L'effet produit par la vue de Christ dans la gloire

Philippiens 3   -   ME 1892 page 407

 

Le chrétien peut être envisagé à deux points de vue: le premier, selon les conseils et les pensées de Dieu, et selon l'efficacité de l'oeuvre de Christ. Comme tel, «par une seule offrande» — celle de Christ — il est «rendu parfait à perpétuité» il est agréable à Dieu, en Christ lui-même; tout ce qui était contre lui est aboli; il est délivré complètement et pour toujours de son ancienne condition en Adam; retiré de cette condition, il est placé dans l'acceptation de Christ lui-même: c'est la grâce dans laquelle nous nous trouvons. Mais il y a évidemment un autre aspect sous lequel le chrétien est vu; c'est celui de sa marche dans le monde.

Elle nous est présentée de deux manières l'une dans l'épître aux Philippiens, l'autre dans celle aux Hébreux. Dans cette dernière, elle est considérée en rapport avec la grâce que Christ nous obtient comme sacrificateur dans le ciel. Ce n'est pas l'opération de l'Esprit en nous, mais l'oeuvre de Christ pour nous, et la grâce qui nous aide au temps du besoin. Mais si, dans l'épître aux Hébreux, nous voyons le chrétien ici-bas dans la faiblesse, ayant besoin de secours et l'obtenant, l'épître aux Philippiens nous le montre ici-bas aussi, mais avec l'énergie et la puissance de l'Esprit de Dieu opérant en lui. Nous avons à passer à travers le monde, et il y a des difficultés dans notre sentier, des tentations pour nous détourner; mais celui qui marche dans la puissance de l'Esprit de Dieu, s'élève au-dessus de toutes les difficultés au milieu desquelles il se trouve. Dans l'épître aux Philippiens ressort la puissance de l'Esprit de Dieu agissant dans notre marche en suivant le droit sentier. Le résultat est une personne entièrement au-dessus de tout: quelqu'un qui peut «se réjouir toujours dans le Seigneur». Il faut nous rappeler qu'au moment où Paul écrivait cette épître, il était en prison depuis quatre années, et qu'il en avait passé deux enchaîné à un soldat, et, ce qui était encore beaucoup plus éprouvant pour lui, son activité comme apôtre était arrêtée; elle avait entièrement pris fin. Il aurait pu se blâmer lui-même d'être allé à Jérusalem, et d'avoir fait telle ou telle autre chose, mais non: il s'élève au-dessus de tout. C'est aussi un fait remarquable que, dans cette épître, Paul ne nomme jamais le péché, ni la chair non plus, excepté pour dire qu'il n'a pas de confiance en elle, en mettant en garde contre sa religiosité. C'est une marche simplement dans la puissance de l'Esprit. Dans le chapitre précédent, vous voyez la grâce manifestée dans la marche, mais dans celui-ci c'est l'énergie dans la course chrétienne, la pleine énergie du chrétien traversant ce monde. L'apôtre ne parle pas ici de la croix comme abolissant le péché; elle a un autre caractère: elle est envisagée au point le vue pratique; c'est «être crucifié au monde». Nous avons ainsi, dans cette épître, le livre de expérience du chrétien sur la terre, selon la puissance de l'Esprit.

Emprisonné comme il l'était, de sorte qu'il ne pouvait être actif dans l'oeuvre, Paul cependant dit: «Tout me tournera à salut»; tout sera pour le bien, et je puis me réjouir toujours dans le Seigneur. Cela a une grande force, si nous nous rappelons dans quelles circonstances il se trouvait lorsqu'il parlait ainsi. Il regarde en arrière, et met en contraste sa propre course avec la conduite de ceux qui avaient fait profession de christianisme, mais marchaient cependant avec le monde.

Considérons d'abord le caractère de l'énergie avec laquelle l'apôtre poursuivait cette course. Il dit qu'il n'a pas encore atteint le but, qu'il n'est pas encore parvenu à la perfection. Il parle ainsi, parce qu'il regarde à son état. Il nous faut voir ce qu'il entend par là. En premier lieu, il n'a absolument aucune pensée relativement à sa propre justice. Il avait eu une certaine justice, une justice dont il s'était glorifié, et qui dépendait toute de lui-même: «Quant à la justice qui est par la loi, étant sans reproche». Mais du moment qu'il avait vu le caractère spirituel de la loi, c'en était fait. Tout ce dans quoi la chair pouvait avoir confiance, était passé pour lui. Nous savons tous comment, lorsqu'il poursuivait avec impétuosité sa carrière, le Seigneur le rencontra. Il découvrit alors que tout ce qui avait été un gain pour lui, tout ce dont il s'était glorifié, n'avait servi qu'à le mettre en inimitié ouverte avec Dieu. Toute sa science, toute son énergie de caractère, n'avaient été employées que pour s'efforcer d'anéantir le nom de Christ. Il n'était pas question ici de ses péchés; c'était le fait que tout ce qu'il avait estimé comme bon avait disparu, que sa conscience avait pris une mauvaise direction, que sa justice selon la loi n'avait aucune valeur. Là, sur le chemin de Damas, revêtu d'une autorité qu'il tenait du souverain sacrificateur, il se trouve en présence de Christ, et en inimitié ouverte contre lui, et, dans cette présence, tout ce qu'il était comme homme religieux, «sans reproche» — extérieurement, sans doute, car il se reconnaît lui-même comme le premier des pécheurs — tout ce dont lui, Saul, pouvait se revêtir extérieurement, était mis en pièces, et il reste dans l'obscurité trois jours, pendant lesquels il passe dans son âme à travers ce que cette terrible révélation lui avait découvert. L'effet pratique de cette apparition de Christ en gloire, fut de renverser de la manière la plus puissante tout ce qui était de l'homme.

La première chose dont nous avons besoin comme pécheurs, et que nous obtenons par la croix du Seigneur Jésus, c'est «la rédemption par son sang, le pardon des péchés», mais ici, ce n'étaient pas les péchés, c'était la justice qui était mise de côté. C'en était entièrement fait de tout ce qu'il avait estimé le faire subsister devant Dieu. Ce qu'est l'homme dans son meilleur état avait été rendu manifeste de la manière la plus forte dans sa propre expérience: le pharisien avec sa droiture, son honnêteté, son observation de la loi, n'était rien qu'inimitié contre Dieu. Il ne s'agissait pas seulement de manquements — ce n'était pas la chose — mais tout ce qu'est l'homme, tout ce qu'il est moralement, était manifesté devant Dieu et tombait à terre. C'était la fin du premier homme, et cela, non comme doctrine, mais pratiquement; car nous devons, pour que ce soit une réalité, apprendre chaque chose dans nos propres consciences. C'était la totale et entière condamnation de l'homme dans la chair sous son meilleur aspect. L'homme le plus excellent dans le monde était le premier des pécheurs; le meilleur que l'homme puisse être.

C'est une vérité qu'évidemment nous pouvons apprendre de différentes manières, soit en nous voyant nous-mêmes comme des pécheurs en rébellion ouverte contre Dieu, soit en découvrant que ce que nous estimons le meilleur en nous est absolument sans valeur devant lui. L'innocence n'est plus; l'homme a perdu le paradis et tout est fini de ce côté. Il n'y a plus d'accès pour lui à l'arbre de vie; depuis ce moment, ou bien l'homme doit être étranger à Dieu, et ennemi quant à ses pensées par ses mauvaises oeuvres, ou bien il doit avoir une place céleste auprès de Dieu. Sur la route de Damas, Saul rencontre l'Homme dans la gloire; il est jugé dans sa conscience et voit qu'il est un ennemi déclaré de Dieu. Il nous est aisé de voir que Dieu doit juger nos péchés, mais nous ne voyons pas tout d'abord que la pensée et les affections de la chair sont inimitié contre lui. Mais ici, nous voyons la fin de Saul, et de tout ce que la chair était dans ce monde — ce monde qui n'était pas le paradis, et n'était certainement pas le ciel — ce monde dans lequel les choses bonnes n'avaient point de valeur aux yeux de Dieu, et où certainement les péchés ne servaient à rien.

Extérieurement, Saul était l'homme le plus excellent que l'on pût trouver — comme l'homme peut être — juste, religieux et consciencieux; et cependant il était un ennemi déclaré de Dieu. Il n'y avait rien à trouver là, dans ce qu'il était en lui-même; alors il regarde en dehors de ce monde et voit Christ dans la gloire. Il le voit là où il est, et l'effet produit est que le vieil homme est entièrement jugé; il y en a un nouveau dans le ciel. Tout ce que Paul était a pris fin. Ce n'était pas une question de péchés, mais de justice. Dans un autre endroit, il dit: «Je n'aurais pas connu le péché, si ce n'eût été par la loi». Supposons qu'il y eût une justice selon la loi, personne n'y aurait atteint, excepté le Seigneur; mais même si Paul eût pu y atteindre, maintenant il ne l'aurait pas voulue, car, dit-il, j'en ai une autre, «la justice qui est de Dieu». La loi demandait de l'homme la justice envers Dieu, mais tout cela, Paul l'avait abandonné; du reste, personne n'a pu arriver à la posséder. Il dit: «N'ayant pas ma justice qui est de la loi»; il ne dit pas: «N'ayant pas mes péchés». Il va beaucoup plus loin, et j'insiste là-dessus — théoriquement, il était un homme sans reproche, mais il ne veut plus rien de cela. Toute la position, la place et la condition tout entière du premier homme est une chose jugée dans son âme, et un autre Homme, Christ dans la gloire, sera pour lui maintenant ce qu'il était. La condition du premier homme a été manifestée par la révélation du second Homme, et c'est celui-ci que Paul suit. Nous voyons donc tout le fondement et la position de la justice légale balayés et jetés loin. Personne ne l'avait cette justice, cela est certain; mais c'était le terrain sur lequel il était; à présent il dit: Je ne veux plus du tout avoir ma propre justice — j'en ai une autre.

Vous ne pouvez avoir les deux devant Dieu. Voir cela met de côté mille choses flottant dans le monde. De nos jours, on voit des personnes qui veulent arriver à la perfection. «Je ne veux plus pécher», disent-elles. C'est très bien: elles n'ont pas le droit de continuer à pécher. Mais Dieu ne me remerciera pas pour ma justice, quand je me revêts d'une robe adamique, car j'ai une chose tout à fait différente en Christ. Paul, dans les Philippiens, ne parle pas de sa position en Christ. Il ne dit pas: «Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus», mais il parle de la condition d'âme de ceux qui possèdent cette position «d'aucune condamnation». La condition d'âme de Paul était que la révélation de Jésus Christ avait mis de côté en lui tout ce qui était de lui-même. Ce qu'il possédait, c'était la justice de Dieu, et cette justice ne va pas de l'homme à Dieu, mais de Dieu à l'homme. Quand est-ce que le fils prodigue a la plus belle robe? Quand le Père l'en revêt. «Je sais qu'en moi, c'est-à-dire en ma chair, il n'habite point de bien», dit Paul. La nature tout entière, le caractère et la qualité de la chair, est une chose jugée. Mais remarquez que, lorsque Christ lui est ainsi révélé, son esprit, son coeur et ses désirs ne sont jamais satisfaits avant de l'avoir atteint, et quel en est le résultat? C'en est fait de toute votre perfection. L'apôtre dit: La gloire que j'ai vue près de Damas, voilà ce qu'il me faut. Ce n'était plus le jugement du vieil homme; c'était l'espérance de l'homme nouveau.

Christ dit à Paul: «Je suis Jésus de Nazareth». Il n'y avait plus aucune question à cet égard. Cet Homme était là, dans la gloire — le fils du charpentier — Celui que les Juifs avaient rejeté. Tous ceux qui sont avec Paul tombent à terre en voyant la splendeur de cette lumière, qui brillait du ciel, bien qu'ils ne comprissent pas ce qu'elle signifiait. Dans cette lumière, Saul de Tarse fut totalement et entièrement condamné; c'en fut fait de lui: Christ prit la place de tout. Tout ce qu'il avait estimé un gain n'était plus rien. Supposons qu'il s'agît de sa science — pour qui en était le gain? Pour Paul et non pour Christ. C'était seulement édifier, meubler, orner et faire valoir cette chose vieille, qui avait été jugée comme étant inimitié contre Dieu.

Et il ne dit pas seulement: «j'ai regardé comme une perte»; il a continué sa route avec Christ, et il ajoute: «Je regarde comme une perte»; c'est une chose actuelle. Tout ce que j'ai estimé comme excellent — justice, connaissances, naissance, tout — «je le regarde comme des ordures», car j'ai vu Christ et je le désire; je compte pour néant les choses de ce monde. Il s'est révélé à moi en grâce; il m'a montré son amour au-dessus de toute mon inimitié, et maintenant il faut que je le gagne, que je le possède lui. Paul était un homme dont la course entière et la carrière avaient pour but un seul objet qui était devant lui. C'est cet objet qui caractérise notre course et lui donne son caractère moral. Paul marchait après Christ. Demandons-nous: Est-ce ainsi que je suivrai Christ? Est-ce là ce qui me gouverne? Je ne dis pas que nous ne puissions être distraits, mais est-il, lui, Christ, l'objet après lequel nous courons? Nous ne pouvons avoir deux objets en même temps. Y a-t-il eu une révélation de Christ à nos coeurs telle, que nous l'ayons pour unique objet devant nous?

C'est une chose courante en quelques endroits de parler d'une «vie supérieure», et hélas! il n'est que trop vrai que beaucoup de chrétiens suivent le monde, mais je voudrais demander: Qu'est la vraie vie chrétienne? C'est, sans aucun doute, une «vie supérieure», car notre appel est «céleste» ou «en haut». Il est cela et rien d'autre. Je n'ai d'appel à quoi que ce soit ici-bas, dans ce monde. Selon la parole de Dieu, il n'y a aucun appel pour le chrétien, sauf à un Christ ressuscité et glorifié. Ce qui est placé devant nous, c'est Christ dans la gloire; nous allons lui être semblables, et vous ne pouvez avoir un vrai objet si ce n'est Christ glorifié, parce que c'est le seul Christ. Christ ici-bas est un modèle pour notre marche, mais ce n'est pas maintenant le Christ que nous avons à saisir. Je ne puis pas gagner Christ dans ce monde, parce que là il n'y a pas de Christ à gagner. Le tenter, c'est abaisser la mesure de la sainteté, et au lieu d'être une «vie chrétienne supérieure», c'est une vie moins élevée. C'est l'espérance d'être semblable à Christ dans la gloire qui fait que l'on «se purifie comme lui est pur». L'objet que j'ai devant mon âme dans cette course dont parle Paul — «je cours droit au but» — est Christ glorifié, et lui seulement. C'est là ce que je vais atteindre. Je vais être semblable au Christ que j'ai vu, est la pensée de l'apôtre. A chaque pas que Paul faisait, il était plus près de lui, mais il ne l'avait pas atteint. Il n'aurait atteint le but, Christ, que dans son corps glorifié. Il n'y a pas d'autre Christ vers lequel nous ayons à courir ou que nous ayons à gagner. Ce n'est pas que nos affections n'aient à s'attacher à lui dans son humiliation, mais c'est un Christ glorifié seulement qui est l'objet de nos coeurs. Je puis être au ciel maintenant en esprit, et être heureux là avec lui, mais je ne l'atteindrai jamais, je ne l'aurai jamais gagné, jusqu'à ce que je sois avec lui dans la gloire. C'est alors que j'aurai gagné Christ.

Quand tout ce qu'était Paul eut été jugé, ce fait, l'amena dans toutes sortes de difficultés. Par exemple, au moment où il écrivait, il était sur le point de passer en jugement et il y allait de sa vie; mais il en avait fini avec Paul — il portait en lui-même la sentence de mort (2 Corinthiens 1: 9). Plusieurs ne le réalisent pas comme lui, peut-être même ne trouverait-on personne; mais la conséquence pour lui était de porter «toujours partout dans le corps la mort de Jésus», de sorte que la vie de Jésus était manifestée dans son corps. Il avait la sentence de mort en lui-même, afin qu'il n'eût pas confiance en lui-même, mais en Dieu qui ressuscite les morts. C'est comme s'il disait: Le Dieu que je connais a ressuscité Christ d'entre les morts; par conséquent, je n'ai peur ni de la mort, ni de comparaître pour être jugé, ni de quoi que ce soit que j'aie à rencontrer sur la route: je puis me glorifier en toutes ces choses.

Nous ne trouvons pas ici seulement la patience et l'espérance, comme dans l'épître aux Romains, mais c'est «la communion de ses souffrances». Nous sommes toujours appelés à souffrir avec Christ ici-bas. Nous savons à peine ce que c'est que souffrir pour l'amour de lui — peut-être ici et là avons-nous une petite épreuve; mais nous savons ce que c'est que souffrir avec lui, car nous ne pouvons traverser ce monde de péché et de douleur, sans souffrir en principe ce que le coeur de Christ a souffert. Nous pouvons nous réjouir dans les saints lorsqu'ils marchent bien, mais il n'y a rien d'autre dans le monde pour réjouir le coeur. C'est ce monde qui a crucifié Christ — à part les pauvres pécheurs auxquels il faut parler, c'est tout ce que le chrétien voit dans le monde.

«Si en quelque manière que ce soit je puis parvenir à la résurrection d'entre les morts». Cela n'implique pas le doute; mais Paul veut dire: Même si je rencontre la mort sur la route, je passerai à travers; et, si je meurs, je lui serai rendu semblable. Vous voyez ici l'apôtre ayant les regards arrêtés sur un objet — Christ dans la gloire et rien d'autre; il veut souffrir avec Christ coûte que coûte, au prix de sa vie même, pourvu seulement qu'il atteigne cette place — une part dans la première résurrection; car il regarde ici à la résurrection non comme à notre position, mais comme à un objet à atteindre. Je puis avoir à fouler un sentier pénible, mais je trouve en chemin du rafraîchissement: c'est le sentier que Christ a parcouru.

«Non que j'aie déjà reçu le prix, ou que je sois déjà parvenu à la perfection; mais je poursuis». C'est l'activité de la vie. En ces jours où de tous côtés on abandonne le christianisme, il est bon de savoir ce qu'il est. Le christianisme est la paix parfaite et la réconciliation, avec Dieu. Nous sommes rendus parfaits à perpétuité devant lui, et quant au sentier à suivre dans ce monde, c'est avec le regard fixé sur Christ dans la gloire et une énergie entière pour marcher après lui. A chaque pas que nous faisons, nous possédons davantage de Christ et nous sommes plus capables de le connaître, et l'effet pratique est de nous transformer a sa ressemblance. Ce fait d'introduire la vie de Christ dans mon âme me rend capable de le voir dans la gloire, de sorte que, maintenant même, j'entre davantage dans la possession de cette résurrection vers laquelle je tends. La résurrection d'entre les morts s'identifie avec le fait de gagner Christ; ressusciter d'entre les morts nous parle du parfait bon plaisir que Dieu prend en nous en Christ.

L'apôtre parle ensuite de perfection: «Nous tous donc qui sommes parfaits». Un chrétien parfait est un homme fait, dans un sens. C'est le même mot que dans le passage: «A l'état d'homme fait, à la mesure de la stature de la plénitude du Christ». Et qu'est-ce que c'est? Ce n'est certainement pas être semblable à ce que Christ était ici-bas, car il n'y avait point de péché en lui, de sorte que la pensée de lui être ainsi semblable est une pure illusion. Celui qui regarde à lui en haut marche comme lui ici-bas, mais être semblable à lui tel qu'il était ici-bas, cela n'est pas possible. Marcher comme lui, cela est dit, je le répète; mais être semblable à lui serait être sans péché. Conformes à lui dans la gloire, nous le serons, et par conséquent le coeur le désire et le poursuit maintenant, et c'est là ce que Paul appelle un chrétien parfait. Ce n'est pas quelqu'un qui connaît ce que c'est que d'être purifié des péchés de l'ancienne création; ce n'est pas connaître l'oeuvre de Christ qui ôte le péché, ce qui s'étend à tout l'état de la nature. A ces différents égards, tout est réglé; je sais que, «par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés», qu'il n'y a plus une question à soulever entre Dieu et moi, et que j'ai liberté devant lui dans le sentiment de sa faveur; mais alors je dis: «Est-ce tout?» Toutes mes dettes sont payées, mais n'aurais-je rien pour ne pas mourir de faim? C'est alors que l'âme arrive à voir qu'ayant part à ce pardon, elle a aussi part avec le second Adam; elle a saisi par grâce cet Homme dans la gloire, et en ayant conscience, je dis: «Mon âme tout entière est là. J'ai vu l'excellence du Christ Jésus, mon Seigneur, et tout ce qui est ici-bas a été mis de côté pour toujours. J'en ai fini avec tout cela; j'appartiens à un autre lieu, et je ne reconnais plus du tout le vieil homme».

C'est alors que le chrétien est arrivé à être ce que Paul appelle un homme parfait. Il a devant lui Christ pour objet; il a saisi la place de Christ devant Dieu, et il croît dans la stature de Christ. Ce n'est pas qu'il n'ait encore beaucoup à apprendre, mais il a atteint sa place; il est homme fait; il discerne le bien et le mal; il a saisi sa place en Christ, et il le sait. Cela met complètement de côté la chair, et aussi ce qui est un si grand piège pour plusieurs, je veux dire la perfection dans la chair, car Christ dans la gloire est ma seule perfection. Dans ce monde, je cours vers un but; je ne l'ai pas encore atteint, mais Christ m'a saisi pour que j'y arrive.

L'apôtre place ensuite dans le plus fort contraste ceux qui ne sont pas encore parfaits de cette manière: «Si en quelque chose vous avez un autre sentiment, cela aussi Dieu vous le révélera; cependant, dans les choses auxquelles nous sommes parvenus, marchons dans le même sentier». Je ne puis marcher dans le même amour avec quelqu'un qui connaît seulement sa rédemption en Christ, mais je désire qu'il saisisse aussi toute sa position en Christ.

Paul parle ensuite de ceux qui ont la profession de christianisme, mais qui sont «ennemis de la croix de Christ». Ils ne sont pas exactement ennemis de Christ, bien qu'en fin de compte cela revienne au même. Dans le paradis Dieu chassa l'homme comme pécheur; à la croix, pour autant que sa volonté y était, l'homme a chassé Dieu qui était venu à lui en grâce. Les disciples même s'enfuirent; ils ne pouvaient supporter cela, comme Jésus le dit: «Tu ne peux pas me suivre maintenant; mais tu me suivras plus tard». Amis ou non, tous, ou s'enfuirent, ou se liguèrent contre lui. Il fut rendu manifeste que Satan est le prince de ce monde. On s'imagine quelquefois qu'il ne l'est pas, parce que l'évangile est prêché dans le monde; mais l'évangile n'y eût jamais été prêché, s'il n'en était pas le prince. Il a soulevé le monde entier contre Christ, de sorte que le monde est jugé avec tout ce qui est en lui. «Le monde m'est crucifié», dit Paul. La croix — un gibet — a mis fin à toute la gloire humaine. Christ est descendu jusque-là, afin de mettre fin à tout ce qui est de l'homme. Il n'y avait rien de plus infâme que la croix; les esclaves et les plus vils criminels y étaient seuls attachés. Satan, par son influence sur le monde, fut ainsi manifesté comme son prince. C'est là ce qu'est le monde, et c'est pourquoi le Seigneur dit: «Père juste! le monde ne t'a pas connu». Il s'en suit que le monde est convaincu de jugement, et la justice est manifestée. De quelle manière? «Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que j'aie mis tes ennemis pour marchepied de tes pieds», est la réponse de Dieu. Et Christ est assis là, jusqu'à ce que le jugement du monde s'exécute. Le monde ne le voit plus comme Sauveur. Et maintenant, parce qu'il a glorifié Dieu dans ce lieu de péché, nous portons aux pécheurs le témoignage de la grâce qui les cherche.

Ceux dont parle l'apôtre étaient ennemis de la croix de Christ. Ils portaient le nom de chrétiens et marchaient avec le monde. Sans doute, le vrai chrétien peut être entraîné par le monde dans quelque piège; mais ce n'est pas cela. L'ennemi de la croix de Christ met Christ dans le monde. Or si je cherche la justice, je ne la trouve pas dans le monde qui a crucifié Christ; il me faut pour cela regarder à Christ en haut, car la justice en a fini avec le monde.

Voyez ensuite la place que l'apôtre donne au chrétien: «Car notre bourgeoisie est dans les cieux», toutes nos relations dans la vie — tout ce que ma vie comporte, tout ce en quoi elle se développe — sont dans le ciel. Je poursuis ma course ici-bas, en ayant toutes mes relations là-haut, parce que c'est là qu'est Christ qui est ma vie. La vie du chrétien est une chose très définie — elle n'est pas du tout ici-bas.

«D'où aussi nous attendons le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur». Pourquoi est-il nommé ici «Sauveur?» Dans un certain sens, tous les chrétiens sont sauvés — nous avons la vie éternelle. Mais, dans cette épître, le salut est le résultat de la rédemption. Pratiquement, Israël était sauvé hors d'Egypte dès qu'il eut traversé la mer Rouge, mais il n'avait atteint son but que lorsqu'il eût aussi passé le Jourdain. Nous avons dans la mer Rouge, la mort et la résurrection de Christ. Le sang sur les poteaux et le linteau des portes mettait les Israélites en sûreté quand Dieu passait à travers l'Egypte, frappant les premiers-nés. La question quant au péché était réglée entre Dieu et eux; toutefois Dieu était là dans son caractère de juge et il les épargne. Ce n'était pas la délivrance. Mais lorsqu'ils arrivent à la mer Rouge, Dieu dit: «Tenez-vous là, et voyez la délivrance de l'Eternel». Dieu était intervenu comme Sauveur, les avait tirés du lieu où ils étaient, et ainsi ils étaient délivrés. Lorsque j'en viens au Jourdain, c'est encore une autre chose. Les eaux ne s'ouvrent pas pour faire sortir les Israélites du lieu où ils étaient, mais pour les introduire en Canaan. Ce n'est pas seulement que Christ est mort et ressuscité pour nous, mais nous sommes morts et ressuscités avec Christ. La mer Rouge est frappée, pour ainsi dire; mais l'arche descend et se tient dans le Jourdain, et nous le traversons avec elle. L'opprobre de l'Egypte ne fut jamais roulée de dessus les Israélites jusqu'à ce qu'ils fussent entrés en Canaan. Il en est ainsi de nous. Je ne possède point la délivrance, ni une pleine puissance pour être dans les lieux célestes, jusqu'à ce que j'aie vu que je suis mort et ressuscité avec Christ. Jusqu'alors je n'ai pas saisi ma place.

L'avez-vous saisie, chers amis? S'il en est ainsi, tout votre désir sera là, et vous soupirerez pour y être bientôt aussi. Christ est en haut, et le coeur du chrétien est avec Christ; ses affections sont dans le ciel, et il attend le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur. Le caractère que Paul assigne au chrétien est celui d'un homme qui a vu Christ dans la gloire et qui dit: Voilà mon espérance; ma bourgeoisie est dans les cieux, et tout ce que j'ai à faire dans ce monde est de courir vers ce but, vers Christ, avec autant d'énergie que je puis pour l'atteindre.

Et mon espérance n'est pas la mort, quelque précieux qu'il soit de déloger pour être avec Christ; mais j'attends le Sauveur, «qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire». Nous poursuivons notre course vers le lieu où est notre position. Nous sommes en Christ, mais ce n'est pas ici la question. Nous avons saisi notre position; mais jusqu'à quel point la croix nous a-t-elle appris réellement ce que nous sommes? Elle nous dit que non seulement nos péchés sont ôtés, mais que c'en est fait de nous-mêmes — du moi. Pouvez-vous dire avec l'apôtre: «Ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu?» N'y a-t-il rien dans les circonstances d'ici-bas en quoi je vive? Les traverser, il le faut sans doute, mais vivons-nous en elles? Vivons-nous à Christ dans ce sens? Il y a bien des chrétiens qui n'ont aucune idée distincte qu'ils ont à prendre leur croix et suivre Christ. Puissions-nous apprendre que le temps est court. Puissent nos coeurs regarder à Christ si réellement, que nous soyons avec lui dans une relation consciente, que nos affections soient avec lui là-haut, et à cause de cela, que nous l'attendions venant des cieux pour transformer ce corps d'humiliation qui ne conviendrait pas à la céleste demeure. Où sont nos coeurs? Avons-nous le sentiment profond qu'il nous a associés avec lui-même? «Père», a-t-il dit, «je veux, quant à ceux que tu m'as donnés, que là où moi je suis, ils y soient aussi avec moi, afin qu'ils voient ma gloire».

Que le Seigneur nous donne d'avoir les yeux fixés sur lui, afin que nous jouissions pleinement de la conscience qu'il nous a pris pour être avec lui dans son amour ineffable, et afin que nous soyons ainsi réellement délivrés de la puissance du péché et du monde! Que le Seigneur arrête sur lui notre regard pour le contempler constamment et avec ferveur de coeur, afin que nous puissions dire comme David: «Mon âme s'attache à toi pour te suivre».