis assis dans les lieux célestes en Christ; aussi il est partout question du Saint Esprit: l'épître s'occupe des conseils de Dieu, Il ne s'agit pas de justification.

La pratique correspond. En Romains, comme vivants en Christ, nous nous donnons à Dieu, nous nous offrons en sacrifice vivant. Dans les Colossiens, c'est la vie chrétienne pleinement développée. Dans les Ephésiens, nous sortons de la présence de Dieu comme étant assis dans les lieux célestes en Christ, pour montrer son caractère: amour et lumière; et il y a toujours contraste frappant entre le vieil homme et le nouvel homme. Je vous dis ces choses, cher frère, non pas pour tout dire sur ces riches sujets, mais pour que vous vous en serviez en lisant la Parole.

Saluez affectueusement tous les frères. Je ne sais si, à mon âge, Dieu me permettra de les revoir, je le désirerais. Je pense être en Europe quand il fera plus beau et que j'aurai un peu travaillé ici. Que la paix soit avec vous et avec tous les chers frères, et qu'il vous garde tous bien près de lui.

Votre affectionné frère en Jésus…

ME 1892 page 169 - Lettre de J.N.D. no 34

à Mr. M.

Londres, 7 novembre 1877

Bien cher frère,

J'ai mis plus de retard que je n'aurais voulu à vous répondre, ayant été constamment occupé du travail journalier, travail qui exigeait toutes mes forces et plus même que je n'en avais. J'ai devant moi une trentaine de lettres, auxquelles je n'ai pu encore répondre.

Le frère B. m'a donné de vos nouvelles, et grâces à Dieu, elles étaient bonnes.

En général, l'oeuvre s'étend. Dernièrement, la nouvelle de quelques centaines de conversions parmi les païens m'a beaucoup intéressé, et non seulement m'a intéressé, mais a exercé mon âme. Le monsieur qui en a été l'instrument principal, a lu les livres des frères qu'on lui a envoyés, s'est mis en route depuis les îles asiatiques pour visiter les frères, et rompt le pain actuellement avec eux en Hollande. Il a beaucoup à apprendre, mais il semble avoir compris qu'il n'y a qu'une seule assemblée de Dieu dans ce monde, et c'est l'essentiel, quant aux principes de la marche chrétienne. Ce qui m'a exercé dans cette circonstance, c'est qu'en général le témoignage des frères a été plutôt dans la chrétienté et contre la corruption et le mal qui s'y trouvent, et c'est en effet ce que Dieu nous avait confié. Il y a bien eu une oeuvre en Palestine (on rompt le pain à Nazareth) et dans la Haute Egypte, et un assez grand nombre de nègres et de peaux rouges sont en communion en Amérique, mais le nom de Christ était déjà reconnu parmi eux. Ici, c'est le pur paganisme, et si Dieu nous permet d'entrer dans ce champ de travail aussi, ce sera une grande grâce; je l'en bénirai. Au reste, le témoignage au milieu de la chrétienté devient toujours plus important, les réunions sont plus fréquentées. Il y a, malgré l'opposition, l'évidence que le témoignage de Dieu se trouve, soit pour l'évangile, soit pour la vérité biblique, au milieu des frères: on s'y oppose, mais on sent qu'on a à compter avec une force qui, bien certainement, n'est pas la nôtre. Je crois que l'attente du Seigneur devient plus réelle, et qu'elle s'étend; mais l'incrédulité et le rejet, de l'inspiration de la Parole, s'étendent aussi et s'emparent des ministres. Par contre, l'Esprit de Dieu agit évidemment. Les réunions se multiplient, et on sent ce qu'on savait toujours, que le Seigneur seul peut veiller sur l'oeuvre, la diriger et la garder.

Je pense que c'est de la position du chrétien que j'ai parlé, en vous écrivant sur les trois épîtres aux Romains, aux Ephésiens et aux Colossiens, mais les exhortations répondent à cette position. Dans l'épître aux Romains, le chrétien est sur la terre: il doit se livrer à Dieu pour vivre selon la justice. Dans les Ephésiens, il est assis dans les lieux célestes en Christ, et doit en porter le caractère en manifestant Dieu, comme Christ l'a fait, en marchant dans l'amour et selon la lumière, Christ étant son modèle. Dans les Colossiens, c'est la vie de résurrection développée, plus amplement que partout ailleurs; aussi il y est question de la vie, non de l'Esprit. En Ephésiens, nous avons l'Esprit, et par conséquent le contraste avec la chair, puis, la pensée de Dieu quant à l'Eglise, et l'amour de Christ pour elle. Dans les Colossiens, il n'est pas question du Saint Esprit; c'est Christ notre vie.

Je ne sais si je vous ai fait remarquer, en parlant de ces épîtres que, dans celle aux Colossiens, nous trouvons à la suite de la réconciliation actuelle du chrétien, sa présentation sans tache à Dieu, «si…»

Les versets 12, 13, 14, du chapitre 1, présentent l'état actuel du chrétien d'une manière très frappante. Dans ce qui suit, nous avons la gloire du Christ, et le fait qu'il va réconcilier tout ce qui est dans les cieux et sur la terre: les chrétiens sont déjà réconciliés; et ils vont être présentés à Dieu sans tache, si… — parce que, pour que cela soit réalisé, il leur faut traverser le désert. Or, dans cette épître, ce qui est dans le ciel est une espérance. Il n'y a pas de «si» dans les conseils de Dieu, ni dans la rédemption, ni à l'égard du fait que nous sommes en Christ. Tout cela est actuel et certain. Mais pour arriver dans le ciel, si Dieu nous laisse ici-bas, il faut traverser le désert. Nous ne sommes pas encore au terme; notre arrivée est-elle donc incertaine? Certes non pour le vrai croyant, mais il faut bien aller jusqu'au bout; je puis parfaitement dire: «si vous persévérez jusqu'à la fin»; mais nous avons la promesse de Dieu pour nous rassurer, nous qui sommes gardés par la puissance de Dieu par la foi: «Elles ne périront jamais, et personne ne les ravira de ma main»; il y avait donc là des personnes pour les ravir. Il en est de même en 1 Corinthiens 1: 8, 9. Ainsi, quoique le résultat soit parfaitement sûr, nous sommes toujours sous la dépendance de Dieu. «Il nous a rendus propres pour l'héritage des saints dans la lumière: le Seigneur a pu prendre directement le brigand avec lui, dans le paradis; mais nous sommes exercés en traversant le désert, nous y apprenons ce que nous sommes et ce que Dieu est. Le désert ne fait pas partie des conseils de Dieu; ceux-ci embrassent la rédemption et la gloire. Comparez Exode 3: 8; 6: 6-8; 15: 13-17.

Deutéronome 8 nous fait comprendre ce qu'est le désert; il a sa place dans les voies de Dieu, pour nous y enseigner la marche pratique. La parole et la sacrificature de Christ sont les moyens pour cela. C'est la dépendance continuelle et, d'un autre côté, la fidélité de Dieu.

Saluez cordialement les frères; dites à G. que je lui écrirai aussitôt que possible.

Votre affectionné frère.

ME 1892 page 190 - Lettre de J.N.D. no 35

à Mr M.

Reading, 27 mars 1880

Bien cher frère,

J'ai été excessivement occupé, tout particulièrement à la révision de la traduction française de l'Ancien Testament, ce qui a retardé ma réponse à votre lettre. Puis j'ai été malade de la goutte, à la suite de trop de fatigue. Je ne porte pas encore de chaussures, tout en étant en voyage. Mais Dieu fait tout tourner au bien, car j'avais grand désir et besoin de repos, et naturellement il ne s'agissait pas pour moi de prêcher dans cet état; j'aurais eu bien de la peine à m'y refuser si j'avais été en bonne santé.

Vous savez que nous avons quelques difficultés à Londres. Je crois que Dieu a fait concourir tout cela pour le bien des frères, d'abord en ce que l'un après l'autre a vu clair, et surtout qu'il paraît y avoir un renouvellement de vie et un réveil de conscience parmi le grand nombre par la grâce de Dieu. Il en reste par ci, par là, des traces, mais là aussi Dieu agit. En fin de compte, il y a eu un sentiment plus profond de l'importance du témoignage qui nous a été confié. J'en bénis Dieu du fond de mon coeur; cela a été une grande grâce de sa part. Il y a encore à faire, car le monde envahit facilement et subtilement les chrétiens là où la première énergie de la foi n'est pas en activité. Voyez, du vivant de l'apôtre, comment tous (Philippiens 2: 21) cherchaient leur propre intérêt; non les choses de Jésus Christ. Terrible témoignage! toutefois la puissance de l'Esprit de Dieu n'avait pas manqué chez l'apôtre. Maintenant il est vrai on attend le Seigneur, ou plutôt on croit à sa venue, ce qui est autre chose; toutefois, on peut espérer que cela aidera à détacher les coeurs du monde; on n'amasse pas des trésors pour sa venue si ce n'est en donnant. Le Père nous a donnés à Jésus, et lui a tout fait pour nous présenter dans la gloire selon le coeur et les pensées du Père, semblables à lui-même. On ne pourrait être mieux, et déjà par l'Esprit nous savons que c'est notre part. Tel qu'il est, tels nous sommes dans ce monde. Voilà ce qui rend la figure passagère de ce monde de peu de valeur. Au reste, qu'est-ce que ce monde, au prix de Christ qui nous a aimés et s'est donné pour nous? On traverse les ténèbres par la foi, et les temps de bénédiction manifeste produisent la foi et les actions de grâce. Mais Christ est toujours le même, et rien ne nous sépare de l'amour de Dieu qui est en lui. Puis il peut être touché par nos circonstances ou par nos besoins. Ç'a été une joie pour moi que de voir le Seigneur non seulement manifester l'amour divin, mais touché de compassion pour les foules, pour la veuve de Naïn.

Quand on compte bien sur lui, on peut dire: Je bénirai l'Eternel en tout temps. «Cet affligé (Christ) a crié, et l'Eternel l'a entendu». On jouit non seulement de ce qu'il donne, mais de ce qu'il est. Il est au-dessus de toutes les circonstances, et rien ne nous sépare de lui.

Il est intéressant pour moi de voir la pleine force de la fin d'Ephésiens 1, «la plénitude de celui qui remplit tout en tous». Ce n'est pas seulement comme Dieu, mais (comparez 4: 9, 10) dans l'oeuvre efficace et puissante de la rédemption, il est descendu dans les parties les plus basses de la terre, dans le sépulcre et dans le hadès, et est monté au-dessus de tous les cieux, afin qu'il remplît toutes choses. Il remplit donc toutes choses dans l'efficace de la rédemption qu'il a accomplie, en descendant et en montant en haut. Il n'a pas pris possession de tout, mais il a toute puissance dans les cieux et sur la terre, et il n'y a pas d'endroit depuis le sépulcre et le hadès où la foi ne le trouve pas. Le seul endroit où il est difficile de le trouver, c'est notre propre coeur, toutefois, en regardant vers lui, nous le trouvons toujours.

Saluez affectueusement tous les frères.

Si vos forces commencent à manquer pour travailler à l'oeuvre, elles ne sont pas nécessaires pour jouir de lui et pour réaliser toute sa grâce. Il faut que la volonté soit soumise, et on peut servir le Seigneur selon sa volonté.

Votre affectionné en Christ…

ME 1892 page 193 - Lettre de J.N.D. no 36

à Mr L.B.

Genève, 183…

Il me semble clair que c'est vous, cher frère, qui devez avoir la direction de vos enfants, et tout en ayant des rapports d'affection et de reconnaissance avec votre parent, votre autorité paternelle devrait rester absolument intacte; je crois même la chose très importante. Il est impossible d'imprimer une double direction, et toute la vie de vos enfants serait faussée par des impulsions qui se contrediraient, et la division serait semée dans la famille, si l'un suivait une marche, et les autres une autre. L'unité d'intérêt d'une famille est de la plus haute importance, et elle est de Dieu; et cet intérêt se rattache beaucoup à des habitudes et à des idées de position, d'avenir, etc. Pour ma part, j'estime que vous devriez, avec douceur, s'il est possible, être ferme sur ce point. Que votre parent vous aide, c'est très bien, c'est l'expression de cet intérêt dont je parle, venant d'une génération plus haut. Mais mieux vaut se confier en Dieu, et à l'affection de vos frères en Christ, et en retenant en définitive la direction de vos enfants entre vos mains, que de fausser votre position en l'abandonnant. Conseils, secours d'affection de la part des vôtres, à la bonne heure, mais que vos enfants comme tels restent sous votre dépendance. Voilà, je le crois, l'ordre de Dieu, soit pour eux, soit pour vous.

ME 1892 page 213 - Lettre de J.N.D. no 37

à Mr L.B.

Genève, 21 janvier 1840

 

J'ai trouvé quelquefois qu'il m'a fallu dire: «Mon âme est abattue au dedans de moi». Mais ne pas être exaucé n'est pas une preuve que Dieu ne nous aime pas. Les souffrances de Christ m'ont paru admirables à ce point de vue: ce n'est pas seulement une expiation faite, mais aussi une évidence que les plus grandes souffrances sont compatibles avec un amour parfait de la part de Dieu. Les Psaumes en rendent témoignage. Je me rappelle parfaitement le temps ou je ne pouvais pas m'appliquer une seule promesse, et où, quand je lisais les Psaumes, ma seule consolation était que les personnes dont ils parlaient étaient des saints; ils étaient misérables; et dans mon cas, c'était ma seule branche de salut. Le Psaume 88 me frappa spécialement, parce que d'un bout à l'autre il a ce même caractère; je me dis: peut-être, malgré tout ce que j'éprouve, suis-je pourtant un saint, car voici un saint qui était dans mon cas. Il n'y a pas un rayon de lumière dans ce Psaume, c'est-à-dire de consolation, car Dieu fournit des consolations pour les inconsolables dans quelque position qu'ils se trouvent. Il sait bien — je le sais bien moi-même — que c'est un travail inutile de chercher à consoler les inconsolables: c'est presque une moquerie, c'est le vent qui passe sur un mort sans le rafraîchir. Mais Dieu dit: Moi, je vous donnerai des compagnons dans vos misères; je serai dans votre peine si vous ne pouvez pas être dans ma joie.

Jesus my sorrow lies too deep

(Jésus, ma douleur est trop profonde)

For human sympathy

(Pour la sympathie humaine).

Yea, as if thou wouldst be God

(Oui, comme si tu voulais être Dieu),

Even in misery,

(Même dans la misère),

Thou'st left no sorrow but thine own

(Tu n'as laissé aucune douleur — sinon la tienne -)

Unreached by sympathy.

(Que la sympathie ne pût atteindre).

 «Les eaux me sont entrées jusque dans l'âme», dit le Psaume 69. «Je suis enfoncé dans un bourbier profond dans lequel il n'y a pas où prendre pied». Il était entre deux éternités, et il n'y avait pas là un seul rayon de lumière, au contraire, la colère seule était là. «Je suis entré dans la profondeur des eaux, et le courant me submerge. Je suis las de crier; mon gosier est desséché, mes yeux se consument pendant que j'attends mon Dieu». Voici donc quelqu'un qui était plus misérable que Moi. Mais moi, direz-vous peut-être, j'ai connu la joie. Dieu ne vous laissera pas échapper ainsi, car lui n'avait-il pas connu la joie dans le sein même du Père? Lui était plus misérable que vous, et c'était le Fils de Dieu. Voilà donc votre compagnon. Peut-être y en a-t-il d'autres. Mais quoiqu'il en soit, quoi que vous soyez et quelque stérile que soit votre connaissance, il reste vrai qu'il ne repoussera aucun de ceux qui viennent à Jésus. Il dit: «Venez à moi», — lui qui marchait, souffrait, priait, travaillait de ses mains, s'entretenait avec eux: «Venez à moi, dit-il, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et je vous donnerai du repos». C'est à Jésus lui-même qu'il faut venir tel qu'on est. Il ne cherche pas les âmes affranchies et à leur aise.

Je sais quelle épreuve c'est pour une âme de se trouver seule. Jésus a connu cette épreuve. On est seul en quelque sorte quand on n'a autour de soi que des personnes sur lesquelles on agit. Plus on sait prendre une petite place, plus on est heureux, et moins Satan a de puissance. Dès qu'on est en avant, on s'expose à recevoir plus de flèches d'une manière ou de l'autre. «Ainsi donc», dit l'apôtre, «la mort opère en nous, mais la vie en vous». Si on n'a pas fait son compte de la mort, on est étonné de la trouver dans la vie chrétienne; la mort est toujours la mort; on ne s'y accoutume pas. Si on la porte par la foi, si on a la sentence de mort en soi, la mort est déjà là, et Satan ne peut faire beaucoup; notre confiance aussi est infiniment plus grande, parce que nous nous fions à Celui qui ressuscite les morts. Mais il faut beaucoup de foi pour cela; du moins c'est ce que je sens. S'il y a quelque plaie qui ait été pansée à la légère, quelque chose par quoi Satan puisse nous troubler, — or Dieu le permet, parce qu'il n'y a pas eu devant lui une pleine confession, par conséquent l'Accusateur a le pouvoir de tourmenter en se cachant sous d'autres formes; — il faut être entièrement franc devant Dieu pour trouver la paix. Si ce sont des tentations présentes, il faut, tout en se fiant pleinement au sang de Christ, et sentant que Dieu a condamné le péché dans la chair en envoyant son Fils pour le péché, — il faut, dis-je, chercher la présence et la puissance de l'Esprit, et la communion des frères…

ME 1892 page 238 - Lettre de J.N.D. no 38

à Mr L.B.

Lausanne, le 5 février 1842

… Je sais par moi-même que, vivant d'une manière isolée, il faut que nous soyons ceints: the mind needs bracing up. On se relâche dans l'isolement. Ce ne sont pas des efforts proprement dits qu'il faut, mais le gouvernement de soi-même, qui fait sentir à ce «moi» qu'il est sous surveillance, et Dieu bénit cela. Soyez sobres et espérez parfaitement; ceignez, comme il est dit, les reins de votre entendement. L'effet de la bride sur la volonté en détail, si on ne se place pas sous la loi, est souvent très utile. L'habitude de se gouverner fait qu'on jouit de tout davantage. Ce n'est pas, vous me croirez bien, pour vous empêcher de regarder à Jésus, mais pour vous en rendre la vue plus claire. Il y a pour le chrétien une telle chose que la vertu. Cette vertu, le courage, a sa base dans le gouvernement de soi, qui fait qu'on ne se laisse pas aller à la première impression; en présence des obstacles qu'on rencontre, elle s'habitue à ne pas se laisser arrêter par les difficultés. Je suis toujours plus convaincu de la vérité de ce principe. C'est seulement la discipline de soi-même en petit, qui nous épargne souvent la nécessité d'être disciplinés en grand. Si l'on rachète le temps en détail, ou l'a plus facilement en gros pour le Seigneur. Faites-le en petit pour le Seigneur, et comme débiteur de sa grâce, aussi bien que dans les grandes choses. En vous occupant du Seigneur joyeusement pour vous soumettre dans de petites affaires, vous serez plus rempli de lui, et de plus grandes difficultés disparaîtront quelquefois entièrement. Un petit trou dans la toiture par où l'eau pénètre, pourrit quelquefois la poutre dans une grande étendue; c'est ce que j'ai éprouvé moi-même. Négliger Christ dans de petites choses, remplacer ses consolations par de petites jouissances, c'est le négliger beaucoup, et cela affaiblit l'âme. Tout ce qui nous tient près de lui, nous le rend précieux d'une manière sensible, nous donne de la force, et nous fait comprendre la grâce quoique, en somme, il nous faille comprendre que la grâce, et la grâce seule, est tout. Ne soyez pas découragé, cher frère; notre Jésus ne change pas, ne s'affaiblit pas, et la force de l'ennemi ne nous arrachera pas de ses mains. Etudiez ce qu'il est lui-même, dans la Bible, — ne recherchez pas seulement les doctrines, ni les connaissances, mais ce qu'il est lui-même pour vos besoins, dans les évangiles. Si Jésus était là dans la chambre, le plus vil pécheur n'aurait pas besoin de discuter les doctrines pour le trouver bon; s'il éprouvait le besoin de Jésus, c'est en Jésus qu'il trouverait la réponse. Il trouverait la réponse en lui, non, pas même dans les effets que cette présence produirait dans son coeur, mais en Jésus lui-même. En abordant le Seigneur, on fait sa connaissance, tout misérable qu'on soit. Or il est important de lire ce qu'il est, pour le trouver tel qu'il est. C'est dans la Parole qu'on le trouve comme il se présente lui-même, par l'Esprit, non selon les idées que nous pouvons nous faire de lui. Cherchez-le dans le Nouveau Testament, cher frère, et soyez assuré que je crains beaucoup plus de manquer à votre égard quand vous souffrez, que d'être fatigué de vos souffrances. Je le répète, examinez dans la Bible ce que Jésus est, — comment il se présente lui-même à ceux qui se trouvent devant lui. Vous êtes en sa présence, quand vous lisez ce qu'il dit, ce qu'il fait…

Vous savez que Dieu met nos larmes dans ses vaisseaux, et non pas seulement nos louanges, et que le gémissement des prisonniers vient jusqu'en sa présence. Quand nos âmes se pâment, il faut lui demander de nous conduire à un rocher qui est trop haut pour nous.

ME 1892 page 248 - Lettre de J.N.D. no 39

à Mr L.B.

Lausanne, 2 juillet 1842

… Il ne faut pas juger des voies de Dieu par les peines qu'il nous fait éprouver. Nous avons entendu parler de la patience de Job, et nous avons vu la fin du Seigneur: que le Seigneur est plein de compassion et miséricordieux. Ce qui est nécessaire pour la discipline de nos coeurs, pour les briser et pour triturer le terrain dur qu'ils contiennent, Dieu le fera; il nous fera passer par ce qui nous brise, cela est évident, mais toujours dans des buts de miséricorde, dans des intentions d'amour, qu'il a formées à notre égard.

ME 1892 page 249 - Lettre de J.N.D. no 40

à Mr L.B.

Sheffield, 11 novembre 1843

… Il faut vous souvenir qu'il m'est assez difficile de trouver du temps pour écrire des lettres, et depuis que je suis en Angleterre et en Irlande, le désir de voir tous les frères, autant que cela était possible selon la volonté de Dieu, m'a privé du peu de temps que j'avais ordinairement. En moins de six semaines, j'ai fait près de mille lieues, et j'ai prêché tous les jours, sauf quand j'avais fait cent trente lieues en une fois. Ce qui m'a fait me presser ainsi, était l'espoir de visiter le midi de la France avant la fin de l'hiver.

Ici, en Angleterre, il y a immensément à faire, en sorte qu'il me faudra, je le pense, m'appliquer, tout de bon à l'oeuvre dans ce pays: elle s'étend de tous les côtés, et le puséyisme, et l'état des choses en général ont tellement ébranlé les coeurs, que le moment exige qu'on présente aux besoins naissants, les principes de vérité et d'espérances chrétiennes.

En Irlande, j'ai eu aussi plus d'auditeurs que jamais. Les frères y sont heureux en se nourrissant du Seigneur.

Ici, dans le Yorkshire, le champ s'ouvre partout; l'oeuvre ne fait que commencer, et en bien des endroits, il y a de petites réunions qui se sont formées à la suite du bruit qu'ont fait nos principes.

Dans le Devonshire, en général, ils sont un peu trop à leur aise; toutefois, en quelques endroits on se ranime. Le nombre des frères a beaucoup augmenté depuis mon départ. L'extension de l'oeuvre demande aussi quelqu'un qui les lie un peu tous ensemble, et c'est une fonction que j'accomplis. Toutefois, je pense faire une tournée dans le Midi, avant d'entreprendre un travail suivi dans ce pays. Je désire commencer par les Basses-Pyrénées, si Dieu me le permet. Dans ce but, je ne fais maintenant que parcourir l'Angleterre, visiter rapidement le Yorkshire où je suis actuellement; puis le Westmoreland, et retourner à Londres, par Stafford et Hereford, y rester quelque temps, puis visiter Winchester, où une oeuvre très intéressante commence, et enfin, mais rien de plus, les frères du Suffolk.

… J'ai de très bonnes nouvelles de la Suisse: plusieurs se réunissent maintenant à Yverdon et, paraît-il, avec bonheur.

ME 1892 page 270 - Lettre de J.N.D. no 41

à Mr L.B.

Genève, 16 octobre 1844

… Enoch marchait avec Dieu. Il n'est pas dit qu'il faisait ce que Dieu commandait, mais qu'il marcha avec Dieu et que Dieu le prit. Voilà un joyau, enchâssé dans cette sombre histoire d'hommes (Genèse 5) qui se résume en ceci: il vécut, il engendra des fils et des filles, et il mourut. On pourrait en dire autant d'un animal. Mais Enoch marcha avec Dieu. Quel secret de paix! Comme ce seul mot est puissant pour raconter cette histoire! Plus courte que les autres, quant à ce monde, elle parle à travers les siècles, et le résultat n'en finira jamais, Dieu en soit béni; et ce Dieu est notre Dieu à toujours. Nous devrions nous-mêmes le connaître, l'apprécier davantage. Il est tout amour.

ME 1892 page 271 - Lettre de J.N.D. no 42

à Mr L.B.

Lyon, en route pour la Suisse, 6 mai 1844

… Nous avons eu une réunion bénie, et même très bénie à Vernoux. Nous étions soixante et un à dîner, mercredi. Vingt-six frères à l'oeuvre et d'autres frères, dont treize se sont donnés entièrement à l'oeuvre; c'est au moins ce qu'on m'a dit, car moi je ne les ai pas comptés. De plus, tous les invités sont venus et avant tout Celui qui ne fait jamais défaut aux besoins et aux faibles désirs de ses enfants. Il nous a bénis de sa bonté; les frères étaient tout à fait au large et heureux entre eux. Il y en avait deux qui n'étaient pas formellement des nôtres; l'un, ministre national, qui a reçu, je le crois, beaucoup de bien, et qui probablement n'avait jamais rien vu de semblable. Nous avons été en paix dans ce pauvre coin de Vernoux. Plusieurs frères qui ne se connaissaient pas, ont fait connaissance les uns avec les autres, et l'impression en a été heureuse. On s'en est retourné fortifié, dans le sentiment que Dieu était avec nous, et le coeur raffermi et rafraîchi pour l'oeuvre, dans la charité et dans la foi. Du reste, il y a certainement de la bénédiction en général. Dans le Gard, j'ai été très heureux. Notre bon Dieu y agit. Il y a des conversions; les frères sont heureux, et le sceau de la faveur de Dieu est sur eux, quoiqu'ils soient très petits et faibles selon la chair. — Dans la Drôme, il en est de même: on se voue à l'oeuvre; il y a encore peu de fruit, mais c'est, pour le moins, la verdure du printemps. Les frères vont bien, et dans les lieux où il y avait de l'opposition, on commence à éprouver des besoins. X. est béni dans l'Isère, et de nouvelles portes lui sont ouvertes. En d'autres endroits aussi, il y a de quoi se réjouir. — A Montpellier, il y aura une oeuvre, j'en suis sûr, mais si quelques-uns en profitent, il faut qu'ils deviennent petits: il y a souvent des derniers qui sont les premiers, et des premiers qui sont les derniers.

J'espère revenir bientôt en France. C'est actuellement la contrée où l'oeuvre se fait, ou, du moins, où Dieu attire le travail et met sa bénédiction. Il y a bien de la bénédiction en Suisse, mais le combat n'est pas là dans ce moment. Je suis étonné quelquefois, en présence de la petitesse des frères, de voir à quel point Dieu pose sa bénédiction sur eux. Et pourquoi s'en étonnerait-on? Il est en grâce au delà de toutes nos pensées, Il se glorifie lui-même. J'espère qu'il sera avec moi en Suisse, comme il l'a été en France, et qu'ayant vite accompli son oeuvre là, il me ramènera dans ces pays.

J'ai été heureux ici avec les frères, ils sont mieux même que je ne m'y attendais, quoique petits et en petit nombre.

ME 1892 page 286 - Lettre de J.N.D. no 43

à Mr L.B.

Plymouth, 22 août 1846

… J'ai souvent pensé à vous, et à vous écrire, et j'entre en matière tout de suite, étant fort occupé.

Quant aux cas de discipline dont vous me parlez, on ne fait pas assez attention à ceci: que les chrétiens, l'Eglise, sont un peuple, et que Jésus prie pour son peuple. Dans l'épître aux Corinthiens, lorsqu'on ne savait pas, semble-t-il, bien exercer la discipline, ils auraient dû s'affliger du mal devant Dieu, pour que Dieu l'ôtât. On ne compte pas assez sur l'intérêt que Jésus met au bien de l'Eglise, et sur son intervention directe. Sans doute, si c'est un cas patent, il nous faut exercer la discipline en ôtant le mal du milieu de nous; mais dans bien d'autres cas, il faut prier le Seigneur. On dit que le scandale reste devant le monde; — mais on s'en humilie en grâce, et si l'on agit en présence du Seigneur, en lui remettant assidûment le cas, il agira en présence du monde. Il sait agir sur les coeurs. On ne compte pas assez non plus sur sa grâce, sur l'amour qu'il a pour les membres de son corps, si ces pauvres chrétiens dont vous parlez sont siens, comme je l'espère. Il les aime; il faut beaucoup les lui présenter pour qu'il intervienne, pour qu'il agisse directement sur leurs coeurs, car il sait le faire. Quelquefois le mal disparaît, de manière à étonner notre faible foi; quelquefois, quand il est trop profond pour une telle guérison, Dieu fait ressortir le mal, dans des actes flagrants qui donnent lieu à une action qui se justifie à la conscience de tous (chose nécessaire pour la vraie discipline). Ce que je vous engagerais donc à faire tout premièrement dans ce cas, c'est de prier beaucoup le Seigneur qu'il agisse, et qu'il se manifeste dans les coeurs de ces pauvres gens. Quel que soit le caractère national, sa grâce nous suffit, et sa grâce s'accomplit dans la faiblesse. Lorsqu'on ne sait que faire, on doit se rejeter sur le Seigneur; il sait garder et prendre soin des siens, de son Eglise. On dit qu'il y a du scandale devant le monde, — peut-être y en a-t-il, — Jésus sait y mettre la main. Peut-être même est-ce un bien, — pas en soi, mais vu l'état des choses: le corps n'a pas assez senti son pauvre état. Dieu le lui fait sentir par ce moyen, et le ramène doucement à un état plus sain et à plus de joie. La prière pour les autres, en nous faisant sentir qu'ils sont des membres de Christ, nous rend capables d'agir avec une vraie charité quand nous les rencontrons. Il me semble positivement que le cas dont vous me parlez, demande des prières pour que Dieu restaure les âmes. Peut-être arrivera-t-il que les unes se manifesteront comme étant restaurées; et peut-être (que cela n'advienne!) quelqu'une d'entre elles ira-t-elle plus loin que jamais? Vous ne pouvez savoir ce qui en sera…

J'ai été plus réjoui que je ne saurais vous le dire, cher frère, de savoir que vous jouissez un peu de l'amour de Dieu. Cela ne m'étonne pas, il est vrai, vu Sa bonté; mais enfin, quand on voit qu'il est là, lui-même, car il est amour, tout s'éclaircit. Des combats, il y en a des fruits humiliants, quelquefois l'affaiblissement de la communion, le sentiment confirmé de notre néant et du mal de notre coeur, de sa parfaite iniquité, de son éloignement total de Dieu; mais la foi se repose à travers tout cela sur une Personne connue. On se retrouve, ou plutôt on le retrouve, comme le soleil après les nuages sombres, aussi brillant, aussi réchauffant que jamais, et avec plus de joie. C'est ce que les doctrines ne sauraient faire pour nos âmes, car les doctrines ne sont pas Dieu; cherchez donc, bien-aimé, à marcher devant lui. Il faut de la diligence, et il faut en même temps dépendre entièrement de la grâce. La sainteté pratique ne donne point de prise à Satan, et ne contriste pas le Saint Esprit. Les combats et l'abattement, même d'un chrétien, car cela arrive, sont tout autre chose que l'incertitude, si Dieu est pour nous. Oh! qu'on est heureux quand on a cette certitude, ce sceau de la joie éternelle — «et non seulement cela, mais nous nous glorifions en lui».

Que Dieu vous garde près de lui, cher frère, sous sa dépendance continuelle. Nous en avons besoin, car nous traversons le pays de l'Ennemi, et nous ne gagnons le terrain des promesses qu'en remportant la victoire sur l'adversaire. C'est notre joie et notre force.

J'ai toujours la pensée de vous voir cet automne; la seule chose qui m'en fasse douter un peu, c'est que Dieu, dans sa bonté, dans sa grande grâce, nous accorde en ce moment des bénédictions. Il y a quelque âme bénie à presque toutes les réunions d'appel; si cela continue, j'hésiterais à rompre le cours de la bénédiction, et à abandonner l'oeuvre à un tel moment. Cela aurait l'air de négligence et de faire peu de cas de sa bonté. J'espère qu'Il me conduira; je sais bien que c'est lui qui fait l'oeuvre? et qu'il peut la faire sans moi, aussi bien, peut-être mieux, que par mon moyen. Nous sommes très heureux dans nos réunions; je ne crois pas avoir trouvé une compagnie de frères plus vrais et marchant mieux je n'en connais point qui me fassent de la peine tout au plus y a-t-il deux soeurs qui, sans rien de mal, ont, je le crains, peu de vie. Je prie pour elles, voilà tout. Dieu nous a bien bénis, cela a été une vraie délivrance pour beaucoup d'âmes que cette «session», comme on l'appelle. Le monde s'était glissé dans l'assemblée; le mensonge, le mépris des pauvres (on discutait si l'on devait toucher la main à une personne qui tient un magasin), et l'esprit de secte au dernier degré. Je me suis arrêté à ce point, savoir que Mr N. a avoué qu'il cherchait à faire de Plymouth un foyer, et à réunir les frères de cet endroit, en témoignage contre les frères qui n'étaient pas de son avis; et qu'il espérait dans ce but avoir le Devonshire et le Somersetshire sous son influence. Telles sont ses propres paroles devant treize frères. Ensuite, il a cherché à soutenir sa cause, par toute sorte de mensonges, et pour se justifier il a répandu les calomnies les plus grandes contre la doctrine des frères, et a refusé absolument d'être jugé par l'Eglise. Après cela je l'ai laissé, et Dieu a évidemment béni cette démarche toute pénible qu'elle fût. Le cléricalisme était arrivé à un point dont on se fait à peine une idée. Les frères qui n'étaient pas déjà entraînés ont les yeux ouverts (toutes ces choses se sont passées pendant mon absence en Suisse, mais cela s'enseignait depuis quatre ans), et il y en a même d'entraînés qui sont ramenés. Je parle de l'Angleterre en général…

ME 1892 page 308 - Lettre de J.N.D. no 44

à Mr L.B.

Plymouth, 9 septembre 1847

… Je vous remercie des directions que vous me donnez pour la route; Dieu sait que les portes s'ouvrent souvent là où on s'y attend le moins. Je suis heureux que vous ayez trouvé une occasion pour évangéliser. Cela me fait aussi toujours du bien, ainsi que les visites particulières au milieu des pauvres. On n'a pas toujours le sentiment de la joie, mais, on se repose sur Jésus, et si l'on fait peu de progrès, la grande affaire est de se tenir toujours plus près de lui, non pour la joie, mais parce qu'il est notre seule confiance, notre tout…

Ce sera pour moi une grande joie de vous revoir, cher frère… Le système d'indifférentisme cherche à se parer du beau nom de l'amour; mais ce n'est plus l'amour et la vérité de Dieu. L'amour monte beaucoup plus haut, et agit selon les pensées de Dieu.

Dieu vous garde près de lui et près de Jésus. Tout ira bien et vous serez heureux. Ce ne sont pas seulement les connaissances qui font croître les frères, mais l'application vraie et affectueuse de Christ par la Parole à leurs besoins. Cette Parole rend Christ précieux, inspire à l'âme la confiance en lui, la fait cheminer par la foi, loin des pièges de l'ennemi, parce que les yeux sont sur Lui, et que le coeur n'a pas besoin de chercher quoi que ce soit ailleurs, lors même qu'il est faible. C'est là ce qu'il faut: Christ en détail de grâce appliqué aux besoins. Les fidèles seront alors, en pratique, l'épître de Christ dressée par un tel ministère. Plus on connaît Christ en grâce, plus on sera à même de réaliser cela.

ME 1892 page 309 - Lettre de J.N.D. no 45

à Mr L.B.

Clairac, 23 mai 1848

… Je suis bien d'accord avec vous. Il y a des choses dans la prophétie, sur lesquelles je n'ai rien de positif; d'ailleurs, il en a toujours été ainsi. Je crains les esprits trop positifs. Il y a des choses certaines pour moi; mais les esprits trop positifs sont en général humains, c'est-à-dire voient les choses au point de vue humain, les lient trop peu à Christ, et sont étroits. Mais nous n'avons fait de vrais progrès dans la prophétie qu'en nous plaçant tous devant la parole de Dieu pour apprendre; alors ce qui était obscur pour nous une année, devenait un axiome l'année suivante. En même temps, je crois que cette crainte du positif tient d'un côté au caractère de mon intelligence, comme le besoin du positif au caractère de la vôtre. Notez que je ne parle ni de vous, ni de moi; mais de la manière de poursuivre l'étude de la prophétie. Les frères en Angleterre ont mal réussi, aussitôt qu'ils en ont abandonné la recherche pour dogmatiser ou former un système; mais je me réjouis de tout mon coeur de ce que votre coeur se rattache à ce qui le lie à Christ. Je ne donnerais pas un sou pour toute la prophétie, si elle n'avait pas cet effet; et je crois que les traits généraux ont le plus d'importance pour cela. Toutefois connaissance des détails, si l'on se contente de suivre et de ne pas dépasser l'enseignement de Dieu, jette de la clarté sur les principes, et vous met à même de répondre aux objections des contredisants.

ME 1892 page 337 - Lettre de J.N.D. no 46

à Mr L.B.

1848

… Quant à la prophétie, la grande affaire est que le coeur, enseigné du Saint Esprit, attende avec intelligence l'Epoux, qu'il ait la conscience de sa relation avec Christ comme tel. Comme Eglise, nous n'avons rien à faire avec la succession des événements; nous ne sommes pas du siècle, ni du monde, auxquels ces événements s'appliquent. C'est là le grand point. Si cela n'est pas compris, peu m'importe l'ordre des faits. C'est une distinction essentielle à maintenir. Les faits qui se déroulent sous nos yeux ne sont pas pour moi des signes proprement dits; ils sont un progrès des principes et des événements nécessaires pour former l'empire romain, consolider l'Allemagne qui est en dehors de ses limites, et former par ce moyen une barrière pour que le Nord et l'Occident ne se rencontrent pas avant de se trouver en face l'un de l'autre en Orient

Préciser au delà de nos lumières et de la Parole est souvent un grand piège et tend à intéresser aux choses mondaines auxquelles Dieu ne s'intéresse pas. Lorsque le système juif reparaîtra, nous aurons des faits positivement terrestres; mais ce moment n'est pas encore venu; nous sommes dans la sphère morale et éternelle des choses célestes et d'un Christ caché…

ME 1892 page 338 - Lettre de J.N.D. no 47

à Mr L.B.

Montpellier, 16 avril 1849

La chose importante de nos jours, n'est pas de résoudre toutes les théories ecclésiastiques qui, semblables aux constitutions politiques, se promènent par le monde; mais c'est la simplicité de la foi qui marche en avant, parce qu'on est convaincu, qu'on se fie à Jésus et qu'on veut le suivre. Quand il n'y en aurait que deux ou trois s'appuyant ainsi sur le Seigneur, et ayant personnellement les convictions nécessaires pour les faire marcher, cela vaudrait une foule qui n'aurait pas ces caractères. Des personnes simplement persuadées ne sont pas cela; je parle de celles qui ont la foi.

Je ne connais nullement les circonstances de Pau. Ce que j'aimerais y voir comme ailleurs, ce serait quelques âmes sans haine, sans tumulte, sans arrière-pensée, certaines que la promesse de Jésus est vraie pour deux ou trois qui se réunissent en son nom, agir selon cette promesse et se réunir; cela vaudrait mieux que beaucoup d'autres choses. Il ne faut cependant jamais pousser quelqu'un au delà de sa foi, mais si quelqu'un a de la foi, le conseil et le secours d'un frère peut faire beaucoup. Je le répète, j'ignore entièrement l'état des choses à Pau, et par conséquent je ne parle que de ce qui est vrai devant Dieu. Dépendre des autres est une des plaies familières aux chrétiens de ces contrées.

ME 1892 page 339 - Lettre de J.N.D. no 48

à Mr L.B.

Suisse, 21 juin 1849

J'espère être aussi large qu'au premier jour de ma marche chrétienne, plus large encore, car c'est l'amour; mais comment être large en pratique avec ceux qui ne veulent pas vous saluer? Je le suis devant Dieu, mais il faut que j'en reste là pour le moment. Sortir du chemin étroit pour leur plaire, je ne le puis, ni non plus affaiblir mon témoignage à la vérité, de fait déjà trop faible.

ME 1892 page 340 - Lettre de J.N.D. no 49

à Mr L.B.

Nîmes, 18 novembre 1849

Il y a beaucoup d'adversaires, beaucoup d'hommes qui, autrefois des lions rugissants, aimeraient aujourd'hui tout mélanger poliment, ou plutôt que je vinsse reconnaître tout ce qui a été fait, en sorte qu'il n'y eût plus de témoignage. C'est le mot d'ordre du jour, et cela rend la marche plus difficile. Au lieu de crier au schisme comme auparavant, forcés par les circonstances, ils crient à l'union, sans la foi qui en reconnaît le centre. Pour ceux qui ne sentent pas l'état des choses, cela a bonne façon, et blâmer ou attaquer ce qui a la forme d'union, a l'air méchant et sectaire. Il faut s'en remettre à Dieu. Au reste, ils ne cherchent pas l'union plus qu'auparavant: ce qui les pousse, c'est la crainte d'un témoignage vrai, et le désir de conserver des choses respectables.

ME 1892 page 358 - Lettre de J.N.D. no 50

à Mr L.B.

28 novembre 1849

Ce qui manquait à Pierre n'était ni la sincérité, ni l'amour de Jésus: il y avait chez lui ces deux choses; mais il n'était pas dépouillé de lui-même. Lorsque ce dépouillement se fait par le jugement de soi-même, il n'est pas toujours nécessaire que l'âme soit livrée à de si rudes épreuves; mais lorsqu'on ne se juge pas, il faut être dépouillé de soi par des expériences plus pénibles. Dieu supporte quelquefois pendant longtemps le manque de dépouillement de soi chez les siens, mais si le renoncement et le dépouillement ne se font pas, tôt ou tard il faut y arriver par des moyens douloureux. C'est toujours une oeuvre de grâce, quoique l'Ennemi en soit l'instrument, comme «l'écharde dans la chair» de Paul. Un reniement de soi-même dans le plus petit détail vaut mieux que beaucoup de progrès dans la connaissance, sans ce renoncement. Quand Dieu commence cette oeuvre, il ne retire pas sa main jusqu'à ce qu'elle soit accomplie. Il en fut ainsi de Job. La justification, en tant que comme dans l'âme, n'est jamais solide, la grâce jamais sûrement appréciée non plus, tant que nous ne sommes pas dépouillés de nous-mêmes. Nous aimons naturellement à paraître, mais Dieu nous fait sentir que tout cela ne vaut rien, que Christ est tout, que nous sommes justifiés gratuitement, et bien d'autres choses; il nous fait sentir, non que ces choses sont vraies, mais que nous en avons besoin, que les posséder comme connaissance ne vaut absolument rien, que ce n'est pour l'âme que de la fumée dans les narines, et même une angoisse de les connaître si nous ne sommes pas de Christ. Que Dieu nous fasse sentir cela, n'est nullement une preuve qu'il ne nous aime pas, mais la preuve du contraire. S'il nous laissait satisfaits de notre connaissance, ce serait ne pas nous aimer; et s'il nous laissait sentir son amour et sa joie pendant l'opération, ce serait tout gâter, nous ne serions pas dépouillés de nous-mêmes par l'amertume de notre expérience. Il faut que l'oeuvre se fasse, et jusqu'à ce qu'elle soit accomplie, Dieu peut soulager par moments, mais on n'a pas de paix solide. Le Seigneur n'a jamais reproché à Pierre son péché, mais il a ramené son âme au point de départ. Pierre avait dit: Si tous te renient, moi je ne te renierai pas. Jésus lui dit: M'aimes-tu plus que ne font ceux-ci? — Quelle sonde terrible que ces paroles! Au lieu de pouvoir en appeler aux preuves de son amour, Pierre doit faire appel à la connaissance divine de Jésus. Ce n'est pas que tout ne soit pas pardonné, mais Dieu veut nous réconcilier avec lui, nous placer dans des rapports vrais et réels avec lui. Quel bonheur! Il fait ce qui est nécessaire pour cela; il sait ce qu'il faut; il est bon médecin, quoique sa médecine soit amère; il n'y a absolument que celle-là, et précisément parce qu'elle a cette amertume, qui puisse guérir dans certains cas. Christ assaisonne sa Parole à celui qui est accablé de maux, car il a passé par tout ce par quoi nous passons, et par bien plus, afin que nous en profitions maintenant. Quelle révélation les Psaumes nous fournissent sur la manière dont Christ est entré dans l'affliction d'autrui, dans «toute leur affliction». — On voit dans le cas de Pierre, que le manque de dépouillement de soi-même peut revêtir la forme de dévouement, et cela, lorsqu'il y a la plus profonde sincérité et que l'on est enseigné de Dieu. Mais il faut que Pierre soit criblé, et d'autant plus qu'il est ministre de Christ, et que Dieu veut se servir de lui.

ME 1892 page 372 - Lettre de J.N.D. no 51

à Mr L.B.

Nîmes, 5 décembre 1849

Je pense que l'oeuvre de Dieu dans un coeur, reste souvent dans un certain sens à la surface, tout en étant réelle. Mais si elle est réelle, le salut est tout aussi réel que si l'oeuvre était au fond du coeur. Quelquefois le travail d'approfondissement de l'oeuvre se fait peu à peu dans une vie fidèle et tranquille, quelquefois par des combats terribles sur un lit de mort, d'autres fois, et plus particulièrement, si l'on s'est laissé aller aux tentations de l'ennemi tout en étant beaucoup occupé dans le service extérieur, par des angoisses comme celles que vous éprouvez. L'étendue des connaissances qu'on peut avoir en pareil cas, ne fait qu'aggraver le mal. En présence de tant de richesses que Dieu place devant nous, on se sent privé de tout. Tandis que l'on passe par ce travail, on ne peut supposer qu'on soit enfant de Dieu, parce que Dieu sonde le coeur et nous fait sentir ce qu'est la chair dans les choses de Dieu. Si Dieu nous faisait sentir en même temps la paix du salut, nous ne ferions plus l'expérience de ce qu'est la chair, et elle ne serait pas jugée dans notre propre coeur. Satan, si nous avons été infidèles, s'en mêle aussi et ajoute à nos misères; mais Dieu se sert de tout cela. Je crois que vous n'avez jamais été primitivement fondé sur la justification en vue de ce que vous êtes, et j'ai la conviction qu'il y a très peu de chrétiens qui le soient. Ils ont reconnu la grâce, et qu'il n'y a de justice qu'en Christ; mais cela ne s'est pas appliqué à une connaissance qu'ils avaient faite de la chair. Cela n'empêche nullement que la vie ne soit là, et de fait la justification est aussi parfaite devant Dieu qu'au moment où nous jouissons de la paix. — Vous avez raison quand vous dites que l'homme ne peut pas vous soulager; Dieu ne le veut même pas; mais il se sert de lui pour soutenir le coeur et la foi, pendant que l'oeuvre se fait. En attendant, confiez-vous en Dieu: «Voici, qu'il me tue, j'espérerai en lui» (Job 13: 15). Dieu n'éprouve pas ainsi ceux qu'il veut laisser. Il a dit des pharisiens: «Laissez-les…» (Matthieu 15: 14). Lorsqu'il a voulu bénir la Cananéenne qui reconnaissait déjà sa misère et l'extrémité dans laquelle était sa fille, qui reconnaissait aussi réellement Jésus comme fils de David, il ne l'a pas laissée qu'elle n'eût pris la place d'un chien, tout en le reconnaissant comme Seigneur; il l'a amenée à reconnaître que, lorsqu'elle était en présence de la bénédiction, elle n'avait aucun droit d'y participer. Seule, la souveraine grâce pouvait la lui accorder. La foi de la Cananéenne s'est montrée en ce qu'elle a persévéré à travers toute la dureté apparente du Seigneur, qui ne s'arrêta que lorsqu'il l'eût amenée là où il pouvait la bénir pleinement. «Soumettez-vous donc à la puissante main de Dieu, afin qu'il vous élève quand il en sera temps».

ME 1892 page 399 - Lettre de J.N.D. no 52

à Mr L.B.

6 janvier 1850

Il y a un point qui mérite une très sérieuse attention; le voici: Si nous péchons et que nous jugions le péché au moment où il a été commis, notre chute, sans doute, est un empêchement dans l'âme, elle nuit à notre progrès et à notre service; mais la chose n'est pas accumulée sur la conscience en sorte que Satan puisse s'en servir, car elle a été vidée devant Dieu. Dans le cas contraire, on oublie le péché; mais plus tard, les choses n'étant pas vidées devant Dieu, toute cette accumulation devient une arme formidable entre les mains de l'adversaire, et nous ne pouvons pas avoir le sentiment «que Dieu est pour nous dans l'affaire», parce que cela n'a pas été vidé devant lui; c'est comme un homme souillé par un mort; il ne pouvait pas s'approcher du tabernacle jusqu'à ce que l'eau de séparation eût été versée sur lui. Ce n'est pas qu'il ne fût pas Israélite; au contraire, tout cela avait lieu parce qu'il l'était. Il ne s'agit pas de justification, ni de conversion, quand même on ne peut pas s'approcher de Dieu, car la condition de l'âme revêt nécessairement ce caractère, dans le cas dont je parle; mais il s'agit du gouvernement de Dieu à l'égard des siens. Or dans ce cas, jusqu'à ce que tout soit vidé, il est impossible qu'on ait la paix. Un autre aura péché autant, mais se sera jugé sur le champ, il ne sera pas dans le même cas; mais Dieu est toujours fidèle et toujours amour, quand même nous ne nous en apercevrions pas.

ME 1892 page 418 - Lettre de J.N.D. no 53

à Mr L.B.

1850

Si Dieu vous conduit par un désert rempli de serpents brûlants, c'est pour vous faire enfin du bien, car nous trouvons à la fin, que le poil de nos vêtements ne s'est pas usé. Dieu est bon, fidèle et parfait, dans toutes ses voies; et lors même que c'est l'incrédulité d'Israël qui a été cause de sort long séjour dans le désert, l'Esprit dit: «Dieu t'a fait passer par ce désert…» (Deutéronome 8: 2). C'est bien Dieu, en effet. L'infidélité du peuple avait rendu la chose nécessaire, mais c'est bien lui qui, connaissant ces coeurs infidèles, a tout arrangé et coordonne tout…

ME 1892 page 418 - Lettre de J.N.D. no 54

à Mr L.B.

Berne, le 20 novembre 1850

J'étais heureux en écrivant la réponse à Schérer; je sentais le Seigneur avec moi pour m'aider, et la même impression m'est encore restée en arrangeant la traduction anglaise qu'on a voulu en faire.

La mort de notre chère soeur, Madame G., ne m'a pas surpris, mais elle m'a été bien sensible. Je n'ai guère vu une piété plus calme; marchant avec Dieu, elle voyait sa volonté avec un oeil net, et pour elle, la voir était la faire. Il est bon de trouver cette simplicité chrétienne qui découle d'une sainte proximité de Dieu; elle aimait aussi beaucoup le Seigneur. J'apprends que Mme X. ne tardera pas à la suivre: ce sera un grand vide dans la joie fraternelle de l'assemblée que le délogement de ces deux chères soeurs. Pour elles, ce n'est que bonheur. Tous les jours, cher frère, je sens davantage tout le bonheur qu'il y a de s'en aller. Ce n'est pas que je désire m'en aller, avant d'avoir achevé ma course. Après Christ (ce qui est une toute autre affection), j'aime l'Eglise de toute mon âme. Accomplir le peu (chose grande pour moi) que Dieu m'a confié, est ma joie. Mais en elle-même, la mort est un gain, qui dépasse toutes nos pensées. Il m'est doux de penser que je m'achemine vers le but, vers mon chez-moi, c'est-à-dire que le but est toujours plus mon chez-moi, — ce qui est de l'autre côté du Jourdain. Ce n'est pas que la venue du précieux Sauveur soit moins l'objet de mes pensées, de mes désirs; loin de là: je soupire toujours davantage après ce qui satisfera (avec l'amour de Dieu qui en est la source) tous les désirs du coeur, mû par son Esprit. Mais les deux choses se lient: c'est Dieu pour le coeur à la place de l'homme, de l'homme ruiné et éloigné de Dieu par le péché, dominé par ses passions, et par l'agitation d'un monde qui se tourmente sans Dieu, et qui est opprimé par l'ennemi. Y travailler pour Dieu est beau. Mais le repos de Dieu est meilleur: ce ne serait pas son repos s'il ne l'était pas. C'est là ce après quoi mon âme soupire. On entre dans ce repos, après avoir travaillé jusqu'au bout légitimement, de sorte que ne pas achever sa course, ne suffirait pas. Je sais combien je suis petit, mais ces choses sont vraies en petit et en grand. Déloger et être avec Christ, est beaucoup meilleur.

J'ai dû m'arrêter. Me voici à Lausanne, j'espère être à Lyon dimanche prochain, en route de nouveau pour le midi. J'ai été très heureux à Montbéliard, il y a là une oeuvre d'une plus grande étendue, et plus bénie que je ne l'avais pensé. Il y a à Desandans, Colombier et dans quelques autres villages, de petites réunions. C'est une séparation presque complète entre les chrétiens et le monde, ou pour parler selon le monde et l'état public des choses, entre l'église et les piétistes. Il y a de l'union, et à part quelques misères, à la guérison desquelles Dieu, je l'espère, a mis sa bonne main, ils marchent en simplicité, et s'édifient entre eux. Il y a de bien braves frères; ils se souviennent de vous, et m'ont demandé de vos nouvelles.

J'espère vous voir sans savoir quand; je dépends un peu de Mr B. pour le second volume des Etudes. Je ne resterai dans le midi que tout juste le temps nécessaire pour faire cela… Josué et les Juges sont imprimés, mais j'ai déjà corrigé pour la presse, jusqu'à la fin d'Esther.

ME 1892 page 430 - Lettre de J.N.D. no 55

à Mr L.B.

1850

Dieu, dans sa Parole, s'adresse constamment aux Hébreux comme nation, parce que Christ était mort pour la nation. Ceux qui acceptaient le Messie étaient devenus un peuple sanctifié par le sang de l'alliance; mais ils étaient toujours en danger de revenir en arrière, à des sacrifices et à un sacrificateur visible, au lieu de s'en tenir à un Messie invisible; et ainsi, quoique délivrés (comme le peuple sauvé d'Egypte), en danger de tomber en chemin. C'est pourquoi, dans l'épître aux Hébreux, il y a beaucoup plus de menaces ou plutôt d'avertissements. En effet, la séparation des incrédules d'avec la nation s'approchait; et les croyants sont exhortés à quitter le camp: c'est ce qui n'avait pas été dit jusque-là d'une manière définitive. Aussi, dans cette épître, ne s'agit-il pas du Père, ni du renouvellement du Saint Esprit, mais de Dieu, du peuple, d'une sanctification par le sang de l'alliance, efficace sans doute pour ceux qui croyaient, mais qui supposait la possibilité d'une incrédulité qui abandonnait cette sanctification en ne croyant pas à son efficace. Aussi les versets 16-18 du chapitre 3, proposent le cas de ceux qui, quoique sortis d'Egypte, sont tombés dans le désert, à cause d'une incrédulité qui se manifestait par la crainte que Dieu ne pût pas accomplir sa promesse quant à Canaan, ou qui méprisait Sa puissance quand ils se comparaient eux-mêmes aux difficultés — à des sauterelles en présence des enfants d'Anak.

ME 1892 page 431 - Lettre de J.N.D. no 56

à Mr L.B.

1850

Je comprends bien que ce n'est que lorsque Dieu fera luire la clarté de sa face sur vous, ou plutôt lorsqu'il vous donnera des yeux pour la voir, que vous serez délivré; je sais aussi que l'homme n'y peut rien. Cependant la prière et la Parole sont les choses dont Dieu se sert, et quelquefois par le moyen d'un homme.

Premièrement, vous vous trompez en pensant que des élus n'ont jamais passé par un état pareil au vôtre. J'y ai été; B. y a été; le fameux Dr O. y a passé cinq ans; on y passe souvent sur son lit de mort, comme J. S… Cela ne diminue nullement la gravité de la chose; mais toutes les personnes dont je parle vivent encore ou sont mortes dans la foi.

… Il y a trois choses qui caractérisent votre état: premièrement, vous avez beaucoup cultivé la science religieuse. Ainsi, il est tout naturel que Satan dise: «Assez! tu as cela et rien d'autre»; parce que ces vérités ont été souvent, je n'en doute pas, comme science dans votre esprit. Vos livres le trahissent; ils n'en sont pas moins utiles comme science; mais une âme spirituelle sentira quelquefois cela en les lisant. Puis, vous avez négligé de vous restreindre et de vous gouverner vous-même; et Satan peut dire: Tu as eu le dehors, tu n'as pas eu la vie intérieure. Enfin, avoir parlé à d'autres aggrave la chose, sous certains rapports, parce qu'on a l'air d'être soi-même hypocrite, quoiqu'on ne le soit pas. Mais si l'Ennemi se sert de toutes ces choses, Dieu s'en sert aussi.

Vous voyez que j'agis fidèlement envers vous en vous parlant ainsi; et maintenant je vais vous dire ce que j'entends par la justification en vue de ce que nous sommes, ne doutant nullement que votre état est défini par le manque de cela. Vous avez ainsi ouvert la porte à l'Ennemi, Dieu l'ayant permis pour votre bien. Une âme reconnaît, par la grâce de Dieu, qu'elle est pécheresse, qu'elle a mérité la condamnation et qu'il n'y a que le sang de Christ qui puisse la laver; elle croit que Jésus est le Fils de Dieu, le seul Sauveur; elle le confesse comme tel; elle jouit, par la bonté de Dieu, de la pensée d'être justifiée, mais d'une manière vague. Elle n'a jamais su ce que c'est que de se trouver dans la présence de Dieu, avec la pleine découverte du fond affreux de péché qui est en nous; elle n'a jamais eu la conscience de ce qu'est vraiment le péché, ni de la présence d'un Dieu juge en même temps, et puis peut-être aussi de la présence de l'Accusateur qui est là. Il se peut que des âmes arrivent dans le ciel sans passer par cette expérience, mais je n'en ai guère vu, — une seule peut-être. Le travail dont je parle durera peu de temps ou longtemps, sera aggravé si par négligence on a prêté le flanc à l'Ennemi, ou parfois si Dieu veut se servir d'un homme qui a un caractère orgueilleux ou léger. Ce travail peut avoir lieu pendant que nous sommes sous la loi, avant que nous ayons compris vraiment la grâce; dans ce cas, la chose est plus simple, car lorsqu'on a eu connaissance de la grâce, on se croit hypocrite; mais en général on y passe tôt ou tard. S'il y a eu des péchés cachés, le cas est aggravé. Or Dieu ne peut pas exaucer nos supplications, tant que le coeur n'a pas été sondé, car c'est ce qu'il fait en grâce. Si cela doit prendre cent ans, Dieu continuera, seulement il soutiendra l'âme, comme il est écrit: «J'ai prié pour toi que ta foi ne défaille pas». Or se trouver dans cet état devant Dieu, et Satan à notre droite pour nous contrarier, c'est affreux! Mais voyez la conséquence: qu'est-ce que Satan nous dit? — Tu as fait ceci; tu es cela; il n'y a pas de bien en toi; il y a eu des dehors sans réalité intérieure; tu as connu la grâce merveilleuse de Dieu et tu n'as pas eu les affections qui y correspondent. Eh bien, qu'est-ce que Satan fait? Il nous montre la vérité; il nous rend service malgré lui.

J'ai été frappé de voir qu'il n'y a pas un seul mot (sauf les conséquences que vous en tirez), dans votre lettre, que tout chrétien ne dirait; mais il y a cette différence que vous le dites en présence du jugement, et eux en présence de l'amour. Différence immense, sans doute, mais accord complet quant à ce qui est en nous, quant à ce que nous sommes. Le fils prodigue ne savait pas comment il serait reçu avant d'avoir son père à son cou. Après cela, il ne s'agissait pas pour lui de ce qu'il était, mais de ce que le père était. Or, cher ami, c'est en présence du jugement qu'on apprend ce que c'est que le péché. Il n'en est pas moins vrai que le fils prodigue était revenu à lui-même et porté comme une brebis sur les épaules de Jésus. Si Dieu nous montrait son amour, son oeuvre serait arrêtée, parce qu'il nous enseigne ce que c'est que le péché en présence de la sainteté de son jugement. S'il nous montrait l'amour qui ne s'en souvient pas, cette oeuvre ne serait pas faite. Or il tient à la faire, pour notre bien. Cela ne vous consolera peut-être pas, je le comprends, mais Dieu agit; aussitôt que l'oeuvre sera accomplie, il versera dans votre coeur une paix infiniment plus solide qui dépendra, non du jugement que vous portez sur vous-même, mais de la connaissance que vous avez faite de lui en vue de ce que vous êtes. Le Père au cou d'un enfant ruiné et couvert de haillons! Aucun spectacle n'est plus beau, si ce n'est quand nous voyons ce même enfant revêtu de la plus belle robe; mais cette robe n'était plus «sa part du bien»; elle provenait «du Père». — Je ne puis regretter de vous voir là où vous êtes, quoique je désire que vous en sortiez. Et soyez sûr que, dans un certain sens, Dieu désire que vous en sortiez, comme un père désire voir son fils sortir de punition, quoiqu'il l'y retienne pour son bien. Ne cessez pas de crier à lui pour qu'il accomplisse l'oeuvre de son amour, et vous fasse vaincre, ou plutôt vous humilier sous sa puissante main au nom de Jésus. — Je pourrais vous montrer clairement, par votre lettre, que vous avez la foi, mais je ne le fais pas, parce que je connais trop l'état d'une âme qui se trouve où vous êtes, pour supposer que vous verriez ce qui est évident pour les autres. Souvenez-vous qu'il n'a jamais été dit aux démons: «Quiconque croit a la vie éternelle»; mais cela nous a été dit à nous. Vous croyez que vous êtes condamné selon la Parole; mais vous n'avez pas les affections qui répondent intérieurement à l'amour de Dieu; vous savez bien que c'est là le raisonnement de toute âme quelconque sous la loi, quel que soit d'ailleurs le degré de son angoisse, et vous diriez vous-même: Comment voulez-vous avoir les affections qui répondent à cet amour, sans que vous y croyiez avant de les avoir! Mais vous ne savez pas appliquer ce raisonnement à votre cas, je le comprends. Outre cela, Satan vous tourmente, je le comprends aussi. Mais ne pensez pas que vous soyez le seul. Croire à l'amour de Dieu tel que vous êtes, voilà ce qu'il vous faut comme à nous tous. Heureusement que, comme vous l'avez souvent dit à d'autres, Dieu voit le sang, bien que vous-même vous ne le voyiez pas. Il ne demande pas ce que vous pensez de vous-même. Vous croyez — car il vous a donné de le croire — que Jésus est son Fils; et lui juge et déclare que vous êtes sauvé! Si vous me dites que les dards de l'Ennemi vous atteignent, je le comprends; si vous dites qu'il n'existe pas de bien en vous, ou que vous n'avez pas de force pour résister, j'en conviens. Mais je ne conviens pas que Dieu ne dise pas la vérité, lorsqu'il vous déclare sauvé. Vous me dites que Dieu ne vous exauce pas; je ne le nie pas, parce que l'intelligence de son amour ne serait pas encore une bénédiction pour vous. Il n'a pas ôté l'écharde à Paul, quoique ce dernier l'ait demandé avec instance; — mais il vous exaucera. — Aussi je désire prier pour vous, car je crois que vous aurez la délivrance par ce moyen. Au reste, Dieu est fidèle…

ME 1892 page 458 - Lettre de J.N.D. no 57

à Mr L.B.

1850

Je ne puis vous engager à vous abstenir de la cène. Je comprends que vous trouver dans une pareille position, soit un élément d'angoisse. Je l'ai déjà dit, humainement parlant, je ne l'aurais pas désiré. Mais parce que c'est un élément d'angoisse pour vous, ce n'est pas une raison pour que la chose soit bonne ou mauvaise. Le soulagement d'en parler aux frères, tout en étant un soulagement, n'est pas nécessairement bon parce que ce serait un soulagement: il vaut mieux chercher ce soulagement auprès du Seigneur. L'âme est volontiers poussée, dans l'état où vous êtes, à chercher une espèce de justice dans sa droiture envers les hommes. Plus tard, l'Ennemi pourrait vous en faire le reproche, et vous dire comme il m'a dit: Vous avez vu votre plaie,… et vous êtes allés au roi Jareb (Osée 5: 13). Je le répète, je comprends que cela vous pèse sur le coeur; mais un soulagement n'est pas la grâce. Jusqu'à présent, il me semble que ce serait une victoire de l'Ennemi, et pas un effet de la grâce. Lorsque vous dites que vous n'êtes pas digne de prendre la cène, j'en conviens; certes, j'en dirais autant du fond de mon coeur, absolument indigne. Il n'y a pas de comparaison entre l'état de mon misérable coeur comme homme, et le prix infini de ce qui est représenté dans la cène. Mais là n'est pas la question: tout homme qui sentirait quelque peu la valeur de Christ en dirait autant. Il n'y a qu'une raison de plus, l'idée d'hypocrisie: or il ne s'agit pas de cela, lorsque l'âme est tourmentée comme vous l'êtes, et je n'ai pas, dans mon expérience, trouvé que ce fût une bonne chose de communiquer à d'autres ces exercices pénibles de l'âme. Ce n'est pas de l'hypocrisie assurément de ne pas dire à tous soit des exercices intérieurs, soit des luttes, soit des expériences bénies. — Ma conviction est donc toujours que vous devriez prendre la cène, et seulement, en enseignant, vous borner à ce qui est simple, comme la chose vous aura frappé dans la Parole, sans prétendre parler beaucoup d'expérience, ni de science; parler de ce que Christ est, comme quelque passage le présente, sans dire ce que vous en sentez, à moins que cela ne surgisse au moment, et même dans ce cas d'en dire seulement peu de chose. Il y a des moments où, au milieu des chrétiens et dans une réunion où l'on parle, on oublie un peu sa misère et où l'on peut avoir telle heureuse pensée. Si l'on s'étend là-dessus, l'Ennemi peut s'en servir ensuite pour faire de nous des hypocrites ou, du moins, pour nous embrouiller à l'égard de tout.

Votre lettre, soyez-en certain, montre que vous êtes un croyant. Mais alors vous me direz peut-être qu'elle n'est pas vraie. C'est pourquoi je n'en dis rien. Mais vous ne pouvez pas, dans votre état de ténèbres, prétendre imposer votre jugement à d'autres qui sont dans la lumière, tout faibles qu'ils soient. Je comprends que vous souffriez beaucoup; je veux croire tout le mal que vous pouvez dire de vous-même, car vous êtes un homme, et moi aussi. Je comprends que vous n'éprouviez pas l'amour de Dieu, c'est pénible. Mais moi qui connais cet amour, par la grâce souveraine envers un indigne pécheur, je n'en doute pas à votre égard. Je vous répète donc que je vous conseille de ne pas parler de votre état, mais de le présenter toujours au Dieu d'amour, aussi humblement et paisiblement que vous le pourrez. La soumission du coeur est un grand point. Ce n'est pas qu'on puisse ni qu'on doive se contenter d'être malheureux, mais présenter la chose à Dieu comme n'ayant pas le droit d'en sortir. C'est là ce que la foi fait, tout en disant: Il y a des miettes pour les chiens qui n'ont pas le droit d'enfants…

ME 1892 page 477 - Lettre de J.N.D. no 58

à Mr L.B.

1850

Vous parlez de fausse expérience… Je ne sais pourquoi on introduit ainsi le mal quand il n'en est pas question; cela ne fait qu'embrouiller les âmes simples. Je ne crois guère à cette fausse expérience: aucune expérience ne saurait être fausse, parce qu'elle est ce qu'elle est, une expérience. On peut en tirer de fausses conséquences, mais une fausse expérience est une contradiction dans les termes mêmes… Vous avez appris cela dans vos livres puritains, qui n'ont pas fait de bien par ce moyen, mais passablement de mal selon moi. Satan peut se déguiser en ange de lumière; il faut le montrer tel qu'il est, non pas troubler l'âme qui en souffre, mais la délivrer. Il y a des hypocrites; mais alors il ne s'agit pas d'expériences; il y a des personnes qui reçoivent la Parole avec joie; il n'y a rien là de faux, seulement il n'y a pas toujours de racine, c'est-à-dire la joie ne dure pas et la vie n'y est pas. — Je le répète, parler de fausses expériences, nuit à la simplicité de la foi; j'aime et je recherche la simplicité. Que des âmes se trompent, je ne le nie pas; mais je ne vois pas le bien qu'on fait en poussant toutes les âmes simples à se demander si elles ne se trompent pas, et en leur faisant faire un retour sur elles-mêmes pour analyser d'une manière spirito-chimique tous leurs sentiments, au lieu de penser au Sauveur. L'âme qui n'est pas assez simple pour l'aimer, n'est pas capable de porter un jugement sain sur elle-même. Qu'on y passe malgré soi, lorsqu'on n'est pas simple, à la bonne heure; mais qu'on doive amener les âmes là, c'est ce que je ne vois nulle part dans la Bible… Conviction de péché, angoisse de s'y trouver,… je le comprends; — ce n'est pas une fausse expérience. Joie qui ne porte pas de fruit, je la comprends aussi; ce n'est pas une fausse expérience: on juge l'arbre par les fruits. Je sais qu'il y a des tromperies de Satan et je juge les choses qui les accompagnent en cherchant à en délivrer les âmes. Mais venir parler de fausses expériences parmi les chrétiens, cela ne peut faire du bien.