Quelques remarques sur Néhémie 3

 ME 1892 page 310

 

A première vue, ce chapitre peut ne paraître qu'une liste sèche de noms sans aucune signification et sans aucun intérêt pour nous. A un homme du monde, à un sage de ce siècle, il semblerait que l'écrivain aurait pu dire en deux ligues: «Les Juifs relevèrent les murailles et les portes de leur capitale». Mais en cela, comme dans tout le domaine spirituel, on peut voir que «l'homme animal ne comprend pas les choses de Dieu». Celui qui reçoit l'Ecriture tout entière comme «divinement inspirée», comme le Livre de Dieu, jugera a priori que, si Dieu a voulu que les noms de ceux qui travaillèrent à cet ouvrage, fussent conservés, il avait un but; et ne saisît-il pas ce but, il ne serait pas moins sûr qu'il y en a un. D'ailleurs si, avec soumission et humilité de coeur, on étudie de plus près ce chapitre, si l'on entre dans les détails qu'il présente, on sera surpris de voir l'abondance de précieuses leçons qui y sont renfermées, et l'on comprendra une des raisons pour lesquelles il nous est donné. Oui, vraiment, «toute écriture divinement inspirée est aussi utile pour enseigner».

Disons d'abord un mot sur la nature et le but de l'ouvrage entrepris par les Juifs. Il s'agissait de relever les murailles de Jérusalem, de la ville sainte, chère au coeur de tout pieux Israélite.

Il y avait environ 150 ans que Nébucadnetsar, roi de Babylone, s'était emparé de la ville, avait renversé ses murailles, brûlé le temple et emmené captifs tous les principaux d'entre les Juifs, ne laissant dans le pays que les plus pauvres (2 Rois 25). Après les soixante-dix années de captivité annoncées par Jérémie (Jérémie 25: 11, 12), Cyrus, roi de Perse, avait rendu un édit accordant aux Juifs captifs la liberté de retourner dans leur pays et de rebâtir le temple de l'Eternel à Jérusalem. Un certain nombre de Juifs profitèrent de la bienveillance du monarque dont Dieu avait incliné le coeur, et se rendirent au pays de leurs pères. Le temple fut édifié au milieu de beaucoup de difficultés suscitées par les ennemis des Juifs. Le découragement s'était emparé de ceux-ci; l'ouvrage commencé avait été abandonné; il fallut les exhortations et les appels des prophètes Aggée et Zacharie pour le faire reprendre, et ce ne fut que vingt et un ans après l'édit de Cyrus, que la dédicace de la maison de Dieu eut lieu.

Jérusalem était habitée, mais par un peuple peu nombreux. Et quelle désolation ne présentait-elle pas! «Les ruines perpétuelles» étaient encore là comme témoignage à la fois de la fureur de l'ennemi et du jugement de Dieu. «Il n'y avait point de maisons bâties» (chapitre 7: 4), et Jérusalem était une place ouverte: les murailles n'avaient point été relevées. Leurs ruines perpétuaient le souvenir de la honte et de la défaite des Juifs; c'était «un opprobre» pour eux (chapitre 2: 17). La ville sainte était ainsi ouverte à tous les peuples voisins qui se mêlaient sans obstacle avec les Juifs, s'associaient à eux, et exerçaient sur eux leurs influences délétères et corrompaient leurs moeurs. Des mariages avec des incirconcis avaient lieu, «la semence sainte» était mêlée avec «les peuples du pays»; la loi de Moïse était oubliée, et le sabbat, le signe de l'alliance de Dieu avec le peuple, n'était pas observé.

Tel était l'état déplorable des Juifs et de leur ville. Ces tristes nouvelles avaient été portées à Néhémie, échanson du roi de Perse. Son coeur, attaché à son peuple et fidèle à Dieu, en avait été ému. Dieu lui mit au coeur de s'employer pour ses frères, et il obtint du roi son assentiment pour aller relever les murailles de Jérusalem et rebâtir la ville. Puissions-nous aussi, dans ces temps de ruine, penser aux saints devant Dieu, comme Paul, «avec une vive affection dans les entrailles du Christ Jésus», et nous employer pour leur bien dans la mesure que Dieu nous donne!

Arrivé à Jérusalem, Néhémie prit d'abord connaissance de l'état des choses, et combien il fut navré en voyant l'étendue de la ruine de la ville! Pourrions-nous jeter un coup d'oeil sur ce qu'est devenue l'Eglise sur la terre, sans en être aussi douloureusement affectés? Néhémie, ayant rassemblé les principaux des Juifs, leur fit part de son dessein de relever ces ruines, en leur lisant en même temps que le roi lui était favorable. C'était, il est vrai, un signe de la triste condition des Juifs: ils dépendaient des rois des nations; mais c'était aussi la marque que Dieu ne les abandonnait pas dans leur état d'abaissement: il inclinait le coeur du roi. «Venez», ajoute Néhémie, «et bâtissons la muraille de Jérusalem, afin que nous ne soyons plus dans l'opprobre». Et Dieu agissant dans les coeurs des chefs, ils répondirent à l'exhortation de Néhémie: «Levons-nous, bâtissons». C'était un nouveau réveil opéré par la grâce de Dieu et par son Esprit. Le premier réveil, dont nous avons le récit dans le livre d'Esdras, avait eu pour effet la reconstruction du temple pour l'adoration; le second devait avoir pour résultat le relèvement des murailles pour la séparation et la défense, et celui des portes par où l'on entre, que l'on peut ouvrir à quiconque est de Dieu et fermer à qui n'est pas de lui et doit être exclu.

Bien-aimés, n'est-ce pas une figure frappante de ce qui a eu lieu de nos jours dans l'Eglise de Dieu? Au milieu des ruines, l'autel de l'adoration, du culte en esprit et en vérité, du culte par l'Esprit, a été relevé par les deux ou trois rassemblés au nom de Jésus. Mais une autre chose importante a accompagné ce réveil. La muraille de séparation a été élevée; du moins l'appel à le faire a été adressé: «Venez et bâtissons». Et qu'est-elle cette muraille qui doit être élevée par le chrétien, sinon la séparation du mal sous toutes ses formes? séparation du monde et de ses influences corruptrices; séparation dans nos associations et relations; séparation du mal individuellement et collectivement, du mal moral et religieux; séparation d'avec tout ce qui est du monde, de la chair et de l'homme, et pas de Dieu.

Mais ce n'est pas tout. Les portes aussi de Jérusalem devaient être rebâties. Les portes donnaient entrée et sortie au peuple de Dieu; elles se fermaient aux infidèles. Il en est de même pour nous. On pourrait avoir élevé extérieurement la muraille de séparation, s'être mis à part des systèmes et organisations de l'homme, et cependant laisser entrer ce qui n'est pas de Dieu, soit le monde, soit des doctrines étrangères, et ceux qui les soutiennent et propagent. La parole de Dieu par les apôtres a prévu cela: «N'aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde», dit Jean. «Recevez-nous: nous n'avons fait tort à personne», disait Paul. «Celui qui est de Dieu nous reçoit». Mais d'un autre côté, même à une simple femme, la dame élue, l'injonction est: «Quiconque vous mène en avant et ne demeure pas dans la doctrine du Christ, n'a pas Dieu… Si quelqu'un vient à vous et n'apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison». Que la porte lui soit fermée.

Bien-aimés, nous sommes encore dans le temps de la vigilance. Un temps heureux viendra où, sur la terre même, Jérusalem relevée dans une splendeur sans égale, revêtue de ses vêtement de parure, aura bien toujours ses murailles en signe de sa séparation pour son Dieu, mais où ses portes seront continuellement ouvertes, «car l'incirconcis et le souillé n'entreront plus en elle». Le pays en sera purifié. Et dans la Jérusalem céleste entourée de la muraille de la gloire de Dieu qui aussi l'éclairera, les portes ne se fermeront jamais. Car là il n'y aura plus à se garantir des ruses de celui qui se déguise même en ange de lumière pour séduire les saints. Il n'en est pas de même maintenant. Le mur de séparation doit être maintenu et les portes soigneusement gardées et fermées contre l'intrusion de tout ce qui n'est pas de la doctrine de Christ, de ce que nous avons appris dès le commencement, aussi bien que contre tout mal moral. «Veillez, tenez ferme dans la foi».

Telle était la nature et le but de l'ouvrage élever la muraille et réédifier les portes, pour séparer la ville sainte des incirconcis et de leurs souillures et leur en défendre l'entrée; telles sont les instructions que nous pouvons en tirer. Entrons maintenant plus avant dans les détails de notre chapitre.

Remarquons d'abord que tous sans distinction sont employés à ce grand ouvrage. Il les concerne tous, tous y ont intérêt, depuis les sacrificateurs et les chefs, jusqu'aux marchands et aux artisans. Les uns ne disent pas: «C'est un ouvrage au-dessous de nous, nous sommes trop saints pour y mettre les mains, c'est bon pour le commun peuple». Les autres n'estiment pas que ce soit l'affaire des sacrificateurs, des lévites et des chefs, en disant pour s'excuser: «Nous avons nos affaires; nous ne pouvons y perdre nos journées; il nous faut gagner notre vie». Non; la séparation était nécessaire pour tous, tous avaient à se mettre à part des nations, à se protéger contre elles; tous avaient à veiller à ce que les portes fussent bien établies. Tous n'avaient pas la même partie de l'ouvrage, mais tous travaillaient à l'oeuvre commune, des femmes même, telles que les filles de Shallum (verset 12). Et il en est de même pour nous, chrétiens. C'est à tous que s'adresse l'exhortation à la séparation. «Soyez séparés, dit le Seigneur,… et vous me serez pour fils et pour filles».

Mais si tous travaillent, nous voyons des différences dans l'ouvrage et dans l'appréciation que Dieu en fait. En tête de la liste vient Eliashib, le souverain sacrificateur, et ses frères. Et il était juste qu'il fût ainsi nommé le premier. Dieu reconnaît les dignités qu'il a établies, et nous sommes exhortés à les respecter. Mais Dieu juge aussi «selon l'oeuvre de chacun, sans acception de personnes» (1 Pierre 1). Eliashib et ses frères bâtissent la porte des brebis; ils travaillent jusqu'à la tour de Méa et celle de Hananeël. Ils sanctifient leur ouvrage. C'est bien; il y a là de hautes prétentions. Mais voyons un petit détail que l'Esprit Saint consigne et qui jette un certain jour sur la valeur de ce travail. Les portes ont été bâties et les battants en ont été posés. Mais quoi! nous n'y voyons pas de fermeture, ni verrous, ni barres, comme les fils de Senaa en mettent à la porte des poissons (verset 3), comme Jehoïada et Meshullam, à la porte du vieux mur (verset 6), comme d'autres encore à d'autres portes (versets 13, 14, 15). D'où vient cette omission dans l'ouvrage d'Eliashib? A quoi sert une semblable porte? Elle n'est qu'un beau semblant, toute sanctifiée qu'elle soit. Le premier venu n'a qu'à la pousser pour entrer. La suite du récit de Néhémie peut nous expliquer ce fait. Eliashib avait des attaches avec Tobija, Ammonite, et avec Sanballat, le Horonite, tous deux ennemis du peuple de Dieu, «très mécontents de ce qu'un homme fût venu pour chercher le bien des fils d'Israël» (chapitre 13: 4, 28; 2: 10). Eliashib voudrait-il fermer la porte à ses deux alliés? Malgré de beaux dehors, l'ouvrage est imparfait, trahissant ce qu'il y a dans le coeur. Prenons garde, bien-aimés. Parce qu'un homme occupe une place éminente dans l'Eglise de Dieu, parce qu'il montre de hautes prétentions religieuses et professe des doctrines élevées, ce n'est pas une preuve que tout son travail est selon Dieu, ni que nous ayons à le suivre en tout. A-t-il une fermeture à sa porte? N'a-t-il pas laissé une porte ouverte aux faux docteurs et à des doctrines pernicieuses? Il a pu travailler à bâtir la muraille de séparation et parler avec force et éloquence sur la nécessité d'être séparé du monde et des systèmes religieux. Mais cela ne suffit pas. Donne-t-il la main en quoi que ce soit à ce qui déshonore Christ, sans peut-être le tenir lui-même? Ah! chers amis, la neutralité ne peut être agréée de Dieu. N'imitons pas Eliashib et ses frères, mais suivons l'exemple de ceux qui ont soin de munir leurs portes de solides fermetures, barres et verrous. Soyons bien fondés et fermes en Christ; demeurant fermes et retenant les enseignements que nous avons appris (Colossiens 2: 6, 7; 2 Thessaloniciens 2: 15). C'est ainsi que nous fermerons la porte à ce qui n'est pas de Dieu.

L'esprit apporté à l'ouvrage nous est aussi indiqué. Un Baruc répare avec un zèle que l'Esprit, de Dieu se plaît à signaler (verset 20). Son coeur est tout à son travail. Rien ne lui coûte pour aider à élever le mur de séparation. C'est pour la gloire de Dieu et le bien du peuple. Oh! qu'il fait bon ne pas travailler, parce qu'il faut faire comme les autres, par entraînement, mais par un zèle qui a Dieu et Jésus en vue, ayant la conscience de ce que l'on fait et pour qui on le fait. Tel que Baruc était Epaphras, «combattant toujours» pour les saints, «par des prières», «dans un grand travail de coeur pour eux», «afin qu'ils demeurassent parfaits et accomplis dans toute la volonté de Dieu». Il élevait ainsi le mur de séparation. Et ne sommes-nous pas tous exhortés à être: «pas paresseux, fervents en esprit, servant le Seigneur?»

A côté de ce réjouissant tableau d'un Baruc travaillant avec zèle, ferveur de coeur et joie à l'oeuvre du Seigneur, nous avons la triste mention des principaux des Thekohites «qui ne plièrent pas leur cou au service de leur Seigneur» (verset 5). Etait-ce négligence et insouciance, ou ne serait-ce pas plutôt un orgueil qui leur faisait considérer comme au-dessous d'eux de s'occuper d'un ouvrage manuel, de faire les maçons, estimant que c'était bon pour le commun peuple? Mais est-ce s'abaisser que de travailler pour «son Seigneur» quel que soit le labeur qu'il nous donne à faire? N'est-ce pas un honneur, au contraire. Le Seigneur Jésus, le Fils de Dieu, ne nous a-t-il pas donné l'exemple, venant pour servir, lui l'objet des hommages des anges? Quelle que soit notre position dans le monde, ne craignons pas de nous mêler à ceux qui s'occupent à relever le mur de séparation entre le monde et eux, comme Moise, «choisissant plutôt d'être dans l'affliction avec le peuple de Dieu… estimant l'opprobre de Christ un plus grand trésor que les richesses de l'Egypte». Il est beau de voir les autres Thekohites, ceux qui n'étaient pas les principaux, résister à l'exemple de leurs conducteurs et travailler avec un zèle qui les porte non seulement à réparer à côté de Tsadok (verset 4), mais à réparer «une seconde portion, vis-à-vis de la grande tour saillante, et jusqu'au mur d'Ophel» (verset 27). On aime à les voir mettre en pratique un avertissement qui est aussi pour nous: «Ne nous lassons pas en faisant le bien, car, au temps propre, nous moissonnerons, si nous ne défaillons pas» (Galates 6: 9).

Tous les principaux ne suivirent pas l'exemple, des chefs Thekohites; nous en voyons, au contraire, un grand nombre mentionnés comme prenant une part active à l'oeuvre (versets 9, 12, 14, 15, 16, etc). Si, comme au temps de Paul, on peut dire: «pas beaucoup de sages selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles», cependant, béni soit Dieu, il y a comme alors de «très excellents Théophiles», «des femmes de qualité et des hommes aussi», qui sont heureux de travailler à l'oeuvre du Seigneur.

L'Esprit de Dieu mentionne aussi d'une manière expresse la quantité et la nature du travail fait par quelques-uns. Tandis que les uns réparent simplement la muraille, d'autres relèvent les portes, en ayant soin de les munir de bonnes fermetures. Mais il en est comme Malkija et Hashub qui, avec la muraille, réparent aussi «la tour des fours», une des défenses de la ville. Hanun non seulement bâtit «la porte de la vallée», mais encore «mille coudées de la muraille». Plus loin, nous voyons Shallun qui répare «la porte de la fontaine», et même la couvre; à cela il ajoute «la muraille de l'étang (ou réservoir) de Siloé». Il est heureux de travailler à ce qui sera utile pour rafraîchir et désaltérer les habitants de Jérusalem, en retenant ces eaux de Siloé qui coulent doucement, symbole de la grâce, pour arriver dans le réservoir où l'aveugle-né ira se laver afin de recouvrer la vue, et en descendre pour arroser «le jardin du roi». Ainsi Dieu se plaît à reconnaître ce qui est fait pour lui. Le divin Architecte a les yeux sur chacun de ses ouvriers. Quel encouragement! «Votre travail», bien-aimés, «n'est pas vain dans le Seigneur». Mais si tous ne faisaient pas la même somme de travail, Dieu ne tenait pas moins compte à chacun de ce qu'il accomplissait. C'est au coeur que Dieu regarde, et on lui «est agréable selon ce qu'on a, et non selon ce qu'on n'a pas». Les forces diffèrent, la capacité n'est pas la même, le temps et les occasions ne se présentent pas pour les uns comme pour les autres; l'un a cinq talents et l'autre deux, mais ce que le Seigneur demande, c'est qu'on les fasse valoir pour lui. Ainsi Dorcas, qui avait son temps à elle, faisait des robes pour les pauvres veuves; Lydie, la marchande de pourpre, recevait chez elle les apôtres; Phoebé était servante de l'assemblée et avait été en aide à plusieurs et à Paul, et Rhode, servante de Marie, s'appliquait à ce qui convenait à son humble position. Parmi ceux et celles que Paul salue à la fin de l'épître aux Romains, il en est qui sont compagnons d'oeuvre de Paul et ont exposé leur vie pour lui; d'autres ont travaillé dans le Seigneur, et d'autres ont «beaucoup» travaillé. Mais, selon ses capacités, chacun avait servi le même Maître, et n'eût ce été qu'un verre d'eau froide donné en son nom, le Maître le reconnaît et donnera la récompense. Tous entendront sa voix bénie: «Bien, bon et fidèle esclave, entre dans la joie de ton Seigneur». Oh! qu'il nous soit donné d'être de coeur à notre service, ou plutôt au service, quel qu'il soit, que le Maître nous donne à accomplir, en attendant qu'il vienne! (Marc 13: 34, 35).

Un autre détail nous est donné, et nous avons à le remarquer avec soin. Il n'est pas sans valeur. De plusieurs il est dit qu'ils réparèrent vis-à-vis de leur maison (versets 10, 23, 29, 30). Devons-nous attribuer cela au hasard, à un sentiment égoïste, ou à un motif plus élevé? Quoi qu'il en soit, je n'hésite pas à penser qu'il y a là pour nous une leçon sérieuse. Ceux des Juifs qui bâtissaient ainsi «vis-à-vis de leurs maisons», tout en travaillant à l'oeuvre commune, avaient sans doute le coeur au travail, d'une manière spéciale. En voyant devant eux leur demeure et celle de leur famille, ils voulaient qu'elle fût tout particulièrement bien défendue, et ne négligeaient aucun soin pour que la muraille fût forte. Certes les pierres qu'ils employaient étaient solides et bien ajustées, et le ciment de bonne qualité: c'était la muraille vis-à-vis de leur maison. Et nous, bien-aimés, n'avons-nous pas nos maisons? Nous avons compris que la muraille de séparation devait être élevée entre nous et le monde, mais l'avons-nous élevée d'une manière spéciale devant nos maisons? N'est-il pas vrai que plusieurs d'entre nous, tout en nous abstenant pour nous-mêmes du monde et de ce qui est dans le monde, n'avons pas exercé le même soin à cet égard pour nos maisons, et avons laissé nos enfants se mêler à ce dont nous-mêmes nous nous séparions? Moïse ne voulait pas que les enfants des Israélites demeurassent en Egypte. «Nous irons avec nos fils et nos filles», dit-il au Pharaon; et Josué, plaçant devant le peuple d'Israël le choix entre les faux dieux et l'Eternel, dit: «Mais moi et ma maison nous servirons l'Eternel», élevant ainsi fermement et résolument devant sa maison le mur de séparation. Au contraire, Jacob avait négligé de le faire, les faux dieux étaient restés avec Rachel dans sa famille, et Dina sort vers les filles des Cananéens, nous savons quelle en fut la triste conséquence, et ses fils se livrent aux plus honteux désordres. N'oublions pas nos maisons. Ne négligeons pas d'élever fortement la muraille qui protège contre les influences délétères du monde répandues partout et le flot d'incrédulité qui va toujours montant. Fermons les portes avec barres et verrous contre tout ce qui séduit et corrompt.

La muraille est ainsi achevée. Partant de la porte des brebis bâtie par le grand sacrificateur et ses frères, cette porte près de laquelle était le réservoir de Béthesda (Jean 5), l'ouvrage s'accomplit et se termine par le travail des orfèvres et commerçants, qui réparèrent entre la montée du coin et la même porte des brebis. Qu'il devait être beau de voir tout ce peuple travailler joyeusement, de coeur pour le Seigneur: Sacrificateurs et lévites, chefs et gens du peuple, hommes et femmes, grands et petits, hommes de Jéricho, de Thekoa, de Gabaon, de la plaine, comme ceux de Jérusalem, tous d'une même âme s'empressent à la même oeuvre. Merveilleux spectacle sur lequel Dieu se plaisait à arrêter ses regards et qu'il bénissait. Puisse-t-il en être de même dans les assemblées du Seigneur; puissent tous les frères et soeurs, bien unis ensemble, travailler de coeur à la même oeuvre, une sainte séparation pour Dieu, fermant la porte à tout ce qui n'est pas de lui.

Un mot encore. On peut se demander: Pourquoi tous ces noms? Ceux qui les ont portés nous sont et nous resteront inconnus. Ah! serions-nous indifférents à ce à quoi Dieu, prend intérêt. Oui, Dieu prenait un puissant intérêt à ces pauvres Juifs, car ils travaillaient en vue de lui, et c'est pour nous le montrer qu'il les a inscrits dans son Livre. Le monde les ignore; il a, lui, ses grands hommes, et il remplit ses livres de leurs hauts faits. Dieu, devant qui s'accomplissait cet ouvrage que les Tobija, les Sanballat et les Guéshem méprisaient (4: 1-3), connaissait chacun de ceux qui, s'y adonnaient, et leur donne cette marque de son approbation. Il a voulu que ces noms nous fussent transmis. Titre de gloire pour ces travailleurs, c'est leur livre d'or. Alors, comme plus tard au temps de Malachie, «un livre de souvenir a été écrit devant lui, pour ceux qui craignent l'Eternel et qui pensent à son nom». Et nous voyons la même chose du temps des apôtres. Lisons le chapitre 16 de l'épître aux Romains. Là vous avez, comme en d'autres endroits des épîtres, la liste de ces humbles chrétiens qui, à Rome, ce foyer de corruption, et jusque dans le palais de Néron, avaient élevé la muraille de séparation. L'histoire les ignore, mais de quel éclat ils brillent dans le livre de souvenir, les annales de Dieu, et c'est pour l'éternité! C'est le livre de vie où leurs noms sont écrits, et Jésus dit de ceux qui comme eux ont vaincu: «Je n'effacerai pas son nom du livre de vie». Les uns ont fait plus, les autres moins, mais tous ont leur part des salutations de l'Esprit Saint, comme tous ont leur part de l'amour de Jésus, comme tous auront leur part dans la rémunération. Ne serons-nous pas heureux de connaître dans le ciel ceux dont les noms nous ont été conservés comme ayant été les compagnons de Jésus sur la terre, un Jean, un Pierre, etc., ces apôtres comparés à des pierres précieuses, fondements de la sainte cité? N'aimerons-nous pas voir un Paul avec sa couronne d'âmes sauvées par son travail pour le Seigneur? Et pourquoi ces humbles Juifs, dont les noms sont conservés dans le livre de Dieu, nous seraient-ils plus indifférents? Ce dont le coeur de Dieu s'est occupé, n'est-il pas digne d'occuper le nôtre? Et ils nous ont donné de précieux exemples. Mais, à notre tour, pensons-nous que Dieu nous oublie? Non; «il nous connaît nom par nom», dit notre cantique. Il sait le nom du plus petit d'entre nous, comme autrefois Jésus sur la terre connaissait celui qui montait dans le sycomore pour le voir et lui disait: «Zachée»; et celui qu'André lui amenait: «Tu es Simon, fils de Jonas». Il appelle ses propres brebis par leur nom; bien plus, ces noms sont écrits dans les cieux. Le monde ne nous connaît pas, car il ne l'a pas connu, mais Lui nous connaît, et «il n'est pas injuste pour oublier votre oeuvre et l'amour que vous avez montré pour son nom, ayant servi les saints et les servant encore». Quelle consolation, quel encouragement!

Bien-aimés, le temps est court désormais. Il y a plusieurs années, un cri s'est fait entendre: «L'Epoux vient». Ce fut le signal de l'attente et le motif de la séparation. Bientôt surgirent des erreurs même parmi ceux qui s'étaient mis à part. Il fallut penser aux portes et voir si elles avaient des barres et des verrous pour se fermer aux séducteurs. La Parole qui répond à tous les besoins, en tous temps, donna aux saints le discernement et la puissance pour résister. A côté de la séparation d'avec le monde et les systèmes humains, il fallut prêter l'oreille aux avertissements des apôtres: «Il se lèvera d'entre vous-mêmes des hommes qui annonceront des doctrines perverses pour attirer des disciples après eux… Je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce». — «Je vous exhorte à avoir l'oeil sur ceux qui causent les divisions et les occasions de chute par des choses qui ne sont pas selon la doctrine que vous avez apprise; et éloignez-vous d'eux». — «Ne soyez pas séduits par des doctrines diverses et étrangères». — «Fuis les discours vains et profanes, et l'opposition de la connaissance faussement ainsi nommée».

Le temps s'est écoulé, et les coeurs se sont relâchés. Mais les principes de la vérité restent les mêmes, car Celui à qui nous avons à faire ne change pas. C'est pourquoi la séparation et le soin de fermer la porte au mal, sont toujours notre devoir. D'ailleurs ne sommes-nous pas plus près du salut que lorsque nous avons cru? N'est-il pas temps de nous réveiller du sommeil, de nous souvenir de notre séparation, de renouveler notre nazaréat? Laisserons-nous, nos portes ouvertes à l'ennemi? Satan voit qu'il n'a plus que peu de temps, car le Seigneur vient. Il fait ses derniers efforts parmi les saints contre le beau nom de Christ, contre sa Personne adorable. Oh! Puissions-nous être fidèles, tenir ferme ce que nous avons, gardant la parole, et ne reniant, pas le nom du Seigneur!