Les paraboles de Luc 15

 ME 1893 page 68

 

Je prie mon lecteur d'ouvrir sa Bible et de lire avec attention les trois paraboles contenues dans ce chapitre. Une chose frappe tout d'abord. Deux classes de personnes entourent le Seigneur: les pharisiens et les scribes d'une part, les publicains et les pécheurs (pécheurs scandaleux, gens de mauvaise vie) d'une autre. Les uns, gens estimables et religieux aux yeux du monde; les autres, le rebut de la société. Les premiers accusent Jésus de frayer avec les autres: «Celui-ci reçoit des pécheurs, et mange avec eux». Eux ne s'estimaient pas des pécheurs; ils se confiaient en leur propre justice et méprisaient les publicains et les pécheurs. Ils oubliaient cette grande vérité proclamée dans toute la parole de Dieu et résumée dans cette parole: «Il n'y a point de juste, non pas même un seul» (Romains 3: 10).

Que répond Jésus à cette accusation lancée contre lui? Cherche-t-il à excuser aux yeux des pharisiens ceux avec lesquels il mange? Dit-il: «Ils ne sont après tout pas si mauvais; il y a pourtant de bonnes qualités chez eux; ils ont eu de mauvais exemples; ne soyons pas si sévères?» Non, il ne pallie leurs fautes en aucune manière; il n'atténue en rien leur état. La grâce est venue par lui, sans doute; la grâce est apparue en lui; Lui l'a pleinement révélée. Mais en même temps, la vérité est venue par lui: la Parole faite chair habita au milieu de nous «pleine de grâce et de vérité» (Jean 1: 14, 17). La vraie grâce n'exclut pas la vérité: au contraire, elle ne peut s'exercer que selon la vérité. Dieu n'est pas comme un père faible qui ferme les yeux sur les fautes de son enfant. Il ne passe pas par-dessus l'état du pécheur. Il justifie l'impie, et montre ainsi sa miséricorde. Jésus, pour exercer sa grâce envers les pécheurs, insiste sur leur misérable état qu'il reconnaît pleinement. C'est ce que nous voyons clairement dans ses trois paraboles: l'état, le triste état du pécheur.

Prenons, en effet, la première. Nous y voyons une brebis qui s'est écartée du bercail. Elle est perdue: égarée, sans capacité pour retrouver son chemin; elle est perdue: loin du lieu où elle était en sûreté, exposée à mille dangers, en proie aux loups dévorants; elle est perdue, vaguant misérable, çà et là, sans autre perspective que de périr. Elle est perdue pour celui qui la possédait. Quelle frappante image de l'homme! Par son péché, il s'est éloigné de Dieu, le seul lieu de sécurité et de paix, et, comme Caïn, le voilà errant sans repos dans les sentiers du monde. Il cherche le bonheur, qui n'est qu'en Dieu, mais il ne peut le trouver. Il ne peut de lui-même revenir à Celui qu'il a abandonné le paradis terrestre lui est fermé; il n'a à attendre que la perdition. Quant à son état, il est perdu pour Dieu.

Que présente la seconde parabole? Une drachme perdue. La drachme a une valeur, mais elle a roulé dans quelque coin ténébreux. La lumière est loin d'elle, ou plutôt elle est loin de la lumière qu'elle a quittée. Son éclat ne brille pas. De plus, inerte comme elle est, elle ne saurait revenir d'elle-même à la lumière. Il lui faut un secours du dehors, sans quoi elle est condamnée à l'obscurité pour jamais. Qu'est donc l'âme de l'homme? Une valeur aussi, mais d'un prix infini; elle vaut plus que le monde entier (Marc 8: 36, 37) — elle est immortelle. Mais où est-elle, cette âme précieuse? «Dieu est lumière», en sa lumière nous sommes éclairés. Mais l'homme s'est éloigné de Dieu à l'instigation de Satan; il a roulé dans les ténèbres où il se trouve maintenant, assujetti au pouvoir des ténèbres, totalement impuissant pour s'en affranchir. Terribles ténèbres que celles-là! Ténèbres, non du corps, mais de l'âme; ténèbres morales qui lui dérobent la connaissance et la jouissance de Dieu, de son amour et de sa communion, la connaissance de la vérité quant à lui-même et quant à l'avenir qui l'attend.

L'âme va à tâtons dans ce cachot obscur où la puissance de Satan la tient enfermée. On parle de lumières, et l'on s'en vante; mais les fausses lueurs de la science et de la raison ne sont pas la lumière. Dans le présent, l'âme est dans les ténèbres quant à Dieu, et l'avenir, que sera-t-il pour elle? Bien plus terrible encore, car pour l'âme perdue, ce qui l'attend, ce sont «les ténèbres de dehors» (Matthieu 22: 13), l'éternelle séparation d'avec Dieu. Voilà l'état du pécheur. Non, Jésus ne le flatte, ni ne l'excuse. Il nous fait toucher du doigt la triste réalité: l'homme est perdu.

Prenons la troisième parabole. Le plus jeune fils a voulu s'affranchir de la présence de son père. Le paisible bonheur du foyer paternel ne lui suffisait pas; il n'était pas satisfait de tout ce dont l'amour de son père l'entourait. Il voulait être indépendant. Il amasse tout ce qui est à lui, il s'en va dans un pays éloigné, se livre à toutes ses convoitises, voit le néant du monde, tout lui manque, et il devient un gardeur de pourceaux, sous un maître sans coeur. Quelle chute! De la maison heureuse et honorée de son père, tomber dans la plus abjecte dégradation et la plus affreuse misère, être près de périr de faim! Y a-t-il un tableau plus frappant, plus complet et plus vrai de l'état de l'homme pécheur? L'homme était heureux en Eden, jouissant de la présence de Dieu et des biens dont il l'avait comblé. Mais l'homme, ayant prêté l'oreille à Satan, ne fut plus satisfait. Il a voulu être indépendant de Dieu. N'est-ce pas toujours un des traits dominants de son caractère? Il a amassé tout ce qu'il a, et que, cependant, il tient de Dieu; intelligence, mémoire, raison, faculté de sentir, de jouir, force, santé, il a dit: Tout cela est à moi. Il s'est éloigné de Dieu, le bannissant de sa pensée autant que possible — ne le voyons-nous pas chaque jour autour de nous? Ah! si seulement il n'y avait pas de Dieu, comme cela gênerait moins! Et on s'efforce de se le persuader. On veut être loin, bien loin de lui, aussi loin que possible, pour n'être pas troublé et se livrer à ses convoitises — celles de la chair et des yeux, dans les plaisirs — et à l'orgueil de la vie, dans la richesse, le luxe, les arts, la science. Etranger à la vie de Dieu, voilà ce que l'homme est devenu, et ne vivant que pour la terre. Et avec tout cela, a-t-il le bonheur? Non; tout est dépensé; ses désirs ne sont pas assouvis, ses besoins ne sont pas satisfaits; le monde ne peut rien lui donner qui y réponde. Il est en réalité esclave de Satan, dégradé par ses passions et la recherche des choses de la terre, lui qui était fait pour Dieu, et il n'a devant lui autre chose que de périr dans sa misère, loin de Dieu. Quel sort terrible! Le fils prodigue était perdu et mort pour son père; l'homme pêcheur est perdu et mort à Dieu dans ses fautes et dans ses péchés.

Non, Jésus qui est la vérité, ne flatte point l'homme, n'atténue point ses fautes, ne voile pas son état. Partout la parole de Dieu trace de l'homme ce portrait triste et douloureux à contempler, mais vrai. Et remarquez que c'est de l'état de l'homme qu'il s'agit, pas seulement de ses actes qui d'ailleurs ne sont que la conséquence de son état. Et de cet état il ne peut sortir par lui-même, quels que soient ses efforts. La brebis ne peut retrouver son chemin, la drachme revenir à la lumière, le fils recouvrer sa position.

Que deviendra donc le pécheur? A cette question il n'y a qu'une réponse; c'est celle de l'amour, de la grâce de Dieu. C'est cet amour merveilleux, infini, seule et unique, mais parfaite ressource qui, sans être nommée, se fait voir à chaque ligne de ces simples et touchantes histoires. C'est l'amour dans son activité pour chercher et sauver ce qui est perdu.

Le berger aime sa brebis perdue; il en a bien encore quatre-vingt-dix-neuf autres, mais celle qui l'a quitté, ne lui est pas devenue indifférente. Il ne peut se résoudre à la laisser en proie aux bêtes féroces, ou périr dans quelque précipice. Elle a du prix à ses yeux. Il faut qu'il la retrouve, et pour cela il ne s'épargnera aucune peine. Il va après la brebis perdue par monts et par vaux, la cherchant et l'appelant, sans compter les dangers et les fatigues. Les autres il les a laissées; il a tout quitté; il n'a souci que de celle qu'il cherche. Nous savons, cher lecteur, qui ce berger représente. C'est Jésus — celui qui se nomme lui-même le bon Berger. Il a vu l'homme perdu, s'égarant toujours plus loin de Dieu et du bercail céleste, en proie aux pièges et aux mensonges de Satan, près de périr, et son coeur a été ému. Il s'est proposé pour venir chercher et sauver ce qui était perdu. Il a dit:  «Me voici, je viens, ô Dieu, pour faire ta volonté» — tout ce qu'il fallait pour atteindre son but de grâce. Pour cela, il a tout laissé et est venu sur cette pauvre terre annoncer le salut, appeler à lui les pécheurs perdus, souffrir les travaux, la honte, l'ignominie, la croix, et descendre dans la mort pour arracher à Satan sa proie, comme autrefois David enleva sa brebis de la gueule du lion et de l'ours. Il est descendu dans les profondeurs du sépulcre, Lui, le Prince de la vie, et, par la mort, a détruit celui qui avait l'empire de la mort, le diable (Hébreux 2). Il a brisé sa puissance. Voilà ce que Jésus a fait pour sauver et pouvoir ramener à Dieu le pécheur perdu. Qu'est-ce qui l'a porté à ce renoncement si complet? Il nous aimait, c'est là le secret. Il cherchait ces pauvres publicains et pécheurs, parce qu'il les aimait et voulait les sauver. Il nous cherche, parce qu'il nous aime. L'amour se donne, se dévoue, s'oublie, souffre pour l'objet aimé. Connaissons-nous cet amour si grand de Jésus? Pouvons-nous dire: «Le Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est donné lui-même pour moi»?

La femme apporte la lampe pour retrouver la drachme perdue, et elle la cherche diligemment, parce que la drachme a du prix pour elle. Nous avons là l'image de l'Esprit Saint, venant apporter à l'âme immortelle du pécheur la lumière de la parole de Dieu, lui annonçant la bonne nouvelle de la grâce, insistant pour qu'il la reçoive. Dans les ténèbres où gît l'âme du pécheur, il fait luire la lumière. C'est par une prédication, par un traité, ou un verset de la Bible. L'Esprit Saint l'applique au coeur, à la conscience. Il fait briller dans l'âme Dieu et son amour, Christ et son oeuvre, et presse le pécheur de se rendre. L'Esprit Saint découvre «la lumière de l'évangile de la gloire du Christ» et fait «luire la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Jésus Christ» (2 Corinthiens 4: 4, 6). Hélas! ils sont nombreux ceux qui refusent de se laisser amener à la lumière, qui aiment mieux les ténèbres que la lumière, parce que leurs oeuvres sont mauvaises (Jean 3: 19), et qu'ils les préfèrent à la joie de la présence de Dieu. Mais dans cette action de l'Esprit Saint pour éclairer l'âme, dans cette recherche diligente du pauvre pécheur perdu dans les ténèbres, pour l'amener à Dieu, ne voyons-nous pas l'exercice actif de l'amour divin? Mon cher lecteur, votre âme sauvée se réjouit-elle dans la lumière?

Chacun de nous comprend qui est ce père accueillant avec tendresse son fils repentant. C'est Dieu. Les deux premières paraboles nous ont montré l'activité de l'amour cherchant le pécheur perdu et impuissant pour se sauver. La troisième nous dit le résultat de cette recherche dans l'âme et dans les voies du pécheur, et ensuite les sentiments du coeur de Dieu envers le pécheur qui vient à lui. Remarquons qu'il semble que le fils prodigue revienne de lui-même à d'autres sentiments, mais, en réalité, il faut avant tout qu'il revienne à lui-même, qu'il rentre dans son bon sens, qu'il soit éclairé dans son âme. Alors il sent sa misère, il se voit près de périr, il se rappelle la maison de son père, il forme le dessein d'y aller, de s'humilier, de demander seulement une place de serviteur pour ne pas mourir de faim. Il en est ainsi du pécheur perdu. Qui vient lui découvrir son état de ruine, et l'impuissance du monde à le secourir? Qui vient lui faire sentir ses besoins, lui parler de Dieu, et lui montrer que sa misère provient de ce qu'il est loin de ce Dieu qui seul peut la soulager? Qui fait revenir à elle-même l'âme angoissée? C'est l'action de l'Esprit Saint, qui porte la lumière dans l'esprit du pécheur, comme aussi c'est lui qui inspire la repentance et pousse le coupable à venir vers Dieu. Le voilà donc qui se met en route, le coeur brisé. Le voilà en vue de la maison paternelle. Que dira le père, comment agira-t-il envers le misérable qui s'approche de lui? Ah! chers amis, c'est à ce point de ce récit incomparable, que Jésus nous dévoile tout le coeur du Père, tout cet amour que lui connaissait si bien: «Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître» (Jean 1: 18). Le père voit de loin celui dont il attendait toujours le retour; il est ému de compassion en voyant sa profonde misère; il n'attend pas que son fils soit à ses pieds implorant son pardon, il court à lui, il le serre dans ses bras malgré ses haillons; c'est son enfant qui était mort et qui est revenu à la vie, qui était perdu et qui est retrouvé. Le pardon était dans son coeur avant même le retour du prodigue; il le scelle par ses baisers. N'est-ce pas là l'expression de l'amour sous son caractère le plus touchant? L'amour qui oublie les offenses, qui pardonne sans arrière-pensée, qui reçoit avec tendresse. Eh bien, c'est là l'amour de Dieu envers nous. Dieu a pensé à nous dès l'éternité; sort coeur a été ému envers nous; il nous a reçus tels que nous étions, malgré ce que nous étions; nous sommes pardonnés à jamais; ses bras se sont ouverts pour nous recevoir; il a constaté ainsi son amour envers nous. Sans doute, c'est à cause de l'oeuvre de Christ; mais là encore et de la manière la plus parfaite s'est montré son amour. Comment eût-il pu nous recevoir, si Christ n'était mort pour nous? Oui; le coeur de Dieu, voilà ce qui nous est révélé, ce coeur que nous, chrétiens, devrions si bien connaître, et que nous connaissons si peu. «Dieu est amour;» comme ce que Dieu est, éclate d'une manière merveilleuse dans ces trois simples récits, et comme cela parle au coeur! Quelle activité, quelle profondeur, quelles richesses, dans cet amour! Dieu le Fils le montre en laissant tout, et sa vie même, pour chercher et sauver sa brebis perdue; Dieu le Saint Esprit manifeste l'amour en cherchant diligemment celui qui est dans les ténèbres et sans puissance pour en sortir, et Dieu le Père accueille l'enfant repentant, le serre dans ses bras, de manière à ce qu'il sente toute la chaleur de cet amour le pénétrer.

Un autre trait dans nos paraboles vient faire ressortir la grandeur de l'amour divin. C'est la joie du coeur de Dieu quand le pécheur est sauvé. C'est la joie de Dieu, qui seule est montrée, il n'est pas question de celle du pécheur, retrouvé. Le berger, bien joyeux, met la brebis sur ses épaules; la femme se réjouit d'avoir trouvé sa drachme, et le père, pouvons-nous douter de sa joie, bien qu'elle ne soit pas exprimée dans les paroles du récit? Elle en ressort partout, mais, si j'ose dire ainsi, l'émotion profonde dont la compassion et la tendresse remplissent son coeur, se mêlent trop à sa joie pour qu'elle soit nommée. Et combien ce trait est touchant et vrai. Mais à sa joie, Dieu associe toute sa maison: «Il fallait faire bonne chère et se réjouir». C'est dans le ciel, la demeure de Dieu, qu'éclate la joie causée par le salut d'un pécheur, mais le Berger y est entré, bien joyeux (voyez Hébreux 12: 2). C'est devant les anges de Dieu qu'il y a de la joie; ils la contemplent et s'y associent. La joie du Père éclate devant tous ses serviteurs dans les ordres qu'il leur donne pour la réception de son fils dans la maison paternelle. Le festin, la mélodie et les danses en sont l'expression. Ne semble-t-il pas que l'on entende l'Alléluia retentir dans les parvis célestes: «Réjouissons-nous et tressaillons de joie?»

Est-ce à dire que cette joie n'a pas son écho dans le coeur de celui qui est sauvé? Loin de nous cette pensée. Chaque chrétien sait quelque chose de «cette joie excellente» dont parle le cantique, la joie du salut. Mais au moment de la délivrance, quand l'âme fait connaissance du pardon, quand elle reçoit le sceau de l'adoption dans les bras du Père, le soulagement du coeur produit par la vue et la jouissance de l'amour parfait qui chasse toute crainte, domine tout autre sentiment. Cet amour est versé dans nos coeurs par le Saint Esprit qui nous a été donné, et il y a chez nous une réponse: «Nous, nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier». Mais c'est ce que Dieu est, ce qu'il a fait pour nous, la place qu'il nous donne, qui remplit l'âme. Elle se souvient d'où elle a été tirée, et jouit silencieuse de son bonheur. C'est plus tard, après quelques pas de plus dans cette vie nouvelle, que l'âme, contemplant de nouveau ce que Dieu lui a donné, éclate en chants de joie et dit: «Je me réjouirai avec joie en l'Eternel, mon âme s'égayera en mon Dieu; car il m'a revêtu des vêtements du salut, il m'a couvert de la robe de la justice» (Esaïe 61: 10). La joie dans le Seigneur est un des privilèges du chrétien, car «le royaume de Dieu est justice, et paix, et joie dans l'Esprit Saint» (Romains 14: 17). Mais ici, c'est la joie de Dieu d'avoir retrouvé ce qui était perdu, et cette joie nous dit son amour, combien il tient à nous, créatures si indignes, auxquelles il donne une place avec son Fils, près de son coeur.

Enfin ce qui, dans nos récits, fait encore ressortir l'amour de Dieu, c'est la sécurité parfaite qu'il donne à l'âme sauvée et reçue par lui. Comment le berger agit-il avec sa brebis retrouvée? La laisse-t-il se tirer d'affaire comme elle pourra? Se contente-t-il de lui montrer le chemin pour qu'elle y marche? Non. Il connaît sa faiblesse, son impuissance, elle pourrait de nouveau se perdre. Il la place sur ses propres épaules, et là, elle est dans une sécurité et un repos parfaits. Il la porte et la défend, la conduit ainsi sûrement au bercail; qui ira la prendre où elle est? Il faudrait d'abord lui ôter la vie, à lui. Quelle belle image de la sécurité où nous sommes, une fois sauvés par Jésus! N'a-t-il pas dit: «Je connais mes brebis… et moi, je leur donne la vie éternelle, et elles ne périront jamais; et personne ne les ravira de ma main»? (Jean 10: 27, 28). C'est là ma sécurité. Je repose dans les bras de Celui qui est sur le trône du Père, et je suis heureux de me savoir là. C'est lui qui me garde, et non pas moi. Je n'ai pas à regarder à ma jouissance, à mon sentiment de bonheur et de paix pour en faire la mesure de ma sécurité, car ce qui tient à moi varie; mais Jésus ne change pas. Il s'est chargé de moi, Il ne me laissera pas périr, personne ne me ravira de ses bras. C'est là tout pour moi.

Et la drachme? Elle était perdue, mais une fois retrouvée, la femme la serre soigneusement avec le reste de sa fortune, et elle veillera à ce qu'elle ne s'égare plus. L'Esprit Saint qui a cherché l'âme immortelle, qui l'a amenée dans la lumière, qui l'a conduite à Dieu, ne la laissera pas. C'est par lui que j'ai la vie, il en est la puissance, il demeure pour toujours avec moi, Il m'a introduit comme un joyau précieux dans le trésor de Dieu, qui viendra le dérober là?

Et qui viendra arracher des bras du père le fils retrouvé? Qui intentera accusation contre celui que le père a fait revêtir de la plus belle robe? Qui viendra l'enlever de la maison paternelle où l'amour l'a introduit pardonné, justifié? La sécurité du fils repose maintenant tout entière sur l'amour du père. N'en est-il pas ainsi de nous, chers amis? Vous avez été reçus par Celui qui a dit: «Je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés, ni de leurs iniquités». Le pardon a été scellé par le don de l'Esprit Saint, le baiser d'amour du Père, l'Esprit d'adoption qui vous fait crier avec confiance: «Abba, Père!» Vous avez été justifiés par lui, qui vous condamnera? Il vous a donné Christ pour justice et sainteté, une place dans sa maison. Voudrait-il vous ôter ces dons précieux? Non; Christ a dit: «Mon Père qui m'a donné mes brebis est plus puissant que tous, et personne ne peut les ravir de la main de mon Père». Pensez-vous que le fils dans les bras de son père, éprouvât aucune crainte, aucun doute? Il était là et sentait battre son coeur contre le sien, qu'aurait-il craint, pourquoi aurait-il douté? Il pouvait s'humilier, reconnaître son indignité, c'était bien; mais avec tout cela, il était dans les bras de son père. Ainsi en est-il de nous. Notre place est là, non pas une fois, mais toujours. «Je suis assuré», s'écrie Paul en jetant un saint défi à tout ce qui existe de créé, «que nulle créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu, qui est dans le Christ Jésus, notre Seigneur» (Romains 8: 39). O triomphe de l'amour au-dessus de la mort, de la vie, des principautés, des puissances, triomphe présent et éternel! Je suis dans les bras de mon Père, dans les bras de l'amour parfait qui bannit la crainte, et nul ne m'en arrachera.

Remarquez, en terminant, les trois phases de l'histoire du fils prodigue. D'abord, il veut jouir pour lui-même, s'en va loin de son père et ne trouve que misère. Ensuite, il revient à lui-même, et alors n'est occupé que de lui-même: «je me lèverai», «j'irai», «je dirai;» c'était bien, mais cela ne lui donnait ni paix, ni pardon, ni assurance. Il n'avait aucune certitude d'être reçu, même comme un mercenaire. Mais quand il est dans les bras de son père, il en a fini avec lui-même, il a reconnu son péché, et c'était bien. Dans les bras du père, couvert de ses baisers, revêtu de la plus belle robe, il n'est plus question de lui, mais de son père seulement et des bienfaits dont son père le comble. Ainsi, chers amis, en est-il de nous. Aussi longtemps que vous vous occupez de vous, de ce que vous direz et ferez pour approcher de Dieu, vous n'aurez ni paix, ni assurance. Il faut en finir avec vous-mêmes, «et cette fin vous la trouvez dans l'amour de Dieu, à la croix de Christ, où vous voyez que Dieu a fait tout pour vous. Oh! comme Paul, qui était une brebis perdue, cherchée et trouvée, devenu fils de Dieu et revêtir de la plus belle robe, après avoir été un blasphémateur et un persécuteur, comme Paul était vraiment sorti de lui-même, avait compris qu'il en avait fini avec lui-même, quand il s'écriait: «Je ne vis plus moi… je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé, et qui s'est livré lui-même pour moi» (Galates 2: 20). Puissiez-vous tous, chers amis, avoir trouvé la fin de vous-mêmes auprès de Dieu, dans son amour; la fin de vos péchés, de vos tourments, de vos doutes, de vos efforts pour atteindre ce qui est hors de votre portée — je veux dire une position assurée devant Dieu, pour vous reposer pleinement dans ses bras.

Un mot encore touchant le fils aîné. C'est le triste arrière-plan de cet heureux tableau. La maison retentit des chants et de la danse; tout n'est que joie provenant de la grâce et de l'amour qui a reçu celui qui était perdu. Mais lui, sombre et mécontent, ne connaît pas la grâce et ne veut pas en jouir. Il représente ceux qui veulent par eux-mêmes se faire bien venir de Dieu et estiment, par leurs bonnes oeuvres, avoir un droit sur lui: «Voilà tant d'années que je te sers, et jamais je n'ai transgressé ton commandement», et qui accusent Dieu d'injustice de ne pas les récompenser selon ce qu'ils estiment leurs mérites — aussi ceux-là ne connaissent-ils pas la joie qui provient de l'exercice de la grâce; ils s'excluent eux-mêmes de ce bonheur; ils refusent d'entrer. Quelle folie est la leur! Plus on connaît sa propre misère, plus on est capable de connaître et de goûter la grâce; et mieux on apprécie la grâce, plus le coeur se dilate et est heureux.

Puissions-nous la connaître toujours mieux, cette grâce qui règne par la justice, qui s'exerce justement envers le pécheur, parce que Dieu a été pleinement satisfait et glorifié par le Seigneur Jésus Christ.